Lutte contre les exclusions
RICHERT (Philippe)
AVIS 472 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE
:
LE VOLET CULTURE DU PROJET DE LOI- I. DE BONNES INTENTIONS
- II. UN DISPOSITIF MODESTE
-
DEUXIÈME PARTIE
:
LE VOLET ÉDUCATION DU PROJET DE LOI-
I. LA PARTICIPATION DE L'ÉCOLE À LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION :
DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ AU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE
- A. LES INÉGALITÉS SOCIALES ET LE SYSTÈME ÉDUCATIF
- B. LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
- C. LA POLITIQUE DES ZEP MENÉE DEPUIS 1982
- D. LA NÉCESSITÉ D'UNE RELANCE DES ZEP
- E. UN PRINCIPE DISCRIMINATOIRE ÉGALEMENT DÉCLINÉ DANS LES PLANS SUCCESSIFS DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE SCOLAIRE
- F. LES CONSTATATIONS EFFECTUÉES PAR VOTRE COMMISSION
-
II. VERS UN RETOUR AMÉNAGÉ AUX BOURSES DE COLLÈGE
- A. LES RAISONS DE LA RÉFORME DE 1994
-
B. LES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE L'AIDE À LA
SCOLARITÉ
- 1. Les difficultés nées d'une sous-information des familles et de la coexistence de deux dispositifs d'aide intervenant à la rentrée scolaire
- 2. Les conséquences des effets de champ de la réforme de 1994
- 3. La faiblesse des plafonds de ressources et le montant dérisoire de l'aide à la scolarité
- 4. Les remèdes apportés pour répondre aux difficultés de mise en oeuvre de l'aide à la scolarité
- C. LES INCIDENCES DE LA MISE EN OEUVRE DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ SUR LA FRÉQUENTATION DES CANTINES SCOLAIRES
-
I. LA PARTICIPATION DE L'ÉCOLE À LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION :
DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ AU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE
-
EXAMEN DES ARTICLES
- CHAPITRE V
-
Article 75
Consécration législative du principe de discrimination
positive en matière d'éducation -
Article additionnel après l'article 75
Aménagement de la mission et du service des enseignants -
Article additionnel après l'article 75
Participation des enseignants
aux actions d'insertion des jeunes et à l'éducation permanente -
Article 75 bis
Comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté -
Article 76
Suppression de l'aide à la scolarité -
Article 77
Rétablissement d'un système de bourse de collège -
Article 78
Modulation des tarifs des services publics
administratifs à caractère facultatif -
Article 78 bis
Lutte contre l'illettrisme
- EXAMEN EN COMMISSION
- AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions
qui est soumis à l'examen du Sénat consacre plus des deux tiers
de ses dispositions au droit à l'emploi et au droit au logement. Nul ne
songerait à remettre en cause cet équilibre compte tenu de
l'importance de ces deux facteurs dans le développement de l'exclusion
qui s'étend depuis plusieurs années dans notre pays.
Le projet comporte cependant un chapitre 5 qui a pour objectif de garantir le
droit à l'égalité des chances par l'éducation et la
culture.
Votre commission était donc fondée à émettre un
avis sur ce projet de loi qui a été adopté en Conseil des
ministres le 4 mars 1998, assorti d'un programme de prévention et de
lutte contre les exclusions.
Ce programme annonçait des objectifs ambitieux et certaines mesures
spécifiques d'accès à la culture pour tous (programmes
d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et
culturelles, obligation pour les établissements culturels
financés par l'Etat d'agir contre les exclusions) ainsi que
d'accès à l'éducation (relance des zones
d'éducation prioritaire, politique de soutien scolaire se substituant
à une logique de sélection par l'échec, lutte contre
l'exclusion sociale en milieu scolaire, ouverture d'une école solidaire
sur la cité).
S'agissant de l'accès à l'éducation, si certains de ces
objectifs sont repris dans l'exposé des motifs du projet de loi
(diminution des sorties du système éducatif sans qualification,
développement du soutien et de l'accompagnement scolaires gratuits,
relance des ZEP prioritaire, développement des opérations
" écoles ouvertes "), force est de constater que le dispositif
spécifique de lutte contre l'exclusion du projet de loi relevant
directement de la compétence de votre commission est
singulièrement décevant.
En effet, sur les cinq articles du chapitre 5 figurant dans le projet initial
et consacrés au droit à la culture et à
l'éducation, au moins trois d'entre eux peuvent être
qualifiés, selon la terminologie plaisante du Conseil d'Etat " de
droit à l'état gazeux ", ou dans le meilleur des cas, de
déclarations générales à faible valeur normative.
La modestie de ces dispositions apparaît d'autant plus étonnante
que le droit à la culture et à l'éducation joue un
rôle primordial dans l'intégration à la
société. Comment ne pas rappeler que l'exclusion scolaire ou le
refus de l'école sont fréquemment à l'origine de
l'exclusion sociale ?
Alors que les exclus du système scolaire pouvaient aisément
s'intégrer autrefois dans une société et une
économie encore protégées de l'extérieur, et
à forte dominante agricole et rurale, l'ouverture des marchés, la
mondialisation, la " technicisation " de notre économie
imposent aujourd'hui une règle du jeu qui tend à écarter
massivement du processus de production, et de la vie sociale, ceux qui sortent
du système éducatif sans qualification et qui se trouvent ainsi
fréquemment relégués dans une situation structurelle
d'assistés.
Après avoir exposé les dispositions du projet de loi relatives au
droit à la culture, le présent rapport pour avis rappellera le
contexte dans lequel doivent être examinés les articles
consacrés au droit à l'éducation.
*
* *
PREMIÈRE PARTIE
:
LE VOLET CULTURE DU PROJET DE
LOI
Le projet de loi d'orientation soumis à l'examen du Sénat consacre un chapitre, au sein du titre II relatif à la prévention des exclusions, au droit à l'égalité des chances par l'éducation et la culture. Nous nous intéresserons dans cette première partie plus particulièrement à l'accès à la culture qui doit s'entendre ici au sens large, l'article 74 proclamant " objectif national " l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs.
I. DE BONNES INTENTIONS
L'objectif de démocratisation de l'accès
à la
culture, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi
d'orientation, doit constituer à la fois un instrument de lutte contre
l'exclusion et un moyen de la prévenir en garantissant
l'égalité des chances.
Votre rapporteur ne peut qu'approuver la volonté du gouvernement de
faire de l'action culturelle un des volets de la lutte contre l'exclusion. Il
s'agit là incontestablement d'une bonne intention.
En effet, en dépit des progrès accomplis en faveur de leur
démocratisation, les pratiques culturelles et sportives demeurent
marquées par de profondes disparités sociales et l'exclusion
sociale se double souvent d'une exclusion culturelle.
Néanmoins, ces intentions louables qui, nous le verrons,
relèvent, du moins dans le texte du projet de loi, surtout de
l'incantation ne font que confirmer si, néanmoins il en était
besoin, le bien-fondé des nombreuses initiatives prises d'ores et
déjà en ce sens par l'Etat, les collectivités
territoriales ou les associations.
A. DES PRATIQUES SPORTIVES ET CULTURELLES MARQUÉES PAR DE NOMBREUSES DISPARITÉS
En
dépit d'un effort de démocratisation, les pratiques culturelles
et sportives, et de manière plus générale l'accès
aux loisirs, demeurent encore marqués par de fortes disparités
sociales.
• Les enquêtes réalisées par les services du
ministère de la culture soulignent qu'aujourd'hui encore les pratiques
culturelles des français traduisent de fortes disparités sociales.
Bien que les pratiques culturelles se soient au cours des vingt
dernières années profondément renouvelées, les
obstacles à la diffusion des formes les plus classiques de la culture
demeurent.
Ainsi, l'augmentation de l'écoute musicale et audiovisuelle,
conséquence de la généralisation de l'équipement
des ménages en ce domaine, n'a pas été accompagnée
d'un développement des sorties culturelles traditionnelles
(théâtre, concert, musée). Cette constatation qui
ressortait de l'étude réalisée sur la période
1973-1989 semble devoir être confirmée par les résultats de
la dernière enquête menée par le ministère.
Celle-ci fait apparaître, en effet, que les pratiques culturelles mettant
en relation le public et l'oeuvre d'art restent l'apanage d'un petit nombre.
Alors que les dépenses culturelles des ménages augmentent de
15 % chaque année, 83 % des Français ne sont jamais
allés à l'opéra, 55 % au théâtre et
71 % n'ont jamais assisté à un concert de musique classique.
• Ces disparités se retrouvent également dans
l'accès aux activités sportives.
En dépit d'un mouvement de généralisation qui s'affirme
depuis une vingtaine d'années, mais qui a marqué le pas au cours
des dernières années, la pratique sportive demeure fortement
liée au niveau des revenus et à l'appartenance à une
catégorie socio-professionnelle.
Ainsi, si le taux de pratique sportive atteint 94,1 % pour les personnes
disposant d'un revenu supérieur à 36.000 francs par mois, il
n'est que de 50 % pour celles dont le revenu est inférieur à
5.000 francs par mois.
Par ailleurs, la pratique sportive demeure encore très marquée
par l'origine socio-économique : alors que les membres des familles
de cadres supérieurs sont environ 60 % à déclarer
pratiquer une activité sportive, ce taux descend à moins de
50 % chez les employés et à 40 % dans les familles
ouvrières.
Ces disparités qui s'expliquent pour des motifs sociologiques sont
également liées à des raisons financières. En
effet, la pratique d'un sport, notamment dans le cadre des
fédérations et des clubs, est souvent entravée, notamment
pour les jeunes des milieux défavorisés par les coûts
liés aux frais d'inscription ou par les tarifs demandés pour
l'accès aux équipements sportifs.
• De telles différences se retrouvent également dans
l'accès aux loisirs et plus particulièrement aux vacances. Il
importe de rappeler que 40 % des Français ne partent pas en
vacances, cette réalité étant souvent occultée par
une image faussée de notre société qui serait de plus en
plus axée sur les loisirs.
B. LA DÉMOCRATISATION DES PRATIQUES SPORTIVES ET CULTURELLES EST LÉGITIME
1. Un objectif constant de la politique culturelle.
La
démocratisation de l'accès aux loisirs et aux pratiques
culturelles et sportives est une constante des politiques conduites depuis la
Libération en France dans le domaine de la culture et de la jeunesse par
l'Etat puis par les collectivités territoriales dont l'action a
été appelée à se développer
considérablement au cours des dernières années. Rappelons,
en effet, qu'aujourd'hui les dépenses engagées par les
collectivités territoriales représentent 49,9 % du
financement public de la culture.
Votre rapporteur n'a donc pu que s'étonner que l'objectif d'accès
de tous à la culture comme garantie de l'égalité des
chances soit présenté par le gouvernement notamment dans
l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation comme un principe
nouveau.
S'inscrivant dans le courant de pensée, qui s'est
développé lors du Front populaire et dans la Résistance et
qui a ébauché les fondements d'une politique culturelle et
d'éducation populaire, le droit à la culture et aux loisirs a
été reconnu pour la première fois par le préambule
de la Constitution du 27 octobre 1946 dans ses onzième et
treizième alinéas. Ces dispositions qui ont été
reprises par le préambule de la Constitution de 1958 " garantissent
à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux
vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs " et " l'égal
accès de l'enfant et de l'adulte à la formation professionnelle
et à la culture ". A ce titre, elles fondent la
légitimité de l'intervention de l'Etat dans ces domaines.
L'article premier du décret n° 59-889 du 24 juillet 1959
portant organisation du ministère de la culture rédigé par
André Malraux a traduit ces principes en disposant que
" le
ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de
rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la
France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus
vaste audience à son patrimoine culturel, de favoriser la
création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui
l'enrichissent ".
Une des premières réalisations
conduites en vertu de cette volonté politique aura été la
création des maisons de la culture qui, dans leur objectif de mettre en
relation l'art et le public et de promouvoir une approche pluridisciplinaire de
la culture, participent, en dépit de leur relatif échec, de la
même logique que celle dont s'inspirent des établissements
culturels ou des associations menant aujourd'hui des actions en faveur des
publics défavorisés. Par ailleurs, elle inaugure l'action
conjointe de l'Etat et des collectivités territoriales
préfigurant, d'une part, le rôle de ces dernières et,
d'autre part, une politique de partenariat qui apparaît désormais
comme un des fondements de l'action culturelle.
L'organisation de la politique culturelle autour de l'objectif
d'élargissement des publics a été affirmée au fil
des années. Les conclusions de la commission des affaires culturelles du
VIe Plan conservent aujourd'hui toute leur actualité. Elles
soulignaient, en effet, que la
" notion de développement
culturel implique le dépassement de l'ancienne culture
réservée à une minorité de
privilégiés (...) et implique au contraire l'extension de la
culture à tous, et d'abord à ceux qui sont victimes
d'inégalités résultant du niveau d'instruction, du niveau
de vie, de l'habitat, car ce sont ces défavorisés qui subissent
le plus fortement les contraintes d'un système
dépersonnalisant ".
Les orientations données par des
ministres de la culture comme Jacques Duhamel et Michel Guy ont joué un
rôle décisif dans l'insertion de la culture au coeur de la
société.
Ces orientations, qui se sont traduites par le développement de la
contractualisation destinée à associer l'action de l'Etat
à celles des collectivités locales et des associations n'ont pas
depuis été remises en cause, l'intervention des
collectivités locales suppléant en ce domaine à un certain
essoufflement des grands mouvements associatifs.
Le développement des institutions culturelles a également
contribué à accroître l'offre culturelle.
L'augmentation de la fréquentation des bibliothèques est,
à cet égard, significative. Le nombre de bibliothéques
municipales est passé de 930 en 1980 à 2.315 en 1995. Plus de
35 millions de citoyens résident aujourd'hui dans une commune
dotée d'une bibliothèque municipale. Le taux moyen des inscrits
dépasse désormais 18 % de la population desservie, soit plus
du double qu'il y a quinze ans et peut atteindre 30 % dans les communes
qui ont construit un nouvel équipement. La diversification des fonds a
joué un rôle déterminant dans cette
généralisation de la fréquentation des
bibliothèques comme en témoigne le succès des
médiathèques créées par certaines
municipalités.
Par ailleurs, l'élargissement de la notion de culture à des
formes de plus en plus variées d'expression culturelle a permis
d'élargir le public des institutions culturelles. La prise en compte de
la culture populaire, par exemple dans le domaine musical, l'attention
portée aux nouveaux rythmes a contribué au rapprochement de
l'oeuvre et du public.
La politique de la jeunesse et des sports s'est également
attachée à favoriser l'accès du plus grand nombre, et en
particulier des jeunes, aux loisirs, en généralisant et en
démocratisant les pratiques sportives grâce à l'appui des
grands mouvements d'éducation populaire. Disposant de peu de moyens
directs d'intervention, la politique suivie par les ministres de la jeunesse et
des sports successifs a pris la forme d'actions conçues au plan national
mais mises en oeuvre par le biais d'un partenariat avec les
collectivités territoriales et les associations. Les premières
initiatives prises en ce domaine, comme les chantiers de jeunes
bénévoles ou les auberges de jeunesse, semblent s'être
essoufflées mais l'esprit qui les a inspirées demeure dans les
centres de loisirs ou de vacances qui connaissent un succès croissant ou
dans l'intérêt grandissant des jeunes pour les formations
d'animateur.
