F. DES PISTES À CREUSER
1. En matière de conduite automobile
a) Prendre en compte les effets des médicaments sur la conduite automobile
Plusieurs personnalités auditionnées par la
commission
d'enquête ont insisté sur l'opportunité de
réfléchir à une meilleure prise en compte de l'influence
de certains médicaments sur la conduite automobile.
M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale,
s'est ainsi déclaré, lors de son audition, convaincu que beaucoup
d'accidents inexpliqués étaient dus aux drogues ou aux
médicaments. Le professeur Claude Got, expert en sécurité
routière, a fait lors de son audition état d'une étude
d'une société d'assurance automobile du Québec montrant un
risque significativement augmenté d'accident avec les anxiolytiques, et
a indiqué à la commission d'enquête que
«
gérer le problème du cannabis au volant sans
gérer celui des médicaments au volant heurte profondément
le sens de la cohérence dans l'action publique.
»
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et
des personnes handicapées, a également estimé
nécessaire de s'intéresser à la conduite sous l'influence
de médicaments psychoactifs.
Aussi le docteur Patrick Mura, tout en rappelant que, selon son étude,
le facteur de risque pour les médicaments psychoactifs était de
1,7 (contre 2,5 pour le cannabis), a-t-il préconisé de classer
les médicaments par ordre de dangerosité et d'interdire la
conduite avec les médicaments très dangereux, et s'agissant de
médicaments potentiellement dangereux, de les limiter aux
déplacements professionnels. Il a rappelé que la loi dite Gayssot
avait instauré l'apposition d'un pictogramme, mais que cette mesure
s'était révélée inefficace, les
sociétés pharmaceutiques, pour des raisons de
responsabilité, ayant mis un pictogramme sur toutes les classes de
médicaments.
b) Développer les tests comportementaux
La loi
du 3 février 2003 relative à la conduite sous l'influence de
substances ou plantes classées comme stupéfiants permet aux
forces de l'ordre de procéder à des contrôles dès
lors «
qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner (que le conducteur) a fait usage de
stupéfiants ».
Le nombre de contrôles susceptibles d'être opérés est
donc appelé à croître de manière très
significative. Or, sont actuellement utilisées des analyses d'urine,
puis de sang. Si ces analyses sont fiables, elles sont coûteuses et
contraignantes. Elles ne peuvent être pratiquées par les forces de
l'ordre au bord de la route et impliquent le transport des personnes
concernées vers des établissements médicaux ou
hospitaliers et l'attente des résultats. En 2001, 116.745 accidents
corporels ont été dénombrés, faisant 7.720 morts et
153.945 blessés. En prenant l'hypothèse qu'un accident concerne
deux véhicules, plus de 232.000 dépistages devraient être
effectués chaque année. Il ne paraît donc pas
réaliste de procéder à des dépistages
systématiques. En pratique, les forces de l'ordre ne font pas les tests
d'urine, qui sont trop longs à effectuer, et procèdent
directement aux tests sanguins.
Il serait donc souhaitable de mettre en place des tests comportementaux simples
qui seraient faits par les forces de l'ordre afin de procéder à
un premier tri, les analyses sanguines n'intervenant qu'à titre de
confirmation. Ainsi que l'a indiqué lors de son audition un pharmacien
toxicologue, des tests comportementaux tout à fait simples et bien
codifiés (appelés tests DRE -Drug Recognition Expertise-) sont
utilisés depuis 20 ans aux Etats-Unis.
Plusieurs expériences sont d'ores et déjà menées en
France. Ainsi, le docteur Mercier-Guyon assure la formation des forces de
l'ordre en Haute-Savoie. Par ailleurs, M. Alain Quéant, sous-directeur
de la police territoriale à la direction de la police de
proximité de la préfecture de police de Paris, a indiqué
qu'une expérience pilote était menée dans le
XVIII
e
arrondissement.
La commission d'enquête préconise donc que ces
expériences soient généralisées et que les forces
de police et de gendarmerie reçoivent la formation nécessaire
pour reconnaître certains symptômes susceptibles de
révéler une consommation de produits stupéfiants.
c) Cibler les contrôles
Il a
été fait état devant la commission d'enquête d'une
expérience menée en 2000 en Sarre (Allemagne). Des
dépistages de drogues ont été effectués de
façon très fréquente au cours des week-ends à
proximité des discothèques. La sanction en cas de contrôle
positif était la confiscation du permis et l'immobilisation du
véhicule jusqu'à ce que des tests indiquent l'abstinence. Cette
expérience a permis de constater une diminution de 69 % des
décès chez les jeunes de moins de 27 ans en une année,
alors que dans un autre Land pris comme témoin où les mêmes
contrôles avaient été effectués sans confiscation du
permis ni restitution après contrôles, la baisse n'avait
été que de 2 %.
La commission d'enquête préconise donc de s'inspirer de cette
expérience.