3. Une réponse systématique aux comportements « déviants »

Si les textes normatifs prévoient de nombreuses mesures internes prononçables dans les établissements scolaires en cas d'infractions, notamment à la législation sur les stupéfiants (de la sanction disciplinaire au signalement aux autorités judiciaires), leur respect est souvent laissé au bon vouloir des chefs d'établissement, qui trop souvent préfèrent ignorer les problèmes signalés ou traiter l'affaire en interne. « De trop nombreux chefs d'établissements n'acceptent pas de reconnaître que les problèmes de drogues existent dans leur établissement » a ainsi déclaré devant la commission Mme Rabiller, ajoutant que « cette attitude est un frein à la prévention ».

C'est effectivement parce que le rappel à la loi et son application le cas échéant sont des moyens de prévention particulièrement efficaces que l'attention des directeurs d'établissement devra être attirée sur la nécessité d'apporter des réponses systématiques à toute infraction à la législation sur les stupéfiants.

Quatre objectifs pourront être assignés en ce sens :

- le premier serait d'informer clairement les élèves sur les risques qu'ils encourent en enfreignant la législation sur les stupéfiants . Si des informations y ayant trait sont mentionnées dans le règlement intérieur de chaque établissement, il ne constitue le plus souvent qu'un document administratif supplémentaire dont aucun élève n'a réellement connaissance. Il conviendrait, par exemple, d'y inscrire très clairement les sanctions prononçables en cas d'infraction à la législation sur les stupéfiants et de le faire lire à chaque rentrée scolaire par le professeur principal de chaque classe ;

- le deuxième axe consisterait à utiliser effectivement la palette des mesures susceptibles d'être prononcées en cas d'usage ou de trafic avéré , afin de faire respecter la réglementation, au premier rang desquelles la loi sur la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, dite « loi Evin » . Les enquêtes et témoignages recueillis font en effet état de son irrespect généralisé dans les établissements scolaires. La commission ne peut donc que se féliciter des mesures que le ministre de l'éducation nationale a déclaré prendre en concertation avec le ministre délégué à l'enseignement scolaire, consistant à rappeler le contenu de la « loi Evin » et surtout à l'appliquer, non seulement aux élèves mais aussi au corps enseignant dont la conduite doit être exemplaire dans les lieux publics ;

- le troisième axe d'orientation concerne le partenariat à renforcer, voire à établir, entre l'établissement scolaire et le milieu extérieur en ce qui concerne la suite à donner aux infractions signalées dans le périmètre scolaire. Si, en matière de prévention stricto sensu , les services de police et de gendarmerie sont surreprésentés dans les établissements d'enseignement, leur concours n'est pas toujours recherché lorsqu'il s'agit de poursuivre notamment les cas de trafic. Devant la commission M. Pierre Cardo, député-maire de Chanteloup-les-Vignes en a ainsi témoigné : « Il se passe des tas de choses dans les collèges dont on ne nous parle pas obligatoirement. L'éducation nationale nous appelle d'ordinaire pour le partenariat quand cela explose chez elle. En dehors de cela, quand nous proposons de l'aider, nous n'avons pas toujours un accueil très chaleureux. (...). On n'accepte pas (...) une intervention policière sur un jeune dans un collège. (...). Il faudra donc qu'au niveau des formations de base, qu'il s'agisse des enseignants ou des travailleurs sociaux, on insiste aussi sur ce que représente une plainte, l'intervention policière et la nécessité qu'elle puisse avoir lieu lorsque la loi n'est pas appliquée » ;

- enfin, dernière perspective d'évolution envisageable : la mise en oeuvre, autour de l'établissement, d'un périmètre dont le régime juridique en matière pénale serait spécifique. Cette idée, provenant des Etats-Unis et à laquelle le ministre délégué à l'enseignement supérieur s'est dit personnellement favorable devant la commission, consiste à considérer comme circonstance aggravante le fait pour toute infraction à la législation sur les stupéfiants, notamment le trafic, de se dérouler dans les environs immédiats de l'établissement scolaire. C'est en effet dans cette zone en contact direct avec l'école et ses élèves qu'ont lieu la plupart des petits « deals » permettant aux jeunes de s'approvisionner en produits illicites.

S'agissant de l'ensemble de ces mesures, la commission ne peut que se féliciter et appeler à la mise en oeuvre des orientations définies par le ministre délégué à l'enseignement scolaire dans sa communication au conseil des ministres du 26 février 2003, au cours de laquelle il avait déclaré que « les trafics ne doivent pas s'établir dans les établissements. Tout élève surpris à faire du commerce de produits illicites fera l'objet d'une procédure disciplinaire en vue de son exclusion, accompagnée d'un signalement aux autorités judiciaires ».

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Pour ne pas rester lettres pieuses, ces déclarations d'intention devront s'accompagner d'un effort financier substantiel au profit des actions de prévention. En matière de lutte contre la toxicomanie, la prévention demeure en effet le « parent pauvre » en termes de moyens humains, matériels et financiers. Si le budget total de la MILDT, légèrement inférieur à 50 millions d'euros, est relativement faible par rapport à la moyenne des pays européens équivalents, la part consacrée à la prévention l'est davantage encore.

Le volet budgétaire consacré aux actions de prévention stricto sensu s'élevait ainsi à 12 millions d'euros pour le dernier plan triennal, regroupant pour l'essentiel des crédits déconcentrés aux chefs de projet départementaux, ainsi que des crédits délégués aux différents ministères pour soutenir leurs actions nationales et locales, et des crédits destinés au financement des CESC.

Or, de l'avis même de l'ancienne présidente de la MILDT, Mme Nicole Maestracci, « même si les questions posées par la prévention sont loin de se résumer à des problèmes budgétaires, il est clair que ces crédits demeurent insuffisants pour généraliser les programmes sur l'ensemble des lieux fréquentés par les jeunes ».

Même constat pour le volet budgétaire consacré à la communication qui, s'il est passé de 1,9 million d'euros en 1999 à 4,7 en 2002, reste encore largement insuffisant. A titre de comparaison, le budget communication pour la prévention de la consommation de drogues et d'alcool au Royaume-Uni est équivalent à la presque totalité du budget global de la MILDT !

Enfin, la situation est pire encore pour ce qui est du volet budgétaire consacré à la formation : en ce domaine, les crédits interministériels s'élevaient à 2 millions d'euros en 2002. Cette somme dérisoire par rapport aux enjeux empêche de donner suite aux initiatives de formation de certaines structures : le ministère de l'éducation nationale rapporte ainsi le report en 2002 d'une formation multicatégorielle destinée à des équipes de prévention en milieu scolaire dont le financement, évalué à 577.200 euros, n'a pu être assuré avec les crédits de la MILDT.

L'effort financier indispensable à la mise en place d'une véritable politique de prévention, dont l'ampleur pourrait être estimée par un audit des besoins des différents ministères en la matière, devra s'accompagner d'une amélioration des instruments de suivi et d'évaluation des dépenses engagées. En effet, le rapport de la Cour des comptes de 1998 sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, dont les principales conclusions ont été reprises dans un rapport d'information publié par la commission des finances du Sénat en novembre 2001, a pointé une insuffisante rigueur dans le contrôle de l'utilisation des crédits publics, l'efficience de leur emploi étant très rarement mesurée ex post .

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