2. Une exigence renouvelée par les phénomènes d'exclusion
La
généralisation des phénomènes d'exclusion comme les
difficultés rencontrées dans les zones
périphériques des centres urbains ont souligné avec une
acuité nouvelle la dimension sociale de la politique culturelle. A ce
titre, l'action culturelle, à l'image de la pratique sportive qui est
depuis longtemps considérée comme un facteur puissant d'insertion
sociale, apparaît désormais comme un élément
nécessaire de la politique de la ville.
Permettant de recréer des liens sociaux distendus, les actions conduites
en ce domaine ont eu pour ambition de faire accéder à la
création artistique un public peu enclin à fréquenter les
grandes institutions culturelles et souffrant souvent de l'absence
d'équipements culturels de proximité.
S'il est évident que la lutte contre l'exclusion passe essentiellement
par le droit au logement et le droit à l'emploi, l'accès à
la culture et aux loisirs revêt une importance particulière. Avoir
une activité culturelle ou pratiquer un sport est un
élément essentiel de l'affirmation de la liberté
individuelle, permettant à la fois de trouver une place dans la
société et d'entretenir des contacts sociaux. Les pratiques
sportives ou culturelles apparaissent alors comme la condition de l'initiative
retrouvée. Elles permettent aux personnes en difficulté de
reconquérir un statut et une dignité dans une
société où le développement du temps libre tend
à accorder aux loisirs une place croissante dans l'identification
sociale.
Par ailleurs, il semble essentiel d'éviter que l'exclusion
économique se double de l'exclusion culturelle. A ce titre, votre
rapporteur souligne que le champ de l'exclusion culturelle dépasse
souvent celui de l'exclusion proprement économique : comme l'a
déjà souligné votre rapporteur, 40 % des
Français ne partent pas en vacances. Cette forme de détente et de
loisirs est donc interdite à une part considérable des
Français qui représente une population bien plus large que celle
des seules personnes répertoriées comme rencontrant des
difficultés d'existence. Ce constat vaut également pour les
pratiques culturelles dont sont écartées non seulement les
victimes d'exclusion ou les habitants des quartiers sensibles mais
également un grand nombre de personnes soit en raison de leur
éloignement des établissements culturels soit de leur absence de
familiarisation à cette forme de loisir.
L'importance qu'est susceptible de revêtir la dimension sociale de
l'action culturelle est d'autant plus grande qu'elle correspond à une
attente des Français. Ces derniers aspirent, en effet, à un
développement des activités culturelles comme en témoigne
leur intérêt pour les pratiques amateurs qui attestent du
rôle auquel celles-ci peuvent prétendre comme source
d'épanouissement personnel et d'intégration sociale.
3. Un impératif déjà largement pris en compte
Les
politiques conduites par l'Etat et les collectivités locales ont
largement pris en compte la nécessité de faire de la culture et
des loisirs des vecteurs de lutte contre l'exclusion.
Si votre rapporteur se félicite de la réaffirmation de cette
évidence dans le projet de loi d'orientation, il souligne qu'il ne
s'agit pas là -loin s'en faut- d'une nouveauté.
Les actions menées en ce domaine ont poursuivi deux objectifs principaux.
Le premier a consisté à ouvrir les institutions culturelles ou
les équipements sportifs au plus grand nombre, notamment grâce
à des politiques tarifaires adaptées.
De nombreuses structures culturelles, y compris les grands
établissements publics, ont fait des efforts significatifs de baisse
tarifaire à l'égard des jeunes ou des personnes en
difficulté sociale. Ainsi, près d'un tiers des visiteurs ont
librement accès aux collections permanentes des musées nationaux.
Les jeunes de moins de 18 ans bénéficient d'une
exonération du droit d'entrée, les jeunes de 18 à 25 ans
d'un tarif réduit. Par ailleurs, les cas d'exonération
fondés sur des critères sociaux (chômeurs, titulaires du
RMI ou du minimum vieillesse) ont été multipliés. De
nombreuses activités proposées au sein des musées sont
gratuites, permettant ainsi à un large public d'y avoir accès.
Des opérations similaires sont conduites par des institutions
théâtrales ou musicales. Au cinéma, l'instauration à
Paris d'un tarif réduit unique pour tous un jour par semaine
relève de la même démarche.
En ce qui concerne la pratique sportive, des actions ont été
également menées en ce sens. Ainsi, le ticket-sport, qui doit
faire l'objet d'une extension dans le cadre des mesures accompagnant le projet
de loi d'orientation, permet l'ouverture des installations sportives afin
d'offrir des activités gratuites et encadrées aux jeunes qui ne
partent pas en vacances et rencontre d'ores et déjà un large
succès.
Le second objectif poursuivi a visé à faire de l'action
culturelle, au sens large du terme, un instrument d'insertion, notamment
à l'égard des jeunes.
La pratique sportive est appelée à jouer un rôle
déterminant en ce domaine et de nombreuses initiatives ont
été prises, en particulier dans le cadre de la politique de la
ville, afin de faciliter l'accès aux équipements sportifs et de
promouvoir des animations à vocation socio-éducative.
Elles font l'objet d'actions ciblées, comme les opérations
" ville vie vacances " permettant aux jeunes les moins
favorisés de partir en vacances, ou s'inscrivent dans un cadre plus
général comme celles conduites dans les centres de loisirs et de
vacances qui accueillent chaque année environ 4.500.000 enfants.
Le rôle de la culture ou de la création artistique comme vecteur
d'insertion sociale a également été pris en compte.
Les projets de quartier mis en place à partir de 1996 dans le cadre du
pacte de relance pour la ville ont connu un succès manifeste. Ils
s'inscrivaient dans une politique volontariste de développement culturel
fondée sur un partenariat entre l'Etat, les collectivités
territoriales, les institutions culturelles et les artistes. Fondés sur
la rencontre d'un artiste ou d'une institution culturelle et d'un public, ils
ont été l'occasion d'échanges fructueux et valorisants, en
suscitant des vocations professionnelles et en créant de nouveaux
emplois. On ne pourra, à ce titre, que regretter que le gouvernement
n'ait pas jugé opportun de poursuivre leur mise en oeuvre. Au
delà du fait qu'il est difficile de cerner ce qui les distinguait des
nouveaux " programmes d'action concertés " annoncés par
le gouvernement, on soulignera l'effet néfaste que peut avoir en
matière de lutte contre l'exclusion la succession de dispositifs
ponctuels n'ayant pas vocation à la permanence.
Si l'Etat et les collectivités locales sont appelés à
jouer dans ces domaines un rôle important, il faut souligner l'appui
irremplaçable apporté par le monde associatif. En effet, les
associations apparaissent comme le moyen privilégié pour
répondre aux préoccupations des populations concernées,
ceci valant tant pour les actions culturelles que pour celles conduites en
matière de sport ou de loisirs. Certaines de leurs actions sont
exemplaires. On évoquera, par exemple, les médiateurs du livre
créés par ATD-Quart Monde.
II. UN DISPOSITIF MODESTE
Si le
projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions
consacre un chapitre au droit à l'égalité des chances par
l'éducation et la culture, intention louable comme vient de le souligner
votre rapporteur, il ne comporte que deux dispositions relatives à
l'accès à la culture : l'une fait de l'accès de tous
à la culture, à la pratique sportive et aux loisirs un
" objectif national " et la seconde permet de moduler les tarifs des
services publics administratifs à caractère facultatif en
fonction du quotient familial de leurs usagers.
Si aucune de ces dispositions ne peut être considérée comme
mal venue, il importe de souligner la modestie d'un dispositif qui -quoi qu'on
puisse en dire- ne comporte, à l'évidence aucune innovation
majeure et confirme des orientations d'ores et déjà mises en
oeuvre.
A. L'ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE, À LA PRATIQUE SPORTIVE, AUX VACANCES ET AUX LOISIRS
1. Une déclaration de principe
Une des
mesures présentées par Mme Catherine Trautmann, ministre de la
culture et de la communication dans son programme de démocratisation des
pratiques culturelles et artistiques, consistait dans l'inscription du droit
à la culture dans le projet de loi d'orientation relatif à la
lutte contre les exclusions. Votre rapporteur ne pourra que relever le
caractère symbolique d'une telle mesure : ce n'est pas avec de
bonnes intentions qu'on fait une bonne politique.
L'accès de tous à la culture, entendu au sens large par le projet
de loi d'orientation, constitue une nouvelle déclinaison du principe
d'égalité posé par la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 qui figure, comme nous l'avons souligné
plus haut parmi les principes particulièrement nécessaires
à notre temps définis dans le préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946 qui précisait les droits économiques et
sociaux permettant un exercice réel de la liberté politique.
Selon les termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, " il
incombe au législateur comme à l'autorité
réglementaire de déterminer les modalités de mise en
oeuvre " de ces principes à valeur constitutionnelle, or force est
de constater que les dispositions du projet de loi qui nous est soumis n'y
concourent que très modestement.
La pétition de principe posée à l'article 74 faisant de
l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux
vacances et aux loisirs un " objectif national " se rapproche, en
effet, plus du discours politique que du droit positif.
Bien qu'il s'agisse d'un projet de loi d'orientation, cette disposition aurait
plus sa place, à l'évidence, dans l'exposé des motifs que
dans le corps même du dispositif législatif, l'article premier
affirmant déjà que " la présente loi tend à
favoriser l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les
domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la
justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la vie
familiale et de la protection de l'enfance ".
Une circulaire de 1983 rappelait aux ministres et à leurs
administrations qu'"
il faut éviter d'introduire dans les
projets de loi des dispositions sans contenu normatif,
généralement consacrées à des déclarations
de principe ou à la présentation de la philosophie du
texte
". Bien que rappelée à de nombreuses reprises, on
ne pourra regretter que cette admonestation n'ait, une fois encore, pas
été entendue.
Votre rapporteur ne consacrera pas de longs développements à
cette disposition à la signification très incertaine et qui ne
semble avoir pour seule justification que d'annoncer les mesures
destinées à garantir l'égal accès aux pratiques
culturelles et sportives qui ne figurent pas dans le projet de loi
d'orientation.
2. Un effet d'annonce
Les
mesures annoncées par le gouvernement pour lutter contre l'exclusion
grâce à un accès plus large aux pratiques sportives et
culturelles -à l'exception de la disposition prévue par l'article
78 du projet de loi permettant une modulation des tarifs des services publics
administratifs à caractère facultatif- figurent, non pas dans le
projet de loi d'orientation soumis au Parlement mais parmi les mesures
d'accompagnement présentées dans le document intitulé
" programme de prévention et de lutte contre les exclusions ".
Votre rapporteur, s'il regrette la modestie des dispositions du projet de loi
d'orientation soulignera néanmoins que la réussite des actions
à vocation sociale dans le domaine culturel relève souvent plus
de la mobilisation des équipes des établissements culturels et de
l'existence de projets susceptibles d'emporter l'adhésion du public que
d'une démarche générale et obligatoire. Il en va de
même dans le domaine du sport ou des loisirs.
Les mesures relevant du volet culturel du programme gouvernemental de lutte
contre les exclusions bénéficieraient d'une dotation de
125 millions de francs sur les années 1998 à 2000.
L'ensemble de cette enveloppe est constituée de crédits
déconcentrés relevant du chapitre 43.30.30
" interventions culturelles déconcentrées,
développement culturel, enseignement et formation ". La plus grande
partie (soit 90 millions de francs sur trois ans) devrait être
consacrée à la mise en oeuvre de programmes d'action
concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles.
Elle correspondrait principalement aux surcoûts que représenteront
pour les structures culturelles les actions de lutte contre l'exclusion.
En ce qui concerne la promotion de l'égalité des chances par le
sport et les loisirs, le coût des mesures annoncées
s'élèverait, pour les années 1999 et 2000 à
280 millions de francs, 266 bénéficiant au ministère
de la jeunesse et des sports.
Les mesures présentées par le gouvernement ne sont guère
novatrices.
Celles prises au titre de la généralisation de l'accès
à la culture visent, d'une part, à développer des actions
d'insertion axées sur la pratique culturelle (programmes d'action
concertés, création d'emplois de médiateurs culturels) et,
d'autre part, à prévoir que les établissements culturels
prennent au titre de leurs missions de service public l'engagement de lutter
contre les exclusions.
Les premières qui recourent notamment aux possibilités offertes
par la loi sur les emplois jeunes ne méritent guère de longs
développements. Votre rapporteur relèvera seulement qu'il n'aura
pas fallu attendre ce projet de loi pour que des programmes concertés
d'action culturelle soient élaborés par l'Etat ou plus
généralement par les collectivités locales.
En revanche, votre rapporteur soulignera l'opportunité de la seconde
tout en indiquant que la circulaire d'emplois des crédits
déconcentrés adressée au début de l'année
aux directions régionales des affaires culturelles par le
ministère de la culture la prévoyait d'ores et
déjà, ce qui peut laisser songeur sur la valeur accordée
à la norme législative.
Une telle mesure tend à généraliser les initiatives prises
tant par des grands établissements publics culturels nationaux que par
des structures locales. S'agissant pour la plupart de structures
financées dans leur quasi-totalité par des fonds publics, il est
légitime que leurs activités prennent en compte la
nécessité de s'ouvrir à tous les publics, cet
impératif ne devant pas seulement se traduire par des politiques
tarifaires favorables. Outre les effets de seuil attachés par nature
à ce type de modulation sociale, ces dernières supposent que les
publics en soient informés et puissent se trouver à
proximité d'un établissement culturel afin d'éviter que
seul le public averti en bénéficie.
L'ouverture des établissements culturels aux publics
défavorisés ou plus simplement différents de celui des
habitués suppose des actions plus volontaristes. Les opérations
conduites en ce domaine par l'Orchestre de Lille sont, à ce titre,
exemplaires. Votre rapporteur souligne que la généralisation de
ces expériences suppose de combattre beaucoup d'a priori, qu'il s'agisse
de ceux du public ou de ceux des établissements culturels.
Votre commission a adopté un amendement modifiant la rédaction de
l'article 74 afin de préciser de manière plus explicite que la
lutte contre les exclusions constitue une obligation pour les
établissements culturels financés par l'Etat. A ce titre, elle
sera particulièrement attentive aux modalités selon lesquelles
cette obligation sera formulée dans la charte du service public,
actuellement en cours de préparation au sein du ministère de la
culture, dont l'objet est de définir les missions de service public des
établissements subventionnés.
En ce qui concerne l'accès aux loisirs et à la pratique sportive,
les mesures annoncées apparaissent pour la plupart comme la poursuite ou
le développement à une échelle plus large d'actions
déjà anciennes : prise en charge par l'Etat du coût
des formations BAFA (brevet d'aptitude à la fonction d'animateur) et
BAFD (brevet d'aptitude à la fonction de directeur),
élargissement du bénéfice du ticket-sport, harmonisation
des conditions de délivrance des bons-vacances. Certaines mesures
s'inspirent de mécanismes existants comme le coupon-sport destiné
à réduire le coût de l'adhésion à une
association sportive qui n'est guère éloigné des
chèques loisirs mis en place en 1995 ou des aides aux petits clubs
déjà pratiquées.
