I. AUDITION DE Mme MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ, LE JEUDI 28 MAI 1998
Sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a
procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n° 445
(1997-1998), d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.
M. Christian Poncelet, président, a souligné l'importance de la
venue de Mme Martine Aubry devant la commission des finances dans le cadre de
l'examen pour avis par la commission du projet de loi d'orientation relatif
à la lutte contre les exclusions. Il a souhaité obtenir à
cette occasion des précisions complémentaires sur le coût
et le mode de financement des mesures contenues dans ce projet de loi.
A titre liminaire, Mme Martine Aubry a fait part de son souhait que le texte,
notamment grâce au Sénat, puisse être adopté
définitivement avant l'été. Elle a ainsi
espéré que, grâce à ce projet de loi, une
réponse collective puisse être apportée au
phénomène de l'exclusion qui constitue une défaite pour
l'ensemble de la classe politique. Elle a également relevé que ce
projet était l'aboutissement d'un long travail effectué par les
associations, citant à cet effet les rapports du Professeur Pequignot,
du Père Wresinsky et de Mme Geneviève Anthonioz-De Gaulle.
Elle a estimé qu'il s'inscrivait dans la continuité de textes
antérieurs. Elle a considéré que les principes de base
contenus dans ce projet pouvaient rencontrer un accord général.
Il s'agit, d'une part, de faire sortir le plus rapidement possible de
l'exclusion les personnes qui en sont les victimes, mais aussi de donner
à chacun un accès aux droits fondamentaux que sont l'emploi, la
culture ou l'éducation et ainsi de ne pas créer de droits
particuliers pour les exclus, mais de les faire bénéficier
pleinement des droits déjà existant. Elle a souligné le
rôle que doit jouer la prévention, notamment en matière de
surendettement ou d'expulsion. Enfin, Mme Martine Aubry a rappelé la
nécessité de mobiliser tous les partenaires et de respecter leurs
attributions respectives, notamment celles des collectivités locales, en
mettant en place une plus grande coordination entre les différents
acteurs. Elle a ensuite détaillé les différents droits
définis par le texte.
S'agissant de l'emploi, elle a relevé que l'accueil et l'accompagnement
des jeunes et des adultes vers des formations qualifiantes et un emploi
allaient être développés. L'Agence nationale pour l'emploi
(ANPE) sera dotée à cet effet de moyens complémentaires.
Après avoir déploré que 100.000 personnes
bénéficient du revenu minimum d'insertion (RMI), sans
discontinuer, depuis son institution, elle a souhaité que l'ANPE puisse
trouver, pour chacun, la formation adéquate, et non plaquer un
dispositif préexistant. Elle a évoqué, à cette
occasion, la refonte des emplois de solidarité, avec un accent mis sur
les contrats emploi consolidé (CEC) qui sont des contrats de cinq ans,
la création d'un contrat de qualification pour adultes, et
insisté sur le nécessaire développement de l'insertion par
l'économique, qui devrait être ciblée vers les publics en
difficulté et ne pas concurrencer les entreprises artisanales.
Elle a relevé le rôle que jouerait pour les jeunes
éloignés de l'emploi le programme "trajet d'accès à
l'emploi" (TRACE), qui leur offrira un parcours alternant formation et
activités professionnelles, avant de les réintégrer dans
le circuit classique de l'emploi. S'agissant de la possibilité de
cumuler des minima sociaux avec un salaire d'activité, elle a
souhaité que ce cumul soit possible sur une année afin
d'éviter certaines situations paradoxales lors de la reprise d'une
activité rémunérée, où
l'intéressé voit diminuer ses ressources effectivement
disponibles.
En matière de logement, elle a confirmé que les moyens existants
seraient accrus et mobilisés, notamment grâce au dispositif
" PLA-intégration ", et qu'une taxe sur les logements vacants
serait instaurée. Elle a également indiqué qu'afin de
développer la mixité sociale dans le cadre de la politique de la
ville, les modalités d'attribution des logements sociaux seraient
réformées dans le sens d'une plus grande transparence et que des
conventions seraient signées par les préfets pour permettre aux
personnes les plus défavorisées d'accéder à ces
logements. Elle a enfin rappelé les modifications apportées en ce
domaine par l'Assemblée nationale en première lecture.
Elle a souligné que la mise en place de l'accés aux soins pour
tous consisterait à développer la mission sociale de
l'hôpital en mettant en place des lieux d'accueil et de permanence, ainsi
qu'à étendre les programmes régionaux d'accès
à la prévention et aux soins (PRAPS).
