Article 53
(Article 706-1 du code de procédure civile
ancien)
Conditions de remise en vente du bien immobilier
après
fixation de la mise à prix par le
juge
La
saisie immobilière, voie d'exécution forcée permettant au
créancier poursuivant d'obtenir le recouvrement des sommes dues, est
régie par les articles 673 et suivants du code de procédure
civile ancien.
Dans un délai de quarante jours suivant la publication du commandement
au bureau des hypothèques, le créancier poursuivant
établit et dépose au greffe du tribunal, par
l'intermédiaire de son avocat, un cahier des charges dans lequel il fixe
la mise à prix. Lors de l'audience d'adjudication, à
défaut d'enchères, le créancier poursuivant est
déclaré adjudicataire au montant de cette mise à prix.
L'adjudicataire doit ensuite faire publier son titre au bureau des
hypothèques dans un délai de deux mois à peine de revente
du bien sur folle enchère.
Ce mécanisme pouvant conduire le créancier poursuivant à
obtenir un bien à un prix très inférieur à sa
valeur vénale, sa mise à prix, devenue le prix d'adjudication
étant généralement proportionnelle au montant de sa
créance, le débiteur se trouve alors lésé par la
vente faite à vil prix. Pour tenter de remédier à cette
situation, la loi n° 98-46 du 23 janvier 1998
renforçant la protection des personnes surendettées en cas de
saisie immobilière a instauré de nouvelles garanties pour le
débiteur, en matière de saisie du logement principal, qui sont
les suivantes :
- l'information du débiteur saisi est renforcée, le commandement
devant désormais comporter l'indication que la partie saisie a la
faculté de demander la conversion en vente volontaire ainsi que celle de
saisir la commission de surendettement, qu'elle peut bénéficier
de l'aide juridictionnelle et que le montant de la mise à prix peut
être contesté. Ces exigences doivent être respectées
à peine de nullité ;
- le débiteur a désormais la faculté de contester la mise
à prix pour cause d'insuffisance manifeste. La contestation, le cas
échéant après expertise, est tranchée par le
tribunal en tenant compte de la valeur vénale de l'immeuble ainsi que
des conditions du marché. Le juge devra s'efforcer de fixer un montant
suffisamment attractif pour ne pas compromettre le jeu des enchères.
Dans la mesure où il n'est pas possible de créer artificiellement
un marché immobilier, l'article 706 du code de procédure
civile ancien, dans sa nouvelle rédaction, prévoit qu'à
défaut d'enchères sur la mise à prix fixée par le
juge, il est immédiatement procédé à la remise en
vente sur baisses successives, le cas échéant jusqu'au montant de
la mise à prix initiale. Cependant, en cas d'enchères
simultanées au même prix, l'enchère repartirait à la
hausse si bien qu'il paraît impropre de désigner ce
mécanisme par l'expression " enchères descendantes " ;
- procédure de saisie immobilière et procédure de
surendettement sont mieux articulées désormais grâce
à la clarification des compétences respectives du juge de la
saisie et du juge de l'exécution.
En effet, un avis de la Cour de cassation du 5 mai 1995 ayant
rappelé que le juge de l'exécution n'était pas
compétent en matière d'exécution forcée sur les
immeubles, il apparaissait que même si celui-ci avait prononcé la
suspension provisoire des procédures d'exécution à la
demande de la commission de surendettement, le sursis pouvait être
considéré comme sans effet par le juge de la saisie seul
compétent pour prononcer la suspension.
La commission peut également désormais, lorsque la date
d'adjudication a été fixée, pour causes graves et
dûment justifiées, saisir le juge aux fins de remise de
l'adjudication dans les conditions prévues par l'article 703 du
code de procédure civile ancien.
- Enfin, la nouvelle rédaction du code de la consommation permet au
débiteur dont le logement principal a été vendu de
demander la réduction de la fraction de la dette immobilière
restante, non plus dans l'année suivant la vente, mais dans le
délai de deux mois suivant la sommation de payer cette fraction
résiduelle.
L'article 53 du projet de loi propose de revenir sur un aspect essentiel
de ce dispositif : le mécanisme de la remise en vente sur baisses
successives jusqu'à la mise à prix fixée par le
créancier poursuivant en l'absence d'enchères.
•
Le paragraphe I
propose ainsi d'abroger le dernier
alinéa de l'article 706 du code de procédure civile ancien
qui instaurait ce mécanisme.
•
Le paragraphe II
insère un nouvel
article 706-1 dans ce même code pour prévoir que lorsque la
mise à prix a été réévaluée par le
juge et qu'il n'y a pas eu d'enchères lors de la première
audience d'adjudication, une seconde audience est organisée dans un
délai de trente jours, la mise à prix restant celle
fixée par le juge.
L'annonce de cette audience de renvoi se fait par voie d'affichage d'un avis du
greffe à la porte du tribunal, quinze jours au moins à
l'avance. Toute autre mesure de publicité peut être
ordonnée par le juge. Le juge procède à la remise en vente
sans que le poursuivant ait à réitérer sa demande,
à moins qu'il ait expressément abandonné les poursuites.
La nouveauté, qui remet en cause le mécanisme instauré
par la loi du 23 janvier 1998, est qu'à défaut
d'enchères le bien est adjugé d'office au créancier
poursuivant au prix fixé par le juge.
Une telle conclusion à la procédure d'adjudication ne saurait
être accueillie. En effet, contraindre le créancier poursuivant
qui ne fait que tenter de recouvrir les sommes qui lui sont dues en empruntant
les voies légales est inacceptable. Cette solution sonne comme une
sanction alors que le créancier cherche seulement, et
légitimement, à obtenir son dû : il ne saurait
être en quelque sorte rendu responsable de l'absence d'enchères.
En outre, le système proposé, désormais périlleux
pour les créanciers, risque de les conduire à renoncer à
exercer des poursuites et donc à faire valoir leurs droits, ce qui ne
peut être admis. Seuls les créanciers ayant la capacité
financière d'assumer le risque de l'adjudication d'office au prix
fixé par le juge pourraient faire un tel pari ! Cela
créerait de facto une discrimination entre créanciers, une
rupture d'égalité entre eux, consacrant une sorte d'accès
censitaire au droit.
Enfin, un tel mécanisme serait susceptible de compromettre gravement la
situation du créancier, soit qu'il se trouve dans l'impossibilité
de recouvrir sa créance à défaut de pouvoir prendre le
risque d'assumer le prix d'adjudication, soit qu'ayant choisi de faire valoir
ses droits il se trouve contraint de payer un prix insupportable pour lui. Dans
l'hypothèse où ce créancier serait par exemple une
copropriété, cela pourrait plonger brutalement plusieurs familles
dans une situation financière inextricable. Pareille proposition dans un
projet de loi visant à lutter contre les exclusions et le surendettement
paraît donc bien singulière !
Par ailleurs, le système des deux audiences d'adjudication à un
mois d'intervalle ne fait qu'allonger la procédure sans apporter de
solution, d'autant plus que les mesures de publicité requises pour la
seconde adjudication sont allégées et ne seront pas de nature
à drainer des enchérisseurs potentiels supplémentaires. La
seconde chance présumée justifiant ce dispositif relève
clairement de la fiction.
Pour toutes ces raisons et en considérant le caractère
extrêmement récent de la loi du 23 janvier 1998 qui n'a pu
faire l'objet d'aucune évaluation,
votre commission des Lois propose
un amendement de suppression de l'article 53
.