b) La « politique industrielle » communautaire : un triptyque à conforter
Trois axes d'action sont tracés par la Commission afin d'offrir à l'industrie communautaire un environnement attractif en Europe pour son activité et son développement : mieux légiférer, miser sur la synergie entre les politiques communautaires, et développer des politiques sectorielles.
• Mieux
légiférer
: il s'agit d'améliorer
l'environnement réglementaire dans lequel évoluent les
entreprises industrielles européennes, en matière de droit
fiscal, social, commercial, sanitaire, environnemental, de l'urbanisme... Cette
amélioration a deux volets :
simplification
et
harmonisation
. L'objectif est de simplifier le cadre
réglementaire dans lequel évoluent les entreprises
européennes mais aussi de promouvoir l'harmonisation des règles,
une règle unique à l'échelle du marché
intérieur favorisant la compétitivité de
l'entreprise
. Il ne s'agit donc pas d'alléger
systématiquement toutes les règles applicables. La Commission
relève notamment que l'absence de règles - par exemple en
matière de brevet communautaire - peut être
préjudiciable à la compétitivité de l'industrie.
Afin de mieux légiférer, le Conseil européen de Bruxelles, en mars 2004, a encouragé deux avancées :
- accorder une attention particulière à la dimension « compétitivité » , dans le cadre de l'étude d'impact à laquelle est soumise toute initiative de la Commission européenne ;
- évaluer l'impact cumulatif de la législation communautaire sur la compétitivité , l'interaction entre les règles imposées à certains secteurs industriels au titre de politiques communautaires différentes pouvant peser sur leur compétitivité.
Ce deuxième point, qui laisse apparaître en filigrane la nécessité d'approches sectorielles , est une brèche ouverte dans l'approche trans-sectorielle de la compétitivité défendue par la Commission, ce dont se félicite vivement votre groupe de travail. Sa mise en oeuvre méritera d'être suivie avec vigilance.
• Optimiser les synergies entre les
différentes politiques
: il s'agit de promouvoir une
approche intégrée des questions de
compétitivité
.
La quasi-totalité des politiques communautaires ont une incidence sur la compétitivité de l'industrie. La Commission présente donc les aspects de ces diverses politiques communautaires qu'il conviendra d'appuyer dans l'avenir afin d'accroître la compétitivité des entreprises européennes : politique de la formation, politique fiscale, politique de cohésion, politique commerciale, politique de recherche, politique d'innovation, politique de la concurrence, politique des transports et de l'énergie, politique environnementale, politique de promotion des technologies de l'information...
La synergie à dégager s'organise autour de cinq priorités, qui concourent toutes à la compétitivité :
- mettre la connaissance au service des entreprises (recherche (166 ( * )), innovation, qualification de la main d'oeuvre, TIC, contribution de la politique de la concurrence pour la diffusion de l'innovation) ;
- améliorer le fonctionnement du marché intérieur (plus grande liberté de circulation des produits et des services, politique de la concurrence orientée vers les gains d'efficacité, impact sur la compétitivité de la libéralisation des marchés énergétiques, levée des obstacles fiscaux à l'achèvement du marché intérieur) ;
- mettre les politiques de cohésion au service des mutations industrielles et structurelles (proposition de création d'un Fonds d'ajustement pour accompagner des restructurations sectorielles ou géographiques spécifiques , soutien aux systèmes régionaux d'innovation, développement des réseaux transeuropéens et des grands projets) ;
- mieux concilier développement durable et compétitivité (promotion de la production durable, développement des énergies et technologies « propres », encouragement du dialogue social) ;
- favoriser le développement international des entreprises communautaires (facilitation de l'accès aux marchés extérieurs pour les entreprises européennes, au plan tarifaire et non tarifaire, rôle de la normalisation et du respect des droits de propriété intellectuelle, respect multilatéral des règles internationales du commerce, extension des règles européennes aux pays voisins, développement de l'aspect international de la politique de l'environnement).
Le long développement - proche d'un inventaire à la Prévert - que consacre la communication de la Commission à cette nécessaire mise en cohérence des multiples instruments communautaires au service de la compétitivité atteste de la prégnance que continue d'avoir à Bruxelles la vision « horizontale » de la politique industrielle : il est en effet question, ici, de tous les moyens d'améliorer l'environnement des entreprises industrielles.