S'agissant du projet de loi relatif à la couverture maladie
universelle, elle a noté qu'il compléterait et
parachèverait le mouvement initialisé avec la mise en place de
l'aide médicale gratuite.
M. Christian Poncelet, président, tout en se félicitant de la
gratuité des soins pour les plus démunis, a insisté sur la
nécessité d'un contrôle vigilant afin d'éviter
d'éventuels abus.
Mme Martine Aubry, après avoir indiqué partager cette position,
a noté qu'en matière de prévention des expulsions il
importe de vérifier, avant l'expulsion, la bonne foi des locataires. De
façon plus générale, elle a rappelé que le projet
de loi d'orientation reposait sur la mobilisation de tous, que ce soit en
accroissant la formation des acteurs sociaux opérant sur le terrain ou
en développant la coordination des actions déjà
menées, plutôt qu'en créant de nouveaux dispositifs.
En conclusion, elle a rappelé que l'ensemble du projet de loi
d'orientation avait fait l'objet d'un chiffrage budgétaire, et que les
mesures seraient financées par un redéploiement global des
crédits sur l'ensemble des ministères.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a remercié
Mme la Ministre d'avoir exposé la cohérence d'ensemble
du dispositif et émis quatre observations. Sur le fond, il s'est
félicité du consensus général existant sur la
nécessité de lutter contre l'exclusion et a rappelé que
cette préoccupation était déjà présente dans
le projet de loi de cohésion sociale déposé par le
Gouvernement de M. Alain Juppé. Il a cependant souligné que
la lutte contre les exclusions ne pouvait ignorer la contrainte
budgétaire et, tout en approuvant le principe des redéploiements,
il a souligné la nécessité d'en vérifier la
réalité. De même, il a souligné que la lutte contre
l'exclusion ne pouvait se substituer à la politique de l'emploi et
rappelé les différences d'approche existant en ce domaine entre
le Sénat et le Gouvernement, qu'il s'agisse des risques résultant
de l'accroissement de la fiscalité pesant sur les entreprises ou des
dispositions législatives relatives aux emplois-jeunes et aux
" 35 heures ".
Enfin, il a fait part de son souhait que le financement de ce texte soit
gagé par une plus grande rigueur budgétaire, et que le
redéploiement soit effectué sur les crédits de l'emploi et
non sur ceux déjà consacrés à la lutte contre
l'exclusion. A ce titre, il a indiqué ne pas pouvoir se contenter des
brefs commentaires financiers figurant dans le rapport de M. Le Garrec,
qui avait cependant relevé dans son rapport fait au nom de la commission
spéciale de l'Assemblée nationale, le caractère "peu
précis" de certains financements.
Après avoir regretté la confusion existant dans
l'évaluation des coûts entre le projet de loi d'orientation
stricto sensu et le programme de prévention et de lutte contre
l'exclusion, il a souhaité pouvoir disposer de chiffres précis,
mesure par mesure, ainsi que d'éléments concernant le coût
du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle.
Il s'est enfin interrogé sur les conséquences financières
de la nouvelle politique du Gouvernement en matière de minima sociaux,
et a déploré la mise en place d'une taxe sur les logements
vacants qui procède certes de bonnes intentions mais aboutira
inévitablement à de mauvais résultats.
Mme Martine Aubry a ensuite répondu aux questions du rapporteur pour
avis. S'agissant de l'articulation entre le projet de loi d'orientation et le
programme de lutte contre les exclusions, elle a indiqué que deux
projets de loi viendraient compléter ce projet : le premier,
relatif à la couverture maladie universelle, devrait être
examiné à l'automne 1998, et le second, relatif à
l'accès aux droits, sera déposé par Mme Elisabeth Guigou,
Garde des Sceaux.
En ce qui concerne le premier projet de loi, elle a indiqué qu'une
mission de concertation et de proposition avait été
confiée à M. Jean-Claude Boulard, député, pour
améliorer la situation des personnes qui ne bénéficient
pas du régime général de sécurité sociale et
combler les lacunes existant en matière de protection
complémentaire. Elle a estimé que le surcoût
engendré par ce texte pouvait être actuellement estimé
à près de 5 milliards de francs par an, même si des
incertitudes existent toujours en ce domaine, tenant au fait que la population
potentiellement concernée n'est pas connue de façon
précise. Elle a cependant espéré que les
négociations en cours, notamment avec les professions médicales,
permettraient d'en réduire le coût.
