SECTION II
Amélioration des conditions de vie
et d'habitat
Article 65
Création d'une peine de confiscation
du fonds de commerce applicable aux marchands de
sommeil
Cet article tend à renforcer la lutte contre les " marchands de sommeil ", tout en la mettant en cohérence avec l'objectif d'accroissement de l'offre de logement.
I - Le droit existant
L'activité des marchands de sommeil,
c'est-à-dire
" le fait de soumettre une personne, en abusant de sa
vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, à
des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la
dignité humaine ", est réprimée par l'article 225-14
du code pénal et punie de deux ans d'emprisonnement et de 500.00 F
d'amende.
En droit pénal, diverses infractions telles les discriminations, le
proxénétisme, les atteintes au respect dû aux morts et les
délits définis aux articles 225-13 (obtention de services non
véritablement rétribués) et 225-14 (conditions de travail
et d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine), sont
regroupées dans le chapitre V du titre II du livre II du nouveau code
pénal et qualifiées " d'atteintes à la dignité
de la personne ".
La particulière gravité de ces infractions justifie l'importance
des peines prévues.
C'est pourquoi la fermeture de l'établissement est inscrite par
l'article 225-16 du code pénal parmi les peines encourues par les
personnes morales déclarées responsables pénalement de
l'infraction définie à l'article 225-14, et par l'article 225-19
du même code parmi les peines complémentaires applicables aux
personnes physiques.
Or, cette mesure de fermeture des établissements n'est pas
cohérente avec l'objectif d'accroissement de l'offre de
logement.
II - Le dispositif proposé
Le
présent projet de loi propose le rachat de ces hôtels
meublés par des organismes HLM ou des organismes agréés.
Pour cela, il faut permettre la confiscation du fonds de commerce
destiné à l'hébergement qui a servi à commettre
l'infraction définie à l'article 225-14.
La peine complémentaire de confiscation du fonds de commerce existe
déjà en matière de répression du
proxénétisme (art. 225-22 du code pénal).
De même, diverses mesures de confiscation existent
déjà : à condition que la loi le prévoie, une
personne morale peut se voir appliquer la peine de
" confiscation de la
chose qui a servi ou était destinée à commettre
l'infraction ou de la chose qui en est le produit "
(art. 131-39 du
code pénal). Mais cette mesure, qui ne vise que les personnes morales,
ne permet pas de confisquer le fonds de commerce de la personne qui a commis
l'infraction prévue à l'article 225-14.La confiscation de la
chose qui a commis l'infraction vise surtout le cas du travail clandestin
effectué dans des conditions contraires à la dignité
humaine ; elle permet de confisquer les machines-outils ayant servi pour
exploiter des personnes vulnérables par exemple.
Ainsi, il est nécessaire que la loi prescrive expressément la
peine de confiscation du fonds de commerce pour l'infraction commise par les
" marchands de sommeil ", personnes physiques et morales.
La section I
complète l'article 225-16 du code pénal, qui
définit les peines encourues par les
personnes morales
ayant
abusé de la vulnérabilité d'une personne pour la soumettre
à des conditions de travail ou d'hébergement contraires à
la dignité humaine.
Actuellement, ces peines sont en premier lieu l'amende (2.500.000 F maximum) et
en second lieu les peines mentionnées à l'article 131-39 du code
pénal (dissolution - interdiction d'exercer, placement sous surveillance
judiciaire - fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans -
exclusion des marchés publics - interdiction de faire appel public
à l'épargne - interdiction d'émettre des chèques -
confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction -
affichage de la décision prononcée).
Il est proposé d'ajouter une troisième rubrique, la confiscation
du fonds de commerce.
La section II
complète l'article 225-19 du code pénal,
définissant les peines complémentaires applicables aux
personnes physiques
ayant commis une infraction définie à
l'article 225-14 du code pénal.
Actuellement, ces peines sont l'interdiction de certains droits civiques et
civils, l'affichage de la décision prononcée, la fermeture
définitive ou pour une durée de cinq ans de
l'établissement, l'exclusion des marchés publics.
Il est proposé d'ajouter une cinquième rubrique, la confiscation
du fonds de commerce.
La section III
modifie l'article 34 de la loi du 17 mars 1909 relative
à la vente et au nantissement des fonds de commerce.
Cet article tire les conséquences de la confiscation d'un fonds de
commerce utilisé pour la prostitution prévue à l'article
225-22 du code pénal.
Le projet de loi prévoit de rendre applicable cet article aux trois
sortes de confiscation du fonds de commerce : pour cause de
proxénétisme et pour les marchands de sommeil - personnes morales
ou physiques. Il inclut donc la référence aux articles 222-16 et
225-19 du code pénal dans l'article 34 de la loi du 17 mars 1909
précitée.
Ainsi modifié, cet article permettra à l'Etat de mettre en vente
le fonds confisqué dans un délai d'un an, sauf prorogation
exceptionnelle, après le prononcé du jugement de confiscation par
la juridiction répressive.
La section IV
complète le titre V du livre VI du code de la
construction et de l'habitation par un nouvel article L 651-10.
Il s'inscrit donc dans les " mesures tendant à remédier
à des difficultés exceptionnelles de logement ".
Le paragraphe I
de cet article L. 651-10 tend à la
nomination d'un administrateur provisoire, désigné par
l'autorité judiciaire à la demande de " l'autorité
administrative compétente ", par exemple le préfet.
