EXAMEN EN COMMISSION
**Réunie le
mercredi 18 novembre 1998,
sous la
présidence de M. Alain Lambert, président,
la commission
a procédé, sur le
rapport
de
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial
, à
l'examen
des
crédits
de
l'emploi
et de la
solidarité
: I.-
emploi
et
articles 80
et
81
pour
1999
.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial,
a tenu à
inscrire sa démarche dans le cadre de celle préconisée par
le rapporteur général et visant à maîtriser la
progression de la dépense publique.
Présentant le budget de l'emploi, il a relevé que dans le projet
de loi de finances pour 1999, les crédits s'élevaient à
161,8 milliards de francs, en augmentation notable de 4,02 %
(à structure comparable) par rapport à 1998, soit une progression
qui était supérieure à l'augmentation moyenne des
dépenses de l'Etat fixée pour 1999 à 2,3 %. Il a
rappelé que cette augmentation correspondait à la traduction
budgétaire de " mesures phares " décidées par le
Gouvernement (réduction du temps de travail, emplois-jeunes ou lutte
contre l'exclusion), sur la pertinence et l'efficacité desquelles la
commission avait cependant tenu à émettre des doutes.
Il a par ailleurs indiqué qu'une refonte de la nomenclature
budgétaire avait intégré, au sein de ce budget, des
crédits concernant des " mesures exceptionnelles en faveur de
l'emploi et de la formation professionnelle ", qui étaient
jusqu'alors inscrits au budget des charges communes, pour un montant de 43
milliards de francs en 1998. Il s'est félicité d'une telle mesure
que la commission des finances avait, par souci de cohérence et de
lisibilité appelée, en son temps, de ses voeux.
Il a également précisé que les dépenses
étaient, à hauteur de 5,7 %, consacrées aux moyens de
fonctionnement et à concurrence de 94 % aux dépenses
d'intervention. Le montant des dépenses en capital n'était que de
542,8 millions de francs, soit moins de 0,4 % de l'ensemble des
crédits.
Par delà la description détaillée des dispositifs et des
crédits qui les financent, qui était contenue dans sa note de
présentation,
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial,
a souhaité présenter à la commission ses principales
observations.
S'agissant tout d'abord des deux articles qui étaient rattachés
à l'examen de ce budget, il a relevé que l'article 80
prévoyait de recentrer, à compter du 1
er
janvier 1999,
les primes d'apprentissage sur les jeunes qui ont le plus de difficulté
à accéder au marché du travail : les niveaux de
qualification donnant droit au versement de cette prime à l'embauche
étant désormais les niveaux V (niveau BEP et CAP), V bis et VI
(non-qualifiés) ce qui exclura du dispositif prés du quart des
apprentis, soit 50.000 jeunes. Cette disposition permettait au Gouvernement de
réaliser une économie budgétaire d'un montant de
60 millions de francs dans un secteur, celui de la formation en
alternance, déjà touché par de telles économies. Il
a souligné, en conséquence, que cela ne pouvait être
accepté et il a proposé à la commission d'adopter un
amendement de suppression de l'article.
Par ailleurs, s'agissant de l'article 81 du projet de loi de finances visant
à la suppression de l'exonération de cotisations d'allocations
familiales au profit de quatre catégories d'entreprises, il s'est
étonné d'une telle disposition qui venait contredire la
pérennisation de ce dispositif votée lors de la
précédente loi de finances.
Cette suppression lui apparaissait tout à la fois
précipitée et préjudiciable à la bonne marche
d'entreprises qui, grâce à ce mécanisme d'aide, sont en
mesure de créer des emplois dans le secteur marchand. En
conséquence, et quel que puisse être l'intérêt, de
façon générale, d'une rationalisation des dispositifs
d'aide à l'emploi,
il a demandé à la commission
d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Puis il a tenu à relever que le ministre avait fait en partie financer
ses priorités par des économies sur des dispositifs
" sensibles ".