S'agissant du financement de la revalorisation des minima sociaux, elle a
indiqué que celui-ci s'opérera par des redéploiements,
mais aussi des économies budgétaires liées à la
baisse prévisible du nombre des chômeurs et des
bénéficiaires de ces minima. Après avoir rappelé
que la diminution de 55 à 40 % du pourcentage des chômeurs
indemnisés par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le
commerce (UNEDIC) s'était traduite par un accroissement des charges de
l'Etat au titre de ces minima, elle a souligné que la réduction
actuelle du nombre de chômeurs générerait des
économies pour l'UNEDIC, dont le résultat devrait être
excédentaire pour 1998 à hauteur de 1,5 milliard de francs.
Elle a, de ce fait, souhaité que des négociations soient
menées avec l'UNEDIC, afin de pouvoir utiliser une partie de ses
excédents pour financer des mesures en faveur des jeunes. Elle s'est
également déclarée favorable à ce que soit accrue
la cohérence entre les aides destinées aux jeunes et les minima
sociaux, afin que ceux-ci ne soient pas détournés de leur
vocation et permettent effectivement à leurs bénéficiaires
de réintégrer le monde du travail, et non de vivre exclusivement
de mesures d'assistance.
A propos du programme TRACE, Mme Martine Aubry a indiqué que le
Comité de coordination de la formation professionnelle des
régions et le Conseil national des missions locales avaient donné
des avis favorables, et que le Gouvernement n'imposerait rien, mais passerait
des conventions avec les régions. Elle a estimé que celles-ci
avaient tout à gagner au programme, qui rendrait plus efficaces leurs
dépenses de formation professionnelle.
Pour financer la lutte contre l'illettrisme, elle a indiqué que
84 millions de francs par an étaient prévus.
Considérant que la politique actuelle de lutte contre l'illettrisme
était peu satisfaisante parce que trop centralisée et
dépassée pédagogiquement, elle a annoncé avoir
confié une mission à un expert pour la réformer.
S'agissant des soins gratuits à l'hôpital pour les personnes
dépourvues d'assurance maladie, elle a indiqué que
300 conventions existaient actuellement, et que leur nombre devrait
s'établir à 500 en 1999 et à 800 en l'an 2000. Elle a
considéré que le public concerné était voué
à diminuer à la suite de la mise en place de la couverture
maladie universelle, et que l'on pouvait donc considérer l'effort
consenti comme transitoire.
Pour les créations d'emplois dans les zones d'éducation
prioritaires, elle a indiqué que le ministère de
l'éducation nationale procéderait par redéploiement des
moyens existants.
Traitant du financement des mesures nouvelles contenues dans le projet de loi,
elle a déclaré espérer des économies sur
l'indemnisation du chômage, sur les dispositifs d'accompagnement des
licenciements, notamment les préretraites, et surtout sur les minima
sociaux. Elle a toutefois considéré que ces économies
attendues sont difficiles à chiffrer.
M. Christian Poncelet, président, a relevé que ces
redéploiements budgétaires confirmaient le bien-fondé de
la volonté manifestée par le Sénat, lors du dernier
débat budgétaire, de réaliser des économies sur
certains crédits du ministère des affaires sociales.
S'agissant du coût des dispositions nouvelles adoptées par
l'Assemblée nationale en première lecture, Mme Martine Aubry a
indiqué, tout d'abord, ne pas être d'accord avec toutes ces
mesures. Ainsi, elle a estimé que la possibilité de cumul entre
un contrat d'emploi-solidarité (CES) et un travail à mi-temps,
introduite par les députés, n'était pas opportune dans la
mesure où les CES devaient être réservés aux
personnes qui ne peuvent pas travailler dans un cadre classique. Elle a
toutefois admis qu'il pouvait être pertinent de prévoir une
possibilité de cumul dans les dernières semaines du CES, afin de
ménager une transition vers l'emploi ordinaire.
La ministre de l'emploi et de la solidarité a fait également
état de son désaccord sur l'élargissement de la
composition de la commission de surendettement aux élus et aux
représentants des associations, ce qui risquait de changer le sens des
décisions prises. Elle a considéré qu'il convenait
d'éviter toute démagogie en la matière, et donc de s'en
tenir à la composition restreinte proposée par le projet de loi.
