TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES A L'ACCÈS
AUX RÈGLES
DE DROIT ET À LA TRANSPARENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'ACCÈS AUX RÈGLES DE DROIT
Article 2
Obligation d'organiser un accès
simple
aux règles de droit
Cet
article confie aux autorités administratives le soin d'organiser un
" accès simple "
aux règles de droit qu'elles
édictent, puis renvoie à un décret en Conseil
d'État la fixation des modalités devant permettre d'atteindre cet
objectif.
Cet article ne crée en réalité aucune obligation
nouvelle : il n'est pas normatif. Il s'agit de la déclaration d'un
principe qui ne peut être qu'approuvé en tant qu'
objectif
,
mais qui n'a pas sa place dans la loi.
En effet, qu'entend-on par " accès simple " ? Cette notion
n'est définie ni dans le dispositif du projet de loi, ni dans
l'exposé des motifs, ni dans l'étude d'impact.
Or, quand la
loi crée une obligation nouvelle, elle doit en définir le
contenu.
S'agit-il de faciliter la compréhension par les citoyens du
contenu de l'ordonnancement juridique, de la portée des droits et
obligations prescrits par les normes applicables, de leur permettre
d'identifier les règles en vigueur sur une question juridique
déterminée, ou encore de rendre l'accès plus aisé
au droit applicable en mettant à leur disposition les moyens
adaptés (guichets d'information, nouvelles technologies de l'information
...) ?
La diffusion des actes normatifs par les autorités qui les produisent
fait partie intégrante des missions des administrations. Il est donc
regrettable de
laisser croire que la loi doive rappeler aux autorités
administratives ce qui constitue l'essence même de leur activité,
à savoir le service rendu aux citoyens.
Surcharger la loi de dispositions dépourvues de contenu normatif et
relevant de l'exposé des motifs
va à l'encontre même
de l'objectif affiché par le présent projet de loi qui est
d'améliorer la lisibilité de l'ordonnancement juridique
. Il
faut déplorer, comme le faisait le Conseil d'État dans son
rapport public pour 1991 consacré à la sécurité
juridique, que de trop nombreux projets de loi "
comportent des
premiers articles dépourvus de tout contenu normatif
", et se
limitent à "
une simple formulation d'objectifs
".
Enfin, maintenir une telle disposition serait de nature à tromper les
administrés en leur laissant croire qu'elle définit en leur
faveur une sorte de " droit de créance " sur l'administration,
droit à géométrie variable puisque son contenu n'est pas
défini qui serait en outre dépourvu de sanction car on voit mal
comment la responsabilité de l'administration pourrait être
engagée sur une telle base.
Pour toutes ces raisons, votre commission des Lois vous propose
un
amendement de suppression
de l'article 2.
Article 3
Codification des textes
législatifs
Cet
article définit un programme législatif de codification devant
être adopté avant une date butoir correspondant à la fin de
la présente législature.
Le premier alinéa pose le principe selon lequel les textes
législatifs seront regroupés dans des codes thématiques,
et indique la méthode à suivre, à savoir la codification
" en principe " à droit constant.
Le deuxième alinéa donne valeur législative au programme
de codification annexé au projet de loi et impose une date limite :
la codification devra intervenir "
avant la fin de la présente
législature
".
Enfin, le troisième alinéa prévoit que le Gouvernement
déposera chaque année sur le bureau des assemblées un
rapport faisant le point sur l'état d'avancement de la codification.
Le programme figurant en annexe, auquel le présent projet de loi
confère valeur législative, comprend treize codes
" nouveaux " et huit " codes à refondre "
1(
*
)
.
Cet article a le mérite de souligner la nécessité de
poursuivre le processus de codification des textes législatifs et
réglementaires, suspendu depuis deux ans. La codification constitue en
effet une condition de réalisation de l'État de droit car elle a
pour objet de faciliter l'accès des citoyens à l'ordonnancement
juridique en vigueur. Plus cet ordonnancement est complexe, plus la
codification s'impose comme une nécessité dès lors que
" nul n'est censé ignorer la loi ".
