B. LA DÉMOCRATISATION DES PRATIQUES SPORTIVES ET CULTURELLES EST LÉGITIME
1. Un objectif constant de la politique culturelle.
La
démocratisation de l'accès aux loisirs et aux pratiques
culturelles et sportives est une constante des politiques conduites depuis la
Libération en France dans le domaine de la culture et de la jeunesse par
l'Etat puis par les collectivités territoriales dont l'action a
été appelée à se développer
considérablement au cours des dernières années. Rappelons,
en effet, qu'aujourd'hui les dépenses engagées par les
collectivités territoriales représentent 49,9 % du
financement public de la culture.
Votre rapporteur n'a donc pu que s'étonner que l'objectif d'accès
de tous à la culture comme garantie de l'égalité des
chances soit présenté par le gouvernement notamment dans
l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation comme un principe
nouveau.
S'inscrivant dans le courant de pensée, qui s'est
développé lors du Front populaire et dans la Résistance et
qui a ébauché les fondements d'une politique culturelle et
d'éducation populaire, le droit à la culture et aux loisirs a
été reconnu pour la première fois par le préambule
de la Constitution du 27 octobre 1946 dans ses onzième et
treizième alinéas. Ces dispositions qui ont été
reprises par le préambule de la Constitution de 1958 " garantissent
à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux
vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs " et " l'égal
accès de l'enfant et de l'adulte à la formation professionnelle
et à la culture ". A ce titre, elles fondent la
légitimité de l'intervention de l'Etat dans ces domaines.
L'article premier du décret n° 59-889 du 24 juillet 1959
portant organisation du ministère de la culture rédigé par
André Malraux a traduit ces principes en disposant que
" le
ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de
rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la
France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus
vaste audience à son patrimoine culturel, de favoriser la
création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui
l'enrichissent ".
Une des premières réalisations
conduites en vertu de cette volonté politique aura été la
création des maisons de la culture qui, dans leur objectif de mettre en
relation l'art et le public et de promouvoir une approche pluridisciplinaire de
la culture, participent, en dépit de leur relatif échec, de la
même logique que celle dont s'inspirent des établissements
culturels ou des associations menant aujourd'hui des actions en faveur des
publics défavorisés. Par ailleurs, elle inaugure l'action
conjointe de l'Etat et des collectivités territoriales
préfigurant, d'une part, le rôle de ces dernières et,
d'autre part, une politique de partenariat qui apparaît désormais
comme un des fondements de l'action culturelle.
L'organisation de la politique culturelle autour de l'objectif
d'élargissement des publics a été affirmée au fil
des années. Les conclusions de la commission des affaires culturelles du
VIe Plan conservent aujourd'hui toute leur actualité. Elles
soulignaient, en effet, que la
" notion de développement
culturel implique le dépassement de l'ancienne culture
réservée à une minorité de
privilégiés (...) et implique au contraire l'extension de la
culture à tous, et d'abord à ceux qui sont victimes
d'inégalités résultant du niveau d'instruction, du niveau
de vie, de l'habitat, car ce sont ces défavorisés qui subissent
le plus fortement les contraintes d'un système
dépersonnalisant ".
Les orientations données par des
ministres de la culture comme Jacques Duhamel et Michel Guy ont joué un
rôle décisif dans l'insertion de la culture au coeur de la
société.
Ces orientations, qui se sont traduites par le développement de la
contractualisation destinée à associer l'action de l'Etat
à celles des collectivités locales et des associations n'ont pas
depuis été remises en cause, l'intervention des
collectivités locales suppléant en ce domaine à un certain
essoufflement des grands mouvements associatifs.
Le développement des institutions culturelles a également
contribué à accroître l'offre culturelle.
L'augmentation de la fréquentation des bibliothèques est,
à cet égard, significative. Le nombre de bibliothéques
municipales est passé de 930 en 1980 à 2.315 en 1995. Plus de
35 millions de citoyens résident aujourd'hui dans une commune
dotée d'une bibliothèque municipale. Le taux moyen des inscrits
dépasse désormais 18 % de la population desservie, soit plus
du double qu'il y a quinze ans et peut atteindre 30 % dans les communes
qui ont construit un nouvel équipement. La diversification des fonds a
joué un rôle déterminant dans cette
généralisation de la fréquentation des
bibliothèques comme en témoigne le succès des
médiathèques créées par certaines
municipalités.
Par ailleurs, l'élargissement de la notion de culture à des
formes de plus en plus variées d'expression culturelle a permis
d'élargir le public des institutions culturelles. La prise en compte de
la culture populaire, par exemple dans le domaine musical, l'attention
portée aux nouveaux rythmes a contribué au rapprochement de
l'oeuvre et du public.
La politique de la jeunesse et des sports s'est également
attachée à favoriser l'accès du plus grand nombre, et en
particulier des jeunes, aux loisirs, en généralisant et en
démocratisant les pratiques sportives grâce à l'appui des
grands mouvements d'éducation populaire. Disposant de peu de moyens
directs d'intervention, la politique suivie par les ministres de la jeunesse et
des sports successifs a pris la forme d'actions conçues au plan national
mais mises en oeuvre par le biais d'un partenariat avec les
collectivités territoriales et les associations. Les premières
initiatives prises en ce domaine, comme les chantiers de jeunes
bénévoles ou les auberges de jeunesse, semblent s'être
essoufflées mais l'esprit qui les a inspirées demeure dans les
centres de loisirs ou de vacances qui connaissent un succès croissant ou
dans l'intérêt grandissant des jeunes pour les formations
d'animateur.