Article 43
(Article L. 331-2 du code de la consommation)
Fixation
des ressources minimales du ménage
par la commission de
surendettement
Le
champ
d'application de la procédure de traitement des situations
de surendettement résultant du
premier alinéa de
l'article L. 331-2
du code de la consommation demeure
inchangé
: seules sont éligibles à cette
procédure les personnes physiques dont la situation est
caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face
à l'ensemble de leurs
dettes non professionnelles
exigibles ou
à échoir. Une précision importante est que le
débiteur doit être de
bonne foi
.
Un débat s'est engagé à l'Assemblée nationale sur
le point de savoir si certaines dettes professionnelles ne devaient pas
être inclues dans le champ d'application de la loi. La question se pose
en effet pour les personnes qui ne peuvent bénéficier des
procédures de redressement et de liquidation judiciaires
résultant de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985
modifiée par la loi du n° 94-475 du 10 juin 1994. Aux
termes de l'article 2 de la loi du 25 janvier 1985, ces
procédures s'appliquent à toute personne morale de droit
privé mais également aux personnes physiques ayant la
qualité de commerçant, d'artisan ou d'agriculteur. Ces
procédures collectives sont exclusives de celles relatives au
règlement des situations de surendettement des particuliers : la
" loi Neiertz " est donc insusceptible de s'appliquer
parallèlement à la loi du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
Si la situation est claire pour ces trois catégories de personnes
physiques, la loi laisse hors de son champ d'application celles qui exercent
une
profession libérale
: ces dernières ne peuvent
donc être mises en redressement judiciaire à moins qu'en fait leur
activité réelle soit de nature commerciale, artisanale ou
agricole (Cour de cassation, ch. com, 20 juin 1995) ; elles ne sont pas
non plus éligibles à la procédure de traitement du
surendettement des particuliers dans la mesure où il y a confusion entre
leur patrimoine personnel et leur patrimoine professionnel.
Si la pérennisation d'une telle lacune ne paraît pas acceptable,
il semble cependant difficile de résoudre cette question complexe par
voie d'amendement tendant à rendre ces personnes éligibles
à la procédure de surendettement. Cela supposerait en effet
d'admettre que les commissions de surendettement puissent traiter des dettes
professionnelles en même temps que des dettes privées : or,
le traitement de telles situations nécessite des compétences que
les secrétariats des commissions, chargés de l'instruction des
dossiers, n'ont pas. Il convient de veiller à ce qu'une telle
modification, qui consacrerait un véritablement changement de nature de
la procédure de traitement du surendettement, ne compromette pas le bon
fonctionnement des commissions déjà saisies d'un nombre de
dossiers en forte augmentation. Il est donc impératif de
préserver l'équilibre existant. Il semblerait en outre de
meilleure logique juridique de faire bénéficier les personnes
exerçant une profession libérale d'un régime comparable
à celui dont bénéficient les commerçants, les
artisans et les agriculteurs.
Comme l'avait fait le rapport d'information du Sénat
13(
*
)
, votre commission des Lois souligne
l'urgence à trouver une solution sur ce point.
L'article 43 du projet de loi tend à compléter
l'
article
L. 331-2 du code de la consommation
par un
second alinéa
destiné à fixer un cadre
d'évaluation de ce qu'il est communément convenu d'appeler le
" reste à vivre ", c'est-à-dire la part des ressources
nécessaires aux dépenses courantes du ménage. Aucune
disposition relative à la définition du reste à vivre ne
figurait jusqu'à présent dans la loi, la commission de
surendettement ayant toute latitude d'appréciation.
En pratique, deux méthodes ont été définies par les
commissions, combinant chacune le système des frais réels et
celui du forfait : dans un cas, le forfait couvre les dépenses
d'alimentation et les diverses charges courantes (électricité,
téléphone, assurances...), les autres charges (loyers,
impôts...) étant évaluées en fonction de leur
montant réel. Dans le second cas, plus restrictif, le forfait ne couvre
que les frais d'alimentation et d'entretien. Cette dualité de
méthodes a conduit à une certaine disparité dans
l'appréciation du reste à vivre dans les différents
départements, illustrée par les deux tableaux ci-après
élaborés par la Banque de France sur un échantillon de
22 commissions :
Méthode 1
|
Minimum |
Maximum |
Moyenne |
Célibataire |
1.800 |
3.500 |
2.927 |
Couple sans enfant |
2.900 |
4.500 |
4.074 |
Couple avec 2 enfants |
5.100 |
6.550 |
5.960 |
Méthode 2
|
Minimum |
Maximum |
Moyenne |
Célibataire |
1.000 |
2.300 |
1.623 |
Couple sans enfant |
2.000 |
3.400 |
2.700 |
Couple avec 2 enfants |
3.900 |
5.000 |
4.638 |
Ce
constat appelait un effort d'harmonisation auquel le projet de loi tente de
répondre.