Sur le plan des principes, il lui apparaissait utile de relever que le ministre
avait réalisé, lors de l'élaboration de son budget, une
part significative d'économies, baptisées " recentrages ", et
cela pour un montant de 11 milliards de francs. Il s'agissait principalement,
à hauteur de 4,5 milliards de francs, de la diminution des
crédits des préretraites, de 3,6 milliards de francs, de la
réduction de la dotation au profit des contrats initiative emploi et,
pour 1,6 milliard de francs, du " recentrage " des contrats
emploi-solidarité. Ce montant d'économies était
destiné notamment à financer la progression des emplois-jeunes et
des crédits consacrés aux 35 heures et représentait plus
de 7 % des 152 milliards de francs de crédits que le titre IV consacrait
aux aides à l'emploi.
A ce titre, il a tenu à rappeler l'utilité des contrats
initiative emploi (CIE) et contrats emploi solidarité (CES) qui
permettaient aux jeunes de s'insérer dans le tissu économique.
S'agissant du financement de l'apprentissage, le rapporteur a tenu à
relever que, pour la seconde année consécutive, le montant des
crédits destinés au financement des primes à
l'apprentissage avait été réduit en loi de finances
initiale de 500 millions de francs. Cette mesure lui apparaissait d'autant
moins justifiée que le Gouvernement n'indiquait pas dans les documents
budgétaires comment il entendait remédier à cet
état de fait.
Puis il s'est félicité de la remise à niveau des
crédits de la ristourne dégressive fusionnée.
Il a tout d'abord évoqué les circonstances dans lesquelles ces
crédits avaient été réduits l'an passé par
le Gouvernement afin de constituer une provision de 3 milliards de francs,
destinée au financement des 35 heures.
La ponction alors opérée avait notablement réduit les
crédits consacrés à la ristourne dégressive,
rendant de ce fait indispensable leur abondement en loi de finances
rectificative, à hauteur de 3 milliards de francs, ainsi que le ministre
l'avait d'ailleurs reconnu devant la commission et, nonobstant ses
déclarations en sens contraire lors de l'examen du
précédent projet de loi de finances. En effet, le Gouvernement
prévoyait maintenant, au titre du financement de cette ristourne pour
1998, des dépenses à hauteur de 41,5 milliards de francs alors
que seulement 38,77 milliards de francs de crédits avaient
été prévus dans le projet de loi de finances initiale.
Il s'est réjoui de la progression pour 1999 des crédits
consacrés au financement de cette ristourne dégressive, car
celle-ci a fait ses preuves en permettant le maintien ou la création
d'emplois dans le secteur marchand.
A ce titre, il a souligné la constance des positions du Sénat en
ce domaine, constance qui s'était traduite notamment par l'adoption, le
29 juin 1998, de la proposition de loi déposée par M. Christian
Poncelet, tendant à élargir le champ du dispositif de la
ristourne dégressive fusionnée.
Puis il a évoqué le financement à "géométrie
variable" des 35 heures.
Il a tenu à indiquer que les 3,5 milliards de francs de
crédits figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 et
destinés au financement des 35 heures n'apparaissaient pas
réalistes. Non seulement le Gouvernement n'indiquait pas la
manière dont ces crédits avaient été
calculés, mais ceux-ci apparaissent par ailleurs mal calibrés.
Sans revenir sur les conditions dans lesquelles cette provision avait
été financée l'an dernier, il s'est étonné
des conditions dans lesquelles ce coût avait été
déterminé. Le coût brut budgétaire de cette mesure
était estimé à 7 milliards de francs en 1999 par le
Gouvernement sans que celui-ci n'ait fourni les bases de calcul. A cette somme
s'ajoutaient 200 millions de francs au titre des aides au conseil.
Or il ressortait des informations obtenues par le rapporteur, que la
moitié de ce coût brut, soit 3,5 milliards de francs avait
été mis par le Gouvernement à la charge des régimes
de Sécurité sociale, au titre du " recyclage des économies
que feront les régimes sociaux " et cela, sans fondement juridique et en
contradiction avec les principes posés par la loi du 25 juillet 1994. Il
a souhaité obtenir des éclaircissements sur ce point de la part
du ministre.
