IV. LES ORIENTATIONS GÉNÉRALES DE LA COMMISSION SPÉCIALE
A. RÉINTRODUIRE LE PARLEMENT DANS L'ÉLABORATION DES DOCUMENTS D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
1. L'adoption des schémas directeurs d'équipements et de services par la loi
La
nécessité d'un examen des schémas collectifs par le
Parlement a recueilli l'assentiment d'une majorité de
députés. Seul un effort de persuasion particulièrement
insistant a permis au Gouvernement d'obtenir que le Parlement soit, de fait,
exclu du processus d'élaboration des schémas de services
collectifs.
Votre commission spéciale vous propose de réintroduire le
Parlement, et donc la démocratie, dans le processus décisionnel.
Le schéma national d'aménagement du territoire ayant
été abandonné, votre commission spéciale vous
propose de reprendre la procédure des lois de plan et de prévoir
que les schémas directeurs d'équipements et de services sont
adoptés par la loi à travers un rapport annexé et ensuite
mis en oeuvre par décret. Il s'agit là d'un progrès
certain par rapport au texte adopté par l'Assemblée
nationale.
2. Le rôle des délégations parlementaires
La
carence du pouvoir réglementaire à mettre en place le
groupement d'intérêt public
d'observation et
d'évaluation de l'aménagement du territoire
doit être
constatée
.
Votre commission spéciale vous proposera
d'accepter la
création de délégations parlementaires
à
l'aménagement du territoire, prévue par l'Assemblée
nationale. Elles seront chargées d'exercer cette
indispensable
mission
d'observation et d'évaluation des politiques
d'aménagement du territoire.
Ces délégations pourront en outre, comme l'a prévu
l'Assemblée nationale,
rendre un avis
à la demande du
Gouvernement sur les projets de décret mettant en oeuvre les
schémas directeurs dont la création vous sera proposée.
Une nouvelle rédaction de l'article 8 bis tend à
clarifier le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale et
à mieux assurer le lien
nécessaire
entre ces
délégations et
les commissions permanentes
.
B. RENFORCER LA DIMENSION EUROPÉENNE DU TEXTE POUR UNE MEILLEURE INTÉGRATION DE LA FRANCE DANS L'UNION EUROPÉENNE
1. La politique structurelle européenne : un enjeu essentiel d'aménagement du territoire
Une
importance désormais majeure
La compétence en matière d'aménagement du territoire n'a
jamais été reconnue aux institutions européennes par les
textes fondateurs. Le Traité de Rome mentionnait, dans son
préambule, l'objectif de développement harmonieux et de
réduction des écarts existants entre les régions,
même s'il n'avait pas mis en place de politique spécifique pour
atteindre cet objectif. Aujourd'hui, au terme de quarante années de
construction communautaire, la politique régionale européenne
représente le
deuxième poste de dépense de l'Union
,
derrière la politique agricole commune.
Après l'Acte unique, qui a officialisé la politique
régionale comme une compétence communautaire à part
entière, par l'insertion dans le Traité de Rome d'un nouveau
chapitre intitulé
" cohésion économique et
sociale "
aux articles 130A à 130E, dans le but
" de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de
la Communauté "
, ce sont les
réformes de 1988 et
1993
qui ont donné leur forme actuelle aux " fonds
structurels " (FEDER, FSE, Feoga-Orientation) et au fonds de
cohésion.
Comme le détaillait le remarquable rapport de notre collègue
Jean-Pierre Raffarin
12(
*
)
sur la proposition de résolution sur la réforme de la politique
structurelle européenne, les fonds structurels ont vu leur budget
augmenter et leur mode d'action s'enrichir considérablement ces
dernières années :
QUELQUES DONNÉES SUR LA POLITIQUE STRUCTURELLE EUROPÉENNE
La politique régionale européenne est
désormais la deuxième poste de dépense
de
l'Union
européenne
(plus du tiers du total du budget communautaire),
après la politique agricole commune, qui en représente
désormais moins de la moitié.
C'est aussi le plus évolutif
.
Le montant des crédits qui lui est alloué est considérable
: il s'élève, pour la période 1994-1999, à
près de
141,5 milliards d'écus
13(
*
)
(valeur 1992) et l'avant-projet de
budget communautaire pour 1999 lui accorde 39 milliards d'euros de
crédits d'engagements pour cette seule année.
