II. POUR UNE PRÉVENTION DIGNE DE CE NOM

A. ASSURER L'INFORMATION ET LA FORMATION

1. Lancer des campagnes crédibles et ciblées

a) Des campagnes de communication jusqu'à présent contre-productives

La clarté et la facilité d'identification d'une campagne de communication sont la clef de leur efficacité. Sans même évoquer le fond des messages diffusés, il semble bien que les actions menées par la MILDT durant le dernier plan triennal en matière de communication aient pêché par leur opacité et par la multiplicité de leurs objectifs, supports et acteurs.

De ce point de vue, l'OFDT note dans son rapport évaluatif portant sur le deuxième objectif dudit plan que « l'absence d'une parole pédagogique claire des pouvoirs publics se traduisant par une communication éclatée entre différents émetteurs et des messages contradictoires, voire inexacts, et souvent marqués d'une connotation morale a été identifié comme à l'origine d'une information largement déficiente du public. (...). L'information du public (...) ne paraît pas en mesure d'induire des changements sensibles de perception, ni l'adhésion aux objectifs de la politique publique ».

Le manque de précision et l'ambiguïté des messages envoyés en direction de publics mal répartis selon leurs spécificités ont perturbé ces publics dans la réception des informations qui leur étaient destinées. Le double objectif de la campagne de communication lancée en 1999 -informer sur les différents produits et leurs effets sanitaires et sociaux, rappeler le cadre légal dans lequel s'inscrit leur consommation- n'a pas été atteint.

En premier lieu en effet, les perceptions de la dangerosité des drogues ne se sont pas améliorées
: selon une enquête récente de l'OFDT , si les drogues dures continuent à être très majoritairement perçues comme dangereuses ou très dangereuses, les opinions à l'égard du cannabis se sont assouplies en raison de la présentation implicitement favorable qui en a été faite et le taux des personnes favorables à sa dépénalisation a augmenté.

S'agissant en second lieu de la connaissance du cadre légal, elle semble de plus en plus problématique . Une part croissante de la population, notamment la plus jeune, a en effet des difficultés à se prononcer sur le régime encadrant la consommation de drogues telles que le cannabis ou l'ecstasy. Les jeunes « sont persuadés, pour beaucoup, que c'est toléré ou même autorisé » a témoigné en se sens le docteur Francis Curtet, attribuant notamment cette carence au fait que ces jeunes « vivent avec une loi qui n'est pas appliquée ».

Il apparaît donc nécessaire de privilégier la cohérence du message et son adéquation à des supports et publics ciblés.

b) La nécessité d'un message plus cohérent

La cohérence du message doit passer nécessairement par l'adéquation entre la réalité scientifique observée et les conséquences normatives qui en découlent. A ce titre, il conviendrait de rappeler dans un premier temps quels sont les dangers réels que fait encourir la consommation de drogues illicites sur l'individu et la société, puis d'expliquer que c'est en raison de ces risques qu'une telle consommation doit être strictement encadrée sur un plan législatif, et éventuellement sanctionnée selon les modalités nouvelles précédemment évoquées. Une telle pédagogie, responsabilisant chaque individu vis-à-vis de lui-même et de ses semblables et lui parlant un « langage de vérité », facilitera l'acceptation et le respect par chacun de la réglementation existante et dépassionnera le débat.

M. Philippe-Jean Parquet, président de l'OFDT, a ainsi indiqué très clairement à la commission que « parmi les facteurs de protection, on peut considérer aussi le dispositif législatif et réglementaire ». Il a estimé qu'un Etat devait avoir « comme fonction, au travers de ses lois et réglementations, d'aider les personnes à faire des choix éclairés, notamment en matière de consommation d'un produit ».

Le volontarisme des acteurs politiques concernés ne semble pas faire de doute à cet égard. Lors de son audition, le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a ainsi déclaré : « La force de ce discours et sa clarté sera la première des préventions. Il est fondamental que le discours public soit clair, car il est un signal pour tous, comme nous le voyons en matière de délinquance routière (où) nous obtenons des résultats par la force du discours, par l'appel à la responsabilité. En matière d'usage des drogues, nous obtiendrons également des résultats par la force du discours, par la prévention que représente le risque de transgression ».