3. Une omission regrettable
Votre
rapporteur ne peut que regretter que ni le gouvernement ni l'Assemblée
nationale n'aient souligné le rôle que doit jouer l'école
dans la démocratisation de la culture et la lutte contre l'exclusion
culturelle.
Au delà des politiques spécifiques destinées à un
public donné ou à des zones géographiques
déterminées, l'école, institution essentielle de la
République, demeure le lieu privilégié pour promouvoir
l'égalité des chances. Elle constitue sans aucun doute le moyen
le plus efficace pour lutter contre la transmission de génération
en génération des phénomènes d'exclusion.
La loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux
enseignements artistiques, dont votre commission a souvent regretté
l'application très imparfaite, précisait, dans son article
premier, que " les enseignements artistiques contribuent à
l'égalité d'accès à la culture ".
Le rapport Fauroux remis au ministre de l'éducation nationale en juin
1996 avait à juste titre considéré que l'éducation
artistique et culturelle devait être considérée à
l'image de la lecture, de l'écriture et du calcul comme un enseignement
primordial. Les conclusions présentées par M. Philippe
Meirieu, président du comité d'organisation de la consultation
nationale sur l'avenir des lycées, ont souligné que les jeunes
lycéens aspirent à acquérir une culture commune
grâce à la formation dispensée par l'éducation
nationale. Les enseignants et plus largement les équipes des
établissements scolaires ont donc un rôle décisif à
jouer en ce domaine. Ce n'est souvent que grâce à l'école
que beaucoup d'enfants auront la chance d'assister un jour à une
représentation théâtrale ou de visiter un musée.
Votre commission vous proposera deux amendements destinés, d'une part,
à préciser que l'accès à la culture doit être
égal pour tous et, d'autre part, à réaffirmer le
rôle de l'école dans la lutte contre l'exclusion, notamment
grâce au développement des enseignements artistiques
dispensés dans les établissements scolaires.
B. LES TARIFS DES SERVICES PUBLICS ADMINISTRATIFS À CARACTÈRE FACULTATIF
1. Une conception renouvelée du principe d'égalité des usagers devant le service public
L'article 78 ouvre la possibilité de moduler les tarifs
des
services publics administratifs à caractère facultatif en
fonction du niveau de revenus des usagers. Il consacre dans la loi une
évolution jurisprudentielle qui a été parachevée
par l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 27 décembre 1997
(commune de Gennevilliers et commune de Nanterre).
Le Conseil d'Etat, en reconnaissant que le principe d'égalité des
usagers devant le service public ne s'opposait pas à ce que les tarifs
d'une école municipale de musique soient fixés en fonction des
revenus des familles s'est rallié à une conception du principe
d'égalité qu'il avait d'ores et déjà
appliquée à de nombreux services publics administratifs
facultatifs à vocation éducative ou socio-éducative.
En effet, il avait été amené à considérer
qu'il existait une nécessité d'intérêt
général en rapport avec l'objet des services publics
concernés justifiant que les tarifs d'une crèche (CE, 20 janvier
1989, CCAS de La Rochelle), ceux d'une cantine scolaire (CE, 10 février
1993, Ville de La Rochelle) ou encore d'un centre de loisirs (CE, 18 mars
1993, Mme Dejonckeere et autres) soient modulés en fonction du
niveau de revenus des usagers. Si des modulations en fonction du lieu de
résidence des usagers selon qu'ils habitent ou non dans la commune
avaient été admis pour une école de musique en raison des
différences de situation existant entre ces catégories d'usagers,
la modulation tarifaire en fonction des revenus avait été
refusée par le Conseil d'Etat en 1985 (CE, sect. ,
26 avril 1985, Ville de Tarbes).
Le maintien de cette jurisprudence jusqu'à une date récente
était difficilement compréhensible et a justifié que des
parlementaires et des élus locaux s'en émeuvent. C'est à
ce titre que notre excellent collègue Ivan Renar a déposé
avec les membres du groupe communiste, républicain et citoyen une
proposition de loi (n° 143, 1997-1998) tendant à
reconnaître aux communes le droit de moduler les tarifs des écoles
municipales de musique et de danse en fonction des ressources des familles.
Le revirement de jurisprudence opéré en décembre dernier
harmonisant la position du Conseil d'Etat concernant les services publics
à vocation culturelle et celle concernant les services publics à
vocation sociale illustre une conception du principe d'égalité
des usagers devant le service public plus moderne que celle prévalant
traditionnellement en droit public français et garantissant la seule
égalité formelle. L'arrêt du 27 décembre 1997
consacre une définition nouvelle de l'intérêt
général consistant à garantir l'égalité des
chances plus que l'égalité des droits.
Le Conseil d'Etat, dans les développements de son rapport public pour
1996 consacrés à l'égalité, relevait que
" le principe d'égalité est, en effet, menacé si la
société dont il fonde l'ordre juridique voit s'étendre de
nouvelles et graves inégalités. Or, celles-ci ne touchent pas
seulement aux revenus mais aux liens fondamentaux qui relient chaque individu
à la société, tels que le travail, le logement,
l'éducation ou la culture. Lorsque ces liens sont fragilisés,
voire rompus, l'égalité des droits risque d'apparaître
comme une pétition purement formelle. Dès lors, le principe
d'égalité joue davantage sa crédibilité sur le
terrain de l'égalité des chances. Compromise par une
précarisation d'une partie de la population et notamment de la jeunesse,
cette égalité ne peut être confortée que par une
conception plus active de la solidarité ".
2. Une disposition légitime
Votre
rapporteur ne peut qu'approuver l'esprit dont relève l'article 78 du
projet de loi. Il indique que, tout en consacrant la jurisprudence du Conseil
d'Etat, il s'inscrit également dans la ligne de nombreuses initiatives
prises par des établissements culturels à vocation nationale et
par les collectivités territoriales. En effet, la jurisprudence
" Ville de Tarbes " a été ouvertement méconnue
par nombre de communes, les recours devant les tribunaux administratifs
émanant dans la plupart des cas des préfets dans l'exercice du
contrôle de légalité et rarement des familles des
élèves. Un sondage récemment réalisé par
l'institut CSA pour le Crédit local de France indiquait que 56 %
des personnes interrogées, contre 36 %, trouvent
" normal
que les tarifs des services publics culturels soient proportionnels aux revenus
des familles ".
Par ailleurs, s'agissant de services publics facultatifs, c'est-à-dire
que la loi n'impose pas de créer ni de maintenir, il semble souhaitable
et légitime que les collectivités locales qui en prennent la
charge soient libres d'en moduler les tarifs selon les revenus des familles et
de faire de ces services publics un des vecteurs d'une politique sociale
relevant non pas d'un objectif de redistribution des revenus mais du souci de
permettre réellement à tous les enfants, sans distinction
d'origine sociale, d'accéder à la culture et à la pratique
artistique.
Enfin, compte tenu du coût de tels équipements pour les
collectivités locales, la participation des familles à leur
financement peut être significative. Pour les écoles de musique,
elle s'élève aujourd'hui à environ 8 % du budget de
fonctionnement. Dans ces conditions, le montant du tarif moyen annuel peut
être de nature à interdire à certaines familles de faire
profiter leurs enfants des activités ainsi proposées.
L'article 78 qui ne prévoit la modulation tarifaire en fonction du
revenu que sous la forme d'une simple faculté est opportun car la
solution consacrée en décembre 1997 par le Conseil d'Etat ne
concernait pas l'ensemble des services publics administratifs facultatifs et,
par ailleurs, n'était pas à l'abri d'un revirement de
jurisprudence.
Il est, par ailleurs, légitime. En effet, il précise, d'une part,
reprenant sur ce point les termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat, que
les tarifs les plus élevés ne pourront excéder le
coût du service rendu, ce qui évite de conférer aux tarifs
une vocation redistributive et, d'autre part, qu'ils ne doivent pas faire
obstacle à l'égal accès au service public, ce qui exclut
que certaines catégories d'usagers puissent se voir refuser le
bénéfice des services offerts au motif que leurs revenus leur
permettraient de recevoir une prestation équivalente en dehors du
service public.
DEUXIÈME PARTIE
:
LE VOLET ÉDUCATION DU
PROJET DE LOI
Le
chapitre 5 du projet de loi initial comporte trois articles consacrés au
droit à l'éducation :
- l'article 75 tend à consacrer le principe de discrimination positive
dans la répartition des moyens du service public de
l'éducation ;
- les articles 76 et 77 ont pour objet de rétablir un système de
bourses nationales de collège géré par le ministère
de l'éducation nationale.
Si on peut opposer le caractère déclaratif de la première
disposition au caractère technique des deux suivantes, il convient
cependant de noter que l'essentiel des modalités d'application du
nouveau régime des bourses de collège seront fixées par
voie réglementaire, ce qui conduira votre commission à demander
des précisions et des assurances au ministre pour apprécier la
portée de cette nouvelle réforme.
L'Assemblée nationale a adopté sans modifications substantielles
les articles relatifs au droit à l'éducation.
Elle a cependant complété l'article 75 en précisant que
les écoles et les établissements assurent une formation à
la connaissance et au respect des droits de la personne, que les
activités périscolaires favorisent l'égal accès des
élèves aux pratiques culturelles et sportives et aux nouvelles
technologies de l'information et de la communication, que les projets
d'établissement indiquent les moyens pour prendre en charge les
élèves issus des familles les plus défavorisées.
Elle a enfin adopté deux nouveaux articles faisant de la lutte contre
l'illettrisme une mission prioritaire du service public de l'éducation
et précisant l'appui que le comité d'éducation à la
santé et à la citoyenneté est chargé d'apporter
dans les établissements aux acteurs de la lutte contre
l'exclusion.
I. LA PARTICIPATION DE L'ÉCOLE À LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION : DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ AU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE
Le droit
à l'éducation est défini par la loi du 11 juillet 1975
relative à l'éducation qui dispose dans son article 1er que
" tout enfant a droit à une formation scolaire qui,
complétant l'action de sa famille concourt à son
éducation ".
Alors que près de 90 % des jeunes de
deux à vingt-deux ans sont scolarisés, et que plus de
800 000 enseignants encadrent environ 13 millions
d'élèves, l'enseignement scolaire semble avoir répondu
à cet objectif.
Ces chiffres qui témoignent de l'effort de la Nation en faveur de
l'éducation nationale dissimulent cependant des processus d'exclusion
à l'intérieur même du système scolaire, qui
remettent en cause le droit à l'éducation.
A. LES INÉGALITÉS SOCIALES ET LE SYSTÈME ÉDUCATIF
Comme le rappelle le récent rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les droits de l'enfant 1( * ) , si le système éducatif a permis de réduire les inégalités sociales, il tend aussi, dans une certaine mesure, à les reproduire.
1. La réduction des inégalités par l'école
Alors
qu'un enfant d'ouvrier a encore près de quatre fois moins de chance
d'accéder au baccalauréat qu'un enfant de cadre, les trois-quarts
des élèves issus d'un milieu ouvrier quittent l'école deux
ou trois après la fin de l'obligation scolaire avec un niveau
d'études ne dépassant pas le CAP ou le BEP.
D'après les associations regroupées au sein d'
" Alerte ", 200.000 jeunes sortiraient chaque année du
système scolaire sans formation, dont 80.000 sont
considérés comme illettrés.
Cette estimation est sans doute excessive puisque d'après les chiffres
de l'éducation nationale, les sorties sans diplôme de
l'enseignement secondaire se sont réduites de 202.000 à 97.000 de
1980 à 1995, soit 14 % du nombre total des sorties. Si 27 %
des jeunes d'une génération abandonnaient l'école sans
qualification il y a 25 ans, cette proportion ne devrait plus concerner, selon
la direction de l'évaluation et de la prospective (DEP), qu'un jeune sur
dix-sept en 2000.
Certaines indications révèlent également que
l'écart entre catégories sociales se réduit.
D'après l'étude de la DEP sur les sorties du système
scolaire entre 1991 et 1994, la proportion d'enfants d'ouvriers ou de
personnels de service intégrant l'université a progressé
quatre fois plus que celle d'enfants de cadres par rapport à
1987-1990 : 44 % des enfants de ces premières
catégories passent désormais par l'enseignement supérieur,
contre 78 % des enfants de cadres, chefs d'entreprises ou
enseignants.
2. La reproduction des inégalités sociales par l'école
En
dépit de ces progrès globaux, le système éducatif
ne paraît pas en mesure de répondre à la situation des
familles très défavorisées ou de grande pauvreté et
d'assurer la mise en oeuvre effective du droit à l'éducation.
Dans un ouvrage récent
2(
*
)
, le recteur
Claude Pair, qui a été par ailleurs chargé de
rédiger un rapport sur la rénovation du service public de
l'éducation nationale
3(
*
)
indique que dans
certains quartiers défavorisés, moins de 10 % des enfants
fréquentent la classe correspondant à leur âge et que
37 % sont scolarisés dans des classes spécialisées
alors que la proportion nationale est respectivement de 75 % et de
10 % .
D'une manière générale, le système éducatif
se révèle impuissant à remédier à la
situation d'enfants issus de familles en grande difficulté, vivant dans
des quartiers " ghettoïsés " où les
références sociales, culturelles et familiales sont en voie de
dissolution ; les établissements cumulant toutes les
difficultés, comme l'a montré l'exemple de la Seine-Saint-Denis
sont ainsi confrontés à la ségrégation sociale et
ethnique, à l'insécurité, à la désertion des
cantines, au racisme, à la violence et à l'abandon progressif des
objectifs scolaires.
3. La coupure du lien entre les familles et l'école
Les
effets de la crise économique et de la détérioration de la
situation de l'emploi contribuent en outre à couper le lien entre les
familles les plus pauvres et l'institution scolaire.
D'après une enquête de l'INSEE de 1994, près de la
moitié des ouvriers non-qualifiés estimaient ne pas être en
mesure d'aider leurs enfants dans leur travail scolaire, ce pourcentage
dépassant 90 % au niveau du lycée, et traduisant ainsi le
malentendu développé entre ces familles, les programmes et les
méthodes du système éducatif.
Contrairement à sa vocation de réduction, ou au moins de
neutralisation des inégalités sociales, l'institution scolaire se
transformerait ainsi en machine à exclure.
4. Une répartition peu satisfaisante des moyens d'éducation
Une
répartition inadéquate des moyens est en outre à l'origine
de la persistance des inégalités au sein du système
scolaire et d'un développement de la ségrégation scolaire.
L'inspection générale de l'éducation nationale a ainsi
constaté que le nombre d'heures de cours par élève
enregistre des variations importantes qui bénéficient d'abord aux
élèves favorisés : les lycéens parisiens
travailleraient en moyenne trois heures de plus par semaine que leurs
homologues de communes plus défavorisées.
On peut constater, en outre, une répartition peu satisfaisante des
personnels les plus qualifiés sur les postes les plus difficiles :
Paris compte par exemple près de 20 % de professeurs
agrégés contre 6,4 % dans l'académie de Lille.
Cette ségrégation se retrouve au sein des établissements,
notamment des collèges qui mettent massivement en place des classes de
niveau reflétant largement les inégalités sociales de
leurs élèves et dont les taux de réussite au brevet, par
exemple, peuvent varier dans des proportions considérables.
5. L'école comme marché d'éducation
La
ségrégation constatée au niveau scolaire se trouve enfin
confortée par les parents d'élèves issus des milieux
favorisés qui se comportent en consommateurs d'éducation
arbitrant entre les filières et les établissements.