Les propositions de cadrage financier pour le budget communautaire pour la
période 2000-2006 de la Commission dans " Agenda 2000 "
(exprimées en écus 1997) montrent elles aussi la montée en
puissance budgétaire de la politique structurelle :
PROPOSITIONS DE CADRAGE FINANCIER DE LA COMMISSION
POUR
2000-2006
(en milliards d'écus 1997)
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2006
|
Agriculture |
43,3 |
44,1 |
45,0 |
46,1 |
47,0 |
48,0 |
49,0 |
50,0 |
43,67 % |
Actions structurelles
|
36,1
|
35,2 |
36,0 |
38,8 |
39,8 |
40,7 |
41,7 |
42,8 |
37,38 % |
Autres |
18,4 |
18,2 |
18,8 |
20,2 |
20,3 |
20,8 |
21,3 |
21,7 |
18,95 % |
Total crédits d'engagement |
97,8 |
97,5 |
99,8 |
105,1 |
107,1 |
109,5 |
112,0 |
114,5 |
100 % |
Source : Agenda 2000
Les instruments de la politique régionale européenne se
sont diversifiés. Les objectifs actuels des fonds structurels sont les
suivants :
-
Objectifs à vocation régionale
(les cartes sont
présentées en annexe du présent rapport) :
objectif 1
: promouvoir le développement et
l'ajustement structurel des régions en retard de développement
objectif 2
: reconvertir les zones en déclin
industriel
objectif 5b
: promouvoir le développement des
zones rurales vulnérables
objectif 6
: prendre en compte le particularisme des
zones arctiques semi-désertiques (Suède et Finlande).
- Objectifs à vocation nationale :
objectif 3
: lutter contre l'exclusion du marché du
travail et faciliter l'insertion professionnelle des jeunes
objectif 4
: faciliter l'adaptation des travailleurs
aux mutations industrielles et à l'évolution des systèmes
de production
objectif 5a
: accompagner l'évolution des
structures agricoles et de la pêche.
Source : Rapport précité n° 88 de M. Jean-Pierre
Raffarin, Sénat, 1998.
Au-delà de la seule politique régionale,
un schéma de
développement de l'espace communautaire (SDEC)
a été
présenté en 1997, en vue de
" renforcer la
coopération "
et de
" faire converger les efforts des
Etats membres en matière d'aménagement du territoire
européen
14(
*
)
"
.
Ce schéma doit faire l'objet d'un examen par les ministres de
l'aménagement du territoire, à Postdam les 14 et 15 mai prochains.
Une réforme lourde d'enjeux
La Commission européenne a présenté, dans le document
" Agenda 2000 ", ses propositions de réforme de la
politique structurelle communautaire pour la période 2000-2006, autour
des objectifs de
concentration des aides
, de
décentralisation
de leur gestion
et de
réduction du nombre d'objectifs
.
La Commission propose de retenir les trois objectifs suivants :
-
l'objectif 1
serait, comme c'est déjà le cas,
consacré aux régions en
retard de développement
,
mais le critère de PIB par habitant inférieur au seuil de
75 % de la moyenne communautaire serait entendu strictement
15(
*
)
. Cet objectif devrait concentrer les
2/3 des dotations ;
-
l'objectif 2
serait destiné aux
régions en
reconversion économique et sociale
, qu'elles soient
industrielles
ou de services, rurales, urbaines ou dépendantes de la pêche
.
La population résidant dans les zones éligibles à
l'objectif 2 ne devrait pas dépasser
18 %
du total de
la population de l'Union ;
- l'objectif 3
-le seul objectif horizontal et non régional-
tendrait au
développement des ressources humaines
. Il serait
destiné à intervenir en dehors des zones éligibles aux
objectifs 1 et 2.
Soulignons, en outre, qu'en vertu du règlement sur le
développement rural, le FEOGA section garantie contribuerait au
financement du développement rural, sur tout le territoire.
Votre commission spéciale ne s'étendra pas sur les enjeux et les
modalités de cette réforme, et de celle des zonages
européens, qui ont été remarquablement analysés par
nos collègues Yann Gaillard pour la délégation pour
l'Union européenne
16(
*
)
et
Jean-Pierre Raffarin, rapporteur de la Commission des Affaires
économiques
17(
*
)
pour la
résolution adoptée par le Sénat sur ce sujet.
