C. LES SOLUTIONS PROPOSÉES PAR LA PROPOSITION DE LOI
La
proposition de loi déposée par M. Pierre Laffitte tend à
faciliter la création d'entreprises innovantes par des chercheurs en
fixant les règles déontologiques de leur création. Il
convient, en effet, que la situation des chercheurs qui souhaitent participer
à la création d'une telle entreprise ou lui apporter leur
concours scientifique soit précisément encadrée de
manière à prévenir tout risque de conflit
d'intérêt entre les intéressés et le service public
dont ils relèvent.
A cette fin, elle comporte un article unique complétant la loi du
15 juillet 1982 précitée par deux articles nouveaux dont la
rédaction s'inspire très largement des dispositions
proposées par le gouvernement de M. Alain Juppé dans le
projet de loi (AN, n° 3492) portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier (DDOEF), déposé le 2 avril
1997 et devenu caduc à la suite de la dissolution de l'Assemblée
nationale.
On analysera successivement ces deux articles nouveaux.
1. L'article 25-1 nouveau de la loi du 15 juillet
1982 :
la participation du fonctionnaire en qualité
d'associé à la création d'une entreprise de
valorisation
L'article 25-1 nouveau de la loi du 15 juillet 1982
prévoit
le cas de l'" essaimage ", c'est-à-dire le cas où le
chercheur quitte son laboratoire pour l'entreprise en création et doit
donc cesser toute activité au titre du service public dont il
relève.
Il précise les conditions de participation, en qualité
d'associé, d'un fonctionnaire appartenant au service public de la
recherche à la création d'une entreprise dont l'objet est
d'assurer, en exécution d'un contrat conclu entre cette entreprise et la
personne publique dont il relève, la valorisation des travaux qu'il a
effectués dans le cadre de ses fonctions.
Afin d'éviter tout conflit d'intérêt entre
l'intéressé et le service public dont il relève, elle
prévoit, d'une part, que l'autorisation doit être demandée
préalablement à la négociation de ce contrat et, d'autre
part, que le fonctionnaire ne peut participer à sa négociation.
Cette disposition a donc vocation à écarter les risques que
courent aujourd'hui les chercheurs notamment au regard des dispositions du code
pénal.
La participation du fonctionnaire peut prendre la forme d'un apport en capital
ou en industrie en qualité d'associé, d'administrateur ou de
dirigeant. Elle est autorisée par l'autorité dont il
relève, après avis de la commission de déontologie
prévue à l'article 87 de la loi n° 93-122 du
29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et
à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques
3(
*
)
, compétente
pour apprécier la compatibilité avec leurs fonctions
précédentes des activités que souhaitent exercer en dehors
de leur administration des fonctionnaires devant cesser ou ayant cessé
définitivement leurs fonctions par suite de leur radiation des cadres ou
devant être placés en position de disponibilité. Les
modalités de fonctionnement de cette commission ont été
fixées par le décret n° 95-168 du 17 février 1995
précité qui précise notamment les activités
privées interdites.
La proposition de loi détermine néanmoins les motifs pour
lesquels l'autorisation peut être refusée. Elle reprend sur ce
point les termes du décret du 17 février 1995
précité concernant les activités qui seraient susceptibles
de porter atteinte à la dignité des fonctions exercées par
le chercheur ou risqueraient de compromettre le fonctionnement normal,
l'indépendance ou la neutralité du service. Elle précise,
par ailleurs, que l'autorisation peut également être
refusée dans le cas où elle porterait atteinte aux
intérêts matériels et moraux du service public de la
recherche.
Afin d'assurer un contrôle des conditions dans lesquelles se
déroule la participation du chercheur à la création de
l'entreprise, la proposition de loi prévoit également que cette
commission sera tenue informée de toutes les relations contractuelles
qui se seront nouées entre l'entreprise et l'organisme de recherche :
contrat de licence, contrat de collaboration voire participation au capital de
l'entreprise.