Elle a estimé que l'extension du dispositif d'aide aux créateurs
d'entreprises pour les salariés faisant l'objet d'un licenciement
économique était la seule mesure réellement coûteuse
ajoutée par les députés, soit 45 millions de francs
par an sur la base de 1.500 personnes concernées.
Elle a indiqué que le coût des compensations de
l'exonération de la taxe pour dépassement du plafond légal
de densité des coefficients n'était pas chiffré, et que
celui de la compensation des exonérations de taxe foncière sur le
foncier bâti était estimé à 10 millions de
francs. De même, elle a indiqué que le coût de la
suppression de la taxe forfaitaire sur les frais d'huissiers de justice
n'était pas connu.
En réponse à M. Christian Poncelet, président, qui
l'interrogeait sur le pouvoir donné par l'Assemblée nationale
à la commission de surendettement d'effacer les dettes fiscales et
sociales, Mme Martine Aubry s'est prononcé contre l'automaticité
de telles mesures et a estimé indispensable que les services fiscaux,
tout en participant à la commission de surendettement, conservent toute
leur liberté d'appréciation pour décider des remises
gracieuses.
S'agissant du plancher correspondant au RMI fixé par les
députés pour le "reste à vivre" en matière de
surendettement, elle a estimé que cette règle
déterminerait des "reste à vivre" un peu plus importants
qu'auparavant, qui permettront de limiter les risques ultérieurs de
surendettement.
M. Michel Mercier, considérant qu'une augmentation des crédits
du fonds de solidarité logement (FSL) était prévue, a
demandé si le principe d'un cofinancement automatique par les
départements serait maintenu. Par ailleurs, il a regretté que la
gestion de ces fonds soit obligatoirement confiée à un groupement
d'intérêt public, à une caisse d'allocations familiales ou
à une association agréée par le préfet, alors que
l'expérience prouve qu'ils pouvaient parfaitement être
gérés directement par le département.
S'agissant de l'accès aux soins, il a regretté que le projet de
loi d'orientation de lutte contre les exclusions ne comporte pas
déjà le dispositif relatif à la couverture maladie
universelle. Il s'est également interrogé sur
l'opportunité de constituer un pôle de santé publique sous
la responsabilité de l'Etat.
S'agissant des centres d'hébergement et de réadaptation sociale
(CHRS), il a souhaité savoir si leur financement exclusif par l'Etat
serait maintenu, ou si l'on s'orientait vers un financement mixte
Etat-collectivités locales.
Il a enfin souhaité connaître les moyens budgétaires
prévus pour le financement de la formation des travailleurs sociaux.
M. Marc Massion, après avoir rappelé qu'il convenait
d'éviter toute concurrence déloyale entre les structures
d'insertion par l'économique et les entreprises ordinaires, a
relevé qu'il existait également une vive inégalité
entre les associations d'insertion, les entreprises d'insertion, et les
entreprises intérimaires d'insertion. Il a demandé si le projet
de loi d'orientation clarifiait leurs conditions d'intervention.
Mme Marie-Claude Beaudeau s'est inquiétée du financement du
projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, et
notamment des redéploiements annoncés. Elle a souhaité
savoir comment l'Agence nationale pour l'emploi pourrait faire face à
ses nouvelles missions, et à quel coût. Elle a enfin
souhaité savoir si une augmentation de l'allocation veuvage et une
modification de ses plafonds étaient prévues, considérant
que les prestations versées actuellement correspondaient à
seulement un quart des prélèvements sur les salaires à ce
titre.
M. Emmanuel Hamel, après avoir rappelé la déception de
Mme Geneviève Anthonioz-de Gaulle suite à l'absence
d'unanimité de vote à l'Assemblée nationale, et fait
état des arguments de M. Philippe Séguin pour justifier le rejet
du texte par les députés de l'opposition, a demandé
à la ministre de l'emploi et de la solidarité d'apporter les
assurances sur le financement du projet de loi d'orientation nécessaires
pour rendre possible un vote unanime.
M. Jean Clouet, évoquant la taxe sur les logements vacants, a
rappelé que beaucoup de propriétaires relativement démunis
font déjà difficilement face aux charges et aux impôts
afférents à des logements qui sont devenus aussi bien invendables
qu'inlouables. Il s'est demandé s'il n'était pas possible de
concevoir un mécanisme d'abandon de tels logements au profit de l'Etat.
