Article 52 ter (nouveau)
(Article L. 111-4 du code de la
consommation)
Mention devant figurer, à peine de nullité, dans
le contrat de cautionnement - Obligation d'information de la caution
dès le premier incident de
paiement
L'article 52 ter, introduit par l'Assemblée nationale
à l'initiative de sa commission spéciale, tend à
sanctionner par la nullité de plein droit l'absence de mention, dans le
contrat de cautionnement, du montant maximum pour lequel ce cautionnement est
consenti, ce montant incluant les accessoires et les frais.
A cet effet, il complète l'article 2013 du code civil aux termes duquel
le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le
débiteur sauf à être, s'il excède la dette,
réduit à la mesure de l'obligation principale.
Le dispositif proposé par l'article 52 ter, s'il correspond à une
préoccupation louable tendant à ce que la caution connaisse
exactement la portée du risque financier qu'elle encourt en cas de
défaillance du débiteur, paraît néanmoins soit
inutile, soit inapplicable.
Le mécanisme prévu, sauf à réduire
considérablement la valeur de la sûreté que constitue le
cautionnement et, par voie de conséquence, à inciter les
créanciers à exiger d'autres sûretés assorties de
garanties très faibles telles que la garantie à première
demande, ne paraît pas applicable aux contrats à obligations
successives tels qu'un bail d'habitation. En effet, comment déterminer a
priori, c'est-à-dire au moment de la conclusion du bail et de son
corollaire qui est le contrat de cautionnement, quelle pourra être
l'étendue de la défaillance du débiteur principal
concernant les impayés de loyers et de charges locatives ?
Prévoir que le cautionnement ne jouera que pour un montant limité
revient à le forfaitiser, et donc à lui dénier en
pratique toute valeur de sûreté. Le risque immédiat est la
disparition des cautionnements à titre gratuit, par exemple la caution
accordée couramment par des parents à leur enfant qui en sera
alors réduit à solliciter une caution à titre
onéreux ce qui, dans le cadre d'un projet de loi destiné à
lutter contre les exclusions, peut paraître singulier !
Dans les cas où le risque qui se réalise par la
défaillance du débiteur peut être évalué, le
dispositif proposé semble inutile : en effet, l'exigence de la mention
de la portée de l'engagement financier existe souvent
déjà. Il en est ainsi, en matière de contrats de
crédit immobilier aux termes de l'article L. 313-7 du code de la
consommation qui dispose que la personne physique qui s'engage par acte sous
seing privé en qualité de caution doit, à peine de
nullité, faire précéder sa signature de la mention
manuscrite suivante : "
en me portant caution de X, dans la limite de
la somme de ...... couvrant le paiement du principal, des intérêts
et, le cas échéant, des pénalités ou
intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage
à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes
biens si X n'y satisfait pas lui-même ".
Il convient par ailleurs de souligner que le dispositif proposé, qui
modifie le code civil, s'appliquerait à l'ensemble des contrats de
cautionnement, qu'ils soient consentis à titre gracieux ou à
titre onéreux et qu'ils engagent une personne physique ou une personne
morale.... ce qui semble excéder de beaucoup l'objectif poursuivi. Il
s'agit en effet de pouvoir mettre en place un mécanisme protecteur des
particuliers, susceptible de prévenir les situations de surendettement
"
par ricochet "
, sans pour autant provoquer la disparition du
cautionnement à titre gracieux et porter gravement atteinte au principe
de la liberté contractuelle.
Rappelons que certaines dispositions législatives mais également
la jurisprudence, organisent la protection de la caution en exigeant sa
complète information et en sanctionnant le comportement abusif du
créancier.
Concernant l'information de la caution, mentionnons l'article 48 de la loi
n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au
règlement amiable des difficultés des entreprises qui dispose que
"
les établissements de crédit ayant accordé un
concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement
d'une personne physique ..., sont tenues de faire connaître à la
caution le montant du principal et des intérêts, commissions,
frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de
l'année précédente au titre de l'obligation
bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet
engagement ".
Le défaut d'accomplissement de cette
formalité emporte déchéance des intérêts
échus depuis la précédente information jusqu'à la
date de communication de la nouvelle information.
En dehors de cette information au fil du temps, la jurisprudence exige que le
contrat de cautionnement porte mention de l'étendue de l'engagement
souscrit, que la somme soit a priori évaluée ou pas. Ainsi, pour
statuer sur la validité de l'engagement souscrit, la Cour de cassation
vérifie-t-elle que "
la mention manuscrite apposée par la
caution fournit la certitude que le souscripteur a eu, d'une façon
explicite et non équivoque, connaissance de la nature et de
l'étendue de l'engagement contracté " (
1ère ch.
civ., 4 février 1986, Gleize c/Société
marseillaise de crédit). Par ailleurs, et selon une jurisprudence
constante faisant application de l'article 2015 du code civil, le cautionnement
ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il
a été contracté.
Enfin, en vertu d'une jurisprudence récente (Ch. Com., 17 juin 1997,
Macron c/Banque internationale pour l'Afrique occidentale), la Cour de
cassation retient la responsabilité du créancier
bénéficiaire d'un cautionnement disproportionné par
rapport aux ressources de la caution. Elle a ainsi estimé qu'en faisant
souscrire un tel engagement à une personne physique, même s'il
s'agit d'un dirigeant, le créancier manque à son obligation de
bonne foi. En l'espèce, le dirigeant de société
s'était porté caution, à concurrence de 20.000.000 F
des dettes de celle-ci au profit d'une banque, alors que la valeur de son
patrimoine était inférieure à 4.000.000 F, ses
revenus mensuels s'élevant à 37.550 F. La banque a
été condamnée à verser à la caution
15.000.000 F de dommages-intérêts, somme dont la compensation
a été ordonnée avec celle due par le dirigeant au titre du
cautionnement.
Cette jurisprudence généralise un dispositif déjà
en vigueur en matière de crédit à la consommation et de
crédit immobilier, l'article L. 313-10 du code de la consommation
interdisant à un établissement de crédit de se
prévaloir d'un cautionnement disproportionné par rapport à
l'opération de crédit garantie à moins que le patrimoine
de la caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette
de faire face à son obligation.
Pour toutes les raisons qui précèdent, et afin de prévenir
la survenance de situations de surendettement
" par ricochet "
du fait de la mise en oeuvre d'un cautionnement, votre commission des Lois vous
propose
un amendement
tendant à substituer au dispositif
résultant de l'article 52 ter un nouveau dispositif obligeant
le créancier à informer la caution, personne physique, dès
la première défaillance caractérisée du
débiteur principal, c'est-à-dire si l'incident n'est pas
régularisé rapidement. A défaut de se conformer à
cette obligation d'information, le créancier perd les
pénalités et intérêts échus depuis la
survenance de l'incident de paiement.
Un tel dispositif, figurant sous un article L. 111-4 nouveau
inséré dans le code de la consommation, a vocation à
prévenir les cas de surendettement
" par ricochet "
les
plus fréquents dus à la mise en oeuvre du cautionnement pour
recouvrer les sommes correspondant à un cumul d'impayés. Il
bénéficie à toutes les personnes physiques s'étant
portées caution d'une obligation principale contractée entre un
particulier et un professionnel.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 52 ter ainsi
réécrit.