CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA TRANSPARENCE
ADMINISTRATIVE
Article 4
Personnalisation des relations entre les
agents
des services publics et le public
Cet
article tend à lever l'anonymat qui, bien souvent, caractérise
les relations entre les autorités administratives et les usagers des
services publics.
Le premier alinéa de cet article pose le principe selon lequel toute
personne a le droit de connaître le prénom, le nom, les
qualité et adresse administratives de l'agent chargé d'instruire
sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne. La mention selon laquelle
ces éléments d'identification figurent dans les correspondances
adressées à l'usager ne relève pas du domaine de la loi.
Le deuxième alinéa pose les exceptions à ce principe.
Le dernier alinéa pose la levée de l'anonymat concernant les
décisions des autorités administratives.
A l'heure actuelle, la circulaire du Premier ministre du
30 janvier 1985 lève l'anonymat des fonctionnaires et dispose
que les correspondances administratives doivent indiquer clairement le nom de
la personne chargée du dossier et l'adresse de son service, de
même que le nom des agents doit être apposé sur la porte de
leur bureau ou sur le guichet derrière lequel ils travaillent. Mais
cette circulaire ne vaut que pour les agents de l'État.
Le présent article ajouterait, dans le champ d'application de ce
principe, les collectivités territoriales, les organismes de
sécurité sociale, les établissements publics et organismes
chargés de la gestion d'un service public administratif. Or, on peut
s'interroger sur les raisons de permettre aux autres personnes morales
chargées d'une mission de service public d'échapper à
l'obligation de personnalisation des relations avec les usagers.
L'exigence
de transparence et de simplification juridique conduit à proposer la
généralisation de cette obligation
, la plupart des
administrés n'ayant pas les connaissances juridiques nécessaires
pour déterminer la nature du service public et de l'organisme
gestionnaire auquel ils s'adressent.
Le deuxième alinéa du présent article aménage des
exceptions au principe de la levée de l'anonymat, dans les cas où
des motifs intéressant la sécurité publique ou la
sécurité des personnes le justifient. Ces restrictions sont
nécessaires, car la levée de l'anonymat touche aux
"
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice
des libertés publiques
" au sens de l'article 34 de la
Constitution.
Actuellement, seuls les fonctionnaires sont protégés par leur
statut général contre les risques éventuels liés
à la levée de l'anonymat. L'article 11 de la
loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires dispose que "
la collectivité
publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces,
violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient
être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de
réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est
résulté
".
Enfin le dernier alinéa indique que toute décision prise par
l'État, les collectivités territoriales, les
établissements publics administratifs, les organismes de
sécurité sociale ou organismes chargés de la gestion d'un
service public administratif, comporte la signature de son auteur et la mention
en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité
de celui-ci. Ce dernier alinéa concernant les
décisions
des autorités administratives trouve sa place au début du
chapitre II du titre II du projet de loi, c'est-à-dire avant
l'article 16.
Votre commission des Lois vous soumet donc
un amendement
de
réécriture de l'article 4, qui étend son champ
d'application, le rend conforme à la hiérarchie des normes, en
posant seulement le principe de la levée de l'anonymat pour renvoyer au
décret d'application ses modalités de mise en oeuvre, et
rétablit la cohérence du projet de loi en transférant au
titre II ce qui relève du régime des actes.
Elle vous propose d'adopter l'article 4
ainsi modifié
.
Article 5
Consultation du public par le
maître de
l'ouvrage
préalablement à une opération
d'aménagement ou d'infrastructure
Cet
article vise à rendre obligatoire la consultation du public sur les
opérations envisagées par le maître de l'ouvrage, au sens
de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1995 relative à
la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la
maîtrise d'oeuvre privée. Il s'agit de la réalisation de
tous ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure ainsi que des
équipements industriels destinés à leur exploitation.
Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des
règles applicables à la procédure de consultation, en
fonction de la nature de l'ouvrage et des personnes concernées, et des
catégories d'ouvrages qui, en raison de leur nature ou de leur faible
importance, ne donnent pas lieu à consultation.
Cet article tend à imposer une obligation à caractère
général. Or, ni son dispositif, ni l'exposé des motifs, ni
l'étude d'impact ne font état de la portée réelle
d'une telle obligation. Il est regrettable de soumettre l'ensemble des
maîtres d'ouvrage à une obligation nouvelle sans en mesurer au
préalable les conséquences concrètes.
