Article 62
Conditions d'octroi du concours
de la force publique en cas
d'expulsion
D'un
point de vue formel, cet article propose de créer, au sein du chapitre
III du titre Premier du livre VI du code de la construction et de l'habitation,
deux sections, la première relative au sursis à
l'exécution des décisions d'expulsion, regroupant les articles L.
613-1 à L. 613-5 existants, la seconde, intitulée
"
Dispositions diverses "
, comportant un article unique
nouveau.
Ce nouvel article, inséré dans le code de la construction et de
l'habitation sous la référence L. 613-6, subordonne l'octroi du
concours de la force publique pour exécuter un jugement d'expulsion,
à l'obligation pour le préfet de proposer aux personnes
expulsées une offre d'hébergement, ce dernier terme ayant
été choisi à dessein pour indiquer qu'il s'agit d'une
mesure temporaire et non d'un relogement.
S'agissant du recours au concours de la force publique pour l'exécution
du jugement d'expulsion, il s'avère parfois nécessaire en cas de
résistance de l'occupant. L'huissier de justice est alors seul
habilité à procéder à l'exécution
forcée de la décision de justice (article 18 de la loi n°
91-650 du 9 juillet 1991). Rappelons toutefois que l'exécution
forcée ne saurait être mise en oeuvre pendant la trêve
hivernale (article L.613-3 du code de la construction et de l'habitation) qui
s'étend du 1er novembre d'une année au 15 mars de l'année
suivante, ou un dimanche ou un jour férié. En outre, la
procédure d'exécution ne peut être commencée ni
avant six heures, ni après vingt-et-une heures (article 28 de la loi du
9 juillet 1991).
L'article 16 de cette même loi dispose que l'Etat est tenu de
prêter son concours à l'exécution des jugements et autres
titres exécutoires, tout refus d'un tel concours ouvrant droit à
réparation.
En 1996, pour quelque 45.200 commandements d'avoir à libérer les
locaux, près de 32.000 demandes de concours de la force publique ont
été formulées. Ce concours a été
accordé dans près de la moitié des cas, le nombre
d'interventions effectives s'élevant en définitive à
environ 5.000, ce qui représente 5 % du nombre des décisions
d'expulsion prononcées dans l'année.
Si, parmi les refus donnant lieu à demande d'indemnisation, le nombre de
recours contentieux reste minoritaire par rapport à celui des
transactions amiables (environ un millier pour dix mille cinq cents, soit un
peu plus de 10 %), le montant des indemnités accordées est non
négligeable puisqu'il a représenté plus de 300 millions de
francs en 1996.
Le dispositif proposé par l'article 62 du projet de loi pour
l'article L. 613-6 du code de la construction et de l'habitation
fait de la proposition d'un hébergement à la personne
expulsée une condition préalable de l'octroi du concours à
la force publique.
Or, à bien des égards, une telle condition ne semble pouvoir
être admise sous peine de priver la mesure d'expulsion de toute
efficacité. Cela serait regrettable car les motifs de l'expulsion
tiennent parfois, outre le non paiement du loyer et des charges, au
comportement des locataires contraire à l'obligation d'user paisiblement
des locaux ou à leurs agissements portant atteinte à la
destination des lieux.
Par ailleurs, les innovations proposées par les articles 58, 59 et 61 du
projet de loi pour renforcer la prévention devraient permettre de
traiter en amont les cas relevant de la solidarité nationale.
Enfin, d'un point de vue juridique, il paraît difficile de subordonner
l'octroi du concours de la force publique pour l'exécution d'une
décision juridictionnelle à l'existence d'une offre
d'hébergement adressée à la personne expulsée dont
il n'est pas précisé, au surplus, de qui elle doit émaner
ni dans quels délais elle doit intervenir. Cette absence de
précision relative aux délais d'émission d'une offre
d'hébergement est de nature à accréditer l'idée que
la situation pourrait aussi s'éterniser sans qu'un refus du
préfet n'intervienne formellement, empêchant ainsi le bailleur
poursuivant de demander une indemnisation sur le fondement de l'article 16 de
la loi du 9 juillet 1991. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a
introduit, par un amendement de sa commission spéciale, la
précision selon laquelle le défaut de concours de la force
publique au motif qu'aucune offre d'hébergement n'a été
proposée ne fait pas obstacle à l'indemnisation du bailleur.
Cependant, comment apprécier le
" défaut de concours de
la force publique "
en l'absence de refus formalisé ? A
compter de quel délai pourra-t-on estimer que ce défaut est
constitué ?
Ainsi paraît-il préférable de ne pas faire de l'offre
d'hébergement une condition de l'octroi du concours de la force
publique
ce qui revient à faire obstacle à l'exécution
d'une décision de justice sans que des justifications liées au
maintien de l'ordre public n'aient à être avancées.
Votre commission des Lois vous soumet à cet effet
un amendement.
Elle vous propose d'adopter l'article 62 ainsi modifié.