B. RENFORCER LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1. De nombreux textes connexes sur le commerce électronique doivent être mis en cohérence

Votre commission des Lois estime que la cohérence des textes adoptés au niveau communautaire et relatifs au commerce électronique doit être renforcée dans un objectif de protection des consommateurs.

La directive commerce électronique ne sera pas la seule à régir les différents aspects juridiques liés aux transactions électroniques. Des textes déjà en vigueur s'appliquent déjà, qui touchent à deux enjeux majeurs, la protection des consommateurs et le régime des données personnelles. Il s'agit de :

- la directive 97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, dite " directive contrats à distance " ;

- la directive 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la directive 97/66 du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications.

D'autres textes communautaires concernent également le commerce électronique :

- la proposition de directive sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (janvier 1998) ;

- la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, adoptée le 30 novembre 1999 ;

- la proposition de directive sur la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs (novembre 1998), dite " directive vente à distance ".

2. La directive proposée n'insiste pas suffisamment sur la protection du consommateur

Le considérant 11 (ancien 14) de la directive proposée indique que celle-ci est sans préjudice du niveau de protection existant notamment en matière de protection de la santé publique et des intérêts du consommateur.

Il rappelle que les directives 15( * ) qui constituent un élément fondamental pour la protection des consommateurs en matière contractuelle sont applicables dans leur intégralité aux services de la société de l'information.

Comme les ministres européens ne pouvaient décemment pas reléguer l'impératif de protection du consommateur au rang des considérants et des déclarations d'intention, la protection des intérêts des consommateurs est mentionnée à l'article 1 er de la directive proposée.

Cependant, la protection des consommateurs n'est jamais affirmée comme un de objectifs possibles de la directive proposée. Au contraire, elle est présentée comme une entrave au développement du commerce électronique : la protection des intérêts des consommateurs semble ne devoir être défendue que " dans la mesure où cela ne restreint pas la libre prestation de services de la société de l'information " .

3. Mieux affirmer l'application au commerce électronique de la directive " contrats à distance "

La rédaction de la directive sur le commerce électronique au regard de l'applicabilité de la directive " contrats à distance " n'est pas claire.

En effet, la directive 97/7 " contrats à distance " est mentionnée à l'article 7 sur les communications commerciales non sollicitées, qui ne constitue pas un thème majeur, mais ne figure pas à l'article 10 qui régit pourtant les informations que doit fournir le prestataire de service lors de la conclusion d'un contrat de vente par voie électronique.

Votre commission des Lois souhaite que soit levée cette ambiguïté, afin de ne pas laisser croire que la directive " contrats à distance " ne serait pas applicable au commerce électronique, alors qu'elle garantit des intérêts essentiels comme le consentement éclairé de l'acheteur .

La directive 97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance 16( * ) vise expressément l'utilisation des nouvelles technologies. Elle s'applique pleinement au commerce électronique.

a) Le champ d'application de la directive " contrats à distance "

Cette directive ne s'applique pas aux contrats portant sur les services financiers. Parmi d'autres exemptions (article 3), elle ne s'applique pas non plus aux contrats pour la construction et la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers, à l'exception de la location. Elle n'est pas applicable aux contrats conclus lors d'une vente aux enchères.

La délégation française a défendu l'harmonisation du champ d'application de la directive commerce électronique avec celui de la directive " contrats à distance ".

Elle ne souhaitait pas que les ventes aux enchères par voie électronique soient incluses dans le champ d'application de la directive sur le commerce électronique alors que les dispositions protectrices du consommateur, prévues par la directive " contrats à distance ", n'y sont pas applicables.

Votre commission des Lois regrette que la délégation française soit restée isolée sur ce point.

De même, la délégation française avait souhaité que les contrats immobiliers conclus par voie électronique ne soient pas admis au titre de la directive commerce électronique, alors que la protection des consommateurs instituée par la directive " contrats à distance " ne leur est pas applicable.