La carte scolaire est ainsi tournée par les familles les plus
aisées et informées qui sont en mesure d'arbitrer entre les
options facultatives et obligatoires du lycée pour faire les meilleurs
choix pour leurs enfants, cet accès à l'information étant
en revanche largement ignoré par les plus défavorisés.
Il convient à cet égard de rappeler que la dégradation de
la situation scolaire dans le département de la Seine-Saint-Denis et la
" ghettoïsation " de ses établissements résultent
largement du fait que ses meilleurs élèves se sont
progressivement dirigés vers les lycées parisiens.
Ainsi, l'égalité formelle affirmée en matière de
droit à l'éducation peut conduire à des
inégalités de fait.
La mise en oeuvre du principe de discrimination positive dans
l'éducation nationale, notamment avec la création des zones
d'éducation prioritaire (ZEP) participe du souci de développer
une pratique équitable de l'égalité entre tous les
élèves.
B. LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
La notion de discrimination positive s'est d'abord inscrite dans le cadre de la redistribution des revenus par le biais de la fiscalité mais elle déborde aujourd'hui ce cadre pour prendre en compte certaines inégalités constatées par exemple dans le domaine de l'aménagement du territoire, mais aussi et surtout dans celui de l'éducation.
1. La conception initiale de l'école républicaine
En avril
1870, Jules Ferry, député de Paris, déclarait :
" Je me suis fait un serment : entre toutes les
nécessités du temps présent, entre tous les
problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai
d'intelligence, tout ce que j'ai d'âme, de coeur, de puissance physique
et morale, c'est le problème de l'éducation du peuple. Avec
l'inégalité d'éducation, je vous défie d'avoir
jamais l'égalité des droits, non l'égalité
théorique, mais l'égalité réelle ".
Fondée sur les grandes lois des premières années de la
IIIè République, l'école républicaine reposait
d'abord sur l'égalité du droit à recevoir une instruction
égale pour tous.
Il convient cependant de rappeler que l'obligation scolaire introduite par la
loi dite Ferry de 1882 n'a sans doute pas provoqué les effets massifs
évoqués par certains : un million d'élèves
supplémentaires ont été inscrits dans les écoles
primaires entre 1880 et 1900, ce qui signifie que la scolarisation des enfants
depuis l'âge de six ans était déjà largement
développée.
Si cette égalité en droit a permis au grand nombre
d'acquérir les connaissances requises par le certificat d'études,
elle n'a ouvert la voie au baccalauréat qu'à une faible
minorité.
Du fait de la croissance démographique qui a suivi la Libération
-le niveau des effectifs en primaire constaté en 1900 n'a
été dépassé qu'en 1950- il convenait de consacrer
des moyens en personnels et en crédits supplémentaires à
l'éducation nationale, ces moyens ayant été
répartis d'abord de manière égale dans tous les
établissements en proportion des effectifs
d'élèves.
2. Vers une conception équitable de l'égalité
Constatant que cette conception initiale de
l'égalité
ne permettait pas de traiter efficacement les enfants issus de milieux
défavorisés qui continuaient d'accumuler un retard scolaire
irréversible, les gouvernements successifs ont mis en oeuvre des
dispositifs spécifiques consacrant une notion équitable de
l'égalité.
La loi du 11 juillet 1975 relative à l'éducation dispose ainsi
dans son article 7 que dans les écoles et les collèges, des
aménagements particuliers et des actions de soutien sont prévus
au profit des élèves qui éprouvent des
difficultés.
3. La naissance progressive des ZEP
La
circulaire n° 81-238 du 1er juillet 1981 relative aux " zones
prioritaires " annonçait l'affectation prioritaire des 11.625
emplois qui avaient été créés par une loi de
finances rectificative dans les zones où le taux d'échec scolaire
était le plus élevé.
Le but de ces créations d'emplois était de contribuer à
corriger l'inégalité par le renforcement sélectif de
l'action éducative. La loi d'orientation sur l'éducation du 10
juillet 1989 consacrera les ZEP en prévoyant notamment, dans ses
articles 2 et 4 l'accueil prioritaire des enfants de deux ans dans les
écoles situées dans un environnement social
défavorisé et en stipulant que " pour assurer
l'égalité et la réussite des élèves,
l'enseignement est adapté à leur diversité ".
Dans son avis du 10 mai 1989, le Conseil économique et social a
estimé que ces dispositions constituaient l'amorce d'un processus
d'école différentielle mais regrettait que les objectifs ainsi
définis ne soient pas assortis de critères d'évaluation.
Il convient de noter que le principe de ces dispositions a été
également confirmé par la loi d'orientation pour la ville du 13
juillet 1991.
Plusieurs dispositifs successifs ont traduit le principe d'une discrimination
positive au sein de l'éducation nationale, notamment dans le domaine des
zones d'éducation prioritaires, mais aussi dans celui de la
prévention de la violence dans les établissements
scolaires.
C. LA POLITIQUE DES ZEP MENÉE DEPUIS 1982
La politique des ZEP, mise en place en 1982 par le ministre de l'éducation nationale, Alain Savary, visait à réduire les conséquences des inégalités sociales sur la réussite scolaire des élèves et, pour la première fois dans l'éducation nationale, une stratégie inégalitaire était utilisée dans un objectif d'équité.
1. Les principes fondant la discrimination positive
Les
principes sur lesquels reposait cette nouvelle politique des ZEP pouvaient
être ainsi résumés :
- la réussite scolaire des enfants est largement commandée par
leur origine sociale ;
- l'inégalité entre les élèves est accrue par la
concentration de populations défavorisées au plan
économique, social et culturel dans certains quartiers ou
établissements ;
- le système scolaire doit compenser cette inégalité en
donnant plus de moyens à ceux qui ont moins et accorder une
priorité aux projets, à la formation et à
l'évaluation de ces publics ;
- cette politique doit être pilotée au plus près des
réalités, ce qui implique que la définition des ZEP,
l'examen des projets et l'attribution des moyens relèvent du niveau
académique ou départemental ;
- l'école doit lutter contre l'ensemble des difficultés en
cohérence avec tous ses partenaires.
En dépit de l'affirmation de ces principes, le déterminisme de
l'origine sociale dans la réussite scolaire doit être
nuancé et plusieurs enquêtes ont montré que des facteurs
internes à l'école ont également des conséquences
importantes sur la réussite des élèves.
2. La définition des ZEP
Il
convient de rappeler qu'une zone d'éducation prioritaire est
constituée d'un ensemble d'écoles et d'établissements
publics locaux d'enseignement liés par un projet d'action commun et
accueillant des élèves vivant dans un environnement
socio-économique et culturel défavorisé.
Le réseau ainsi créé a pour objectif d'améliorer
les résultats scolaires des élèves des quartiers
défavorisés.
3. Le développement des ZEP
Alors
que 362 ZEP ont été créées au cours de
l'année 1982-1983, on dénombrait 563 zones d'éducation
prioritaire en 1997, dont 530 en France métropolitaine.
Les académies les plus concernées par leur développement
sont celles de Lille (64), Bordeaux (34), Nancy-Metz (34), Aix-Marseille (31),
Lyon (31) et Créteil (25).
Les 563 zones d'éducation prioritaires regroupent ainsi
5145 écoles, 721 collèges, 97 lycées
professionnels et 39 lycées d'enseignement général et
technologique.
1,2 million d'élèves y sont scolarisés, soit
près de 9,5 % des effectifs de l'enseignement scolaire.
Leur répartition est la suivante :
- 730.000 élèves dans 5.318 écoles ;
- 380.000 élèves dans 724 collèges ;
- 41.000 élèves dans 106 lycées professionnels ;
- 28.000 élèves dans 37 lycées d'enseignement
général et technologique.
Ces effectifs sont inégalement répartis : les
élèves des ZEP ne représentent que moins de 5 % des
élèves des collèges ruraux mais cette proportion atteint
près de 25 % dans les villes de plus de 100.000 habitants.
Cette répartition varie également selon les régions :
l'académie de Clermont-Ferrand ne compte que 5,5 % de ses
collégiens en ZEP alors que celle de Rouen en comporte 26,4 %.
Enfin, 76.400 personnels enseignants et de direction exercent leurs fonctions
dans les ZEP.
4. Les moyens spécifiques attribués aux ZEP
Il
convient de souligner que les crédits pédagogiques en ZEP sont
2,7 fois plus élevés que dans l'ensemble des autres
établissements.
Les enseignants, les personnels de direction et d'éducation qui y
exercent perçoivent une indemnité de sujétions
spéciales et bénéficient de bonifications dans les
barèmes de mutation et d'un avantage spécifique
d'ancienneté.
Enfin, des postes supplémentaires sont attribués pour assurer un
encadrement adapté à la spécificité du public
scolaire et alléger les effectifs par classe.
5. Les établissements sensibles
Les
établissements sensibles sont des collèges et des lycées
confrontés à des problèmes de violence qui créent
un climat d'insécurité, déstabilisent la communauté
scolaire et compromettent la scolarité des élèves ainsi
que l'action éducatrice des enseignants.
Environ 175 établissements répartis entre 20
académies et situés dans des quartiers défavorisés
sur le plan social et économique sont classés en
établissements sensibles.
Les mesures prises en faveur de ces établissements tendent à y
renforcer la présence d'adultes pour améliorer le taux
d'encadrement des élèves (adjoints au chef
d'établissement, conseillers principaux d'éducation,
maîtres d'internat et surveillants d'externat, personnels ATOS,
appelés du contingent), à améliorer les conditions
d'enseignement (horaire des enseignants majoré de deux heures,
doublement du nombre des professeurs principaux) et à reconnaître
les sujétions particulières d'exercice des personnels (nouvelle
bonification indiciaire et surclassement des emplois de direction).
6. Un bilan contrasté
Conformément à la plupart des expériences de discrimination positive engagées dans différents domaines, la politique en faveur des ZEP présente un bilan contrasté.
a) Des résultats positifs
Dans un
premier temps, les résultats obtenus dans les ZEP se sont traduits par
une amélioration des performances scolaires des élèves,
une réduction des retards scolaires en fin d'école
élémentaire et en sixième et des orientations moins
fréquentes vers les classes de niveau et les enseignements
professionnels à la fin de la cinquième.
Ils s'accompagnaient également d'une amélioration du climat des
établissements concernés, de meilleures conditions
d'enseignement, d'une scolarisation plus développée des enfants
de deux à trois ans, de classes moins chargées, d'une offre plus
large en langues vivantes au collège, de la création de nouvelles
sections de " bac pro " dans les lycées professionnels et d'un
rattrapage du retard constaté dans les ZEP quant à la proportion
d'élèves accédant au baccalauréat
professionnel.
b) Des résultats négatifs
Même s'il convient d'éviter tout discours
uniforme et
simplificateur sur la réussite scolaire en ZEP, force est de constater
que les performances scolaires des élèves y sont
inférieures à celles des élèves des autres
établissements.
Une étude de 1995
4(
*
)
révélait en effet qu'en classe de CE2, 37,8 % des
élèves de ZEP ne maîtrisaient pas les compétences de
base en lecture (contre 18,7 % pour les autres élèves),
cette proportion atteignant 57,2 % pour le calcul (contre 38,9 %).
En classe de 6e, le différentiel restait important et parfois proche de
un à deux : 23,3 % des élèves de ZEP ne
maîtrisent pas les compétences de base en lecture (contre
13,2 % pour les autres) ; ce taux était de 39,3 % en
calcul (contre 20,8 %) et 58 % en géométrie (contre
35,3 %).
L'environnement général des ZEP ayant eu tendance à se
dégrader depuis la création de ces zones, l'effort entrepris n'a
permis que de maintenir le niveau moyen des élèves
scolarisés. Ce constat n'est paradoxalement pas dépourvu de tout
lien avec l'existence même des ZEP.
Comme on peut le constater dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis, la
mise en oeuvre d'une politique de discrimination positive peut avoir pour effet
de stigmatiser une catégorie de population dans un registre d'assistance
ce qui conduit les autres populations à fuir les zones et institutions
discriminées et à accroître l'isolement des
bénéficiaires de cette discrimination positive.
Le bilan contrasté de l'expérience des ZEP pouvait donc conduire,
soit à abandonner cette politique soit à la relancer afin de
remettre à niveau des populations en voie de marginalisation.
Le second terme de cette alternative a été
préféré par l'actuel gouvernement.
D. LA NÉCESSITÉ D'UNE RELANCE DES ZEP
Si le
système éducatif a connu depuis quinze ans des évolutions
majeures, se traduisant notamment par un plus large accès d'une
génération au niveau du baccalauréat, dans le même
temps, dans une conjoncture dominée par le chômage, l'école
ne joue plus son rôle d'" ascenseur social " et toutes les
études confirment le poids de l'origine sociale dans la réussite
scolaire.
Dans ce contexte, le dispositif des ZEP a incontestablement vieilli, et sans
remettre en cause l'acquis de quinze années de politique compensatoire,
il convient aujourd'hui notamment de s'interroger sur le bien fondé de
la carte des ZEP et son articulation avec les 750 zones urbaines sensibles qui
devraient être créées d'ici 1999 en vertu du pacte de
relance pour la ville.
Prenant acte d'un certain essouflement du dispositif, le Premier ministre
déclarait dans sa déclaration de politique générale
du 19 juin 1997 : "
Dans les établissements scolaires, il
faut donner plus de moyens lorsque la tâche est plus difficile, encadrer
davantage lorsque la contrainte sociale est plus grande.
L'égalité, oui, mais qui respecte la diversité. Je demande
donc que des moyens supplémentaires soient mobilisés, dès
la prochaine rentrée scolaire, pour les zones d'éducation
prioritaires
".
1. Le rapport des inspections générales de l'éducation nationale
Se
fondant sur une analyse globale des résultats enregistrés dans
410 ZEP, le rapport des inspections générales
5(
*
)
s'efforce de révéler les
déterminants fondamentaux
de la réussite scolaire en ZEP.
Il constate d'abord une forte corrélation entre la concentration de
catégories socioprofessionnelles défavorisées et les
résultats de l'évaluation des élèves en classe de
sixième.
Par ailleurs, plus la taille de la ZEP est importante, plus les
résultats de ses élèves sont faibles : alors que
certaines ZEP regroupent aujourd'hui 10.000 élèves, les ZEP
à taille humaine comprennent un ou deux collèges avec les
écoles de leurs secteurs, soit environ 2.000 élèves.
De fortes disparités peuvent être constatées entre
académies, liées notamment à la taille des ZEP mais aussi
au taux de scolarisation des enfants défavorisés à deux
ans.
Le rapport analyse ensuite les
déterminants qualitatifs
de la
réussite scolaire en ZEP et observe en particulier :
- que l'aggravation du chômage influe directement sur la réussite
scolaire ;
- que la grande pauvreté induit des problèmes de santé qui
entravent la réussite à l'école ;
- que le degré d'intégration (et notamment la langue
parlée en famille) a des effets indéniables sur la
réussite scolaire ;
- que l'instabilité de la population scolaire nuit à
l'efficacité de l'école ;
- que l'enclavement des quartiers se retrouve à l'école.
