EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. L'ADAPTATION DE LA COMPAGNIE AIR FRANCE À UN ENVIRONNEMENT DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL PASSE PAR SA PRIVATISATION
La compagnie Air France a, ces dernières années, dû mettre en oeuvre un plan de redressement pour s'adapter à la libéralisation du marché du transport aérien. La stratégie adoptée commence à porter ses fruits. Sa poursuite passe cependant par la privatisation de son capital.
A. LA LIBÉRALISATION DU TRANSPORT AÉRIEN COMMUNAUTAIRE A IMPOSÉ À AIR FRANCE UN PLAN DE REDRESSEMENT IMPORTANT AFIN D'AMÉLIORER SA COMPÉTITIVITÉ
Particulièrement réglementé depuis son
origine,
en raison d'impératifs liés à la défense nationale,
aux fonctions économiques et sociales des lignes de transport et aux
ressources fiscales tirées des droits de trafic, le marché des
transports aériens a fait l'objet ces dix dernières années
d'une politique active de libéralisation, d'abord aux Etats-Unis, puis
en Europe.
La libéralisation du transport aérien communautaire
En Europe, la libéralisation de l'accès au marché
communautaire et l'application des règles de la concurrence
découlent de trois séries de mesures adoptées entre 1987
et 1992
.
Les modalités d'application du droit de la concurrence communautaire aux
transports aériens entre Etats membres ont été
établies par le règlement n° 3975/87,
complété par le règlement n° 2410/92 pour ce qui
concerne les transports intégralement effectués au sein d'un
même Etat membre. L'accès aux marchés a, quant à
lui, été libéralisé progressivement :
- le principe de la liberté des tarifs a été reconnu
à compter du 1
er
janvier 1993 (règlement
n° 2049/92). L'intervention des Etats membres est limitée
à des clauses de sauvegarde pour tenir compte des obligations de service
public et des impératifs d'aménagement du territoire ;
- le principe de libre accès des entreprises communautaires aux
liaisons intra-communautaires (règlement n° 2048/92) permet
depuis le 1
er
avril 1997 un libre accès aux
liaisons intérieures à chaque Etat. Il en résulte la
suppression des quotes-parts de capacité, l'exercice sans restriction de
la " cinquième liberté ", (c'est-à-dire du droit
pour une compagnie de transporter des passagers entre deux Etats membres autres
que celui de son immatriculation) , ainsi que la liberté de cabotage
national ;
- l'instauration de licences communautaires délivrées par
les Etats membres sur la base de critères communs est intervenue en 1992
(règlement n° 2470/92 du 23 juillet 1992).
Cette libéralisation du marché des transports aériens a
eu des conséquences aussi bien sur le nombre des transporteurs
exploitant des lignes régulières et des liaisons desservies que
sur la gamme des tarifs offerts ou la nature des stratégies commerciales
adoptées.
Le nombre total de compagnies régulières est passé entre
1993 et 1998 de 132 à 164. Au cours de cette période, 139
compagnies ont été créées et 102 ont disparu. Ces
évolutions traduisent une nouvelle dynamique d'un marché devenu
concurrentiel.
L'apport de la libéralisation est également visible dans
l'évolution du nombre de liaisons, qui est passé de 630 en 1992
à environ 830 en 1998.
Les recettes unitaires ont fortement baissé du fait du
développement de la concurrence et de l'augmentation des
capacités. En conséquence, les transporteurs aériens
européens ont dû réduire leurs coûts sensiblement.
Ceux-ci restent cependant encore élevés par rapport aux
coûts des grands transporteurs américains ou asiatiques.
Pour les compagnies européennes, de profondes et parfois douloureuses
remises en cause ont souvent été nécessaires pour
s'adapter au nouveau contexte concurrentiel, impliquant pour les personnels de
nouvelles conditions d'emploi et de rémunération
. Les
restructurations ont, pour la plupart, nécessité d'importants
apports de capitaux, souvent de la part des Etats.
Ce processus de restructuration du transport aérien en Europe
aujourd'hui largement engagé s'est traduit par de nouvelles
stratégies d'entreprise
.
La pratique traditionnelle d'affrètement a ainsi évolué
vers
la mise en place d'accords de franchise
liant des compagnies
régionales aux grandes compagnies européennes. Le
phénomène, engagé initialement en Grande-Bretagne par
British Airways, s'est développé rapidement sur le continent.
Ainsi, Air France a conclu des accords de franchise avec Brit'Air, Proteus,
Jersey European Airlines , City Jet et Gill Airways, Lufthansa avec Augsburg
Airways, Iberia avec Canarias Regional Air. Parallèlement, les liaisons
exploitées " en partage " de code se sont multipliées.