La directive proposée n'exclut pas complètement les contrats immobiliers de son champ d'application, elle se contente de permettre aux États membres qui le souhaitent d'apporter des restrictions nécessaires et proportionnées à la libre circulation des biens et des services lorsque le droit national soumet la validité formelle de ces contrats à certaines exigences.

S'agissant de contrats " sensibles ", votre commission des Lois regrette que la directive proposée sur le commerce électronique ne soit pas en cohérence avec la directive " contrats à distance ".

b) Les informations du consommateur

La directive " contrats à distance " est beaucoup plus précise 17( * ) que la directive proposée sur le commerce électronique, s'agissant de l'obligation d'informer l'acheteur.

Votre commission des Lois souligne que le commerce électronique ne doit pas offrir moins de garanties en termes d'information du consommateur que les autres modalités de vente à distance 18( * ) .

La confirmation écrite des informations désigne l'obligation pour le fournisseur d'envoyer au consommateur, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, la confirmation des informations obligatoires.

c) Le droit de rétractation de sept jours

Selon la directive 97/7, considérant que le consommateur n'a pas la possibilité in concreto de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat, il convient pour tout contrat à distance, que le consommateur dispose d'un délai d'au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif.

Ce délai court, sauf exception, pour les biens, à compter du jour de leur réception par le consommateur, et pour les services, à compter du jour de la conclusion du contrat.

Votre commission des Lois estime nécessaire de rappeler que le droit de rétractation doit s'appliquer pleinement au commerce électronique . Tout en admettant que des difficultés d'application existent, celles-ci ne doivent pas conduire à exclure l'application du droit de rétractation aux ventes par voie électronique.

d) Une protection contraignante et minimale

Aux termes de la directive " contrats à distance ", le consommateur ne peut renoncer aux droits qui lui sont conférés. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus strictes compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.

La rédaction de la directive " contrats à distance " fait résolument le choix de la protection des consommateurs. Force est de constater que la directive proposée sur le commerce électronique insiste avant tout sur l'application des principes du marché intérieur que sont la liberté de circulation des biens et services et la liberté d'établissement.

Votre commission des Lois regrette que cette affirmation de principe n'ait pas pour corollaire un véritable engagement en faveur de la protection des consommateurs.


Elle estime qu'une mention expresse de la directive 97/7 du 20 mai 1997 à l'article 10 de la directive proposée présenterait une garantie pour les acheteurs.

4. La formation des contrats électroniques : directives commerce électronique et " signature électronique "

La directive du Parlement européen et du Conseil sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, adoptée définitivement en novembre 1999, est citée en référence dans la directive proposée sur le commerce électronique.

La directive proposée pose le principe de l'efficacité juridique des contrats passés par voie électronique. La question de la compatibilité avec cette directive du droit national relatif à l' existence et à la valeur probante des écrits sous forme électronique mérite d'être posée.

Votre commission des Lois ne souhaite pas anticiper sur le débat qui aura lieu lors de l'examen du projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies de l'information et relatif à la signature électronique.

Cependant, elle constate que la directive proposée ne pose aucune condition pour la reconnaissance de l'efficacité juridique du contrat passé par voie électronique.

Or, dans de nombreux domaines, il convient de maintenir l'exigence de l'écrit ad validitatem 19( * ) .

Il semblerait à cet égard que les exceptions 20( * ) prévues par la directive ne soient pas suffisantes.

Votre commission des Lois estime que de nombreux contrats, en raison de leur gravité, ne devraient pas être admis par voie électronique. Elle remarque que le droit français comporte de nombreuses prescriptions quant à la formalité des contrats, exigeant un écrit ad validitatem .

Elle souhaite que l'adaptation de ces prescriptions aux technologies de l'information ne résulte pas d'une disposition générale dont les implications n'auraient pas été mesurées, mais qu'elle donne lieu à un débat et un examen approfondis.

*

Ces différentes remarques tendent à montrer certaines des insuffisances de la directive proposée. Face aux lacunes du texte, la délégation française a défendu une position favorable à la sécurité juridique et à la protection des consommateurs.

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