PREMIÈRE PARTIE
:
LE VOLET CULTURE DU PROJET DE LOI
Le projet de loi d'orientation soumis à l'examen du Sénat consacre un chapitre, au sein du titre II relatif à la prévention des exclusions, au droit à l'égalité des chances par l'éducation et la culture. Nous nous intéresserons dans cette première partie plus particulièrement à l'accès à la culture qui doit s'entendre ici au sens large, l'article 74 proclamant " objectif national " l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs.
I. DE BONNES INTENTIONS
L'objectif de démocratisation de l'accès
à la
culture, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi
d'orientation, doit constituer à la fois un instrument de lutte contre
l'exclusion et un moyen de la prévenir en garantissant
l'égalité des chances.
Votre rapporteur ne peut qu'approuver la volonté du gouvernement de
faire de l'action culturelle un des volets de la lutte contre l'exclusion. Il
s'agit là incontestablement d'une bonne intention.
En effet, en dépit des progrès accomplis en faveur de leur
démocratisation, les pratiques culturelles et sportives demeurent
marquées par de profondes disparités sociales et l'exclusion
sociale se double souvent d'une exclusion culturelle.
Néanmoins, ces intentions louables qui, nous le verrons,
relèvent, du moins dans le texte du projet de loi, surtout de
l'incantation ne font que confirmer si, néanmoins il en était
besoin, le bien-fondé des nombreuses initiatives prises d'ores et
déjà en ce sens par l'Etat, les collectivités
territoriales ou les associations.
A. DES PRATIQUES SPORTIVES ET CULTURELLES MARQUÉES PAR DE NOMBREUSES DISPARITÉS
En
dépit d'un effort de démocratisation, les pratiques culturelles
et sportives, et de manière plus générale l'accès
aux loisirs, demeurent encore marqués par de fortes disparités
sociales.
• Les enquêtes réalisées par les services du
ministère de la culture soulignent qu'aujourd'hui encore les pratiques
culturelles des français traduisent de fortes disparités sociales.
Bien que les pratiques culturelles se soient au cours des vingt
dernières années profondément renouvelées, les
obstacles à la diffusion des formes les plus classiques de la culture
demeurent.
Ainsi, l'augmentation de l'écoute musicale et audiovisuelle,
conséquence de la généralisation de l'équipement
des ménages en ce domaine, n'a pas été accompagnée
d'un développement des sorties culturelles traditionnelles
(théâtre, concert, musée). Cette constatation qui
ressortait de l'étude réalisée sur la période
1973-1989 semble devoir être confirmée par les résultats de
la dernière enquête menée par le ministère.
Celle-ci fait apparaître, en effet, que les pratiques culturelles mettant
en relation le public et l'oeuvre d'art restent l'apanage d'un petit nombre.
Alors que les dépenses culturelles des ménages augmentent de
15 % chaque année, 83 % des Français ne sont jamais
allés à l'opéra, 55 % au théâtre et
71 % n'ont jamais assisté à un concert de musique classique.
• Ces disparités se retrouvent également dans
l'accès aux activités sportives.
En dépit d'un mouvement de généralisation qui s'affirme
depuis une vingtaine d'années, mais qui a marqué le pas au cours
des dernières années, la pratique sportive demeure fortement
liée au niveau des revenus et à l'appartenance à une
catégorie socio-professionnelle.
Ainsi, si le taux de pratique sportive atteint 94,1 % pour les personnes
disposant d'un revenu supérieur à 36.000 francs par mois, il
n'est que de 50 % pour celles dont le revenu est inférieur à
5.000 francs par mois.
Par ailleurs, la pratique sportive demeure encore très marquée
par l'origine socio-économique : alors que les membres des familles
de cadres supérieurs sont environ 60 % à déclarer
pratiquer une activité sportive, ce taux descend à moins de
50 % chez les employés et à 40 % dans les familles
ouvrières.
Ces disparités qui s'expliquent pour des motifs sociologiques sont
également liées à des raisons financières. En
effet, la pratique d'un sport, notamment dans le cadre des
fédérations et des clubs, est souvent entravée, notamment
pour les jeunes des milieux défavorisés par les coûts
liés aux frais d'inscription ou par les tarifs demandés pour
l'accès aux équipements sportifs.
• De telles différences se retrouvent également dans
l'accès aux loisirs et plus particulièrement aux vacances. Il
importe de rappeler que 40 % des Français ne partent pas en
vacances, cette réalité étant souvent occultée par
une image faussée de notre société qui serait de plus en
plus axée sur les loisirs.