5. Une révision de la loi de 1970 ?
La
plupart des personnalités auditionnées par la commission
d'enquête ont mis en avant l'obsolescence de la loi de 1970, dans son
volet consacré à l'usage, destinée à l'origine
à contraindre les héroïnomanes dépendants à se
soigner, sous peine d'emprisonnement.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des libertés locales, a
ainsi estimé lors de son audition :
« Il faut donc
reconsidérer la loi de 1970 qui a vieilli et qui n'est manifestement
plus adaptée aux réalités. En 1970, l'objectif a d'abord
été de traiter l'augmentation considérable de l'usage de
l'héroïne. La procédure et les sanctions prévues
apparaissent aujourd'hui peu adaptées et trop lourdes face à la
consommation très importante de nouvelles substances de type cannabis et
ecstasy, alors que la plupart des usagers de drogues injectables ont rejoint
des programmes dits de substitution ».
Comme l'a précisé M. Didier Jayle, président de la MILDT,
à la commission d'enquête : «
La
réduction des risques a fait que cette loi s'est un peu vidée de
sa substance ».
En effet, il est difficilement concevable, par
exemple, de condamner à un an d'emprisonnement un jeune Centralien ayant
fumé un joint pour fêter son admission au concours.
M. Michel Bouchet, chef de la MILAD, a fort justement résumé
cette difficulté : «
La consommation des
stupéfiants ne devient constitutive d'une maladie qu'au stade de la
forte dépendance. C'est surtout cette situation que visait la loi de
1970 qui avait pour premier objectif l'orientation sanitaire des
héroïnomanes dépendants. Actuellement, environ 90 % des
consommateurs n'en sont pas à ce stade. On peut qualifier leur
comportement à la fois de ludique et transgressif. N'étant pas
dépendants, ils ne justifient pas un traitement sanitaire, mais
plutôt un accompagnement psychosocial préventif et une sanction
pénale adaptée à laquelle ils sont d'ailleurs accessibles
du seul fait qu'ils n'ont pas centré leur vie autour du produit. Ces
deux approches, psychosociale et pénale, ne sont d'ailleurs nullement
contradictoires. Il faut donc entamer
une réflexion sur
l'évolution des textes législatifs permettant de mieux
appréhender cette transgression de masse à laquelle il
conviendrait d'apporter une réponse pénale modernisée,
mieux adaptée, en même temps que plus systématique, plus
homogène et finalement plus efficace
. Bien sûr, ne seraient
pas éludées les nécessités relatives aux
orientations sanitaires et sociales. Abaisser les seuils et déboucher
sur une application plus homogène, plus constante et finalement plus
dissuasive qui peut être de nature administrative, à base de
suspensions de permis ou d'interdictions de le passer pour les
mineurs.»
Néanmoins, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, a estimé lors
de son audition que :
« Si nous devons développer une
dynamique publique, c'est davantage en faisant un effort de prévention,
de rééducation et de réinsertion, effort qui, lui, n'est
pas exclusivement judiciaire, qu'il faut agir, plutôt que de rouvrir un
débat à caractère législatif dont les
conséquences apparaissent incertaines. Je ne sais pas si la modification
de la loi est une priorité. Nous sommes beaucoup plus dans une
problématique concrète et pratique de mise en oeuvre des
politiques publiques. »
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et
des personnes handicapées, a pour sa part estimé lors de son
audition qu'il convenait de «
toiletter la loi, pas de se lancer
dans un grand chantier législatif
».
Cette position ne peut qu'être partagée par la commission
d'enquête.