Il lui semblait donc " opportun " comme le relevait très justement le
rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, que le ministre
indique " à quel niveau la compensation de l'Etat s'effectuera pour les
organismes de sécurité sociale ".
Par ailleurs cette dotation lui apparaissait mal calibrée car, si ce
dispositif devait produire des effets à la hauteur de l'ambition du
Gouvernement, la charge budgétaire en serait accrue de manière
très substantielle.
Or les premières indications fournies par le Gouvernement
témoignaient du succès mitigé rencontré par ce
dispositif : 434 accords d'entreprises avaient été
signés, concernant moins de 58.000 salariés et seulement 4.460
emplois avaient été préservés ou
créés. Il apparaissait ainsi que la provision de 3 milliards
de francs prévue pour 1998 n'avait été utilisée
qu'à hauteur de 10 à 15 % des crédits inscrits comme
le reconnaissait implicitement le ministre lorsqu'elle évoquait des "
reports importants de ces crédits de 1998 sur 1999 ".
Par-delà les interrogations du Sénat quant à la pertinence
et à la portée du dispositif des 35 heures, la dotation
apparaissait donc surévaluée.
En conséquence, et eu égard au faible impact actuel de ce
dispositif, il a proposé de supprimer la dotation de 3,7 milliards de
francs figurant dans le projet de loi de finances pour 1999.
Il s'est ensuite attaché à mettre en lumière la
dérive du coût budgétaire des emplois-jeunes : 13,8
milliards de francs de crédits étaient en effet inscrits au
titre du budget de l'emploi pour les financer.
Par-delà les critiques sur la portée d'un tel dispositif qui
consistait à accroître l'emploi dans le secteur non-marchand et
les risques de pérennisation, à terme, de ceux-ci au sein de la
fonction publique, il souhaitait faire les remarques suivantes.
Il tenait à relever que le coût de ces emplois jeunes pour 1999
était minoré par le Gouvernement. Les crédits figurant au
budget de l'emploi pour 1999, soit 13,8 milliards de francs ne
permettaient de financer que le " stock " existant au 1er janvier 1999, soit
150.000 emplois jeunes, compte tenu d'un coût annuel unitaire de 93.840 F.
L'enveloppe budgétaire figurant dans le projet de loi de finances ne
permettait donc pas de financer, à compter du 1er janvier prochain, le
recrutement des 100.000 nouveaux emplois-jeunes qui correspondaient à
l'objectif que s'était fixé le Gouvernement pour 1999. Il y avait
pour 1999 une sous-évaluation du coût de ce dispositif que l'on
pouvait estimer à près de 4,5 milliards de francs sur la base
d'une montée en charge linéaire et progressive de ces
100.000 nouveaux emplois-jeunes.
Il a souhaité savoir comment le Gouvernement entendait procéder
et si il existait des reports importants de crédits au titre de 1998, ce
qui infirmerait alors le discours concluant au succès du dispositif. A
tout le moins, cela confirmerait le mauvais calibrage initial de ces
crédits.
Par ailleurs, compte tenu des objectifs que s'était fixé en ce
domaine le Gouvernement, à savoir la mise en place d'ici 2001 de 350.000
emplois-jeunes, le coût budgétaire en année pleine de ce
dispositif était de près de 32 milliards de francs par an.
De ce fait, si le Gouvernement tenait à financer les 100.000 nouveaux
emplois-jeunes, qui figuraient au sein du budget de l'emploi, il devait
réexaminer les dispositifs préexistants et procéder par
redéploiement au sein d'une enveloppe globale des aides à
l'emploi, qui atteignait 152 milliards de francs.
Cette mesure de redéploiement proche de celle préconisée
l'année dernière, consistait donc à gager la progression
des crédits correspondant aux nouveaux emplois-jeunes par un effort
d'économie sur l'ensemble du titre IV du budget du travail : "
interventions en faveur de l'emploi ".