Votre commission spéciale se contentera d'une actualisation des
éléments analysés par ce rapport, au vu des
développements les plus récents.
D'après les informations apportées par
M. Eneko Landaburu Illaramendi à votre commission
spéciale, le sommet de Berlin, tenu dans la 4
ème
semaine de Mars, devrait aborder ce point, un compromis étant
susceptible de se dessiner, autour d'une enveloppe globale de
210 milliards d'euros alloués pour la période, à la
politique régionale, contre 240 initialement proposés par la
Commission (en comptant le fonds de cohésion).
2. Les propositions de la commission spéciale
Votre
commission spéciale souhaite améliorer la cohérence et la
coordination, en matière d'aménagement du territoire, entre la
politique nationale et communautaire.
Elle juge à cet égard que
le projet de loi manque de vision
européenne
et ne pose qu'insuffisamment le principe de
l'intégration du territoire français à l'Union
européenne. Au-delà des simples concordances de calendrier des
programmations communautaire et régionale, c'est en vain qu'on cherchera
le souffle d'une volonté politique résolument tournée vers
l'Europe.
N'assiste-t-on pas au contraire de la part de l'Etat, à la tentation de
s'approprier les fonds européens, " renationalisant " ainsi
des crédits qui lui font défaut, sur le plan interne ?
Votre commission spéciale estime que cette tentative
hégémonique ferait régresser la construction
communautaire
.
Votre commission spéciale vous proposera plusieurs amendements pour
renforcer la dimension européenne du texte de loi, notamment aux
articles " de principe " 1 et 2, ainsi qu'en ce qui concerne les
schémas directeurs d'équipements et de services.
Au-delà des affirmations de principe,
deux modifications
proposées par la Commission spéciale devraient être des
outils actifs d'approfondissement de l'intégration européenne et
de mise en cohérence entre le niveau national et européen
d'aménagement du territoire.
Il s'agit, d'une part, des amendements que votre commission spéciale
vous propose, respectivement
à l'article 20 ter et après
l'article 20 ter
, qui visent à améliorer et à
élargir les outils juridiques de coopération
transfrontalière entre les collectivités locales
françaises et leurs consoeurs de l'Union européenne.
Dans la logique du programme d'initiative communautaire transrégional et
transfrontalier INTERREG, qui devrait voir ses crédits significativement
augmenter sur la période 2000-2006, il s'agit, selon les mots du
directeur général de la DG XVI M. Eneko Landaburu Illaramendi,
entendu par votre commission spéciale, sur le programme INTERREG :
" d'effacer les frontières, qu'elles soient maritimes ou
terrestres "
.
Cette coopération entre collectivités de l'Union
européenne, souhaitée par votre commission spéciale, et
notamment M. Charles Revet, devra, bien entendu, s'opérer dans la limite
de leurs compétences respectives et en accord avec les engagements
internationaux de la France.
D'autre part, votre commission spéciale estime que la traduction
législative qu'elle vous propose du rôle de
"
collectivité chef de file
" introduit par la loi
" Pasqua-Hoeffel " de 1995 s'inscrit dans la ligne d'une meilleure
efficacité de l'action publique en vue de l'insertion européenne.
En effet, de l'aveu même du directeur général de la
commission chargé des politiques structurelles européennes, la
lenteur française à consommer les crédits de la politique
régionale européenne tient non seulement à l'absence de
contrepartie nationale de la part de l'Etat et à la difficulté
pour les territoires de " monter " des dossiers éligibles,
mais aussi au manque de coordination des différents niveaux de
collectivités territoriales et d'administrations françaises.
Votre commission spéciale estime que l'organisation des
collectivités autour d'un chef de file aurait ainsi toute sa pertinence,
notamment dans la perspective de l'intégration
européenne
.
C. DONNER UNE TRADUCTION LÉGISLATIVE À LA NOTION DE COLLECTIVITÉ CHEF DE FILE
La
notion de
collectivité chef de file,
mise en avant par la loi
d'orientation du 4 février 1995 sur l'initiative du
Sénat,
n'a, à ce jour, pas reçu de traduction
législative
.
