II. SUR LA PROCÉDURE...
A. LE CONTOURNEMENT DU PARLEMENT
Dans sa
déclaration de politique générale du 19 juin 1997, le
Premier Ministre a affirmé que le Parlement devait "
pleinement
exercer son rôle éminent au sein de nos institutions "
et
souhaité
" associer étroitement la majorité
à la conception de la politique suivie et respecter les droits de
l'opposition ".
Làs,
les conditions dans lesquelles le présent projet de
loi d'orientation a été soumis au Parlement et la nouvelle
politique d'aménagement du territoire ont été fixée
ne laissent pas de susciter des interrogations sur la réelle
volonté du Gouvernement de se conformer aux déclarations
solennelles de son chef.
En modifiant unilatéralement les orientations de la politique
d'aménagement du territoire d'une façon qui préjuge de la
décision du Parlement et en imposant à celui-ci la
procédure d'urgence pour la discussion d'un texte qui pose des principes
applicables pour les vingt ans à venir, le Gouvernement conforte-t-il le
" rôle éminent " qu'il prétend reconnaître
au Parlement dans nos institutions ?
1. Le Gouvernement a préjugé des décisions du Parlement
Depuis
son installation, le Gouvernement a profondément transformé la
politique d'aménagement du territoire et ce de façon
" unilatérale ", notamment lors de deux Comités
interministériels d'aménagement et de développement du
territoire (CIADT) en décembre 1997 et en décembre 1998. C'est
l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation qui le
précise : "
le CIADT de décembre 1997 a
décidé de la suppression du schéma national et son
remplacement par des principes qui constituent les choix stratégiques de
la politique nationale d'aménagement du territoire ainsi que de nouveaux
schémas de services collectifs. "
1(
*
)
C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'alors même que la loi d'orientation
n°95-115 du 4 février 1995 était en vigueur, le Gouvernement
enjoignait aux préfets d'appliquer, à l'occasion de la
préparation des contrats de plan Etat-régions, les principes
fixés par une circulaire ministérielle du 17 juillet 1998.
Aux termes d'une annexe de celle-ci : en effet , le CIAT du
15 décembre 1997 et le Comité interministériel
à la ville du 30 juin 1998 ont "
déterminé
de nouvelles orientations relatives à la politique d`aménagement
du territoire et à la politique de la ville. Ces nouvelles orientations
seront complétées au moyen des schémas de services
collectifs en cours d'élaboration, dont le statut sera fixé de
façon législative dans la loi pour l'aménagement durable
du territoire (LOADT) qui sera débattue au Parlement
prochainement ".
Ainsi, Mme la Ministre de l'aménagement du territoire a-t-elle
implicitement demandé aux préfets, par voie de circulaire,
d'ignorer les dispositions d'une loi en vigueur. Chacun appréciera, dans
ces conditions, le respect que le Gouvernement porte " au rôle
éminent du Parlement au sein de nos institutions ".
L'article 36 du projet de loi d'orientation propose encore la ratification de
la décision d'abroger la déclaration d'utilité publique
des travaux du canal Saône-Rhin plus d'un an après la publication
du décret d'abrogation. Nul ne contestera au Gouvernement
l'autorité que lui confère la loi pour déclarer ou non
d'utilité publique ce type d'ouvrage. En revanche, on peut se demander
pourquoi le Gouvernement n'a pas jugé utile de soumettre au Parlement
-au moment où il abrogeait la déclaration d'utilité
publique-, un projet de loi tendant à modifier l'article 36 de la loi
Pasqua qui dispose toujours que "
l'ensemble des travaux devra
être achevé au plus tard en l'an 2010 ".
En choisissant
de s'abstenir, le Gouvernement a préféré faire
l'économie d'un débat au Parlement !
2. L'urgence limite le dialogue entre les deux chambres
a) La déclaration d'urgence : une utilisation abusive de la procédure
En
déclarant l'urgence sur le projet de loi d'orientation au
prétexte du calendrier des contrats de Plan, le Gouvernement a choisi de
" brider " le dialogue entre les deux assemblées. Le Parlement
n'aura disposé que de quelque deux mois pour statuer sur un texte qui
doit tracer les perspectives de la politique d'aménagement du territoire
pour les vingt années à venir.