En particulier, le caractère systématique de la consultation
pourrait entraîner une lourdeur excessive, voire paralyser l'action de
l'administration.
Une formulation trop imprécise du droit à la
transparence peut aller à l'encontre de l'efficacité de l'action
publique et du but affiché du présent projet de loi, qui vise
à améliorer le service rendu aux citoyens.
De plus, de nombreuses procédures spécifiques régissent
déjà les enquêtes publiques et la consultation du
public :
- la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la
protection de la nature dispose que les études préalables
à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par
l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel,
peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude
d'impact permettant d'en apprécier les conséquences.
- l'article L. 11-1 du code de l'expropriation dispose que
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut
être prononcée qu'autant qu'elle aura été
précédée d'une déclaration d'utilité
publique intervenue à la suite d'une enquête et qu'il aura
été procédé contradictoirement à la
détermination des parcelles à exproprier.
- la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la
démocratisation des enquêtes publiques et à la protection
de l'environnement pose le principe selon lequel l'enquête publique est
obligatoire pour la réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de
travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées,
lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des
zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter
l'environnement.
- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au
renforcement de la protection de l'environnement dispose que, pour les grandes
opérations publiques d'aménagement d'intérêt
national de l'État, des collectivités territoriales, des
établissements publics et des sociétés d'économie
mixte présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un
impact significatif sur l'environnement, un débat public peut être
organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales
des projets, pendant la phase de leur élaboration.
- l'article L. 300-2, alinéa c), du code de l'urbanisme
indique que le conseil municipal délibère sur les objectifs
poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant
toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les
associations locales et les autres personnes concernées, avant toute
opération d'aménagement réalisée par la commune ou
pour son compte, lorsque, par son importance ou sa nature, cette
opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou
l'activité économique de la commune et qu'elle n'est pas
située dans une zone d'urbanisation future ou une zone
d'aménagement concerté.
- la loi n° 91-662 d'orientation pour la ville du
13 juillet 1991 pose un principe général : lors de
toute action ou opération, au sens de l'article L. 300-1 du
code de l'urbanisme, qui, par son ampleur ou par sa nature, modifie
substantiellement les conditions de vie des habitants dans les quartiers ou les
ensembles immobiliers, le maire organise une concertation préalable.
L'article L. 300-1 couvre un champ très large : toutes les
opérations d'aménagement visant à mettre en oeuvre une
politique locale de l'habitat, développer les activités
économiques, le loisir ou le tourisme, réaliser des
équipements collectifs, lutter contre l'insalubrité, mettre en
valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.
- S'agissant des collectivités territoriales, des procédures
à portée très générale permettent
l'information et la participation des habitants. L'article L. 2141-1
du code général des collectivités territoriales indique
que le droit des habitants de la commune à être informés
des affaires de celle-ci et à être consultés sur les
décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration
des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la
démocratie locale. Les électeurs de la commune peuvent être
consultés sur les décisions que les autorités municipales
sont appelées à prendre pour régler les affaires de la
compétence de la commune (article L. 2142-1 du code
général des collectivités territoriales). Les mêmes
dispositions s'appliquent aux établissements publics de
coopération intercommunale (article L. 5211-20 du code
général des collectivités territoriales).
- La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la
maîtrise d'ouvrage publique pose le principe général selon
lequel la consultation du public est facultative, à
l'appréciation du maître de l'ouvrage qui détermine, eu
égard à la nature de l'ouvrage et aux personnes
concernées, les modalités de consultation qui lui paraissent
nécessaires.
La solution proposée par cet article, à savoir l'obligation de
consultation du public sur l'ensemble des opérations
d'aménagement, d'ouvrage ou d'infrastructure, sauf si leur nature ou
leur faible importance justifie l'absence de consultation, n'est pas
satisfaisante. En effet, elle aboutirait à superposer différentes
obligations légales sans chercher à les mettre en
cohérence.
En outre, cet article s'inscrirait dans une réforme plus globale de la
consultation du public et de l'enquête publique. Or, cette étude
est actuellement en cours à la demande du Premier ministre. Il serait
donc
prématuré
de réformer la seule loi du
12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage
publique avant de connaître les éléments de l'expertise
technique qui porteront sur l'ensemble des procédures spéciales
de consultation du public.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence
un amendement
de suppression
de l'article 5.