Certes, l'article 225-16 du code pénal, tel que le modifie le projet de
loi, rend applicables les peines mentionnées à l'article 131-39
aux personnes morales ayant commis une infraction définie à
l'article 225-14, donc autorise le placement sous surveillance judiciaire, qui
comporte la désignation d'un mandataire de justice (article 131-46 du
code pénal).
Toutefois, une telle peine complémentaire ne rend pas inutile la
désignation d'un administrateur provisoire, car le placement sous
surveillance judiciaire reste rarement mis en oeuvre ; de plus, la
personnalité du mandataire de justice n'est pas précisée
dans la loi, alors qu'ici il s'agit de favoriser la gestion provisoire par des
organismes ayant une expérience en matière de gestion locative de
meublés.
Cet administrateur assure la gestion provisoire des locaux retirés au
gérant qui s'est rendu coupable de l'infraction prévue à
l'article 225-14 du code pénal ; il exerce cette
responsabilité en attendant la décision définitive du juge
qui statue sur les différentes peines (principales et
complémentaires), y compris la confiscation du fonds de commerce,
décision qui entraîne le transfert de propriété
à l'Etat, puis la vente du fonds.
Cette mesure vise à éviter toute rupture dans l'exploitation du
meublé, elle permet en particulier de conserver les locataires dans les
lieux et de rendre l'exploitation de l'établissement
d'hébergement compatible avec les prescriptions du règlement
sanitaire départemental.
Cette gestion provisoire n'est pas destinée à être
assurée par les professionnels qui sont compétents entre autres
pour les sociétés en redressement judiciaire, car il faut tenir
compte de la spécificité de ces meublés, destinés
à intégrer le parc locatif social.
La dernière phrase prévoit ainsi que les organismes intervenant
dans le domaine de l'insertion par le logement, agréés par le
préfet, peuvent être administrateur provisoire. Cet
agrément est spécifique à l'administration provisoire des
meublés. Il ne peut être confondu avec les divers agréments
prévus par la loi n°90-449 du 31 mai 1990 relative à la mise
en oeuvre du droit au logement. Votre commission des Lois vous propose donc un
amendement
visant à préciser que les organismes seront
agréés " à cette fin ".
Les organismes d'habitation à loyer modéré n'ont pas
vocation à gérer des meublés ; leur statut le leur
interdit (articles L. 411-1 et L. 421-1 du code de la construction et de
l'habitation) et il n'est pas souhaitable de créer un
précédent dans ce domaine. La solution retenue est analogue
à celle de l'article 24 (extension des compétences de certains
organismes d'HLM) qui vise à conserver dans le parc locatif social des
hôtels meublés condamnés à la disparition en
autorisant certains organismes d'HLM à les acquérir et à
les donner en location à des organismes agréés à
fin d'hébergement temporaire des personnes en difficulté. Les
organismes d'HLM, qui ont une surface financière suffisante, pourront in
fine se porter acquéreurs des meublés confisqués et en
confier la gestion aux organismes agréés à cette fin.
Le paragraphe II
, dont la rédaction est comparable
à celle de l'article 706-36 du code de procédure pénale
(répression du proxénétisme), prévoit l'information
du propriétaire de l'immeuble et du propriétaire du fonds de
commerce : l'engagement des poursuites, la désignation d'un
administrateur provisoire et la décision de confiscation du fonds leurs
sont communiqués.
Puis il énonce les mesures de publicité et d'affichage, qui font
partie des peines complémentaires applicables aux personnes physiques
(article 131-35 du code pénal) et morales (article 131-39 du même
code).
La peine d'affichage de la décision de confiscation s'exerce ici par une
mention au registre du commerce et des sociétés et aux registres
sur lesquels sont inscrites les sûretés. Un décret en
Conseil d'Etat déterminera les modalités d'application de cette
information.
Le paragraphe III,
qui adapte l'article 706-38 du code de
procédure pénale (répression du
proxénétisme), distingue le cas où, alors que le
gérant est mis en cause au titre de l'article 225-14 du code
pénal, le propriétaire du fonds de commerce n'est pas poursuivi.
Dans ce cas, les peines de fermeture de l'établissement et de
confiscation du fonds de commerce ne sont prononcées que dans le respect
strict des droits de la défense, et à condition que le
propriétaire ait été cité à la diligence du
ministère public ; il est informé de la procédure
suivie, il peut présenter ses observations à l'audience et
interjeter appel de la décision prononçant une peine
complémentaire.
Le paragraphe IV
expose la conséquence de la confiscation
du fonds de commerce : il y a transfert à l'Etat de la
propriété du fonds confisqué et subrogation de l'Etat dans
tous les droits du propriétaire du fonds. Les règles de la
gestion domaniale sur les biens mobiliers s'appliquent, mais le directeur des
services fiscaux peut donner le fonds à gérer, par voie
contractuelle, pour le compte de l'Etat. Il s'agit, sans en faire une
règle, de ménager la possibilité de continuité
entre les gestions provisoires (administration provisoire pendant la
procédure pénale et gestion du domaine de l'Etat après la
confiscation) et la gestion définitive du fonds (après la mise en
vente du fonds).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 65 sous
réserve de l'amendement qu'elle vous soumet.