M. le Président du Sénat a d'ailleurs appelé l'attention
de M. le Premier Ministre sur ce point.
Le temps n'aurait pourtant pas manqué au Gouvernement s'il avait voulu
respecter la procédure ordinaire qui, aux termes de l'article 45 de
la Constitution, consiste normalement en deux lectures dans chaque
assemblée. Le texte du projet de loi initial a été
enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 29 juillet 1998, près de six mois avant que celui-ci ne vienne en
discussion devant l'Assemblée nationale et près de huit mois
avant qu'il ne soit discuté par le Sénat.
La déclaration d'urgence sur les textes très importants tend
d'ailleurs à devenir, pour le Gouvernement, un fâcheux penchant.
Pour la seule session ordinaire 1998-1999, on relèvera ainsi, outre le
présent projet de loi, le projet de loi sur l'intercommunalité,
le projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi sur
l'épargne et la sécurité financière et le projet de
loi sur la modernisation et le développement du service public de
l'électricité.
La démarche du Gouvernement sur ce point pose d'ailleurs peut-être
une question d'ordre constitutionnel. Le second alinéa de
l'article 45 de la Constitution qui dispose que : "
Lorsque
par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou
une proposition de loi n'a pu être adopté après deux
lectures par chaque assemblée, ou, si le Gouvernement a
déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune
d'entre elles [...] "
n'a, selon votre commission spéciale, ni
pour objet, ni pour effet, de rendre inopérant le premier alinéa
de ce même article qui énonce que : "
tout projet ou
proposition de loi est examiné successivement dans les deux
assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte
identique ".
Ainsi, la procédure d'urgence lèse-t-elle,
selon nous, les droits du Parlement, dès lors qu'elle s'applique
à un texte qui, en attente depuis huit mois, tend à porter effet
pour une génération !
La nécessité de respecter une procédure normale de
discussion parlementaire avec au moins deux lectures dans chaque
assemblée n'était-elle pas, au demeurant, inscrite dans
" l'inconscient " de Mme le Ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement puisqu'à deux reprises, lors du
débat à l'Assemblée nationale, cette dernière a
fait référence implicite ou explicite à une
" deuxième lecture " du texte (J.O. Débats
Assemblée nationale - 3
ème
séance du
21 janvier 1999 - pages 326 et 327).
b) Cavaliers législatifs et artifices procéduraux
Depuis
la publication d'un rapport sur La Poste, rédigé avec le groupe
d'études sur l'avenir de La Poste et adopté par votre Commission
des affaires économiques
2(
*
)
en octobre 1997, votre commission
spéciale a appelé de ses voeux la discussion, avant la fin de
l'année 1998, d'une grande loi d'orientation postale, afin de transposer
la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 sur les services postaux.
Quelle ne fut pas sa surprise en constatant que le Gouvernement avait, par un
amendement reprenant, à quelques ajustements près, le texte
même de la directive précitée, inséré un
article additionnel au projet de loi d'orientation. Cette combinaison permet
à l'exécutif de faire l'économie d'un débat sur la
situation de La Poste. Est-il loisible de penser que certaines
échéances auraient davantage motivé le Gouvernement dans
son entreprise que l'intérêt bien considéré de La
Poste et de ses personnels ?
La Commission supérieure du service public des postes et
télécommunications (CSSPPT)
3(
*
)
a d'ailleurs fermement
dénoncé la méthode gouvernementale.
Saisie pour avis, conformément à la loi, le 16 janvier 1999, par
le Ministre chargé des postes et des télécommunications,
d'un projet de " dispositions législatives de transposition de la
directive européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997 ", elle a
appris, dans un deuxième temps, le 18 janvier 1999, la décision
du Gouvernement de déposer un amendement au projet de loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement durable du territoire pour
opérer la transposition de cette directive postale, amendement reprenant
des dispositions du texte soumis à l'examen de la CSSPPT.
