C. L'INTERVENTION DES ASSOCIATIONS
L'Etat s'est défaussé de ses tâches de prévention de la prostitution et de réinsertion des prostituées sur le milieu associatif .
Les associations qui oeuvrent dans ce domaine sont nombreuses, mais leurs moyens ne sont pas à la hauteur du travail qu'elles souhaitent accomplir, de la détermination de leurs responsables et de l'énergie qu'ils déploient.
Ces associations sont très diverses. Certaines sont reconnues d'utilité publique et les plus importantes sont liées par convention avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Parmi elles des associations comme l' " Amicale du Nid " à Toulouse, ALC à Nice, ou " L'Appart " à Grenoble gèrent sous forme conventionnelle des SPRS.
Les structures associatives travaillent avec du personnel salarié ou des bénévoles, ou les deux, cas le plus fréquent. Les 25 associations abolitionnistes les plus importantes emploient au total 600 salariés et un millier de bénévoles.
La période récente a vu naître, dans le contexte de la lutte contre le SIDA, une catégorie d'associations spécifique, les associations de santé communautaires 26 ( * ) qui fonctionnent, souvent à parité, avec les prostituées elles-mêmes. Contrairement aux autres associations dont l'objectif est de lutter, par la prévention et l'aide à la réinsertion, contre la banalisation de la prostitution, leur but est avant tout d'aider les prostituées, sous l'angle de la santé et de l'autonomie, dans le respect de leur " choix ".
Les modalités d'intervention des associations sont elles-mêmes très variables : centres d'hébergement, dispositifs en milieu ouvert, unités mobiles, structures de formation, actions de prévention et de sensibilisation du public, y compris des jeunes et parfois dès le niveau scolaire (comme celles que mènent Le Mouvement du Nid, à partir de la bande dessinée " Pour toi Sandra ", le Mouvement national Le cri, ou ALC qui intervient à destination des collèges dans le cadre d'une initiative spécifique du programme européen Daphné).
Les associations utilisent notamment les opportunités offertes par la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions pour faire accéder les prostituées à la formation, à l'emploi et au logement. Un des problèmes majeurs auxquels elles sont confrontées concerne les papiers et titres de séjour, dont l'obtention conditionne de nombreuses démarches.
L'enveloppe budgétaire allouée aux associations de terrain s'établissait en 2000 à 28,438 millions de francs . Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a beau faire observer que l'augmentation a été réelle ces dernières années, puisque le même budget ne représentait que 25,5 millions de francs en 1995, le soutien financier apporté par les pouvoirs publics choque par sa modestie et traduit une certaine ingratitude de l'Etat à l'égard du monde associatif qui pourtant le supplée .
Dans le cadre de l'enveloppe budgétaire, les financements sont accordés aux initiatives locales après avis conjoints, quant à leur pertinence de terrain, des DDASS et des chargées de mission départementales aux droits des femmes. En 1998 et 1999, la priorité a été donnée aux actions de sensibilisation auprès des jeunes et aux sessions de formation et d'information des travailleurs sociaux, deux besoins qu'avait particulièrement révélés l'état des lieux demandé en 1997 par la Direction de l'Action sociale et le Service des droits des femmes. En 2000, l'accent a été mis sur le renforcement des moyens alloués aux associations qui assument les missions dévolues aux anciens SPRS.
Les crédits qui sont accordés aux associations de santé communautaires interviennent uniquement dans le cadre de la prévention sanitaire et de la lutte contre le SIDA ; mais ces associations reçoivent généralement aussi, comme les autres, une aide de la part des municipalités et de la politique de la ville.
Comme l'enveloppe budgétaire, le nombre des départements bénéficiaires de l'aide de l'Etat aux associations a lui-même augmenté entre 1995 et 1999, en passant de dix-huit à trente-cinq. On ne peut toutefois manquer de remarquer que, malgré les efforts entrepris, ce ne sont toujours qu'à peine plus du tiers des départements qui sont concernés, et on ne peut en outre éviter de faire observer, ce qui n'est pas contradictoire, que l'émiettement des crédits est rarement un gage d'efficacité, et que c'est avant tout la pénurie qu'on aura répartie .
Au soutien aux associations locales s'ajoute, de la part du budget de l'Etat, une aide destinée aux structures associatives nationales, comme la Fondation Scelles, pour des actions de sensibilisation du public (1,62 million de francs en 2000).
Les associations sont confrontées à une très grande insuffisance des moyens, cependant que leurs besoins augmentent et évoluent .
Ainsi l'arrivée massive de prostituées étrangères représente pour elles un nouveau défi ; il leur faut avant tout pouvoir briser la barrière de la langue . La tâche est compliquée par la diversité des origines géographiques qui imposerait de maîtriser de nombreuses langues étrangères, dont certaines ne sont, loin de là, pas les plus usuelles. L'obstacle n'est pas seulement linguistique, mais plus généralement culturel. Un des responsables d'associations entendus dans le cadre du colloque du 15 novembre 2000 a fait part des difficultés que pose la représentation que la population migrante peut avoir du travail social : les prostituées étrangères se méfient au premier abord, croyant avoir affaire à des policiers ou des contrôleurs sanitaires, certaines auraient même demandé si on allait les déporter...
Les associations qui financièrement le peuvent font appel à des " médiatrices culturelles " pour résoudre ces nouveaux problèmes.
* 26 Comme le " Bus des femmes " à Paris et " Cabiria " à Lyon.