3. Des arbitrages permanents
Il apparaît ainsi qu'à l'occasion de leurs décisions d'investissements, les entreprises doivent précisément analyser les coûts et les avantages offerts par chacun des différents sites géographiques envisageables , et examiner quels objectifs sont susceptibles de leur faire choisir une alternative à la délocalisation. A cet égard, le transfert physique d'activités vers les pays à bas coûts n'apparaît que comme un des leviers possibles d'amélioration de la productivité . Une étude de cas économique de délocalisation correctement réalisée se devra donc de poser la question de l' objectif réel (délocalisation et/ou productivité), d'isoler l'impact de chacun des leviers envisagés, et de comparer des scénarios assez éloignés pour sélectionner celui qui répondra au mieux aux besoins long terme de l'entreprise et à son profil de risque.
A cet égard, une opération de délocalisation réussie résulte toujours d'une combinaison de facteurs opérationnels : transfert et embauches, certes, mais aussi mise en place de processus de travail innovants, contrôles qualité les plus récents, outils informatiques, etc. Sans ces leviers complémentaires, l'objectif poursuivi de 20 % à 40 % d'économies n'est en général pas atteint.
Ainsi, les représentants du cabinet ATKearney entendus par votre groupe de travail lui ont indiqué, en s'appuyant sur leur expérience pratique de consultants, que jusque 60 % des économies possibles dans un scénario de délocalisation pouvaient être atteintes sans délocaliser . En faisant localement l'effort de restructurer en profondeur le site de production , de former les personnels , de changer l'organisation (souvent une co-localisation de plusieurs centres anciens), de mettre en place de nouveaux processus et outils , voire de monter la production en gamme , l'entreprise peut obtenir des résultats jugés suffisamment satisfaisants pour justifier le maintien local de l'activité . Si, dans cette hypothèse, l'implication managériale nécessaire est importante pour lever les résistances sociales ou politiques, affronter les lourdeurs administratives et convaincre les actionnaires, les risques liés au transfert d'activité vers les pays à bas coûts sont absents.
Lors de son déplacement dans la Drôme, le groupe de travail a ainsi pu constater combien de telles stratégies de niche et de recherche de haute valeur ajoutée pouvaient être payantes : M. Jean-Claude Ricomard, PDG des Tanneries Roux , lui a indiqué que le traitement de peaux de veaux françaises et l'excellence du processus industriel permettaient à l'entreprise de fournir les plus grandes marques de la maroquinerie, telles Hermès ; par ailleurs, M. Michel de Tapol, président de Charles Jourdan , a conservé dans le bassin de Romans la fabrication de ses chaussures de luxe grâce à un souci constant de qualité et d'innovation, la rapidité des processus tout au long de la chaîne de production, et la réactivité à l'égard du marché.