Pourtant force est de constater que cette notion conserve toute sa pertinence
pour clarifier les conditions d'exercice des compétences, tout
particulièrement dans le domaine de
l'aménagement du
territoire et du développement économique.
Votre commission spéciale vous proposera, en conséquence, un
article additionnel prévoyant la désignation d'une
collectivité chef de file pour des
actions communes
menées
par la voie conventionnelle par les collectivités et leurs groupements
en
matière d'aménagement du territoire et de
développement économique
.
La mise en oeuvre de cette notion
ne modifiera pas
la répartition
actuelle des compétences entre les collectivités territoriales.
La collectivité chef de file aura un rôle de
coordination
de la
programmation
et de
l'exécution
de ces actions
communes. En outre, les parties à la convention pourront décider
de lui confier les responsabilités du maître d'ouvrage. Un cahier
des charges annexé à la convention pourra également
définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à
la réalisation de ces actions.
Votre commission spéciale entend affirmer son attachement à
l'application du
principe de subsidiarité
dans le choix de la
collectivité qui sera choisie par la convention pour exercer cette
mission de coordination.
Elle a, par ailleurs, jugé nécessaire de
désigner dans
la loi
la collectivité qui sera, en principe, chef de file pour des
actions communes à la région et aux départements
.
Les parties à la convention auront néanmoins la faculté,
en fonction du contexte local, de désigner un autre chef de file.
Sauf stipulation contraire
, pour des actions communes à la
région et au département, la région sera la
collectivité chef de file des
actions d'intérêt
régional
, le département exerçant la même
mission pour le
développement local
et
la promotion des
solidarités réciproques
entre la ville et l'espace
rural.
D. MIEUX ADAPTER L'APPROCHE DES PAYS ET DES AGGLOMÉRATIONS AUX RÉALITÉS LOCALES
1. Confirmer les pays comme espaces de projets
Votre
commission spéciale entend réaffirmer un certain nombre de
principes directeurs
auxquels la réussite des pays est
subordonnée :
- le
rôle déterminant de l'initiative locale
dans la
réussite des projets de développement ;
- la nécessité de conserver une
très grande
souplesse à la réglementation
en la matière afin de
prendre en compte la diversité locale ;
- le pays doit être un
espace
pour la définition et la
mise en oeuvre d'un
projet de développement commun
à
plusieurs collectivités. Il ne saurait avoir pour finalité de
prendre en charge les compétences déjà assurées par
les structures existantes.
Elle vous soumettra, en conséquence, une nouvelle rédaction de
l'article 19 qui a pour objet de :
- rétablir une
procédure de constatation
des pays qui
paraît préférable à la procédure très
lourde de reconnaissance prévue par le projet de loi. La
procédure de constatation associerait le département ainsi que le
président du conseil régional pour avis ;
- prévoir l'association
des milieux économiques et
sociaux
à l'élaboration de la charte du pays ;
- mieux souligner que la charte du pays est l'expression d'une
communauté d'intérêts économiques et sociaux ainsi
que le cas échéant des solidarités entre la ville et
l'espace rural (formulation de la loi du 4 février 1995 qui avait
été prévue par le Sénat) ;
- supprimer le
conseil de développement
qui
ne
paraît pas conciliable avec la volonté affichée de ne pas
faire du pays une nouvelle structure se superposant aux structures
existantes ;
- supprimer la formule du
groupement d'intérêt public
lors de la conclusion du contrat particulier au contrat de plan, le recours aux
formules intercommunales classiques ou au syndicat mixte paraissant mieux
adaptées et de nature à assurer une indispensable
sécurité juridique.
2. Les agglomérations : pour un assouplissement du dispositif proposé
Il faut
déplorer que le Gouvernement propose au Parlement de traiter
dans
deux projets de loi distincts
(aménagement du territoire,
intercommunalité) la question des agglomérations.
Ainsi, la question des
seuils
est évoquée dans le
présent projet de loi alors même qu'elle sera débattue dans
le cadre du projet de loi sur l'intercommunalité qui en fait l'une des
conditions de création des nouvelles communautés
d'agglomération
lesquelles bénéficieront
d'incitations financières très fortes
dans le cadre de la
DGF.
Votre commission spéciale vous proposera de prévoir que les
départements seront associés à l'élaboration du
projet d'agglomération
. Elle vous suggérera également
d'assouplir le dispositif proposé.