L'article 43 du projet de loi du Gouvernement prévoyait ainsi qu'un
"
barème résultant de l'application des dispositions de
l'article L. 145-2 du code du travail
" devrait être
appliqué par la commission, selon des modalités fixées par
décret, à l'ensemble des ressources du ménage, et que le
reste à vivre ainsi défini devrait être inscrit dans le
plan conventionnel de redressement ou dans les mesures recommandées.
La référence à l'article L. 145-2 du code du
travail vise la définition de la quotité saisissable des
rémunérations, le minimum insaisissable étant
défini en fonction du montant de la rémunération, de ses
accessoires et le cas échéant de la valeur des avantages en
nature, après déduction des cotisations obligatoires, les sommes
correspondant à des remboursements de frais et les allocations ou
indemnités pour charge de famille étant exceptées. En
application de cet article, l'article R. 145-2 du même code
issu du décret n° 97-1167 du 22 décembre 1997 fixe
les proportions dans lesquelles les rémunérations annuelles sont
saisissables.
L'Assemblée nationale a estimé que le dispositif proposé
par le Gouvernement revenait à donner priorité au calcul des
remboursements à effectuer pour apurer la dette par
référence à la définition de la quotité
saisissable sans pour autant limiter le montant de ces remboursements à
celui de cette quotité. Elle a ainsi préféré un
mécanisme tendant à réserver par priorité une
partie des ressources au règlement des dépenses courantes du
ménage, le montant des remboursements inscrits dans le plan
conventionnel ou les mesures recommandées étant fixé, dans
des conditions précisées par décret, par
référence à la quotité saisissable. Elle a de
surcroît prévu que le montant du reste à vivre ne pourrait
être inférieur à celui du revenu minimum d'insertion
(RMI)
14(
*
)
.
S'il paraît effectivement souhaitable, dans l'intérêt de la
viabilité du plan d'apurement, de réserver prioritairement, avant
de déterminer les échéances de remboursement, une partie
des ressources aux dépenses de la vie courante entendues comme la somme
des charges fixes (loyer, impôts, assurances...) et des frais
incompressibles (alimentation, eau, électricité...), le nouveau
dispositif proposé appelle une série d'observations qui
conduisent votre commission des Lois à vous proposer sa modification.
En effet, l'objectif poursuivi est que le débiteur surendetté
puisse disposer des sommes minimales nécessaires pour assumer les
charges de la vie courante. Or, le mécanisme proposé par
l'Assemblée nationale, tout en faisant de ce calcul un préalable
à l'élaboration du plan ou des mesures recommandées,
prévoit qu'" une partie " et non " la partie " des
ressources nécessaires aux dépenses de la vie courante est
réservée par priorité. Par ailleurs, fixer comme seuil
irréductible des ressources affectées aux dépenses de la
vie courante le montant du RMI est contestable. En effet, la procédure
de traitement du surendettement bénéficie à la fois aux
surendettés " passifs " et aux surendettés
" actifs ". Or, il paraît choquant de permettre à ces
derniers de bénéficier des mêmes garanties que des
personnes percevant le RMI qui, plus vertueuses dans la gestion de leurs
dépenses, ne se trouvent pas en situation de surendettement. Un tel
mécanisme pourrait en outre constituer un encouragement au
surendettement : pourquoi rester vertueux si la loi garantit chacun de
disposer de sommes équivalentes au montant du RMI ? Il semble
préférable, comme le préconise d'ailleurs l'avis du
Conseil national de la consommation
15(
*
)
, de laisser "
à la
commission la possibilité de moduler le reste à vivre
"
et de prévoir que "
la part des ressources consacrées aux
remboursements ne soit pas supérieure à la quotité
saisissable
" définie par le code du travail, ce qui
équivaut à prévoir que le reste à vivre ne doit pas
être inférieur à la fraction insaisissable de la
rémunération. Ce seuil étant fixé, la commission
doit pouvoir adapter le reste à vivre aux conditions d'existence du
débiteur, lesquelles peuvent varier considérablement en fonction
notamment du lieu d'implantation de la résidence principale. Les
conditions de vie sont en effet fort différentes selon que l'on
réside en agglomération ou en zone rurale en disposant par
exemple d'un jardin.
Ainsi, votre commission vous soumet-elle
un amendement
tendant à
instaurer un mécanisme susceptible de préserver la souplesse du
système tout en apportant les garanties d'une harmonisation minimale.
Elle vous propose d'adopter l'article 43 ainsi modifié
.