B. UN MOUVEMENT DE LIBÉRALISATION PORTÉ PAR L'HISTOIRE ET LA TECHNOLOGIE
1. Un inéluctable processus d'ouverture des marchés
Comme le
relève Christian Stoffaës :
" La régulation de
l'électricité vers toujours plus de coordination et de
planification semblait s'inscrire dans une logique qui aurait
été, en quelque sorte, dictée par le sens de l'histoire.
Mais depuis une vingtaine d'années, l'histoire semble avoir
changé de sens : [...] l'industrie électrique, après
avoir été pendant un siècle, un vecteur en forte
croissance, mobilisé par les investissements lourds de production est
désormais parvenue à maturité économique. La
diffusion internationale des centrales thermiques de petite taille a
joué un rôle décisif dans ce processus [...]. C'est ainsi
qu'est rompu le cercle vertueux de la croissance rapide, du progrès
technique, des investissements lourds et des gains de productivité
impressionnants, qui avaient soutenu le développement de l'industrie
électrique pendant 30 ans et qui avaient intimement
conditionné le régime institutionnel du service
public "
2(
*
)
.
Ce mouvement continu de dérégulation, alimenté avant
tout par les innovations technologiques, est particulièrement
remarquable en Europe où il entraîne une baisse tendancielle du
prix de l'électricité.
La libéralisation du secteur de l'électricité a
été lancée en Grande-Bretagne par
l'Electricity Act
de 1989. Ce texte a supprimé le monopole conféré
après la guerre au
Central Electricity Generating Board
, l'ancien
monopole public de production et de transport. Cette structure a
été séparée en trois entreprises de production
d'énergie et une entité,
National Grid
, à laquelle
est confiée le transport. Deux des trois entreprises de production,
National Power
et
Power Gen
ont été
privatisées,
Sud Nuclear Electric
demeurant au sein du secteur
public. La loi a également créé une instance
destinée à mettre en concurrence les offres des producteurs pour
créer un marché centralisé et abaisser les coûts.
Cette réforme a eu pour effet de favoriser le développement de la
production d'électricité issue d'installations fonctionnant au
gaz et la fermeture des centrales à charbon les moins
compétitives.
Plus récemment, l'introduction d'un véritable système de
marché dans les pays scandinaves appartenant au NORDEL a
également entraîné une baisse des cours. Le prix
" SPOT " de l'électricité à la bourse d'Oslo a
ainsi baissé de près de 50 % en 1997 et de 14 % en
1998. Une tendance analogue est observée sur le marché Suisse
dont le centre de Laufenburg constitue la plaque-tournante du commerce
européen de l'électricité. La chute du prix du baril de
pétrole, qui s'est maintenue jusqu'au début 1999, a aussi
contribué à la diminution du prix de vente de
l'électricité.
2. ... et des évolutions technologiques qui remettent en cause l'organisation passée
Alors que la France a longtemps bénéficié -grâce à l'énergie d'origine nucléaire- d'un prix de l'électricité particulièrement attractif par rapport à ses concurrents, elle est en passe de perdre , sous l'effet de l'apparition de nouvelles techniques et des variations des prix mondiaux des matières premières énergétiques, cet avantage comparatif . Comme le montrent les trois graphiques ci-dessous qui concernent respectivement la consommation d'un très gros consommateur, de plus de 40 Gwh (fonderie d'aluminium) ; d'une petite entreprise ; et d'un ménage ; notre pays occupe une position intermédiaire, aussi bien pour les tarifs applicables aux usages industriels que pour ceux qui concernent la consommation domestique.
PRIX
DE L'ÉLECTRICITÉ - USAGES INDUSTRIELS
Consommation annuelle de 70 millions Kwh
(en Ecus, taxes comprises)
Source : EUROSTAT
PRIX
DE L'ÉLECTRICITÉ - USAGES INDUSTRIELS
Consommation annuelle de 30.000 Kwh
(en Ecus, taxes comprises)
Source : EUROSTAT
PRIX
DE L'ÉLECTRICITÉ - USAGES DOMESTIQUES
Consommation annuelle de 1.200 Kwh
(en Ecus, taxes comprises)
Source
: EUROSTAT
Comme le soulignait le président d'EDF devant votre Commission des
Affaires économiques, la potentiel de diminution future des prix d'EDF
-qui étaient nettement inférieurs à la moyenne
européenne avant la libéralisation- est, de ce fait,
nécessairement restreint par rapport à celui de ses concurrents.
Cependant, l'opérateur public doit poursuivre ses efforts afin de
demeurer compétitif, notamment dans ses relations avec les industriels.
En effet, sur ce segment de marché, les prix réellement
pratiqués sont souvent inférieurs aux tarifs affichés par
les producteurs étrangers car ils résultent de
négociations. C'est pourquoi les grands industriels français
peuvent se trouver dans une situation réelle moins favorable, en termes
tarifaires, que celle que traduit le premier graphique figurant ci-dessus.