M. Claude Lise, a estimé que les agences départementales
d'insertion, créées en 1994 dans les départements
d'outre-mer sous la forme d'établissements publics administratifs
nationaux, portaient atteinte aux principes de la décentralisation et
constituaient des machines bureaucratiques inefficaces. Rappelant que tous les
élus des DOM en souhaitaient la réforme, il a demandé si
l'amendement en ce sens déposé puis retiré à
l'Assemblée nationale serait de nouveau présenté au
Sénat. Il s'est déclaré en faveur d'établissements
publics administratifs locaux, coprésidés par le préfet et
le président du conseil général ou, à
défaut, pour le retour au droit commun.
M. Jean Cluzel, après avoir rappelé que les aides prévues
pour accompagner la réduction du temps de travail ne seraient pas
applicables aux sociétés audiovisuelles bénéficiant
de la redevance, s'est inquiété du handicap qui risque d'en
résulter pour les sociétés publiques par rapport aux
sociétés privées.
Il a également appelé l'attention de la ministre sur la question
de la répartition de l'allocation veuvage, considérant qu'en la
matière l'Etat avait manqué à sa parole depuis des
années.
M. Michel Charasse, après avoir souhaité le succès du
projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions,
s'est interrogé sur la probabilité que plus personne ne soit
" privé d'un toit " au 1
er
janvier 2001.
M. Jacques Oudin, évoquant la taxe sur les logements vacants, a
estimé que la notion de "vacance involontaire" n'était pas
très opérante, a relevé que la taxe additionnelle au droit
de bail (TADB), déjà affectée en principe à
l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), ne lui
était pas intégralement versée, et s'est interrogé
sur l'opportunité d'étendre la taxe sur les logements vacants aux
offices d'HLM.
Mme Martine Aubry, en réponse à M. Marc Massion, a
indiqué être convaincue de l'utilité de l'insertion par
l'économique, qui fait office de sas entre le chômage et l'emploi
ordinaire, en redonnant un sentiment d'utilité sociale aux personnes
concernées. Elle a néanmoins estimé que l'intervention de
l'Etat en la matière devait rester justifiée et cohérente,
en ne bénéficiant qu'à des publics réellement en
difficulté. Cet impératif implique de meilleurs contrôles
et une limitation des possibilités de mise à disposition au
profit d'entreprises ordinaires, qui donnent lieu à beaucoup d'abus,
dont certains sont portés devant les tribunaux. Elle a ainsi cité
le cas de deux entreprises créant une association intermédiaire
pour mettre à leur propre disposition réciproque des
salariés peu payés et subventionnés. Elle a estimé
que les associations intermédiaires qui souhaitaient
bénéficier des mêmes incitations que les entreprises
d'intérim d'insertion pouvaient toujours changer de statut.
En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, elle a indiqué
qu'il n'y aurait pas de redéploiement d'office au sein des
crédits consacrés à l'emploi et à l'aide sociale,
mais des économies spontanées résultant des sorties des
dispositifs de minima sociaux, et que, pour le reste, les redéploiements
seront globaux sur l'ensemble du budget de l'Etat.
En réponse à M. Michel Mercier, elle a indiqué que le
principe de parité du financement du FSL serait maintenu, mais que
l'évolution de ce fonds ferait l'objet d'une discussion entre l'Etat et
les départements. Elle a indiqué que les dispositions relatives
à l'assurance maladie universelle auraient pu figurer dans le projet de
loi d'orientation, mais que celles relatives à la couverture maladie
universelle ne sont pas encore arrêtées et ne pourront pas
être présentées plus tôt qu'à l'automne, en
liaison avec la loi de financement de la sécurité sociale. Elle
s'est déclarée favorable à un pôle de santé
publique relevant de la responsabilité de l'Etat pour les maladies
contagieuses, et a estimé que l'amendement adopté par
l'Assemblée nationale, en ce qui concerne la lutte contre la
tuberculose, constituait un premier pas en ce sens. Elle a affirmé que
le financement des CHRS par l'Etat n'était pas remis en cause,
même si l'aide sociale des départements peut intervenir lorsqu'il
s'agit de mères en charge d'enfants de moins de trois ans. Enfin, elle a
précisé que les crédits supplémentaires
consacrés à la formation des travailleurs sociaux
s'élèveront à 26 millions de francs en 1998 et
à 52 millions de francs en 1999, rendant possible une augmentation
de 10 % de leur effectif.