La CSSPPT a donc dû se réunir en séance
plénière le 19 janvier 1999 pour examiner ce dispositif. Comme
l'indique son avis, publié le 20 janvier :
" Elle a
décidé de faire immédiatement savoir au Ministre :
qu'elle
rejetait cette procédure qui priverait le Parlement d'un
large débat sur l'ensemble de la question du service public postal
,
essentiel pour l'avenir de La Poste ;
qu'un engagement du Gouvernement de déposer et
faire examiner au
Parlement avant la fin de l'année 1999 un projet de loi globale de
réglementation du secteur postal
libérerait en revanche
l'avis de la Commission et lui permettrait d'entrer dans la discussion des
termes de l'amendement, l'urgence d'un vote étant évidente ;
qu'un tel engagement garantirait un cadre cohérent aux dispositions
législatives partielles et permettrait surtout de poursuivre, avec tous
les acteurs du secteur,
la concertation nécessaire sur un sujet qui
est au coeur du débat national sur le service public. "
Par lettre du 20 janvier 1999, le Ministre a informé la
CSSPPT que "
le Gouvernement a l'intention de procéder dans
les meilleurs délais à la transposition complète de la
directive européenne du 15 décembre 1997' et qu'il souhaite
lui-même `à cette occasion proposer l'actualisation
nécessaire de notre réglementation postale afin d'en assurer une
bonne lisibilité' et que le Ministre a `proposé au Premier
Ministre que le Gouvernement dépose à cet effet dans les mois qui
viennent un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre
juridique complet', ce qui `permettra de débattre de notre conception du
service public et confortera la lisibilité de notre
réglementation'. "
Le Président de la Commission supérieure a
considéré que cette lettre du Ministre
" suffisait pour
permettre à la commission d'émettre un avis "
et a, en
conséquence, transmis au Gouvernement l'avis de la CSSPPT en date du
20 janvier 1999 sur les dispositions concernées par
l'amendement.
Lors des débats à l'Assemblée nationale le
2 février 1999 sur l'article 15 bis du projet de loi
d'orientation sur l'aménagement et le développement du
territoire, le ministre chargé de la Poste et des
télécommunication a déclaré que l'avant projet de
loi annoncé était en réalité le même projet
de dispositions législatives dont la CSSPPT avait déjà
été saisie le 16 janvier.
Estimant que ces seules dispositions ne pouvaient suffire à atteindre
les objectifs visés
, la CSSPPT a alors estimé, dans un nouvel
avis en date du 3 mars 1999 :
"
Réunie en
séance plénière le 3 mars 1999 pour
débattre des modalités de transposition de la directive
européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997, la Commission
supérieure du service public des postes et
télécommunications considère qu'elle n'a pas encore
été saisie du projet de loi annoncé par le ministre dans
sa lettre du 20 janvier 1999, qui " donnera aux activités
postales un cadre juridique complet ". En conséquence, elle attend
les nouvelles initiatives du Gouvernement pour formuler ses
observations
".
Votre commission spéciale vous propose de supprimer l'amendement
gouvernemental créant l'article 15 bis et de disposer qu'une loi
d'orientation postale interviendra dans les six mois à compter de la
promulgation de la présente loi.
L'intégration, par voie d'amendement, d'un
article additionnel
29-1 dans la loi n° 95-115 du 4
février 1995
consacré aux maisons de services publics en
première lecture, à l'Assemblée nationale, relève
de la même stratégie de " mécano
législatif ".
Le développement des maisons de services publics a été
initié par M. Dominique Perben. Il devait trouver une
consécration législative dans le projet de loi relatif à
l'amélioration des relations entre les administrations et le public. La
discussion de ce texte a été interrompue par la dissolution mais
l'essentiel des dispositions a été repris par M. Emile
Zuccarelli dans le
projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs
relations avec l'administration
examiné en première lecture
au Sénat le 10 mars 1999.
Quel besoin le Gouvernement pouvait-il
avoir d'inscrire au même moment deux dispositions proches dans deux
textes différents ?
