II. GENÈSE ET ÉCONOMIE DE LA RÉFORME PROPOSÉE
La
réflexion et la concertation en vue de l'élaboration d'un nouveau
projet de loi a été engagée par les pouvoirs publics
dès l'été 1997.
Un consensus s'est rapidement dessiné autour de plusieurs axes qui
correspondent aux orientations préconisées par le rapport du
groupe de travail sénatorial :
- le rôle des commissions de surendettement, dont l'efficacité est
unanimement reconnue
8(
*
)
, est
conforté. Les commissions doivent rester le point d'entrée de
tous les dossiers ;
- l'évolution qualitative du phénomène du surendettement
doit être prise en considération avec l'instauration d'une phase
différente de celle du plan amiable et des mesures recommandées,
ménageant "
une issue de secours en faveur des cas les plus
désespérés
"
9(
*
)
;
- il est exclu de créer un fichier positif de l'endettement, comportant
des risques pour les libertés individuelles et le respect de la vie
privée, et d'étendre à l'ensemble du territoire le
régime de la faillite civile applicable en Alsace-Moselle,
considéré à la fois comme dangereux, inutile et pourvoyeur
d'exclusion au plan juridique et économique.
10(
*
)
Le projet de réforme de la procédure de traitement du
surendettement, plus ambitieux que celui adopté en 1995 dont l'objet
était essentiellement de décharger le juge en renforçant
le rôle des commissions a recueilli, pour l'essentiel, l'approbation des
consommateurs et des professionnels, qui s'est traduite par un avis du Conseil
national de la consommation publié le 19 décembre 1997 rendant
compte d'une position commune des deux collèges concernés.
Le projet de loi
adapte et complète le dispositif existant :
- il ne remet pas en cause le déroulement de la procédure :
après s'être prononcée sur la recevabilité du
dossier, la commission tente d'élaborer un plan amiable de
règlement du passif accepté par le débiteur et les
créanciers. En cas d'échec de cette phase amiable, la commission
formule des recommandations auxquelles le juge confère force
exécutoire après avoir vérifié la
régularité de la procédure. Toutefois, pour les cas de
surendettement passif caractérisé, le projet de loi innove en
rendant possible le recours au moratoire dont la durée maximale est
fixée à trois ans. Ce
" gel "
de la situation du
débiteur peut être suivi d'un effacement ou d'une réduction
de la dette ou d'une reprise de la procédure de recommandation.
Moratoires et mesures d'effacement font l'objet d'une homologation par le juge.
- le "
reste à vivre "
correspondant au minimum
incompressible pour subvenir aux besoins de la vie courante, fait l'objet d'une
définition légale.
- la durée maximale des plans amiables d'apurement est portée de
cinq à huit ans.
- la composition de la commission est modifiée afin d'améliorer
la coordination des différentes interventions.
- une procédure de contestation de l'état du passif du
débiteur dressé par la commission est aménagée aux
fins de vérification des créances par le juge.
- possibilité est ouverte au président de la commission, en cas
d'urgence, de saisir le juge de l'exécution pour demander la suspension
des poursuites.
- l'effacement d'une créance dans le cadre de la nouvelle
procédure vaut régularisation de l'incident de paiement au sens
du régime applicable aux chèques et aux cartes de paiement.
- l'inscription des débiteurs surendettés au fichier national des
incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
intervient dès la déclaration de recevabilité du dossier
par la commission de surendettement afin de prévenir une aggravation de
la situation.
Lors de l'examen du volet du projet de loi relatif au surendettement les 14 et
18 mai derniers,
l'Assemblée nationale
a apporté de
nombreuses modifications au projet du Gouvernement. Pour l'essentiel, elle a :
- supprimé la présence, ajoutée par le projet de loi, du
Président du conseil général au sein de la commission de
surendettement et a ajouté un représentant des locataires ;
- modifié la définition du
" reste à
vivre "
pour faire à la fois référence à
la quotité saisissable et au revenu minimum d'insertion (RMI) ;
- précisé que l'assistance du débiteur devant la
commission par une personne de son choix serait gratuite ;
- ramené de 45 à 30 jours le délai imparti aux
créanciers pour justifier de leurs créances ;
- exigé que les créanciers indiquent les créances ayant
donné lieu à caution ;
- étendu au représentant local de la Banque de France et au
débiteur la faculté de saisir, en cas d'urgence, le juge aux fins
de suspension des procédures d'exécution ;
- plafonné le taux d'intérêt applicable aux
échéances rééchelonnées dans le cadre des
mesures recommandées au taux légal ;
- prévu que le produit de la vente d'un bien de la personne
surendettée s'imputerait sur le principal restant dû ;
- étendu le principe du moratoire aux cas dans lesquels l'état de
surendettement est exclusivement dû à la mise en oeuvre d'un
cautionnement ;
- prévu que le moratoire et la décision d'effacement pourraient
concerner les dettes fiscales, parafiscales ou envers la Sécurité
sociale et que le moratoire entraînerait la suspension du paiement des
intérêts ;
- exclu la possibilité d'une nouvelle mesure d'effacement ou de
réduction de dettes similaires avant l'expiration d'un délai de
huit ans ;
- ramené à huit ans la durée d'inscription au FICP pour
les mesures de réduction ou d'effacement de la dette ;
- renvoyé à un décret la définition des tarifs
pratiqués par les huissiers de justice lorsque la procédure
concerne une personne surendettée :
- autorisé les cautions à présenter leurs observations
à la commission de surendettement lorsque le débiteur principal
fait l'objet d'une procédure devant celle-ci ;
- prévu que le contrat de cautionnement devrait, à peine de
nullité, porter mention du montant maximum pour lequel il est consenti
à l'égard de la personne cautionnée.
A la suite de cet aperçu synthétique du dispositif adopté
par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous propose un
examen détaillé de chaque disposition nouvelle.
Article additionnel avant l'article 42
(Article L.321-1
du code de la consommation)
Nullité des conventions conclues entre un
débiteur et un intermédiaire pour les besoins de la
procédure de surendettement
L'article L. 331-10 du code de la consommation prévoit
que
les parties peuvent être assistées devant la commission de
surendettement par toute personne de leur choix. L'Assemblée nationale a
complété cette disposition en précisant que cette
assistance serait nécessairement gratuite (article 48 III bis).
Si cette modification partait de l'intention louable de protéger le
débiteur surendetté et désemparé contre les offres
de services d'officines de recouvrement ou de conseil pratiquant des tarifs
prohibitifs, l'objectif poursuivi semble être dépassé. Il
convient en effet de ne pas priver le débiteur d'avoir recours, selon
son souhait, à un avocat. L'ajout proposé aurait pour
conséquence d'empêcher tout recours à une telle assistance
même lorsque l'intéressé bénéficie de l'aide
juridictionnelle.
Votre commission vous proposera donc, à l'article 48 du projet de loi,
de supprimer cette mention. Soucieuse cependant de protéger le
débiteur surendetté contre le démarchage
d'intermédiaires peu scrupuleux susceptibles de profiter de son
état de faiblesse en proposant une assistance à des conditions
financières de nature à obérer encore davantage sa
situation, elle vous soumet
un amendement insérant un article
additionnel avant l'article 42
tendant à compléter l'article
L. 321-1 du code de la consommation pour interdire ce type de convention.