Il est évidemment indispensable de penser l'articulation des politiques communautaires et de les orienter ensemble vers l'objectif fixé au sommet de Lisbonne en 2000 : faire de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » . Mais cet impératif se situe en fait dans le prolongement de l'action menée jusqu'à présent par les instances communautaires , et il faut bien reconnaître que ses résultats ont pu paraître plutôt décevants à ce jour : si le choix de favoriser la compétitivité a déjà été fait à Lisbonne, une distance importante sépare encore les résultats obtenus par l'Union européenne à ce jour des ambitions qu'elle s'est fixée (167 ( * )).
La communication de l'Union européenne n'invite pas à la rupture sur ce point, faisant ainsi peu de cas de l'inquiétude relayée par les Etats membres.
• Appliquer une politique industrielle
différenciée selon les secteurs
Comme elle l'avait déjà esquissé il y a un an et demi, la Commission européenne admet toutefois la nécessité d'une approche verticale pour tenir compte des spécificités de certains secteurs industriels . Ou plutôt, elle convient que « bien qu'horizontale par nature, la politique industrielle doit s'adapter aux particularités de chaque secteur » .
En 2002, elle soulignait notamment le besoin élevé d'une contribution R&D dans l'industrie de l'acier, la nécessaire prise en compte de la protection de l'environnement et du consommateur dans les secteurs de la chimie et de la biotechnologie, du caractère encore inachevé du marché intérieur dans l'industrie aérospatiale et des surcapacités dans le secteur des télécommunications.
L'élan ainsi impulsé en 2002 représente le début d'un processus qui s'est déployé sous la houlette du nouveau Conseil « compétitivité » alors créé pour s'affirmer aujourd'hui avec la récente communication d'avril 2004. Le changement de climat semble donc se confirmer .
Comme le remarque opportunément la Commission, selon les secteurs , les défis compétitifs sont de nature différente : d'ordre réglementaire pour un secteur reposant sur l'innovation telle l'industrie pharmaceutique, ou pour un secteur concerné par le développement durable comme la chimie, d'ordre surtout commercial pour des secteurs comme le textile, ou encore imputables à l'inachèvement du marché intérieur pour d'autres filière. Conformément à ces observations, la Commission a déjà été engagé des initiatives sectorielles à destination des secteurs de la pharmacie, de la construction navale, des biotechnologies, du textile-habillement ; d'autres sont annoncées pour l'automobile, les métaux non ferreux, les éco-industries ou les technologies de l'information. Ces initiatives, qu'il convient de saluer, manquent toutefois de visibilité . Votre commission invite donc l'Union européenne à persévérer dans ces efforts d'adaptation des politiques communautaires aux exigences spécifiques à chaque secteur et à donner à ces efforts la visibilité qu'ils mériteraient.
Cette persévérance est d'autant plus nécessaire qu'une réticence certaine à aller plus avant dans l'approche sectorielle transparaît toutefois dans la communication de la Commission, qui tient à rappeler que « le développement par la Commission d'activités en matière sectorielle ne correspond pas à un retour aux politiques interventionnistes du passé, mais s'appuie au contraire sur l'adaptation d'actions de nature essentiellement horizontale aux besoins spécifiques identifiés au niveau sectoriel » .
Il n'est évidemment pas dans l'intention de votre commission de renouer avec l'interventionnisme passé. Elle souligne d'ailleurs le préjudice qu'un excès d'interventionnisme ne manquerait pas d'engendrer pour l'économie européenne.
Mais le danger d'être excessif en cette matière n'est sans doute pas celui qui guette le plus l'Union européenne.
C'est pourquoi votre commission juge indispensable d'entretenir et même de conforter l'élan donné à la notion de « politique industrielle » européenne . Les orientations tracées par la Commission et brièvement présentées plus haut sont excellentes et doivent être scrupuleusement suivies par les Etats membres et par l'Union : il s'agit déjà d'une ambition importante. Notamment, il importe de veiller systématiquement à prendre en compte les intérêts de l'industrie au même titre que d'autres intérêts légitimes lors de la définition des politiques européennes. Une meilleure exploitation des synergies entre les diverses politiques communautaires et leur combinaison optimale au niveau sectoriel sont assurément des objectifs prioritaires à fixer pour l'Union européenne.
* (166) Un agenda stratégique sur l'avenir de la recherche dans l'industrie manufacturière sera présenté à l'automne 2004 afin d'identifier les grandes orientations de la recherche susceptibles d'accroître la compétitivité de cette industrie.
* (167) Voir le « Rapport de la Commission au Conseil européen de printemps - Réalisons Lisbonne : Réformes pour une Europe élargie » - COM (2004) 29 du 21 janvier 2004 - Broad Economic Policy Guidelines (COM (2003) 4 final).