2. M. Christian Stoffaës, président de l'Initiative pour les services d'utilité publique (ISUPE)
Un nouveau concept européen de service public est en train de se préciser. Cette notion, définie auparavant à l'échelon national, va désormais être européanisée engendrant tout un processus législatif et institutionnel. Cette initiative française qui date de juillet 2001 a fait l'objet d'un mémorandum demandant à la Commission la préparation d'une directive-cadre. Toutes les instances se sont accordées à dire que le moment était venu de préparer une nouvelle génération de textes communautaires. C'est la conséquence du sommet de Stockholm ; la France et l'Allemagne ont signalé à la Commission qu'elle allait trop vite et trop loin, et qu'il fallait réfléchir sur le processus de libéralisation (cf. le discours du 28 mai 2001 sur l'Europe élargie du Premier ministre).
Les relations entre les services publics et l'Europe
On parle ici des services publics marchands (industriels et commerciaux), il s'agit d'activités économiques gérées par des entreprises, et encadrées fortement par l'État, par des règlements, et les secteurs concernés sont les télécommunications, les postes, les transports et l'énergie : l'électricité et le gaz.
Les services publics sont restés longtemps à l'écart de la construction européenne or leurs règles de fonctionnement traditionnelles sont incompatibles avec les dispositions du Traité de Rome qui consacre les principes du libre échange. Au début des années 1980, certaines injonctions ont commencé à éroder le système des services publics : en 1985 le traité de l'Acte unique stipulait, en effet, que le Marché commun devait s'étendre à tous les secteurs, y compris les secteurs exclus. Le processus de dérégulation qui était engagé dans un contexte de politique de libéralisation, (à commencer par l'Angleterre thatchérienne et la France, avec ses monopoles d'État), restait en marge prenant du retard notamment sur le calendrier des transpositions en droit national des premières directives.
En 2001, des événements importants, ont marqué le secteur de l'énergie : l'incident de Californie, la faillite d'Enron, la ratification du protocole de Kyoto. Au-delà, le nouveau contexte international remet sur le devant de la scène la question de la sécurité énergétique, l'approvisionnement du pétrole et du gaz se faisant dans des pays islamiques qui risquent d'être déstabilisés.
La libéralisation a néanmoins progressé, mais ce nouveau contexte incite à réfléchir à une troisième voie, un compromis entre le régime des monopoles et le modèle britannique, notamment pour les régions en développement où l'énergie est un secteur à très forte croissance.
L'intérêt économique général
C'est une construction démocratique avec des débats, des votes, des lois. Dans le domaine de l'énergie, des thèmes nouveaux sont en train d'émerger, comme la sécurité d'approvisionnement énergétique, mise en exergue par le Livre Vert publié par la Commission Européenne qui souligne la dépendance croissante de l'Europe (70 %) à l'égard des importations en provenance de zones instables : le Golfe, l'Asie centrale, la Russie. Qui dit sécurité d'approvisionnement européenne, dit thème d'intérêt économique général en Europe ; il faut donc une politique énergétique de sécurité. Enfin, le thème du changement climatique a très positivement incité les États membres au consensus pour la ratification du protocole de Kyoto (malgré la réticence américaine).
Pour définir et pour faire respecter les cahiers des charges de l'intérêt économique général, il faut des institutions. La Commission commence à être très encombrée, et la question sur les autorités fédérales de régulation va se poser. Le principal interlocuteur devient ce type d'institution ; la transition s'est donc faite.