En conséquence les auteurs du rapport préconisent un pilotage
dynamique des ZEP, l'adoption de projets cohérents et mobilisateurs
impliquant un développement du partenariat, notamment avec les familles,
le travail en équipe et la stabilité des enseignants, le
développement d'une nouvelle culture pédagogique à travers
la formation des maîtres.
2. Les mesures budgétaires adoptées pour 1998
Dans un
contexte démographique de réduction des effectifs de
l'enseignement scolaire (- 70.000 à la rentrée 1997 et
- 64.200 à la rentrée 1998), le maintien des emplois devait
permettre de redéployer les moyens d'enseignement en faveur des ZEP et
d'améliorer les dispositifs de soutien aux élèves en
difficulté.
Les écoles situées en ZEP ont ainsi
bénéficié en priorité de l'affectation des
30.000 emplois-jeunes recrutés dans l'enseignement primaire et les
10.000 autres aides-éducateurs pour l'enseignement secondaire ont
été affectés dans les collèges les plus difficiles,
ceux-ci étant pour leur grande majorité situés en ZEP.
Les ZEP ont également bénéficié des
créations d'emplois de personnels non-enseignants et notamment :
- d'une partie importante des 250 emplois d'infirmières et
d'assistantes sociales qui ont été affectés au 1er janvier
1998, dans les établissements concernés par le plan
violence ;
- d'une grande part des 380 emplois d'infirmières et d'assistantes
sociales qui seront créés à la rentrée 1998 ;
- de 120 emplois de personnels ATOS, sur les 550 qui seront créés
à la rentrée 1998.
En outre, la loi de finances pour 1998 a permis d'augmenter de 26,5 % les
crédits d'innovation pédagogique spécifiquement
attribués aux ZEP.
Les ZEP devaient bénéficier enfin en priorité des
crédits du fonds social pour les cantines et de l'aide à
l'équipement des bibliothèques et des centres de documentation
des écoles.
3. Le plan de relance des ZEP
En
présentant ce plan de relance lors du Conseil des ministres du
14 janvier 1998, la ministre déléguée à
l'enseignement scolaire a rappelé que l'école, dans les ZEP comme
ailleurs, doit apporter aux élèves des savoirs, une culture
commune, et une formation qui permet l'insertion sociale en application du
principe discriminatoire.
Ce plan de relance passe par la réalisation de cinq objectifs :
- la reconnaissance du métier d'enseignant dans les ZEP ;
- la mise en place des réseaux d'éducation prioritaire et la
révision de la carte des ZEP ;
- l'élaboration de projets pédagogiques au service de la
réussite scolaire des élèves de ZEP ;
- des " contrats de réussite " dans les ZEP ;
- le renforcement des liens avec les partenaires de l'éducation
nationale.
Dans cette perspective, une consultation nationale de l'ensemble des acteurs
concernés à travers des forums académiques a
été engagée de janvier à avril 1998, qui devrait
déboucher sur des assises nationales au début du mois de juin
1998.
E. UN PRINCIPE DISCRIMINATOIRE ÉGALEMENT DÉCLINÉ DANS LES PLANS SUCCESSIFS DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE SCOLAIRE
A côté des ZEP, le principe de discrimination positive a également été décliné dans les mesures de prévention de la violence dans les établissements scolaires.
1. La montée préoccupante de la violence dans certains établissements scolaires
En
dépit des incertitudes subsistant quant à la mesure du
phénomène de la violence scolaire, une enquête de 1995 de
l'inspection générale révèle que près de la
moitié des lycées et collèges seraient concernés
par la violence, ce pourcentage passant à 72 % pour les
établissements classés en ZEP et en zone sensible.
En outre, les établissements seraient inégalement
concernés selon leur implantation : 81 % en banlieue parisienne,
70 % dans la périphérie des grandes villes, 45 % dans
les grandes villes et 32 % en milieu rural.
A ce niveau de gravité, force est de reconnaître que
l'école n'est plus égale pour tous, que les écoles des
riches n'ont plus rien à voir avec celles des pauvres, celles des villes
avec celles des banlieues, celles qui intègrent avec celles qui excluent.
L'égalitarisme républicain est ainsi battu en brèche en
matière scolaire et la lutte contre la violence et
l'insécurité à l'école impose d'aider certains
établissements plus que d'autres, conformément à la
philosophie qui avait présidé à la création des ZEP
en 1982.
2. Le plan de mesures contre la violence du 20 mars 1996
Les
mesures présentées par le gouvernement précédent
s'ordonnaient autour de plusieurs objectifs :
- renforcer et améliorer l'encadrement des élèves ;
- apporter une aide aux élèves et aux parents ;
- soutenir les enseignants confrontés au problème de la
violence ;
- faire participer les enseignants à des initiatives pédagogiques
adaptées ;
- assurer un suivi des enseignants débutants en établissements
sensibles et difficiles ;
- protéger les établissements et améliorer leur
environnement.
Dans le cadre de ce plan de prévention, des appelés du contingent
ont notamment été prioritairement affectés dans les
établissements scolaires des quartiers urbains défavorisés
en vue d'améliorer l'encadrement des élèves et de
contribuer à l'animation socio-éducative.
Il convient cependant de noter que ce plan n'a pas enregistré tous les
effets attendus, qu'il s'agisse de la réduction de la taille des
établissements, de la création de postes de médiateurs ou
de la mise en place d'un fonds d'assurance pour les enseignants.
3. Le plan de prévention de la violence du 5 novembre 1997
Présenté par les divers ministres
concernés, ce
nouveau plan doit être expérimenté sur neuf sites incluant
412 collèges et lycées, ainsi que leur réseau
d'écoles primaires, et devrait concerner près de 700 000
élèves.
Ces sites ont été choisis sur proposition des recteurs en
fonction des indicateurs de violence fournis par le ministère de
l'intérieur et devaient bénéficier de postes
supplémentaires en personnels d'éducation et de santé.
Afin de renforcer la présence des 4 700 appelés du
contingent encore en place dans les ZEP, 3050 adultes, pour l'essentiel des
emplois-jeunes, devaient être affectés sur ces neuf sites tandis
que 8 250 adjoints de sécurité devaient se consacrer aux
tâches de surveillance à la sortie des établissements.
Le dispositif doit être expérimenté, notamment dans la
région lyonnaise, en Seine-Saint-Denis et dans les quartiers Nord de
Marseille.
Ce plan devrait être évalué à l'automne 1998 avant
le lancement de sa deuxième phase.
F. LES CONSTATATIONS EFFECTUÉES PAR VOTRE COMMISSION
Une
délégation de votre commission a effectué un
déplacement le 16 octobre 1997, au collège Magellan de
Chanteloup-les-Vignes pour mesurer les conséquences du classement d'un
établissement situé en ZEP et en zone sensible et
apprécier les réponses apportées aux difficultés
des élèves.
Ce collège, récent et de taille humaine, accueille environ
400 élèves de milieux sociaux variés et le plus
souvent défavorisés : 32 nationalités y sont
représentées et une grande partie des familles des
élèves, souvent monoparentales, sont au chômage.
La délégation de votre commission a pu effectuer le constat
suivant :
- les actions et les projets programmés par l'établissement
apparaissent particulièrement riches et divers mais nécessitent
un encadrement renforcé des élèves et un abaissement
corrélatif des effectifs par classe ;
- le projet d'établissement a pour objectif prioritaire d'apporter une
aide aux élèves pour créer leur propre système de
valeurs, ou d'utiliser largement les nouvelles technologies de l'information et
de la communication dans certaines disciplines (mathématiques,
technologie), de prévenir la violence en développant le respect
de règles, notamment par la pratique d'un sport, de favoriser
l'ouverture sur l'extérieur en préparant les élèves
à quitter leur quartier et à établir des contacts avec les
entreprises dans la perspective de leur orientation, de développer le
soutien scolaire ;
- le bon fonctionnement de l'établissement est fondé sur le
dynamisme et l'investissement personnel de l'équipe éducative et
de direction et suppose une certaine autonomie des enseignants par rapport aux
exigences pédagogiques officielles ainsi qu'une formation
spécifique pour aider ces derniers à affronter des
difficultés auxquelles ils ne sont pas actuellement
préparés ;
- cet équilibre apparaît d'autant plus fragile qu'il n'est pas
relayé à l'extérieur de l'établissement par
l'action d'accompagnement des familles, des associations, des acteurs sociaux,
bref si la politique des ZEP n'est pas articulée avec une politique de
la ville.
La commission a enfin été frappée par le dynamisme et la
jeunesse de l'équipe éducative et de direction et par la relative
stabilité des enseignants qui explique sans doute une large part des
résultats satisfaisants obtenus.
*
* *
Sans
remettre en cause le principe de la discrimination positive, dont le bilan
apparaît en effet contrasté, le gouvernement a donc
manifesté sa volonté de relancer le dispositif des zones
d'éducation prioritaires.
L'insertion de l'article 75, d'une formulation très
générale et déclarative, dans le projet de loi
d'orientation sur l'exclusion, destiné à compléter
l'article 1er de la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation, a
pour objet de consacrer au plan législatif ce principe dans la
répartition des moyens du service public de
l'éducation.
II. VERS UN RETOUR AMÉNAGÉ AUX BOURSES DE COLLÈGE
Afin de
remédier aux imperfections et à la complexité du
système des bourses de collège et du cycle d'orientation des
lycées, qui était géré par l'éducation
nationale, l'article 23 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la
famille a institué un nouveau système d'aide à la
scolarité, désormais versée par les organismes
débiteurs de prestations familiales.
Les difficultés constatées dans sa mise en oeuvre, qui ont tenu
notamment aux dysfonctionnements entraînés par une mauvaise
information des familles et un champ d'application qui ne recouvrait pas celui
des bénéficiaires antérieurs ont conduit cette
réforme à l'échec.
L'aide à la scolarité n'a pas été non plus sans
influence sur le problème préoccupant, observé depuis
plusieurs années, de la baisse de fréquentation des cantines
scolaires.
Pour ces raisons, le gouvernement a décidé de revenir à un
système de bourses de collège aménagé et
simplifié.
A. LES RAISONS DE LA RÉFORME DE 1994
Hérité d'un système fondé sur le
mérite des élèves et régi par la loi
n° 51-1115 du 21 septembre 1951 portant ouverture de crédits,
le régime des bourses de collège se caractérisait
notamment par sa complexité pour les familles et ses gestionnaires et
par un coût de gestion hors de proportion avec le montant des bourses
attribuées.
L'article 1er de la loi du 21 septembre 1951 se bornait à indiquer que
des bourses seraient attribuées aux élèves,
désormais sur un critère de ressources des familles, que les
enfants seraient inscrits dans un établissement public ou privé
et que les modalités d'octroi des bourses seraient fixées par
décret ; plusieurs circulaires d'application ont été
prises pour préciser les modalités d'un système qui
régit toujours les bourses attribuées aux élèves
inscrits dans les classes des lycées publics, des lycées
privés sous contrat ou de ceux habilités à recevoir des
boursiers nationaux.
1. Les critiques adressées aux bourses de collège
a) La complexité du système
Le système des bourses de collège comportait des points de charge permettant de faire varier le montant de la bourse, en fonction des revenus et de la composition de la famille et du type d'enseignement suivi par les élèves (classes d'enseignement général de collège, classes de 3e d'insertion, classes de 3e et de 4e technologiques, classes préprofessionnelles de niveau, classes préparatoires à l'apprentissage, classes de 3e et de 4e préparatoires au CAP, cycles d'insertion professionnelle par alternance, enseignements généraux et professionnels adaptés).
b) Le faible montant des bourses distribuées
Attribuées à plus d'un million
d'élèves,
soit environ 30 % des collégiens, les bourses de collèges
représentaient au total un coût de 680 millions de francs.
D'après l'enquête menée par la direction des lycées
et des collèges en janvier 1994, 52 % des boursiers des
collèges percevaient deux parts de bourse (168,30 F la part), soit
336,60 F pour l'année scolaire, le montant moyen annuel s'élevant
à 647 F.
Le nombre maximum de parts pouvait être porté à douze dans
l'enseignement technologique, une prime d'équipement pouvant être
attribuée en outre à certains élèves boursiers de
quatrième préparatoire.
Il reste que le montant moyen des bourses de collège, et surtout le
montant minimum servi à plus de la moitié des
bénéficiaires, était hors de proportion avec des frais de
demi-pension évalués à 2 500 F et avec des
dépenses scolaires annuelles estimées à environ 1 200
F.
Compte tenu de leur faible montant, les bourses de collège ne
représentaient qu'une part réduite dans le budget des familles
affecté à la scolarité.
c) Un versement fractionné
Ces
faibles montants, non revalorisés depuis 1979, faisaient cependant
l'objet d'un versement fractionné, soit, pour le taux le plus bas,
112,20 F par trimestre.
En outre, ces versements n'intervenaient que tardivement, c'est-à-dire
au mois de décembre pour le premier trimestre, et ne permettaient pas de
participer aux dépenses de la rentrée scolaire.
d) Un coût de gestion disproportionné par rapport à leur montant
En dépit de leur montant dérisoire pour la majorité des familles concernées, les bourses de collège représentaient un coût de gestion disproportionné pour l'Etat : le coût de gestion des bourses a été évalué à 250 F par bourse pour l'éducation nationale.
e) Un système d'instruction et de liquidation des dossiers trop lourd
Les
dossiers de demande de bourse établis par les familles devaient
comporter les pièces justificatives de leurs revenus pour chacun des
enfants potentiellement bénéficiaires. Collectés dans les
collèges, ces dossiers étaient ensuite transmis aux inspections
académiques qui en assuraient l'instruction ; le versement des bourses
était assuré par les établissements une année
après le dépôt des dossiers.
Ce système lourd et peu transparent ne permettait pas de procéder
à une évaluation rigoureuse des ressources des familles, ni de
contrôler les revenus qui étaient susceptibles d'évoluer
après la première année d'attribution de la bourse, et
était à l'origine de longs délais de réponse pour
ces familles.
2. Les aspects positifs de l'aide à la scolarité
a) Le rappel des grandes lignes de la réforme
Se
substituant aux bourses des collèges, l'aide à la
scolarité peut être attribuée, pour chaque enfant à
charge, aux bénéficiaires d'une prestation familiale, de l'aide
personnalisée au logement, de l'allocation aux adultes handicapés
ou du RMI, dont les ressources ne dépassent pas un plafond de
référence annuel majoré à partir du premier enfant
de 30 % par enfant à charge et revalorisé chaque
année comme le SMIC au 1er juillet.
Si le montant de l'aide varie en fonction des ressources, il correspond
désormais à deux taux par rapport à la base mensuelle de
calcul des prestations familiales, soit 16,40 % pour le montant minimum et
52,57 % pour le montant maximum.
L'aide à la scolarité est servie par les organismes
débiteurs des prestations familiales (CAF, caisses de la MSA, caisses
des régimes spéciaux autonomes).
Les bénéficiaires doivent être âgés de 11 ans
avant le 1er février de l'année suivant la rentrée
scolaire et de moins de 16 ans au 15 septembre de l'année
considérée.
L'aide à la scolarité est enfin versée en une seule fois
en même temps que l'allocation de rentrée scolaire.
b) Un système simplifié pour les familles et les gestionnaires
•
La substitution de l'aide à la scolarité au système
des bourses de collège et le transfert aux CAF bénéficient
d'abord aux
familles
.