Au-delà des risques de
contradiction, de dispersion et de complexité excessive de la
règle de droit, le Gouvernement a cherché à se
prémunir contre une réaction hostile de l'Assemblée
nationale à la rédaction initiale du paragraphe II de l'article
22 du présent projet de loi.
Cette rédaction prévoyait la possibilité, pour les
communes ou les groupements de communes, de mettre à disposition des
agences postales des locaux et des personnels, ceci
sans compensation
financière
. Cette disposition consécutive à la fin du
moratoire sur la fermeture des services publics, a fait l'objet d'un vif
débat à l'Assemblée nationale et
c'est pour
éviter le rejet de cette disposition
que le Gouvernement a
" importé " le concept de maisons de services publics du
projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les
administrations et le public dans le texte relatif à
l'aménagement du territoire.
La manoeuvre est habile, mais elle n'en
méritait pas moins d'être soulignée
.
B. UNE LOI MAL APPLIQUÉE ?
Force est de constater, pour le déplorer, que la grande ambition du législateur de 1995 n'a pas porté encore tous ses fruits.
1. Les objectifs ambitieux de la loi " Pasqua-Hoeffel "
L'ambition du gouvernement : assurer l'égalité des chances
sur le territoire français
Le projet de loi " Pasqua-Hoeffel " avait pour ambition de contribuer
à assurer l'égalité des chances sur l'ensemble du
territoire français. Il souhaitait à ce titre corriger les
inégalités dues à un handicap géographique, moduler
les charges en fonction de ce handicap et enfin réduire les
écarts de ressources entre les collectivités locales.
Dans ce cadre, s'agissant des aspects financiers et fiscaux de cette politique
d'aménagement et de développement du territoire ainsi
revitalisée, il avait un triple objectif.
D'une part, régler le problème des " fonds financiers "
en essayant de simplifier ceux existant. Leur multiplication avait fait perdre
à la politique d'aménagement en lisibilité et il
apparaissait nécessaire d'en créer de nouveaux correspondant aux
priorités alors définies, notamment en matière de
transport ou d'aide aux entreprises.
D'autre part, il souhaitait recourir à " l'instrument fiscal "
dont l'utilisation avait été jusqu'alors jugée timide,
notamment en mettant en place des exonérations fiscales " ad
hoc " au profit d'entreprises nouvellement crées. Ces
exonérations étaient assorties d'une compensation par l'Etat au
profit des collectivités locales.
Enfin, s'agissant des finances locales, outre la mise en place d'études
préalables spécifiques réalisées sous la forme de
rapports du gouvernement au Parlement, il affichait, au sein de l'article 20 du
projet de loi initial, sa volonté de réduire les écarts de
ressources entre collectivités territoriales. Il prévoyait
cependant pour cela, simplement, le dépôt d'un rapport formulant
des "
propositions tendant à définir des instruments
permettant de mesurer les ressources et les charges des collectivités
locales
".
.
Un enrichissement significatif grâce aux travaux du Sénat
Ces différents aspects financiers et fiscaux du projet de loi avaient
été substantiellement aménagés et enrichis par
notre Haute Assemblée, suivant en cela les travaux de la commission
spéciale qui avait été alors constituée. Cette
dernière avait en effet tenu à afficher son ambition qui
était de profiter de l'occasion ainsi offerte pour
"
compléter et densifier
" ce texte.
Elle avait, tout d'abord, tenu à réaffirmer de façon
solennelle le caractère fondamental et primordial du principe de
péréquation financière. "
coeur du projet de
loi
" ainsi que la commission spéciale l'avait alors
souligné, cette disposition érigeait ce principe en
"
objectif prioritaire de la politique d'aménagement du
territoire
".
La commission avait alors substantiellement
contribué à diversifier et enrichir ladite notion en regrettant
la prudence tant du gouvernement que de l'Assemblée nationale en ce
domaine
.
