B. ÉRIGER L'ÉCOLE EN « FER DE LANCE DE LA PRÉVENTION »
1. Un lieu de prévention à privilégier
a) Le « flirt avec les drogues », expérience chronique à l'adolescence
Adolescence et drogues sont très souvent liées.
Ainsi,
le psychiatre Michel Damade, responsable médical du Groupement de
recherche sur les conduites addictives, explique que «
les
problématiques adolescentes sont propices à l'initialisation et
à l'abus. Les « crises de l'adolescence » (...) supposent
fréquemment des expériences nouvelles incluant prises de risques
et « flirt » avec les limites. L'adolescent à la
conquête du monde et de lui-même est en même temps
fragilisé. Il s'appuie sur ses pairs et sur les adultes
référents qui l'entourent
».
Les conséquences de ce « flirt » ne seront pas les
mêmes selon la personnalité de l'adolescent et selon le contexte
dans lequel elles s'inscrivent. «
Chez l'adolescent
«
normal
» », poursuit M. Damade, «
les
consommations de toxiques (...) sont souvent un phénomène de
groupe, culturel, non pathologique, parfois un signal adressé à
l'adulte une recherche de repères
.
Chez l'adolescent en
difficulté transitoire »,
en revanche
, « la
consommation de substances peut devenir automédication, fuite du
mal-être et, à l'occasion, signal d'alarme en direction de
l'adulte qui veut bien voir
».
Enfin, poursuit le psychiatre, «
il est, en nombre beaucoup plus
restreint, des adolescents aux problèmes plus structurels dont les
prises de toxiques, volontiers nocives et avec dépendance, sont les
symptômes durables de leur dysfonctionnement profond
». Ces
trois types de conduite ne donneront naturellement pas lieu aux mêmes
types de réponses.
b) Le milieu scolaire, une structure particulièrement adaptée pour une prévention précoce des conduites à risques
On
s'accorde généralement à penser que les messages de
prévention ont d'autant plus d'impact qu'ils interviennent le plus en
amont possible, soit de la conduite qu'ils visent à empêcher
(avant que celle-ci n'ait eu lieu), soit du public auquel ils s'adressent
(avant qu'il ne soit amené à côtoyer le risque). Or, de ce
double point de vue, l'école constitue sans doute le lieu le plus
adéquat pour une prévention efficace car les élèves
y étant scolarisés, soit n'ont pas encore eu de comportement
addictif, soit ont déjà consommé des produits
stupéfiants mais demeurent encore largement réceptifs aux
conseils et mises en garde leur étant adressés.
A cet égard,
l'éducation à la prévention des
conduites à risques devrait intervenir le plus tôt possible dans
la scolarité, si possible dès l'école primaire, et
même dès l'école maternelle.
Mme Edwige Antier,
pédiatre, a ainsi souligné devant la commission que si un
adolescent de 15 ou 16 ans n'est pas sensible à un discours lui
expliquant que les produits stupéfiants sont nocifs pour sa
santé, «
en revanche, à neuf ou dix ans, c'est
l'âge béni pour ces informations. C'est en CM1 et CM2 qu'il faut
expliquer aux petits comment marche le cerveau et les neurones, comment passe
le courant de notre pensée et comment fonctionne notre vie psychique.
Ils sont passionnés, à cet âge, par les sciences et les
discours des grandes personnes et ils les écoutent (...). Ils sont alors
fascinés et (...) on retrouve ces enfants beaucoup moins preneurs et
sachant dire non. C'est vraiment au CM1 et au CM2 qu'il y a un énorme
effort d'information à faire auprès d'eux
».
Selon la pédiatre, c'est même dès la prime enfance qu'il
faudrait intervenir, le dépistage le plus précoce et
peut-être le plus efficace des sujets à risque concernant le
nourrisson. «
Quand une mère vient en consultation avec son
bébé, nous pouvons dépister la dépression
maternelle
», a expliqué Mme Antier. «
Or
,
les enfants qui seront à hauts risques sont souvent des
enfants nés de mère déprimée, seule et en
souffrance. (...). Il faut remonter aussi loin parce que c'est là que
l'enfant ne va pas pouvoir s'amarrer de son socle affectif et de cette
sécurité affective de base qui va le rendre ensuite beaucoup plus
résistant à toutes ces tentations de paradis artificiels. C'est
tout petit que cela se construit
».