L'autorisation est délivrée pour une durée d'un an
renouvelable quatre fois. Durant cette période, destinée à
assurer le lancement de l'entreprise, le fonctionnaire est soit
détaché auprès de l'entreprise ou mis à disposition
de celle-ci ou, à défaut, d'un organisme concourant à la
valorisation de la recherche, comme par exemple l'Agence nationale de
valorisation de la recherche (ANVAR), dispositif qui s'inspire, sur ce dernier
point, de la position de " délégation " prévue
par les statuts des enseignants-chercheurs.
A l'issue de cette période transitoire, le fonctionnaire devra opter
entre son entreprise et sa carrière au sein du service public. S'il
choisit la première, il sera placé en disponibilité
à moins qu'il ne cesse ses fonctions, les dispositions de la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée s'appliquant
alors. S'il choisit la seconde, il sera réintégré dans son
corps d'origine et il disposera d'un délai de six mois pour mettre fin
à la collaboration avec l'entreprise et céder ses droits sociaux.
Dans l'hypothèse où le fonctionnaire réintègre le
service public de la recherche, il pourra néanmoins être
autorisé à conserver une participation dans le capital de
l'entreprise ou à lui apporter un concours scientifique dans des
conditions qui seraient précisées par un nouvel article que la
proposition de loi propose d'insérer dans la loi du 15 juillet 1982
précitée.
2. L'article 25-2 nouveau de la loi du 15 juillet
1982 :
le concours scientifique apporté par un fonctionnaire
à une entreprise de valorisation
La
proposition de loi permet également à un chercheur d'apporter un
concours scientifique à une entreprise assurant, en vertu d'un contrat
conclu avec la personne publique dont il relève, la valorisation des
travaux qu'il a réalisés dans l'exercice de ses fonctions. Dans
cette hypothèse, il demeure au sein du service public de la recherche,
le concours scientifique devant être pleinement compatible avec le plein
exercice par le fonctionnaire de son emploi public.
Cette disposition figurant à l'article 25-2 nouveau de la loi du
15 juillet 1982 paraît opportune dans la mesure où elle
permet de prévoir une position intermédiaire entre la simple
consultance, encadrée par le décret-loi de 1936, et le
départ dans l'entreprise que ce soit par le biais de la mise à
disposition, du détachement ou de la mise en disponibilité.
L'autorisation est accordée au fonctionnaire selon la même
procédure que pour la participation en qualité d'associé
à la création d'une entreprise.
Les modalités selon lesquelles le chercheur apporte son concours
scientifique à l'entreprise sont fixées par le biais d'une
convention conclue entre la personne publique dont il relève et
l'entreprise, le versement d'une rémunération au profit du
chercheur pouvant être prévue. Une telle solution permet de donc
d'aménager de manière très souple le concours
scientifique.
Afin d'éviter les conflits d'intérêts entre le
fonctionnaire et la personne publique dont il relève, la proposition de
loi précise que l'intéressé ne peut participer à
l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions
conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. En outre, le
chercheur ne peut être soumis au pouvoir hiérarchique au sein de
l'entreprise et ne peut l'exercer ni occuper des fonctions de dirigeant ou
d'administrateur.
Le fonctionnaire peut également être autorisé à
prendre une participation dans le capital de l'entreprise, la proposition de
loi fixant son montant maximal à 49 % de celui-ci.
Afin d'assurer un contrôle des conditions dans lesquelles se
déroule cette " collaboration " entre le fonctionnaire et
l'entreprise il est prévu d'une part, que l'autorité publique
dont relève le chercheur est tenue informée des revenus qu'il
perçoit à raison de sa participation au capital de l'entreprise,
des cessions de titres auxquelles il procède ainsi que des
compléments de rémunération qu'il est susceptible de
percevoir et, d'autre part, que la commission prévue de l'article 87 de
la loi du 29 janvier 1993 précitée est tenue informée des
contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la
recherche.