Ses propositions ne sauraient, cependant, préjuger des décisions
que le Sénat sera appelé à prendre lors de l'examen du
projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la
coopération communale qui prévoit, notamment, la création
de communautés d'agglomérations.
E. PROTÉGER LES ESPACES PÉRIURBAINS ET LUTTER CONTRE LA CÉSURE ENTRE VILLE ET CAMPAGNE
Les
espaces périurbains sont une zone-frontière entre les zones
urbanisées et l'espace rural. Ils subissent le contrecoup de la
coexistence d'une urbanisation conquérante et du délicat maintien
des exploitations agricoles traditionnelles : 52 % de leur superficie
sont consacrés à l'agriculture, ce qui correspond à
10 % de la surface agricole utile.
La pression foncière qui s'y exprime en permanence résulte de
l'afflux des constructions neuves de logements, d'infrastructures de
communication et de zones d'activités en tout genre, attirés par
le prix moins élevé du terrain. Or, neuf millions de
Français -15 % de la population- résident dans ces espaces
où se trouvent également un certain nombre de zones urbaines
sensibles relevant de la
" politique de la ville ".
Au même titre que l'espace rural et les espaces qui subissent des
reconversions industrielles, et tout comme les départements d'outre-mer
et les espaces ultra-périphériques, les espaces
périurbains doivent faire l'objet d'une politique spécifique.
Or, votre commission spéciale constate et regrette que le projet de loi
ne contienne que quelques dispositions éparses les concernant. C'est
pourquoi elle vous proposera, au lieu de ces éléments lacunaires,
l'adoption d'une série d'articles additionnels tendant à
protéger, à requalifier et à embellir les espaces
périurbains dont le développement plus harmonieux constitue l'une
des conditions de l'équilibre territorial de la France.
1. Les espaces périurbains, " oubliés " du projet de loi transmis au Sénat
Alors
que la protection de l'environnement en général et l'action des
parcs naturels régionaux, en particulier, font l'objet de plusieurs
dispositions importantes, les espaces périurbains sont, pour ainsi dire,
réduits à la portion congrue dans le projet de loi
d'aménagement et de développement durable du territoire transmis
au Sénat.
Certes, tous ne sont pas caractérisés par un intérêt
écologique remarquable, et tous ne sont pas
irrémédiablement endommagés. Cependant, nombre d'entre eux
subissent une dégradation qui, pour être rampante, n'en est pas
moins quasi irréversible. Or, si le projet tend presque à
surprotéger les espaces naturels, il prévoit trop peu de mesures
de protection spécifique pour les abords des villes. C'est là une
lacune qui se traduit dans plusieurs de ses dispositions.
Les espaces périurbains sont visés, en premier lieu, au titre des
choix stratégiques définis à l'article 2 qui évoque
la nécessité d'un soutien aux territoires en difficulté,
et notamment aux
" territoires urbains destructurés ou
très dégradés cumulant des handicaps économiques et
sociaux ".
L'article 5 alinéa 3 dispose, en deuxième lieu, que le
schéma régional d'aménagement et de développement
du territoire définit notamment les principaux objectifs relatifs au
" développement harmonieux des territoires urbains,
périurbains et ruraux [...] et la réhabilitation des territoires
dégradés ".
L'article 20 évoque, quant à lui, la conclusion de contrats de
ville destinés à mettre en oeuvre de façon
concertée,
" des politiques territorialisées de
développement solidaire et de requalification urbaine "
qui ne
sont pas sans lien avec la situation d'espaces périurbains à
proximité desquels se trouvent des " grands ensembles "
conçus par des architectes inspirés, pour la plupart, par la
" Charte d'Athènes ".
Sur ce sujet, la principale disposition du projet de loi, a été
adoptée à l'initiative de Mme Nicole Bricq (amendement
n° 735) afin de régler selon ses termes mêmes le
" cas concret "
des Boucles de la Marne et de l'Ourcq qui
" pourrait avoir une valeur exemplaire pour les espaces
périurbains de même nature dans les grandes
agglomérations
".