Dans le mouvement actuel qui voit se constituer de larges alliances
" planétaires ",
les compagnies européennes ont
également dû élaborer des stratégies où se
disputent des éléments d'alliance et de concurrence
. Pour
affronter une concurrence devenue mondiale, les compagnies ont constitué
de vastes oligopoles à la même échelle. Lufthansa et SAS
sont associées dans la " Star Alliance " avec la compagnie
américaine United, Air Canada, Thaï Airways, Varig, Air New
Zealand, Ansett et bientôt All Nippon Airways et Mexicana ;
Swissair, Sabena, TAP Air Portugal, Austrian Airlines, Crossair, Lauda Air, AOM
et Air Littoral, Turkish Airlines, Tyrolean et Air Europe dans le
" Qualiflyer Group " de nature totalement européenne, mais
dont certaines compagnies sont alliées avec Delta dans l'alliance
mondiale " Atlantic Excellence " ; KLM et Alitalia sont
associées dans le groupe " Wings " avec deux compagnies
américaines, Northwest et Continental ; enfin British Airways,
Finnair et Iberia forment l'alliance " Oneworld " avec American
Airlines, Canadian, Cathay Pacific, Qantas et LAN Chile.
Par ailleurs, sont apparues
des compagnies dites à " bas
coûts "
dont l'activité consiste à exploiter une
flotte homogène court-courrier à partir d'aéroports
secondaires sur des liaisons intérieures et intra-européennes.
Ces compagnies, offrant des tarifs très compétitifs, ont connu
ces dernières années un développement spectaculaire, qui a
conduit les grandes compagnies à répliquer en créant des
filiales spécialisées dans les voyage à prix
réduits ; ainsi British Airways a lancé en mai 1998 une
filiale de ce type, appelée " GO ", opérant depuis
l'aéroport de Stansted. Pour la saison aéronautique d'hiver
1998/1999, l'offre totale hebdomadaire des 5 compagnies -Ryanair, Virgin
Express, Easy jet, Debonair et GO- représentait
350.000 sièges, soit l'équivalent de 5 % de l'offre
hebdomadaire de toutes les compagnies membres de l'AEA
1(
*
)
.
La compagnie Air France, entreprise publique a dû, à
cette occasion, entamer un processus de restructuration d'autant plus important
qu'elle y était mal préparée
Habituée à une situation de quasi-monopole, la compagnie Air
France n'était pas préparée à la concurrence. Son
mode de fonctionnement, en particulier, le fait que l'Etat puisse imposer des
choix d'investissement qui se sont révélés ne correspondre
que très partiellement aux intérêts de la compagnie et
l'absence de dialogue social sont notamment apparus comme des handicaps
importants.
La libéralisation du marché du transport aérien
communautaire s'est, en effet, traduite par une perte de part de marché
d'Air France, en particulier en France où cette part est passée
entre 1992 et 1998 de plus de 90 % à 75 %, et en Europe
où elle a diminué dans la même période de 8 %
à 6,7 %.
La faible rentabilité de la compagnie a ainsi entraîné
des pertes importantes, d'un montant cumulé de 14 milliards de
francs
.
Accumulant des résultats fortement déficitaires depuis 1989,
Air France n'a pu procéder à cette restructuration qu'avec
le soutien de l'Etat, qui a procédé en 1994 à une
recapitalisation pour un montant de 20 milliards de francs.
Cette aide n'a été autorisée par la Commission
européenne qu'aux termes d'un accord qui prévoit :
- l'attribution de la totalité de l'aide à Air France,
à l'exclusion de ses filiales ;
- la nécessité d'engager le processus de privatisation d'Air
France ;
- la fixation d'objectifs précis en matière de gains de
productivité ;
- l'engagement de l'Etat français à adopter un comportement
d'actionnaire normal vis-à-vis d'Air France ;
- l'utilisation de l'aide uniquement pour la restructuration et non pour
acquérir des participations nouvelles ;
- le gel du nombre d'avions pendant la durée du plan ;
- l'engagement de ne pas accroître l'offre en sièges sur les
liaisons intra-communautaires ;
- la mise sous surveillance des tarifs, qui ne doivent pas être
inférieurs à ceux des concurrents ;
- l'absence de traitement préférentiel pour Air France en ce
qui concerne les droits de trafic ;
- le gel du nombre de lignes exploitées dans l'espace
économique européen ;
- la limitation des sièges offerts sur la filiale Air Charter ;
- l'engagement d'opérer toute cession de biens et de services au
profit d'Air Charter dans les conditions de marché ;
- l'engagement de cession des hôtels Méridiens ;
- la modification, en liaison avec Aéroports de Paris, des
règles de distribution du trafic au sein du système
aéroportuaire parisien ;
- l'optimisation de l'utilisation des aérogares d'Orly.
Cette recapitalisation s'est accompagnée de la mise en place d'un
plan de redressement financier et commercial qui commence à porter ses
fruits.