S'agissant de l'ANPE, la ministre de l'emploi et de la solidarité s'est
félicitée du changement de culture de l'agence , qui accepte
désormais d'aller vers les entreprises, portant ainsi sa part de
30 % à 50 % des offres d'emplois. Toutefois,
considérant que 15 % seulement des chômeurs de longue
durée sont reçus au moins une fois dans l'année, elle a
estimé que l'ANPE, après avoir fait l'effort nécessaire
pour être plus efficace sur le marché du travail, devait
aujourd'hui redonner la priorité au suivi des chômeurs en grave
difficulté.
S'agissant de l'allocation veuvage, elle a admis que la situation actuelle
n'était pas convenable, et s'est déclarée favorable
à une revalorisation de l'allocation pour les première et
deuxième années de versement.
En réponse à M. Emmanuel Hamel, elle a indiqué avoir
cherché à joindre les principaux dirigeants de l'opposition
à l'Assemblée nationale, mais que ceux-ci n'avaient pas
souhaité la rencontrer. Elle a souligné que, néanmoins,
70 amendements de l'opposition ont été acceptés en
première lecture. Elle s'est déclarée en désaccord
sur les chiffres avancés par M. Philippe Séguin, et a
rappelé que M. Jacques Barrot avait chiffré son propre
projet de loi de cohésion sociale à 3,5 milliards de francs
seulement la première année, intégralement financés
par la réforme de l'allocation sociale de solidarité. Elle a
également exprimé son désaccord avec les critiques
formulées par M. Philippe Séguin, qui considère que
le projet de loi d'orientation revêt un caractère étatiste,
relève d'une logique d'assistance et remet en cause la
propriété privée.
S'agissant de la taxe sur les logements vacants, elle a souligné que
les propriétaires qui se trouvent involontairement dans
l'incapacité de louer n'auront pas à la payer. Faisant
état d'une expérience conduite à Lille, elle a
indiqué qu'en écrivant à tous les propriétaires de
logements vacants pour les sensibiliser et les informer des aides auxquelles
ils ont droit, 40 % des logements vacants avaient pu être remis sur
le marché. Elle a affirmé qu'il était illogique de
continuer à construire des logements, alors que près de
2,5 millions de logements restent vacants dans le pays. Elle a
estimé que la taxe, incitative, ne léserait en rien le droit de
propriété.
M. Christian Poncelet, président, a fait observer que cette taxe serait
vraisemblablement difficile à recouvrer, notamment en cas d'indivision
du logement vacant, et son produit limité.
M. Michel Charasse a rappelé qu'une taxe comparable, votée en
1991, n'avait jamais été appliquée car trop
compliquée. Il a estimé que seules les commissions communales des
impôts ont la compétence requise pour recenser les logements
vacants, et a préconisé de les réunir spécialement
afin de déterminer l'assiette d'une taxe éventuelle.
M. Jacques Oudin a estimé qu'une aide financière est plus
efficace qu'une taxation, et s'est prononcé en faveur du rejet de la
taxe sur les logements vacants ou, à défaut, pour une
exonération du premier logement vacant de chaque propriétaire.
Mme Martine Aubry a rappelé que la vacance devrait être d'au
moins deux ans et qu'un délai serait prévu avant le recouvrement
effectif de la taxe. Tout en admettant la possibilité d'effets pervers,
elle a estimé indispensable une prise de conscience de la part des
propriétaires. Elle a craint qu'une extension de la taxe aux logements
HLM vacants n'ait simplement pour effet de reporter une charge sur les
locataires occupants, et observé que la vacance des HLM résultait
de la faiblesse de la demande dans certains quartiers.
M. Jacques Oudin a observé que certains offices publics d'HLM
sélectionnent leurs locataires, ce qui peut expliquer les vacances de
certains de leurs logements.
En réponse à M. Claude Lise, Mme Martine Aubry a estimé
que ce n'était pas rendre service aux départements d'outre-mer
que de les faire entrer dans une logique d'assistance. Considérant les
fortes pressions locales en matière de RMI, elle a jugé peu
prudent de confier la présidence des agences départementales
d'insertion (ADI) aux seuls élus. Elle a néanmoins admis que les
ADI nécessitaient une réforme pour être plus rapides et
plus souples dans leur fonctionnement.
En réponse à M. Jean Cluzel, elle a indiqué que les
sociétés audiovisuelles avaient été exclues de
l'aide à la réduction du temps de travail parce que cette
question doit être traitée dans le cadre de la subvention globale
qui leur est apportée par l'Etat.