L'avant-dernier alinéa de l'article 19 du projet de loi, qui
résulte de l'adoption de l'amendement n° 735
précité dispose que :
" Lorsque la charte de pays vise en priorité à
préserver et requalifier le patrimoine paysager et culturel et à
conforter les espaces agricoles et forestiers de territoires soumis à
une forte pression d'urbanisation et d'artificialisation, le pays peut
être classé par arrêté préfectoral, sur
proposition du ou des conseils généraux, en " espace
régional de reconquête paysagère ".
Dans ce
cas, les documents d'urbanisme des collectivités ayant adopté la
charte de pays doivent être compatibles avec les orientations
fondamentales de l'organisation spatiale exprimées par cette
charte
"
.
Au cours du débat, Madame la ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement s'est déclarée :
" favorable à la proposition de retenir ces zones
particulières comme des espaces régionaux de reconquête
paysagère devant faire l'objet d'une attention particulière de
l'Etat. Cela [lui] paraissant indispensable si l'on veut favoriser de
réels efforts de requalification urbaine, paysagère et culturelle
dans un tel périmètre "
18(
*
)
.
Votre commission spéciale se réjouit de cette prise de conscience
tout en soulignant que, sur ce sujet, la réflexion du Sénat a
précédé celle de l'Assemblée nationale et du
Gouvernement puisqu'elle s'est efforcée de dépasser les
problèmes posés par un cas particulier pour tirer des
enseignements généraux et préconiser des solutions
applicables sur tout le territoire.
2. Les propositions de la commission spéciale
Votre
commission spéciale estime que le traitement des problèmes des
espaces périurbains nécessite la mise en oeuvre d'un dispositif
spécifique. Elle souhaite, en outre, considérant que la politique
foncière constitue le fondement de la " durabilité ",
stabiliser les documents d'urbanisme et favoriser la pérennisation de
l'agriculture, notamment en zone périurbaine.
Elle vous recommandera, en conséquence, de créer un nouvel outil
les " terroirs urbains et paysagers " destinés à
catalyser les efforts des collectivités locales et de l'Etat dans les
territoires soumis à une forte pression foncière urbaine.
Elle souhaite que ces terroirs urbains et paysagers jouent un rôle
analogue à celui des PNR, tout en permettant de mettre en oeuvre des
actions de requalification dans les territoires dégradés.
Elle vous proposera, également, afin de limiter l'instabilité
chronique des plans d'occupation des sols, de ne permettre -sauf circonstances
particulières- leur révision dans les dix ans qui suivent
leur entrée en vigueur, que dans les communes dotées d'un
schéma directeur.
Enfin, votre commission spéciale vous proposera deux mesures importantes
afin de favoriser le maintien de l'agriculture dans ces zones. L'une est
spécifique à l'Ile-de-France. Elle tend à prévoir
que dans l'espace couvert par le SDRIF, les schémas directeurs et les
plans d'occupation des sols devront prévoir des espaces
présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. L'autre
tend à exempter les départements de l'obligation d'ouverture au
public sur les terrains achetés au titre de la protection des espaces
naturels sensibles, dès lors que ces terrains, situés dans les
zones naturelles du POS sont loués à bail par des exploitants
agricoles agréés par une SAFER et respectant un cahier des
charges.
F. INTRODUIRE LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Votre
commission spéciale en est convaincue, seul le développement
d'activités nouvelles permettra de revitaliser les zones rurales et de
reconquérir les banlieues.
Pourtant, le projet de loi est muet sur cette question. Certes, il ne
supprime pas les outils, importants, mis en place en 1995. Pour autant, c'est
en vain que l'on y cherchera un vrai second souffle pour le
développement économique des territoires, à l'heure
où l'emploi est pourtant la première préoccupation des
Français.
1. Le développement économique, un oubli remarqué du projet de loi
Renvoyant au projet de loi sur les interventions
économiques
des collectivités locales -dont on attend toujours le
dépôt- le Gouvernement a tout bonnement choisi
d'évacuer la dimension économique de son texte sur
l'aménagement du territoire.
Ce choix est critiquable. Il révèle une conception trop
limitée de l'aménagement du territoire, duquel serait absent le
développement territorial. Il a été regretté par de
nombreux observateurs.
La position du Conseil économique et social
Dans son avis, présenté par M. Jean-Claude Bury, sur
l'avant-projet de loi, le Conseil économique et social affirmait
d'ailleurs
19(
*
)
qu'
" il
aurait souhaité que l'emploi soit érigé au rang de
priorité :
- par la modernisation et le soutien au développement des
systèmes productifs cohérents
;
- par l'appui aux
initiatives locales
et par le
développement d'activités
existantes et nouvelles. "
(...)