Celles-ci n'ont plus à établir un dossier spécifique de
demande ni à fournir de pièces justificatives puisque les CAF
disposent de l'ensemble des informations nécessaires à
l'ouverture du droit à l'aide à la scolarité.
Les critères d'attribution des bourses de collège tiennent
désormais à des conditions d'âge relatives à
l'élève, à des conditions de ressources et à des
conditions d'éligibilité à l'une des prestations servies
par les caisses d'allocations familiales.
Il en résulte une simplification des critères d'attribution par
rapport au système antérieur.
Par ailleurs, la CAF constitue l'interlocuteur unique des familles alors que le
système des bourses de collège mettait en jeu les
établissements scolaires et les inspections académiques.
Enfin, le versement de l'aide à la scolarité intervient en
même temps que celui de l'allocation de rentrée scolaire, en une
seule fois, à un moment où les frais de scolarité sont les
plus importants.
D'après les enquêtes réalisées par les CAF de
Mâcon et de Grenoble auprès des bénéficiaires de ces
deux allocations, les sommes versées à ces deux titres ont
été affectées à hauteur de 86 % à des
dépenses ayant un lien avec la rentrée scolaire.
Le passage des bourses de collège à l'aide à la
scolarité a permis de réduire les
coûts de gestion
du système et de réaliser une économie de 300 postes
budgétaires dans les inspections académiques, qui a
été chiffrée à 27 millions de francs par la
loi de finances pour 1994.
Il convient cependant de noter que l'allègement des charges de gestion
n'a pas été ressenti par les établissements en 1994-1995
du fait de la mise en place de l'allocation exceptionnelle.
c) Des moyens plus importants
- L'enveloppe globale
Alors que l'enveloppe budgétaire distribuée au titre des bourses
de collège s'élevait à 697,5 millions de francs en
1993-1994, le montant versé aux familles au titre de l'aide à la
scolarité était évalué par la CNAF à
772 millions de francs à la rentrée scolaire de 1994.
- Les compléments du fonds social collégien
Prévu par le nouveau contrat pour l'école et mis en place par la
loi de finances pour 1995, le fonds social collégien a permis de
compléter le système de l'aide à la scolarité.
Ce fonds a permis de verser une
allocation exceptionnelle
pour
l'année scolaire 1994-1995, d'une part aux familles
bénéficiaires au cours de l'année antérieure d'une
bourse de collège et qui ont été écartées du
bénéfice de l'aide à la scolarité et, d'autre part,
à celles qui ont perçu une aide d'un montant inférieur
pour des raisons tenant aux nouveaux critères d'admission : les
dépenses à ce titre ont été évaluées
à 140 millions de francs.
Le fonds social collégien permet en outre de répondre à
des
situations d'urgence sociale
précisées dans la
circulaire du 14 avril 1995 : les sommes allouées à ce titre
étaient de l'ordre de 60 millions de francs.
Au total, les familles devaient recevoir 972 millions de francs au titre de
l'aide à la scolarité et du fonds social collégien en
1994-1995, soit une progression de près de 40 % de l'enveloppe
budgétaire par rapport à celle des bourses de collège en
1993-1994.
B. LES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ
Plusieurs études officielles ont relevé les
difficultés de mise en oeuvre de la réforme ainsi que ses
dysfonctionnements. Il s'agit, pour l'essentiel :
- du rapport de notre excellent collègue M. Claude Huriet
et de M. Charles de Courson, député, " relatif à
l'analyse de la réforme des bourses de collèges et à la
mise en place de l'aide à la scolarité et aux propositions
d'améliorations " publié en avril 1995 à la suite de
la mission qui leur avait été confiée par les ministres
chargés de l'éducation nationale et des affaires sociales le 24
janvier 1995 ;
- du rapport annuel de la Cour des Comptes au Parlement sur la
sécurité sociale de septembre 1997 ;
- des rapports des inspections générales de
l'éducation nationale sur la baisse de fréquentation des cantines
scolaires, qui a d'ailleurs été constatée avant la
réforme de 1994.
1. Les difficultés nées d'une sous-information des familles et de la coexistence de deux dispositifs d'aide intervenant à la rentrée scolaire
a) La sous-information des familles
Comme le
souligne le rapport de la Cour des Comptes, la mise en oeuvre de la
réforme a pâti d'une sous-information des familles qui
résulte principalement du fait que les CAF ont donné la
priorité au paiement de l'aide à la scolarité à la
date prévue et que ce paiement est intervenu en même temps que
celui de l'allocation de rentrée scolaire.
L'information réalisée au niveau national se bornait à
préciser que l'aide à la scolarité se substituait aux
bourses de collège, les CAF rappelant aux familles
intéressées qu'elles n'avaient aucune démarche à
effectuer pour bénéficier des aides à la rentrée
scolaire.
Les familles ont ainsi reçu à la fin du mois d'août 1994
les versements cumulés de l'aide à la scolarité et de
l'allocation de rentrée scolaire sans information particulière
sur la réforme des bourses ; certaines d'entre elles ont pu utiliser en
totalité ces deux prestations et se sont trouvées
dépourvues pour le paiement des frais de demi-pension des trimestres
ultérieurs.
Cette information a été améliorée pour les
rentrées 1995 et 1996 et les notifications de versement adressées
aux allocataires distinguent désormais clairement l'allocation de
rentrée scolaire, sa majoration et l'aide à la
scolarité.
b) La coexistence de l'allocation de rentrée scolaire et de l'aide à la scolarité
La
combinaison de ces deux dispositifs d'aide liés à la
rentrée scolaire se caractérise par sa complexité :
- l'allocation de rentrée scolaire diffère de l'aide
à la scolarité quant à l'âge des enfants
bénéficiaires (6 à 18 ans contre 11 à 16 ans) et
quant aux plafonds de ressources qui sont plus élevés ;
- les ressources prises en compte par la caisse d'allocations familiales
pour l'allocation de rentrée scolaire correspondent au revenu imposable,
comme pour l'aide à la scolarité, mais comportent des
abattements ; un alignement des conditions de ressources de l'aide
à la scolarité sur celles de l'allocation de rentrée
scolaire a été évalué par la CNAF à 390
millions de francs ;
- les conditions d'octroi de l'allocation de rentrée scolaire
tendent à reporter son paiement après examen de la situation des
enfants pour les familles ayant un enfant de 16 à 18 ans ;
- le montant des aides varie d'une année sur l'autre en raison de
l'évolution du montant de la majoration exceptionnelle de l'allocation
de rentrée scolaire.
2. Les conséquences des effets de champ de la réforme de 1994
Le
remplacement du critère d'inscription en collège par un
critère d'âge (avoir entre 11 et 16 ans) a entraîné
plusieurs effets de champ : certains élèves qui n'auraient pas
reçu de bourses ont pu bénéficier d'une aide à la
scolarité, certains bénéficiaires potentiels de bourses
ont été exclus de l'aide à la scolarité et enfin
des effectifs non négligeables d'élèves ont disposé
d'une bourse dont le montant était supérieur à celui de
l'aide à la scolarité.
Le rapport de la mission parlementaire estime, avec une grande marge
d'incertitude que 130 000 à 180 000 élèves
auraient été écartés du bénéfice de
l'aide à la scolarité.
a) Les élèves écartés de l'aide à la scolarité
Trois
catégories d'élèves étaient concernées :
- les élèves de moins de 11 ans, inscrits au collège
donc en avance dans leur scolarité, dont le nombre est estimé
à 6 500 ;
- les boursiers des collèges ayant plus de 16 ans au
15 septembre 1994, soit environ 56 600 élèves ;
- les élèves des collèges dont les familles d'un seul
enfant ne perçoivent aucune des prestations sociales exigées :
leur nombre a été évalué entre 30 000 et
40 000.
Le rapport de MM. Huriet et de Courson souligne, en outre, deux autres
conséquences de la réforme :
- dans le système des bourses de collège, les ressources des
familles étaient appréciées avec deux ans de
décalage alors que les CAF retiennent les ressources de l'année
précédente. Ce phénomène a encore été
amplifié puisque la bourse était attribuée à
l'entrée en classe de sixième puis reconduite jusqu'en
troisième sans que les ressources de la famille soient à nouveau
vérifiées, sauf redoublement ou changement
d'établissement ;
- les différences de plafond de ressources entre les deux
régimes jouent en défaveur des familles monoparentales et des
familles très nombreuses.
Le nombre d'enfants écartés de ce fait a été
estimé entre 50 000 et 100 000.
b) Les élèves dont le montant de la bourse était supérieur à celui de l'aide à la scolarité
Le
nombre de ces élèves a été évalué par
l'éducation nationale à 80 000, soit 7 % des effectifs
des boursiers des collèges.
Etaient notamment concernés les élèves des classes de
quatrième et de troisième technologiques, des sections
d'enseignement spécialisé et des cycles d'insertion
professionnelle par alternance : ceux-ci bénéficiaient de bourses
d'un montant moyen de 1 400 F, compte tenu des parts
supplémentaires qui leur étaient attribuées dans le
système antérieur.
Il convient de rappeler que 300 000 élèves sont
scolarisés dans ces filières et que la proportion de boursiers y
est de 50 %. La réforme de 1994 aurait eu pour conséquence
de réduire l'aide qui leur était accordée d'un montant
évalué entre 98 F et 1108 F.
c) Les nouveaux bénéficiaires de l'aide à la scolarité
A
l'inverse, la réforme a eu pour conséquence de faire
bénéficier de l'aide à la scolarité des
élèves qui ne percevaient pas de bourses de collège.
Il s'agit :
- des élèves de plus de 11 ans encore scolarisés
à l'école primaire et dont les familles répondent aux
critères de ressources : 80 000 à 100 000
élèves seraient concernés ;
- des élèves de moins de 16 ans inscrits en second cycle et
répondant aux critères de ressources : leur nombre est
estimé à 80 000.
d) Une comparaison difficile entre les anciens et les nouveaux bénéficiaires
D'après les données fournies à la Cour des
Comptes par la direction des lycées et collèges et la CNAF, il
est possible d'établir les comparaisons suivantes, étant
rappelé que les chiffres relatifs aux bourses se rapportent aux
élèves bénéficiaires et que ceux concernant l'aide
à la scolarité sont exprimés en nombre de familles
bénéficiaires.
Evolution du nombre de boursiers :
- 1992-1993 : 1,039 million ;
- 1993-1994 : 1,059 million ;
Evolution du nombre de bénéficiaires de l'aide à la
scolarité :
- rentrée 1994 : 657 000 familles en métropole, soit
885 752 enfants dont 55,3 % au montant minimum ;
- rentrée 1995 : 682 000 familles en métropole, soit
914 168 enfants dont 53 % au montant minimum.
3. La faiblesse des plafonds de ressources et le montant dérisoire de l'aide à la scolarité
a) L'évolution du barème
Le
barème de l'aide à la scolarité a évolué
depuis sa création ainsi qu'il suit :
Plafonds de références (annuels) pour un montant de l'aide
à la scolarité de 337 F
|
Plafonds annuels de l'aide à la |
Plafonds
annuels des bourses
|
||
|
scolarité
|
Familles
|
Familles
|
Familles monoparentales |
1 enfant |
43 393 |
47 700 |
53 000 |
63 600 |
2 enfants |
53 407 |
53 000 |
58 300 |
68 900 |
3 enfants |
63 421 |
63 600 |
68 900 |
79 500 |
4 enfants |
73 435 |
74 200 |
79 500 |
90 100 |
5 enfants |
83 449 |
90 100 |
95 400 |
106 000 |
par enfant supplémentaire |
10 014 |
15 900 |
15 900 |
15 900 |
Plafonds de références (annuels) pour un montant de l'aide à la scolarité de 1 080 F
|
Plafonds annuels de l'aide à la |
Plafonds
annuels des bourses
|
||
|
scolarité
|
Familles
|
Familles
|
Familles monoparentales |
1 enfant |
23 466 |
25 830 |
28 700 |
34 440 |
2 enfants |
28 881 |
28 700 |
31 570 |
37 310 |
3 enfants |
34 296 |
34 440 |
37 310 |
43 050 |
4 enfants |
39 711 |
40 180 |
43 050 |
48 790 |
5 enfants |
45 126 |
48 790 |
51 660 |
57 400 |
par enfant supplémentaire |
5 415 |
8 610 |
8 610 |
8 610 |
Après les revalorisations intervenues, le barème
actuel est le suivant :
Pour avoir droit à une aide à la scolarité d'un montant de
346 F
par enfant, les revenus de la famille ne doivent pas
dépasser les plafonds suivants :
47 233 F pour un enfant ;
58 133 F pour deux enfants ;
69 033 F pour trois enfants ;
+ 10 900 F par enfant supplémentaire.
Pour une aide à la scolarité d'un montant de
1 108 F
par
enfant, les revenus de la famille ne doivent pas dépasser les limites
suivantes :
25 542 F pour un enfant ;
31 436 F pour deux enfants ;
37 330 F pour trois enfants ;
+ 5 294 F par enfant supplémentaire.
b) Des plafonds de ressources trop bas et un montant de l'aide dérisoire
Il
convient de rappeler que quelque 520 000 élèves, soit plus de la
moitié des boursiers de collèges perçoivent l'aide
à la scolarité à son montant le plus bas (346 F), ce qui
représente une aide de moins d'un franc par jour (94 centimes) tandis
que ceux qui perçoivent l'aide la plus forte (1 108 F) touchent environ
3 francs par jour.
Comme le signale l'association " Familles de France ", qui
dénonce le
" scandale "
de l'aide à la
scolarité,
" pour y avoir droit, il faut être dans une
situation de grande pauvreté (...) pour obtenir une aumône
plutôt qu'une aide, une charité plutôt qu'une
justice ".
Compte tenu de la faiblesse des plafonds de ressources, qui sont pourtant
réévalués régulièrement, l'aide à la
scolarité est ainsi pratiquement réservée aux familles
dépendant de minima sociaux.
Il est par ailleurs éclairant de rapprocher les effectifs de
collégiens boursiers -environ un million- du nombre d'enfants qui vivent
dans une famille dépendant de minima sociaux.
D'après la CNAF, sur les 3,3 millions de ménages
bénéficiaires des minima sociaux, un quart d'entre eux ont des
enfants à charge.
Au total, 1,5 million d'enfants vivent dans une famille dépendant de ces
minima, soit 43 % du RMI, 28 % de l'allocation spécifique de
solidarité qui s'élève à 2 400 F par mois, 17 % de
l'allocation de parent isolé et 10 % de l'allocation adulte
handicapé.
Par ailleurs, 58 % des allocataires sont des personnes isolées et 17 %
des couples sans enfants.
L'aide à la scolarité apparaît ainsi désormais
réservée pour l'essentiel aux familles défavorisées
et assistées qui ne subsistent que grâce à ces diverses
allocations.
4. Les remèdes apportés pour répondre aux difficultés de mise en oeuvre de l'aide à la scolarité
a) Un expédient provisoire : l'allocation exceptionnelle
Afin de
compenser les pertes financières résultant pour les familles du
passage des bourses de collège à l'aide à la
scolarité, le paragraphe V de l'article 23 de la loi du 25 juillet 1994
a institué, à titre transitoire pour l'année scolaire
1994-1995, une allocation exceptionnelle à la charge de l'Etat.