Elle avait repris la démarche menée par la Mission d'information
sénatoriale sur l'aménagement du territoire en insistant
"
sur le caractère fondamental que revêt, à ses
yeux, la reconnaissance et la mise en oeuvre du principe de
péréquation financière
". Souhaitant que
"
la représentation nationale pose un principe nouveau, celui du
droit des territoires et de ceux qui y vivent à l'égalité
des chances
", elle avait alors défini, en faisant
référence à l'exemple de l'Allemagne, une méthode
originale basée sur une vaste concertation et le recours à des
indicateurs spécifiques. Elle avait également prévu un
calendrier qui fixait la mise en place de cette réforme dès
1997 ; l'objectif étant de la rendre totalement effective en
2010
4(
*
)
.
Pour cela, votre
Haute Assemblée avait prévu que le gouvernement dépose
devant le Parlement avant le 2 avril 1996, un rapport complet présentant
l'ensemble de ces questions
. Ces propositions avaient été
très largement retenues par l'Assemblée Nationale et, partant,
figurent actuellement au sein de l'article 68 de la loi
" Pasqua-Hoeffel ".
Parallèlement, la commission spéciale s'était
attachée à accroître la portée des fonds à
vocation économique alors mis en place. Elle avait à ce titre
tenu à réorganiser la structure du projet de loi en
définissant en son sein deux titres " ad hoc " : le titre
III concernant les instruments financiers de l'Etat et le titre IV portant
" dispositions spécifiques à certaines parties du
territoire ".
Ainsi fut créé un fonds unique, fusionnant six fonds existant
antérieurement et inscrits sur le budget de l'aménagement du
territoire : le Fonds national d'aménagement et de
développement du territoire (FNADT). Ce nouveau fonds était
construit autour d'un double objectif :
une action rapide et une grande
souplesse d'utilisation au profit de la politique d'aménagement du
territoire.
De même, afin de mettre en place une péréquation en
matière de transport aérien, et cela dans le contexte de la
déréglementation de ce marché résultant de
l'évolution de la norme européenne, a été
institué un Fonds de péréquation des transports
aériens (FPTA) ainsi qu'une taxe due par les entreprises de transport
public aérien
5(
*
)
. Il
concourt ainsi à
" assurer l'équilibre des dessertes
aériennes réalisées dans l'intérêt de
l'aménagement du territoire
". Ses modalités de
fonctionnement ont été fixées par le décret
n° 95-698 du 9 mai 1995 modifié par le décret n°
97-292 du 28 mars 1997.
Il fut complété par le Fonds d'investissement des transports
terrestres et voies navigables (FITTVN) qui était institué en
tant que compte spécial du trésor par le projet de loi de
finances pour 1995. Il devait assurer une véritable
égalité des chances de développement à tous les
territoires par le développement des infrastructures de transport et
l'amélioration des moyens de communication. Pour sa part, le Fonds de
gestion de l'espace rural (FGER) devait bénéficier
prioritairement aux zones rurales caractérisées par la
dégradation de leurs paysages en finançant tout projet
d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou à la
réhabilitation de l'espace rural.
En outre, s'agissant des dispositions propres à certaines parties du
territoire, le Fonds national de développement des entreprises (FNDE)
avait vocation à intervenir dans les zones prioritaires
d'aménagement du territoire. Il devait, à ce titre, distribuer
des prêts personnels aux entrepreneurs et octroyer également des
garanties notamment en matière d'emprunts contribuant à la
mobilisation de l'épargne de proximité en faveur des petites et
moyennes entreprises.
Enfin, la commission s'était attachée à veiller à
la mise en place de dispositifs fiscaux visant à instaurer des
exonérations fiscales spécifiques notamment au profit
d'entreprises nouvellement créées et cela dans un but
d'aménagement du territoire. Peuvent ainsi être citées les
dispositions de l'article 44 qui modifient l'article 44
sexies
du code
général des impôts et constituaient notamment en un
allégement d'impôt sur les bénéfices en faveur des
entreprises nouvellement crées dans certaines zones fragiles. Cette
exonération fiscale doit bénéficier aux entreprises
créées jusqu'au 31 décembre 1999.
Votre commission
spéciale vous proposera de la proroger jusqu'au 31 décembre 2006,
date de la fin de la programmation européenne des fonds structurels et
des contrats de plan Etat-Région.
