B. LE RÔLE DE L'ÉTAT, THÉORIE ET PRATIQUE

La Convention de 1949 ratifiée, le législateur de 1960 en a transposé la dimension sociale en créant pour les prostituées des services départementaux spécialisés, les services de prévention et de réadaptation sociale (SPRS) 22 ( * ) .

Ces services sont toujours prévus par l'article 185-1 du Code de la famille et de l'aide sociale avec la double mission :

- de rechercher et accueillir les personnes en danger de prostitution, de leur fournir l'assistance dont elles peuvent avoir besoin ;

- d'exercer toute action médico-sociale en faveur des personnes qui se livrent à la prostitution.

Les SPRS ont été dès le départ un échec : seuls douze furent mis en place -en dépit de plusieurs circulaires ministérielles de " relance "- ; il n'en reste aujourd'hui plus que cinq, sous gestion associative, en Ile-de-France, Isère, Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes et Haute-Garonne.

Interrogés sur les raisons de cet échec, les services ministériels intéressés font valoir les difficultés rencontrées pour réunir les partenaires institutionnels et associatifs, et les problèmes supplémentaires posés par la décentralisation à partir de 1985. Celle-ci a en effet placé l'ensemble des services d'action sociale sous la tutelle des départements alors que la lutte contre la prostitution restait dans le domaine de l'Etat. Certains responsables avouent aussi avoir du mal à distinguer le caractère spécifique de la prostitution dans la prise en charge des publics marginaux.

Ils font par ailleurs observer que les SPRS ne sont pas les seules structures susceptibles de recevoir les personnes prostituées ou en danger de prostitution, celles-ci pouvant également être accueillies dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) prévus par l' article 185 du Code de la famille et de l'action sociale 23 ( * ) pour " les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale ".

L'accueil peut se faire soit dans un CHRS généraliste, soit dans un CHRS spécialisé. D'après les informations fournies par la Direction générale de l'Action sociale, parmi les CHRS généralistes 163 reçoivent spécifiquement les femmes violentées, prostituées ou en détresse et 127 les hommes en difficulté, notamment prostitués ; 9 CHRS spécialisés accueillent les personnes prostituées pour un volume de 193 places, volume que l'administration avoue elle-même nettement insuffisant. Le nombre des lieux d'accueil des personnes qui veulent quitter la prostitution doit être impérativement augmenté .

Les dispositions relatives aux SPRS ne sont pas les seules à être restées lettre morte.

Les associations déplorent ainsi que la circulaire du 25 août 1970 prise 24 ( * ) en application de l'article 185-1 du Code de la famille et de l'action sociale et relative à la lutte contre la prostitution et le proxénétisme n'ait pas été suivie d'effet.

Cette circulaire, dont les termes furent rappelés l'année suivante par une circulaire du 10 août 1971, demandait aux préfets de réunir, sous leur présidence, une commission comprenant les représentants des différents services publics dans le département (directeur de la DDASS, médecin responsable des services antivénériens, juge des enfants, directeur départemental des services de police, représentant de la gendarmerie..., et sur invitation, représentants d'autres services intéressés comme les organismes HLM, l'URSSAF et les impôts ) et des organismes privés oeuvrant dans le domaine de la prostitution .

Les préfets étaient invités à remettre au secrétaire d'Etat chargé de l'Action sociale un rapport rédigé sur la base des conclusions des travaux que ces commissions auraient menés pour examiner les problèmes spécifiques posés par la prostitution dans chaque département, pour dresser un bilan des actions existantes et pour étudier si l'équipement en personnel spécialisé, services ou établissements était suffisant et adapté.

Il était en outre demandé aux commissions d'accorder une attention spéciale aux personnes qui manifestaient l'intention d'abandonner la prostitution et qui pouvaient notamment bénéficier, sur leur avis motivé, d'un traitement particulier de la part des services fiscaux.

Peu de commissions départementales furent mises en place, malgré, là aussi, les circulaires de rappel 25 ( * ) ; elles ont pratiquement toutes disparu.

Du point de vue des services ministériels, le dossier de la prostitution est cogéré par la Direction générale de l'Action sociale et le Service des droits des femmes et de l'égalité ; cette coordination a été formalisée par la circulaire du 30 mai 1997 pour ce qui concerne tant l'échelon national -le pilotage " politique " des dossiers a été confié au Service des droits des femmes, tandis que la gestion budgétaire était maintenue à la Direction de l'Action sociale- que le niveau local, entre les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS qui gèrent les subventions) et les chargées de mission départementales aux droits des femmes (qui aident à l'instruction des dossiers).

* 22 Ordonnance n° 60-1246 du 25 novembre 1960, article 5.

* 23 Et créés en application de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

* 24 Par Marie-Madeleine Dienesch, secrétaire d'Etat à l'Action sociale et à la réadaptation.

* 25 Circulaire n° 14 A.S du 21 mars 1979 relative à la lutte contre la prostitution, circulaire n° 88-08 du 7 mars 1988 relative à la prévention de la prostitution et la réinsertion des personnes prostituées.

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