Enfin il a souhaité connaître la date du dépôt et
d'examen de la seconde loi prévue par le Gouvernement en ce domaine et
tendant à mettre en place des " emplois-jeunes " dans le
secteur privé.
En conclusion, il a tenu à faire part de ses interrogations concernant
le contenu de la dynamique actuelle de l'emploi.
La progression de l'emploi, indéniable au plan quantitatif, lui
apparaissait plus incertaine au plan qualitatif. Elle semblait en effet
principalement reposer sur la création d'emplois non-marchands
financés par le budget de l'Etat et résultant, pour l'essentiel,
de la mise en place des emplois-jeunes. Or il était indispensable que
soit mise en place une autre politique, axée sur la création
d'emplois productifs au sein de l'économie marchande.
Il a rappelé qu'une telle dynamique était en effet seule en
mesure de résoudre durablement le problème du chômage en
France.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des
affaires sociales sur les crédits de la formation professionnelle,
après avoir relevé la progression des crédits
consacrés à la formation professionnelle, s'est
inquiétée du contenu de l'article 80 visant à
recentrer les primes d'apprentissage sur les jeunes les plus en
difficultés. Elle s'est, à ce titre, déclarée
favorable à l'amendement de suppression présenté par
M. Joseph Ostermann au nom de la commission des finances. Elle a
également rappelé que le ministre n'avait apporté aucune
précision quant au montant et aux modalités selon lesquelles
devait s'effectuer le prélèvement sur la trésorerie de
l'association pour la gestion des fonds de la formation en alternance (AGEFAL).
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis au nom de la commission des
affaires sociales des crédits du travail et de l'emploi
,
après avoir félicité M. Joseph Ostermann pour la
qualité de sa présentation, a rappelé les trois
priorités du Gouvernement : les 35 heures, les emplois-jeunes
et le volet "emploi" de la loi de lutte contre les exclusions.
S'agissant des 35 heures, il a tenu à souligner la modestie des
résultats enregistrés à ce jour et noté la
divergence des objectifs existant entre le Gouvernement et les partenaires
sociaux. Il a précisé, s'agissant des emplois-jeunes, que le
bilan était plus nuancé : si ce dispositif rencontrait un
succès quantitatif, il existait un risque de pérennisation de ces
emplois au sein de la fonction publique. Il ressortait par ailleurs des
auditions qu'il avait menées que le Gouvernement avait donné
à certaines entreprises publiques pour consigne de "faire du chiffre".
Par ailleurs, il s'avérait que la qualité de ces emplois-jeunes
était souvent faible et que le droit du travail n'était pas
toujours respecté. Il a enfin indiqué qu'il était "en
phase" avec les orientations définies par la commission des finances.
Puis,
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial,
a
présenté ses amendements de réduction des crédits
relatifs au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle, qui ont été adoptés. La commission a
ensuite
voté
les
crédits, ainsi modifiés
,
du
budget de l'emploi
.
Les amendements de suppression des articles 80 et 81 ont ensuite
été adoptés.
**Réunie le
jeudi 19 novembre 1998
,
sous la présidence
de M. Alain Lambert, président,
la commission a
procédé, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur
général, à l'examen du budget de l'emploi.
La commission a examiné un amendement de majoration des crédits
de 185 millions de francs destiné à tenir compte de la
modification de l'article 81 votée par l'Assemblée
nationale. En conséquence, la commission a décidé de
rectifier ses amendements de réduction de crédits pour tenir
compte des nouveaux crédits et a émis un vote favorable à
l'adoption de ce budget amendé.
La commission a ensuite
examiné une modification de l'article 81 qui revient partiellement
sur la suppression des exonérations de cotisations sociales au profit de
quatre catégories d'entreprises. La commission des finances, qui avait
supprimé cet article 81, est restée favorable à ces
exonérations et a donc maintenu sa position en faveur de la suppression
de cet article.