Le Sénat, et en particulier sa commission des Lois, a constamment
affirmé son attachement à la poursuite du processus de
codification : en témoignent les travaux qu'il a menés lors de
l'examen des projets de loi relatifs au code général des
collectivités territoriales ou au code de commerce.
Or, force est de constater que, depuis l'adoption du code
général des collectivités territoriales en février
1996, le processus de codification est " en panne ". Cependant, le
présent article ne permet en aucune façon de remédier
à ce blocage.
La solution ne réside pas dans l'inscription dans la loi d'un objectif
de programmation législative, mais dans la
volonté politique
déterminée du Gouvernement
de mener à bien le
processus de codification. L'affirmation d'une telle volonté,
affichée à plusieurs reprises dans la circulaire du
26 juillet 1995 relative à la préparation et à la
mise en oeuvre de la réforme de l'Etat et des services publics
("
le Gouvernement devra se fixer des objectifs très ambitieux
en matière de codification pour les trois ans à venir
")
et dans celle du 30 mai 1996 relative à la codification des textes
législatifs et réglementaires ("
le Gouvernement a
décidé d'achever la codification de l'ensemble des lois et
règlements dans un délai de cinq ans
"), ne suffit pas.
Il revient au présent Gouvernement de définir les textes dont
l'examen est prioritaire et de les inscrire effectivement à l'ordre du
jour des travaux du Parlement.
Le présent article, de pur affichage et dépourvu de portée
normative, pose en outre des problèmes de principe :
- Tout d'abord, les termes "
faire l'objet d'une
codification
" laissent entendre qu'ils s'agit non seulement du
dépôt des projets de loi de codification, mais aussi de leur
adoption définitive par le Parlement. Or, une telle disposition pourrait
constituer une " injonction à légiférer "
contraire à la Constitution.
La réponse à la question n° 11970 posée par
M. Georges Gruillot, sénateur, au Premier ministre,
publiée au
Journal officiel
(
questions écrites des
sénateurs
) du 5 octobre 1995, est éloquente sur ce
point : "
Le recours à une loi de programme (de
codification) aurait l'intérêt de soumettre ce programme de
travail à l'approbation solennelle de la représentation
nationale. Cependant, ce procédé pourrait être
regardé comme une injonction à légiférer contraire
au principe de séparation des pouvoirs tel que l'entend le Conseil
constitutionnel
(
décision n° 89-269 DC du
22 janvier 1990
)
".
Cette décision du Conseil constitutionnel soulignait que "
la
référence faite à une réforme législative
dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 1990 a le
caractère d'une injonction adressée au Gouvernement de
déposer un projet de loi ; une telle disposition ne trouve de base
juridique ni dans l'article 34, ni dans aucune des autres dispositions de la
Constitution
".
- Ensuite, l'expression "
avant la fin de la présente
législature
" ne donne pas date certaine dans la mesure
où le Président de la République peut y mettre un terme
à tout moment par la dissolution de l'Assemblée nationale.
- Enfin, la fixation d'une méthode de travail, à savoir la
codification "
à droit constant
", n'a pas à
figurer dans un texte de loi. Cela reviendrait pour le Parlement à se
lier lui-même, à restreindre juridiquement sa marge de manoeuvre,
ce qui paraît contraire, encore une fois, à la Constitution qui
lui confère le droit d'amendement. Le choix d'une telle méthode
constitue un choix politique qui ne peut revêtir de portée
normative et être inscrit dans la loi.
En outre, le dernier alinéa de l'article 3, prévoyant un rapport
du Gouvernement au Parlement sur l'état d'avancement de la codification,
pourrait faire double emploi avec le rapport public établi chaque
année par la Commission supérieure de codification.
Pour toutes ces raisons, votre commission des Lois vous propose
un
amendement de suppression
de l'article 3 ainsi qu'
un
amendement de
conséquence
tendant à supprimer la
division " chapitre Ier " du titre Ier, devenue sans objet.