Le ministre de l'éducation nationale est allé dans le même sens, s'étant dit « partisan de consignes de très grande fermeté » et ayant ajouté : « Il faut renforcer la fermeté. Qu'on ne se méprenne pas : à défaut de faire passer des messages plus intelligents, il faut au moins que l'interdit soit clair, ferme et net et que l'on n'hésite pas à appliquer des sanctions disciplinaires, voire plus que réglementaires, c'est-à-dire faire appel à la loi ».

c) Des supports et des publics mieux ciblés

Une fois le contenu du message ainsi déterminé, il faut encore en choisir la forme et les destinataires, en le modulant éventuellement selon leurs caractéristiques. S'agissant du support, l'expérience enseigne qu'il doit correspondre aux attentes d'un public exigeant un maximum d'informations en un minimum de volume, quel que soit l'instrument utilisé (brochure, spot télé ou radio, site internet, intervention orale ...).

De ce point de vue, il ne faut pas confondre la prévention et l'information : si la première peut prétendre à l'exhaustivité, la seconde doit être concise et facilement assimilable . A ce propos, le docteur Francis Curtet a confié à la commission avoir été surpris par le guide « Savoir plus, risquer moins » édité par la MILDT, indiquant qu'« on ne fait pas de la prévention avec 120 pages », mais « avec très peu de mots et de messages pour pouvoir passer. Il n'y a que cela à savoir », a ajouté M. Curtet, « et si vous voulez que les gens le retiennent, il faut que ce soit court. Sinon, ils ne retiendront rien ».

Après avoir effectué cet effort de concision dans l'élaboration du message et veillé à ce qu'il ait un impact satisfaisant, il faut l'adapter aux caractéristiques de chaque public. « Nous savons , a commenté à cet égard le président de l'OFDT, dans tous les domaines de la prévention et de la pathologie, que la capacité à intégrer les informations dépend du niveau de culture (...), que les classes les plus favorisées du point de vue culturel sont les plus sensibles aux campagnes (de prévention) ».

Si elle dépend du capital et de l'environnement culturel de chacun, la capacité à assimiler un message de prévention varie également selon l'âge du public ciblé. Le ministre de l'éducation nationale, M. Luc Ferry, a ainsi commenté une ancienne campagne de prévention contre le virus du sida qui avait du être arrêtée de façon prématurée parce que les jeunes auxquels elles s'adressait l'avaient tournée en dérision : comme elle proclamait que « le virus du sida ne s'attrape pas dans les actes de la vie quotidienne », ils en avaient déduit, non sans humour, que les rédacteurs du tract « ne faisaient pas l'amour tous les jours » !

Des spécialistes de la communication, dans le cadre qui leur serait assigné par des responsables politiques, seraient sans doute les plus à même d'élaborer des messages à l'impact garanti, de tenir compte de ces différences de perception entre les publics et d'éviter les erreurs contre-productives telles que celle précédemment évoquée. Se disant « très déçu par la qualité des spots publicitaires ou des campagnes d'information », le ministre de l'éducation nationale a déclaré à la commission avoir « le sentiment qu'il faudrait, pour être efficace, mobiliser les talents d'un metteur en scène professionnel de très grand talent (...) capable de faire un véritable film au niveau d'un grand réalisateur et non pas au niveau des spots publicitaires habituels ».

Constat totalement partagé par le président de l'OFDT qui a expliqué à la commission que « la lisibilité du dispositif d'aide et la capacité de l'information à être donnée au plus près de la personne » étaient fondamentaux. M. Parquet a déploré en ce sens que « les informations qui sont données (soient) très loin des préoccupations et peu adaptées », estimant que la prévention « doit être faite par des professionnels qui ont cette compétence particulière ».

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