Cette allocation devait être versée aux familles ayant
bénéficié d'une bourse en 1993-1994 afin de leur garantir
l'année suivante une aide d'un montant équivalent, soit qu'elles
aient perdu le bénéfice de la bourse antérieure, soit
qu'elles aient constaté une diminution de l'aide.
Ses conditions d'application ont été fixées par un
décret du 16 janvier 1995 après qu'une circulaire du 28 octobre
1994 ait permis aux académies d'engager l'instruction des
dossiers : les paiements de l'allocation exceptionnelle se sont
prolongés jusqu'à la fin de l'année scolaire, cette
prestation ayant pour certaines familles valeur d'indemnisation.
Cette allocation a été financée pour une grande part par
un prélèvement sur la dotation du fonds social lycéen et
un report de crédits de bourses de collège restés sans
emploi en fin d'exercice budgétaire 1994.
Au total, d'après le rapport de la Cour des Comptes
précité, 160,6 millions de francs ont été
payés au titre de l'allocation exceptionnelle, dont 136 millions de
francs sur les crédits délégués au fonds social
collégien et 24,6 millions de francs au titre du fonds social
lycéen.
Cette allocation a été versée à 287 417
élèves, pour un montant moyen de 559 F par
bénéficiaire.
b) Une solution permanente : le fonds social collégien
Prévu par la mesure n° 35 du " nouveau
contrat
pour l'école " annoncé en juin 1994, le fonds social
collégien a été créé par la loi de finances
pour 1995 et doté de 100 millions de francs, ce montant ayant
été porté à 150 millions de francs en 1996 et
à 180 millions de francs en 1997 et en 1998.
Aux termes de la circulaire du 14 avril 1995, le fonds social collégien
et le fonds social lycéen sont destinés à faire face aux
situations difficiles que peuvent connaître les collégiens, les
lycéens, les élèves de l'enseignement
spécialisé du second degré ou leurs familles : les
élèves reçoivent alors une aide exceptionnelle sous forme
de concours financiers directs ou de prestations en nature leur permettant de
financer tout ou partie des dépenses scolaires (frais d'internat de
demi-pension, de transports ou de sorties scolaires, achat de fournitures
scolaires).
Les crédits correspondants sont répartis entre les
académies en fonction de l'effectif des élèves, de
critères sociaux relatifs à la famille et, au niveau
académique, par les recteurs qui prennent en compte les
différentes situations sociales.
c) Les situations non réglées
Afin
d'apporter une réponse permanente aux familles exclues du système
d'aide à la scolarité, le rapport de la mission parlementaire
formulait trois propositions :
• l'extension de l'aide à la scolarité, versée
par les CAF, aux collégiens de plus de 16 ans dont les familles sont
prestataires ;
• l'extension de l'aide à la scolarité aux familles
d'un enfant non prestataires et aux collégiens de moins de 11 ans : ces
deux catégories auraient pu bénéficier d'une aide
déconcentrée à la scolarité, gérée et
payée directement par les établissements scolaires,
répondant aux mêmes critères d'attribution et du même
montant que l'aide à la scolarité versée par les CAF.
Ces deux propositions supposaient des modifications législatives et
leur coût était évalué à 60 millions de
francs, chiffre qui peut être rapporté au nombre
d'élèves exclus sur la base de ces critères d'âge et
de taille de la famille (90 000).
• la majoration de l'aide à la scolarité pour les
élèves de l'enseignement technologique et
spécialisé.
Le rapport proposait de maintenir une aide spécifique pour les
élèves les plus défavorisés de ces sections :
celle-ci aurait pris la forme d'une majoration systématique de 500 F
pour tout élève ayant bénéficié d'une aide
à la scolarité d'un montant de 1080 F, son coût
étant estimé à 36 millions de francs.
En fait aucune solution n'a pu être dégagée pour les
enfants uniques dont les familles n'étaient pas prestataires de CAF ni
pour les élèves scolarisés en collège ne
répondant pas aux conditions d'âge. En particulier, aucune suite
n'a été donné à la demande du ministre de
l'éducation nationale adressée le 10 octobre 1995 à son
collègue chargé de la solidarité, et consistant à
faire prendre en compte ces derniers par les CAF.
En revanche, les élèves de moins de 16 ans scolarisés en
lycée ont la possibilité de cumuler le bénéfice des
bourses de lycée, d'un montant très supérieur, avec celui
de l'aide à la scolarité.
En définitive, le fonds social collégien a été
appelé à remédier aux conséquences fâcheuses
de la réforme et les expédients ajoutés au système
d'aide à la scolarité ont en fait permis de rétablir les
grandes lignes du dispositif d'origine.
C. LES INCIDENCES DE LA MISE EN OEUVRE DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ SUR LA FRÉQUENTATION DES CANTINES SCOLAIRES
Si la réforme de l'aide à la scolarité n'est pas à l'origine de la désaffection constatée à l'égard des cantines scolaires, puisque ce mouvement s'était engagé antérieurement dans des établissements situés en ZEP ou dans des collèges sensibles, elle n'en a pas moins contribué à réduire encore la pratique de la restauration scolaire chez les collégiens.
1. Les craintes exprimées par l'IGAEN dès 1994 pour les établissements sensibles
Dans son
rapport de juin 1994
6(
*
)
relatif aux
établissements sensibles, puis dans celui relatif à la
préparation de la rentrée 1995, l'IGAEN a exprimé ses
craintes quant aux conséquences de la réforme de l'aide à
la scolarité : alors que les bourses étaient
antérieurement versées aux familles par le collège
lui-même, montant déduit des frais de demi-pension, l'aide
à la scolarité est désormais directement attribuée
par les CAF aux familles bénéficiaires.
L'inspection générale de l'administration de l'éducation
nationale soulignait par ailleurs que les modalités de versement
retenues (en une seule fois au tout début de l'année scolaire)
exigeaient pour le moins un effort d'information des familles ; certaines
d'entre elles n'ont pas perçu en effet que l'allocation reçue en
début d'année se substituait aux trois versements
antérieurs.
Les inquiétudes de l'inspection générale étaient
par ailleurs partagées par les chefs d'établissements et par
leurs gestionnaires redoutant que la réforme rende plus difficile
l'accès des familles les plus défavorisées à la
restauration scolaire et se traduise par un nombre croissant d'impayés,
des abandons de demi-pension en cours d'année scolaire et une baisse des
inscriptions.
La mise en place du nouveau dispositif se serait ainsi traduite, par une
réduction de 75.000 demi-pensionnaires entre les années
scolaires 1993-1994 et 1994-1995.
Si cette réforme du système des bourses n'a pas
entraîné une désaffection massive à l'égard
des cantines scolaires, ce phénomène étant engagé
antérieurement, il reste qu'elle n'a pas contribué à le
ralentir.
Un second rapport de l'inspection générale
7(
*
)
rappelle que le taux de demi-pensionnaire est de
36 % dans les ZEP et de 22,3 % dans les collèges sensibles
contre 60 % dans l'ensemble des collèges.
2. Un mouvement plus général de moindre fréquentation des cantines scolaires entretenu par la réforme de l'aide à la scolarité.
La
note
8(
*
)
établie par les deux inspections
générales relative à la fréquentation des cantines
scolaires constate que la diminution des effectifs de demi-pensionnaires ne se
limite pas aux seuls établissements sensibles et que toutes les
académies connaissent une baisse de la fréquentation des
restaurants scolaires, liée notamment à la réforme du
système des bourses de collège.
D'après cette note, l'académie de Reims aurait enregistré
une baisse de 6 % du nombre des demi-pensionnaires entre 1995 et 1996 pour
une réduction des effectifs de 1,7 % , ces chiffres étant
portés respectivement à 4,6 % et à 2,4 % dans
les lycées professionnels alors qu'aucune variation significative
n'était observée dans les lycées d'enseignement
général.
Un mouvement de baisse est également constaté dans les
collèges sensibles ou situés en ZEP dans les académies de
Versailles, de Poitiers, de Lille, de Rennes, de Rouen et de Toulouse.
Les enquêtes menées dans ces académies montrent que les
difficultés financières des familles se traduisent d'abord par un
retard des paiements de la demi-pension et par des abandons purs et simples en
cours d'année. L'enquête réalisée dans
l'académie de Grenoble auprès des élèves des
collèges et des classes de quatrième et troisième
technologiques des lycées professionnels révèle ce
phénomène de désaffection à l'égard des
cantines, par exclusion ou abandon :
- 1992-1993 : 297 élèves.
- 1993-1994 : 343 élèves
- 1994-1995 : 453 élèves.
Des résultats analogues ont été constatés dans
l'académie de Lille :
- 1992-1993 : 375 élèves ;
- 1993-1994 : 414 élèves ;
- 1994-1995 : 553 élèves.
Si la réforme de l'aide à la scolarité n'est pas la seule
cause de la désaffection à l'égard des cantines, qui
résulte d'abord du développement d'une pauvreté
sectorielle, cette réforme a contribué, par un effet pervers,
à aggraver ce phénomène.
Afin de remédier à la baisse de fréquentation des cantines
et de compléter l'action du fonds social collégien, la loi de
finances pour 1998 a dégagé 290 millions de francs en faveur
du nouveau fonds social pour les cantines.
Selon un bilan partiel établi par l'éducation nationale en
février 1998 dans neuf académies, ce fonds a permis à
25 000 nouveaux demi-pensionnaires de fréquenter la cantine et
devrait en toucher 100 000.
*
* *
Afin de remédier aux difficultés sus-rappelées de mise en oeuvre de l'aide à la scolarité, le gouvernement, conformément à l'avis exprimé par la plupart des organisations représentées au conseil supérieur de l'éducation, a décidé de rétablir un système aménagé et simplifié de bourses nationales de collège qui serait à nouveau géré par l'éducation nationale.
EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE V
DROIT À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
PAR L'ÉDUCATION
ET LA CULTURE
Article 74
Objectif national d'accès de tous à la
culture,
à la pratique sportive, aux vacances et aux
loisirs
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Cet article figure en tête du chapitre 5 du titre II du projet de loi
consacré à l'égalité des chances par
l'éducation et la culture. Il érige en objectif national
l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux
vacances et aux loisirs.
A la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi, cette disposition
relève de deux des orientations conférées au projet de loi
par le gouvernement selon une distinction qui, au demeurant, peut laisser
songeur. D'une part, elle traduit la volonté de garantir l'accès
aux droits fondamentaux en affirmant le principe de l'accès de tous
à la culture. D'autre part, elle participe de la logique de
prévention des exclusions, en promouvant l'égalité des
chances par le sport, les vacances et les loisirs.
Outre le fait que cette dualité de préoccupations ne ressort pas
de la rédaction proposée par le gouvernement, votre rapporteur
souligne le caractère purement déclaratif de cette disposition
qui pourrait avoir à la rigueur sa place dans une loi d'orientation si
elle était accompagnée d'un dispositif normatif substantiel. Or,
force est de constater, et nous l'avons déjà souligné dans
l'exposé général, que le chapitre 5 du projet de loi ne
comporte, outre cet article, qu'une seule disposition législative
relative à la culture et qui, au demeurant, ne constitue que la
transcription dans la loi d'une jurisprudence récente du Conseil d'Etat.
Par ailleurs, cet article apparaît redondant avec l'article premier qui
précise déjà que la loi " tend à favoriser
l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de
l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de
l'éducation, de la formation et de la culture, de la vie familiale et de
la protection de l'enfance ". On peut, en outre, s'interroger sur le terme
d' " objectif national " utilisé par le texte de
l'article 74 alors que celui d' " objectif prioritaire " est
retenu à l'article 36 pour l'accès aux soins pour tous qui est
considéré par l'exposé des motifs, à l'image de
l'accès de tous à la culture, comme un droit fondamental.
On se contentera, en guise d'appréciation, de citer Portalis : " la
loi ordonne, permet ou interdit ".
Quoi qu'il en soit, la multiplication des textes de principe rend difficile
d'innover en la matière. En effet, le principe affirmé par
l'article 74 se superpose tant à des normes de valeur constitutionnelle
qu'à des dispositions législatives.
Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame comme
particulièrement nécessaires à notre temps les deux
principes suivants : la Nation " garantit à tous, notamment
à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la
protection de la santé, la sécurité matérielle, le
repos et les loisirs " (onzième alinéa) et " garantit
l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction,
à la formation professionnelle et à la culture "
(treizième alinéa).
Le Conseil constitutionnel a considéré que ces principes ont une
valeur constitutionnelle en vertu de leur inscription dans le préambule
de 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958.
Néanmoins, il leur a conféré une portée
limitée, en précisant qu' " il incombe, au
législateur comme à l'autorité réglementaire,
conformément à leurs compétences respectives, de
déterminer, dans le respect des principes posés par ces
dispositions, les modalités concrètes de leur mise en
oeuvre " (décision n° 97-393 DC du 18 décembre
1997 à propos du onzième alinéa du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946). Pour l'heure, aucune disposition
législative n'a été annulée par le Conseil
constitutionnel sur leur fondement. Le Conseil d'Etat, quant à lui, a
également reconnu la valeur constitutionnelle du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946. Sous réserve de la théorie de la
loi écran, la jurisprudence récente semble s'orienter vers une
application directe de ses dispositions. Si une telle évolution est
logique pour le treizième alinéa qui constitue une
déclinaison du principe d'égalité, elle mérite
d'être notée pour le onzième alinéa (cf. CE, 7 mars
1990, Union nationale des associations familiales).
Au-delà de ces dispositions constitutionnelles, des textes
législatifs comportent d'ores et déjà des dispositions de
même nature que celles proposées par l'article 74. On peut citer
l'article premier de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984
relative à l'organisation et à la promotion des activités
physiques et sportives qui précise que les activités physiques et
sportives " sont un élément fondamental de
l'éducation, de la culture et de la vie sociale " et que
" leur développement est d'intérêt
général et leur pratique constitue un droit pour chacun quels que
soient son sexe, son âge et ses capacités ou sa condition
sociale ". On rappellera également qu'aux termes de l'article
premier de la loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux
enseignements artistiques " les enseignements artistiques contribuent
à l'épanouissement des aptitudes individuelles et à
l'égalité d'accès à la culture ".
Votre rapporteur souligne, à cet égard, qu'il serait
préférable de s'attacher à appliquer les lois en vigueur
plutôt que de poser de nouveaux principes à la valeur incertaine.
En effet, alors que l'école est le lieu privilégié pour
garantir aux enfants une égalité des chances dans le domaine
culturel, la loi relative aux enseignements artistiques, comme votre commission
l'a souligné au demeurant à maintes reprises, n'est encore que
partiellement mise en oeuvre.
Le deuxième alinéa de l'article 74 énumère les
collectivités et organismes impliqués dans la mise en oeuvre de
cet objectif national. L'Etat, les collectivités territoriales, les
organismes de protection sociale et les associations, contribuent à sa
réalisation. L'accès de tous à la culture, à la
pratique sportive et aux loisirs n'est donc pas de la seule
responsabilité de l'Etat. A l'évidence, la réalité
de la politique culturelle comme celle de la politique de la jeunesse et des
sports, fondées sur un large partenariat avec les associations et une
implication grandissante des collectivités territoriales, le prouvent.
Par ailleurs, nous rappellerons que le préambule de 1946 attribuait
à la Nation -et non uniquement à l'Etat- la responsabilité
des principes garantissant l'égal accès de tous à la
culture et aux loisirs.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a précisé que l'accès de tous
à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs
permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté, disposition
plus déclarative que normative et sur le sens de laquelle on peut
s'interroger.