2. Un premier bilan décevant
Les
objectifs que s'était alors fixés le législateur
étaient ambitieux mais raisonnables
. Ils reposaient sur un
très large travail préparatoire effectué notamment par le
Sénat au cours de plus de cinq années de réflexion, et de
concertation.
Or, les premiers résultats sont décevants, qu'il
s'agisse de la mise en place de ces fonds ou, surtout, de la
péréquation financière.
Force est, en effet, de constater pour le regretter, que les gouvernements,
notamment depuis 1997, n'ont pas été toujours à la hauteur
des enjeux et de la tâche que lui avait assignée le
législateur. Ainsi les avancées du CIADT d'Auch en avril 1997 ont
été, dès décembre 1997, remises pour partie en
cause.
Des fonds éloignés de leur objectif initial
Votre commission spéciale tient tout d'abord à faire état
du bilan mitigé de la mise en place des fonds crées en
1995
6(
*
)
. Non seulement le FNADT
voit la part de ses crédits régulièrement diminuer, mais
les quatre fonds crées par la loi de 1995 connaissent des destins
contrastés.
L'érosion des crédits du FNADT relevée par notre
collègue Roger Besse se traduit ainsi pour 1999 par la diminution
des dotations sur les deux chapitres qui l'abondent, qu'elles figurent au titre
IV ou au titre VI. Elles s'élèvent respectivement à 294
millions de francs et 1.080 millions de francs en crédits de paiement
(en baisse de 2%).
Votre commission spéciale évoquera également la mise en
place laborieuse du FNDE destiné à développer l'emploi et
à favoriser le maintien et la création des petites entreprises
dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire ; son
application comme le relevait notre collègue Jean Pépin fut
" décevante par rapport aux intentions du
législateur
". Ainsi, les orientations tracées par le
CIADT d'Auch du 10 avril 1997, et consistant enfin, à le doter d'un
milliard de francs de crédits sur deux ans, n'ont pas
été suivies d'effets par le gouvernement issu des
élections législatives de 1997 qui, lors du CIADT du 15
décembre 1997, a fixé sa dotation pour 1998 à 200 millions
de francs !
De plus, les objectifs qui lui sont désormais assignés par le
gouvernement ne correspondent qu'imparfaitement à la volonté
initiale du législateur.
La lettre de l'article 43 de la loi qui
dispose que le FNDE " accorde des prêts " n'est pas
respectée, de même s'agissant de la possibilité pour lui de
rembourser les frais d'étude et de suivi des participations prises par
les sociétés régionales de capital-risque dans les petites
sociétés. Se trouve ainsi diluée au sein de ce fonds,
parmi d'autre préoccupations, sa priorité qui était
l'aménagement du territoire. Les zones rurales et les zones de
redynamisation urbaine, expressément citées par la loi
n'apparaissent plus explicitement au risque de voir ce fonds s'écarter
de sa vocation première qui est l'aménagement du territoire par
le développement et le rééquilibrage en faveur du milieu
rural. Votre commission spéciale est conduite à douter de la
volonté effective du gouvernement de mettre en oeuvre ce fonds,
conformément aux objectifs que le législateur avait fixés.
Pareil constat est également valable s'agissant du FITTVN au sujet
duquel votre commission des affaires économiques avait fort
opportunément et justement préconisé le recentrage de ses
missions au profit des seules opérations d'aménagement du
territoire
7(
*
)
. Il convient, par
ailleurs, de s'interroger sur la compatibilité des actions menées
par ce fonds, notamment avec les dispositions communautaires prescrivant
désormais à chaque mode de transport un financement
équilibré.
Parallèlement si le FGER destiné à soutenir les actions
concourant à l'entretien et à la réhabilitation d'espaces
agricoles en voie d'abandon voyait ses crédits fixés à 500
millions de francs en loi de finance initiale pour 1995, la dotation
proposée pour ce fonds en 1998 n'était que de 140 millions de
francs et aucun crédit ne figure en loi de finances pour 1999, eu
égard à la volonté du gouvernement de les intégrer
au sein du dispositif contractuel proposé aux agriculteurs : le
contrat territorial d'exploitation (CTE).