Le conseil
" note également que d'autres enjeux
stratégiques ne sont pas traités de façon approfondie, par
exemple
le développement des activités productives et la
création d'emplois, l'articulation entre industrie et recherche, le
rôle des services publics... ".
Plus loin
20(
*
)
, le même
avis estime que
" la place légitime faite aux
préoccupations environnementales ne doit pas l'être
au
détriment du développement économique et de la croissance,
qui restent essentiels pour la création d'emplois ".
Votre commission spéciale s'associe à cette analyse.
Les observations de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris
Dans ses observations sur le projet de loi d'aménagement et de
développement durable du territoire, adopté le 10 septembre
1998, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris estimait, elle aussi, que
ce dernier
" comporte quelques oublis : les besoins de
l'économie sont insuffisamment pris en compte, alors que les entreprises
constituent le principal moteur du développement économique du
territoire ".
Le groupe de travail " Nouvelles entreprises et territoires " de
la Commission des Affaires économiques
Soucieuse du développement économique territorial, la Commission
des Affaires économiques a constitué un groupe de travail
" Nouvelles entreprises et territoires
21(
*
)
"
, présidé par
notre collègue Jean-Pierre Raffarin, et dont le rapporteur est notre
collègue Francis Grignon. Ses travaux ont conduit au dépôt
d'une proposition de loi
22(
*
)
tendant à favoriser la création et le développement des
entreprises sur les territoires
. Si cette proposition de loi contient des
dispositions à caractère national pour stimuler la
création et le développement d'entreprises, en matière de
financement, d'environnement juridique, ou de promotion institutionnelle des
PME, elle consacre également un titre au
développement
économique territorial
.
Comme le fait remarquer le groupe de travail :
" Comment penser, en effet, l'avenir des territoires et des quartiers
sensibles sans le développement économique ? Comment ne pas
voir qu'une " sanctuarisation " de nos zones rurales les priverait de
toute vitalité et qu'une métropolisation excessive de nos villes
ne ferait qu'asphyxier davantage des lieux, déjà parfois trop
denses, où s'accumulent alors les problèmes ?
Comment passer à côté de cette chance offerte, grâce
aux nouvelles technologies, d'un développement mieux réparti,
plus durable et plus harmonieux ? "
23(
*
)
2. Les propositions de la commission spéciale
Votre
commission spéciale tient à souligner la qualité et
l'originalité de la réflexion du groupe de travail et
l'intérêt qui s'attache à chacune des mesures
proposées.
Avec l'appui des travaux réalisés par nos collègues, votre
commission spéciale vous propose d'insérer dans le présent
projet de loi un volet additionnel consacré au développement
économique des territoires.
Reprenant la proposition de loi précitée n° 254
dont
votre commission spéciale a précisé certains des
dispositifs fiscaux prévus
, il s'agit de drainer l'épargne
des particuliers vers les territoires avec la mise en place de fonds communs de
placement de proximité ; d'inciter à la mise en
réseau des entreprises au sein d'un territoire et de favoriser les
transmissions d'entreprises pour maintenir l'activité dans les zones
privilégiées d'aménagement du territoire.
En outre, votre commission spéciale vous propose un amendement
tendant à proroger, jusqu'à 2006, les mesures fiscales
incitatives mises en place pour les entreprises dans les zones
privilégiées d'aménagement du territoire, jusqu'en
décembre 1999, par la loi " Pasqua-Hoeffel " et le pacte
de relance pour la ville.
Après un très long débat au cours duquel sont notamment
intervenus, outre
MM. Gérard Larcher, Claude Belot et Charles Revet,
rapporteurs,
et
M. Jean François-Poncet,
président
,
Mme Janine Bardou, MM. Jacques Bellanger,
Léon Fatous, François Gerbaud,
Pierre
Hérisson, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Gérard
Le Cam, Paul Masson, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin
et
Alain
Vasselle, la commission spéciale a adopté, les
représentants du groupe socialiste votant contre et ceux du groupe
communiste s'abstenant, le présent projet de loi d'orientation
modifié par les amendements exposés dans l'examen des
articles.