Dans ce cadre, des assurances doivent, à tout le moins, être
apportées quant à la pérennité du financement des
opérations FGER, qui paraissait à notre collègue Roger
Besse "
loin d'être assurée
".
L'évolution des crédits du FGER
(en millions de francs)
Année |
LFI |
Annulation
|
Report
|
Crédits
|
1995 |
500 |
164 |
- |
335 |
1996 |
388 |
170 |
284 |
502 |
1997 |
150 |
145 |
303 |
308 |
1998 |
140 |
10 |
127 |
257 |
1999 |
0 |
- |
- |
- |
S'agissant du FPTA
8(
*
)
qui est financé par le biais d'une taxe unitaire sur les billets des
passagers embarqués en France métropolitaine et qui permet de
subventionner certaines liaisons structurellement non rentables dans le respect
de la réglementation communautaire, il convient de noter la persistance
d'un taux de consommation des crédits relativement faible,
inférieur à 60 % pour la période s'étendant du
1
er
janvier 1995 au 15 septembre 1998
9(
*
)
. A ce titre, il semble
nécessaire que, conformément au rapport remis au gouvernement par
M. Henri Martre, puissent être réexaminées les conditions
de fonctionnement, notamment dans le sens d'un élargissement et d'un
assouplissement de ses critères d'éligibilité. De
même, la taxe d'aéroport mise en place par la loi de finances pour
1999 pénalisera plus lourdement les passagers embarquant sur les petits
aéroports que sur ceux des aéroports à grand trafic. Elle
risque en conséquence d'avoir des effets contreproductifs en
matière d'aménagement du territoire.
Votre commission spéciale ne méconnaît cependant pas les
particularités propres à ce fonds et qui peuvent en perturber
l'accomplissement des tâches fixées par la loi. De même, les
modalités d'obtention et les coûts des droits d'accès aux
différents créneaux horaires sur les plates-formes
aéroportuaires constituent autant de contraintes particulièrement
lourdes.
La péréquation financière remise en cause
Enfin et surtout, votre commission spéciale ne peut que s'étonner
des conditions dans lesquelles a été, de facto,
écarté le principe de péréquation financière
posé par l'article 68 de la loi " Pasqua-Hoeffel ".
Conçu comme le coeur du projet de loi, le principe se trouve
actuellement en situation de " quasi-oubli ".
La mise en place de ce principe ambitieux sur lequel votre Haute
Assemblée avait fort longuement et complètement travaillé
reposait notamment, en premier lieu, sur le dépôt avant le 2 avril
1996, d'un rapport devant le Parlement. Celui-ci n'a pas été
à ce jour déposé malgré la volonté
affichée par le législateur en général, et votre
Haute Assemblée en particulier. Ainsi l'aspect le plus novateur sur
lequel le plus grand effort de travail et de réflexion avait
été accompli n'est pas appliqué, en raison du non-respect
de l'obligation légale qui incombait au gouvernement de déposer
le dit rapport et constituait à ce titre la première phase de la
mise en place d'une véritable péréquation
financière, révolutionnaire par son contenu et son ambition.
Ce principe, qui constituait un des objectifs majeurs de la politique
d'aménagement du territoire, n'a pu être mis en oeuvre, sans que
le Gouvernement ne fournisse d'explications ou d'indications convaincantes sur
ses intentions en ce domaine.
Il ne peut y avoir, en effet, de rééquilibrage sans
péréquation. C'est l'une des convictions fortes de votre
commission spéciale.
EVOLUTION
DES CRÉDITS
(en millions de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
FNADT |
|
|
|
|
|
Titre IV |
411 |
326 |
294 |
294 |
294 |
Titre VI |
1 398 |
1 223 |
1 155 |
1 100 |
1 080 |
FPTA
|
- |
65 |
134 |
81 |
80 |
FITTVN
|
2 000 |
3 050 |
3 100 |
3 900 |
3 930 |
FGER |
500 |
388 |
150 |
140 |
- |
FNDE |
- |
- |
- |
200 |
? |