Par ailleurs, elle a complété l'article 74 afin de lui
conférer une utilité minimale consistant à énoncer
en termes généraux les différentes mesures
d'accompagnement du projet de loi destinées à garantir
l'accès à la culture et l'égalité des chances par
le sport et le tourisme. Celles-ci sont contenues dans le programme de
prévention et de lutte contre les exclusions présenté par
le gouvernement.
A cette fin, dans un énoncé qui ne se veut pas limitatif,
l'Assemblée nationale a précisé, en premier lieu, que la
réalisation de l'objectif national passe par :
- le développement de la formation dans le secteur de l'animation et des
activités périscolaires ;
- l'organisation d'activités sportives hors du temps scolaire ;
- la sensibilisation des jeunes qui fréquentent les structures de
vacances et de loisirs collectifs aux questions de société ;
- et le développement des hébergements touristiques à
caractère social familial et par l'organisation du départ en
vacances des personnes rencontrant des difficultés pour en assurer le
coût financier.
Votre rapporteur ne peut que souscrire à ces intentions en
espérant qu'elles se traduiront par des mesures concrètes. Il
remarque, par ailleurs, qu'elles correspondent dans de nombreux cas à
des dispositifs expérimentés depuis longtemps.
En second lieu, l'Assemblée nationale a complété l'article
74 afin de préciser que les collectivités et organismes
visés au second alinéa peuvent mettre en oeuvre des programmes
d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et
culturelles, ce qui n'est pas à proprement parler une nouveauté.
Elle a précisé également que les établissements
participant au service public de la culture financés par l'Etat
s'engagent à lutter contre les exclusions. Cette précision
recueille l'assentiment de votre rapporteur qui considère que les
initiatives prises en ce domaine par les établissements culturels
doivent être généralisées.
III. Position de la commission
Votre commission a adopté
trois amendements
à cet article.
Le premier complète la rédaction du premier alinéa afin de
préciser que l'objectif national est constitué par l'égal
accès de tous à la culture et aux loisirs. En effet,
l'accès de tous à la culture et aux loisirs doit s'exercer dans
le respect du principe d'égalité, ce dernier pouvant, au nom de
l'équité, justifier, comme l'ont admis les jurisprudences
constitutionnelles et administratives, des discriminations positives afin de
garantir l'égalité réelle, c'est-à-dire une
véritable égalité des chances. Votre commission souligne
à cet égard que cette modification n'est pas une innovation dans
la mesure où le treizième alinéa du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 posait déjà le principe de
"
l'égal accès
de l'enfant et de l'adulte à
l'instruction, à la formation professionnelle et
à la
culture
" .
Le deuxième amendement propose une nouvelle rédaction du
deuxième alinéa de cet article. Outre des modifications de forme,
elle tend à apporter une amélioration de fond en rappelant que
les enseignements artistiques dispensés dans les établissements
scolaires contribuent, comme le précisait la loi n° 88-20 du
16 janvier 1988 précitée, à l'égalité
d'accès à la culture. En effet, votre commission, regrettant
l'application encore très imparfaite de cette loi, souhaite affirmer son
attachement au rôle que peuvent jouer les enseignements artistiques dans
le développement des aptitudes individuelles et dans la
démocratisation de la culture, deux objectifs qui ne peuvent que
contribuer à la lutte contre les exclusions. Elle considère, en
effet, qu'en dépit de ses lacunes en ce domaine, l'école doit
demeurer le lieu privilégié pour assurer l'égalité
des chances et lutter contre la transmission de génération en
génération des situations d'exclusion.
Le troisième amendement modifie la rédaction du troisième
alinéa de l'article 74 afin de préciser de manière plus
explicite que les établissements culturels financés par l'Etat
ont pour obligation de lutter contre les exclusions.
Article 75
Consécration législative
du principe de discrimination
positive en matière
d'éducation
I.
Commentaire du texte du projet de loi
En insérant un alinéa nouveau après le deuxième
alinéa de l'article 1er de la loi d'orientation sur
l'éducation du 10 juillet 1989, cet article consacre, sur un plan
général, le principe de discrimination positive en matière
d'éducation.
Il précise à cet effet que pour garantir le droit à
l'éducation, " la répartition des moyens du service public
de l'éducation tient compte des situations notamment en matière
économique et sociale ".
Cet article confère ainsi une base légale à la politique
menée en faveur des zones d'éducation prioritaires depuis 1982.
La politique des ZEP s'est en effet développée à partir de
1982, en s'appuyant notamment sur les circulaires n° 81.238 du 1er
juillet 1981 et n° 90.028 du 1er février 1990.
La loi d'orientation de 1989 a prévu pour sa part, dans son article 21,
que la répartition des emplois du service public de l'éducation
prenait en compte les contraintes spécifiques des zones d'environnement
social défavorisé et des zones d'habitat dispersé, afin de
réduire les inégalités constatées entre les
académies et entre les départements et de résorber les
écarts de taux de scolarisation en améliorant les conditions
d'encadrement des élèves.
Les limites de la notion de discrimination positive ont été
posées par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.
Dans son rapport public pour 1996, le Conseil d'Etat constatait que " le
principe d'égalité n'atteint réellement son but que s'il
est aussi le vecteur de l'égalité des chances. Celle-ci doit
être promue plus activement pour enrayer l'aggravation des
inégalités économiques, sociales et culturelles. Une telle
action peut passer par une différenciation des droits, dès lors
que l'intérêt général résultant de l'objectif
de réduction des inégalités rend juridiquement possible
une dérogation raisonnable au principe d'égalité des
droits. "
Dans le même sens, le Conseil constitutionnel, dans ses décisions
n° 86-207 DC des 25-26 juin 1986 et n° 94-358 DC du 26
janvier 1995, autorise d'ores et déjà des discriminations
positives en matière économique et sociale, en particulier
s'agissant de la situation de certaines zones défavorisées, dans
le cadre d'une politique d'aménagement du territoire et dans un but
d'intérêt général.
Le service public de l'éducation apparaît donc fondé
à entreprendre une lutte contre les inégalités sociales en
répartissant d'une manière inégalitaire les moyens qui lui
sont affectés.
Passant de 362 à l'origine à 563 en 1997, les ZEP regroupent
aujourd'hui environ 1,2 million d'élèves, soit près de
10 % des effectifs de l'enseignement secondaire.
Fondées sur le principe de discrimination positive, elles ont pour objet
de lutter contre l'échec scolaire et de rétablir une
égalité des chances entre les élèves en attribuant
davantage de moyens dans les zones qui cumulent les handicaps
économiques, sociaux et culturels.
Compte tenu d'un essoufflement du dispositif et d'une inadaptation actuelle de
la carte des ZEP, le gouvernement a décidé de relancer le
dispositif en privilégiant les apprentissages fondamentaux, en
améliorant les conditions de travail des enseignants, en proposant des
contrats de réussite avec les établissements, en mettant en place
des réseaux d'éducation prioritaires et en renforçant les
liens entre l'éducation nationale et ses partenaires.
L'objet de l'article 75 est ainsi de donner une base législative au
dispositif des ZEP et de consacrer le principe de la répartition
inégalitaire des moyens qui leur sont accordés depuis 1982.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
- Sur proposition de sa commission spéciale, l'Assemblée
nationale a d'abord complété l'article 75 en précisant
que les " différences de situations objectives " doivent
être prises en compte pour la répartition des moyens du service
public de l'éducation.
- Dans le même article, elle a ensuite introduit un paragraphe II
tendant à compléter le 5ème alinéa de l'article 1er
de la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation pour préciser que
l'école doit assurer une formation à la connaissance des droits
de la personne, afin de prendre en compte les phénomènes
d'exclusion sociale qui sont susceptibles de leur porter atteinte.
- Elle a également adopté un paragraphe III qui
complète l'avant-dernier alinéa de l'article 1er de la loi
d'orientation de 1989 sur l'éducation prévoyant que les
activités périscolaires visent notamment à favoriser,
pendant le temps libre des élèves, leur égal accès
aux pratiques culturelles et sportives et aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication.
- Enfin, elle a introduit un nouveau paragraphe IV complétant le
1er alinéa de la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation et
précisant que le projet d'établissement doit indiquer les moyens
particuliers mis en oeuvre pour prendre en charge les élèves
issus des familles les plus défavorisées.
III. Position de la commission
Votre commission estime que la rédaction de l'article 75 du projet de
loi est excessivement générale et n'apporte pas les
éclaircissements souhaitables quant aux déclinaisons possibles du
principe de discrimination positive.
Elle ne prend pas en compte les inégalités globales
constatées au plan local, entre les académies et les
départements, ni les contraintes spécifiques des zones
socialement défavorisées et des zones d'habitat dispersé
qui sont visées à l'article 21 de la loi d'orientation de 1989
sur l'éducation.
Elle ne mentionne pas, pour la répartition des moyens mis au service des
élèves, les inégalités résultant des
situations économiques et sociales des familles, des quartiers et des
établissements scolaires, telles que celles-ci sont explicitement
énoncées dans l'exposé des motifs du projet de loi.
La formulation retenue pour valider la politique des ZEP pourrait laisser
craindre que les portions de territoire non déclarées
prioritaires en matière d'éducation, notamment en milieu rural,
que les établissements non classés sensibles ou ne figurant pas
dans une ZEP, même s'ils connaissent des difficultés, que les
familles confrontées à des situations délicates habitant
des zones non défavorisées, seraient écartées du
bénéfice de la manne distribuée par l'éducation
nationale au titre de la mise en oeuvre de la notion de discrimination positive.
Comme les moyens considérables de l'éducation nationale n'ont pas
vocation, compte tenu des contraintes budgétaires, à augmenter
dans des proportions importantes, il convient de rappeler qu'une
répartition préférentielle de ces moyens vers les ZEP se
traduit nécessairement par leur réduction dans les zones non
défavorisées, notamment en milieu rural mais aussi urbain, ou
suburbain, dont les familles peuvent également connaître des
difficultés.
Cette évolution peut avoir pour conséquence d'entraîner une
fermeture accélérée des classes uniques en milieu rural,
processus actuellement gelé par le moratoire de 1993, mais aussi priver
de nombreuses familles défavorisées, situées hors des ZEP,
de diverses activités périscolaires, notamment dans le domaine
culturel et sportif.
En effet, peut-on considérer que des élèves issus de
familles très modestes habitant en zone rurale, soumis aux contraintes
horaires lourdes des transports scolaires, sont favorisés par rapport
à certains des collégiens de ZEP, notamment dans l'exercice
d'activités périscolaires et culturelles ?
Par ailleurs, il n'est pas certain que l'encadrement renforcé des
établissements classés en ZEP constitue la formule la plus
efficace pour améliorer les performances scolaires de leurs
élèves : les efforts menés depuis plus de quinze ans
dans ces zones n'ont permis de réduire que de quelques unités le
nombre d'élèves par classe, sans modifier substantiellement les
conditions de scolarité.
La mise en place d'une politique ambitieuse et personnalisée d'aides aux
élèves et de dispositifs de soutien apparaît, pour votre
commission, sans doute plus efficace qu'une baisse dérisoire, et
pourtant très coûteuse, des effectifs par classe.
Les difficultés des élèves, qu'elles soient de nature
scolaire ou d'une autre origine, quel que soit leur quartier ou leur
établissement, devraient ainsi être prises en compte
individuellement à côté de la reconnaissance de
réseaux d'éducation prioritaires bénéficiant aux
écoles et aux établissements qui concentrent le plus de
difficultés.
La combinaison de ces deux dispositifs, l'un général visant des
zones difficiles, l'autre individualisé, visant les
élèves, serait en outre de nature à réduire les
inconvénients des effets de seuil découlant du classement ou non
en zone d'éducation prioritaire.
Ainsi, si elle ne peut qu'exprimer son accord avec une déclaration de
principe consacrant la discrimination positive dans le système
éducatif, votre commission considère que celle-ci ne saurait
bénéficier exclusivement aux ZEP et devrait également
tenir compte des situations individuelles difficiles qui viennent d'être
évoquées.
Elle vous proposera en conséquence un amendement tendant à
préciser les critères qui doivent être pris en compte dans
la répartition des moyens du service public de l'éducation.
Sous réserve de cette modification, elle a émis un avis favorable
à l'adoption de l'article 75 du projet de loi.
Article additionnel après l'article
75
Aménagement de la mission et du service des
enseignants
Constatant qu'une grande partie des élèves
favorisés bénéficient d'une aide dispensée, soit
par leur environnement familial, soit par un marché privé du
soutien scolaire aujourd'hui florissant, votre commission considère, en
évitant toute stigmatisation de la démarche des familles en
faveur de leurs enfants, que ces pratiques sont contradictoires avec les
objectifs de justice sociale de l'école républicaine.
La consultation nationale qui vient d'être organisée sur l'avenir
des lycées a notamment révélé une demande
importante de suivi personnel et d'accompagnement des élèves et
la perspective de mise en place de programmes référentiels
communs à l'ensemble des lycéens, aussi bien dans les
filières générales que technologiques et professionnelles,
implique à l'évidence que tous les élèves aient la
possibilité de recourir à une aide individualisée, au sein
même des établissements.
Cet objectif conduit logiquement à redéfinir la mission et le
service des enseignants dont la fonction ne doit plus se limiter à
dispenser l'enseignement obligatoire de leur discipline mais s'étendre
à des activités de soutien, d'aide individualisée et
d'accompagnement des élèves sous une forme gratuite, notamment
pour les plus défavorisés, mais aussi pour ceux dont le milieu
familial est en rupture avec les normes et la pédagogie de
l'école.
Cet objectif vaut encore plus pour le collège et l'école primaire
où les retards accumulés se traduisent rapidement par une
situation d'échec scolaire.
Dans son rapport final, M. Philippe Meirieu, président du
comité d'organisation de la consultation nationale sur l'avenir des
lycées, propose notamment de réduire de 18 à 15 heures
l'horaire d'enseignement des professeurs certifiés devant
élèves et de dégager quatre heures hebdomadaires pour
assurer des activités pédagogiques et de soutien.
Sans aller jusqu'à rendre obligatoire cette nouvelle organisation du
service à l'ensemble des enseignants, votre commission proposera un
dispositif incitatif destiné aux enseignants volontaires qui
accepteraient une réduction de leur horaire d'enseignement en
échange d'un horaire de soutien individualisé aux
élèves supérieur d'une heure à la réduction
acceptée. Elle soulignera, en outre, la nécessité
d'évaluer ces activités de soutien afin de s'assurer de leur
efficacité.
Elle vous demande en conséquence de compléter l'article 14 de la
loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui définit
la mission des enseignants et d'adopter ainsi un article additionnel
après l'article 75 du projet de loi.
Article additionnel après l'article
75
Participation des enseignants
aux actions d'insertion des jeunes
et à l'éducation
permanente
Aux
termes de l'article 14 de la loi d'orientation sur l'éducation du
10 juillet 1989, les enseignants sont responsables de l'ensemble des
activités scolaires des élèves, apportent une aide au
travail personnel de ces derniers, les conseillent dans leur orientation et
participent aux actions de formation continue des adultes.
S'agissant de l'insertion professionnelle, c'est-à-dire d'un
accompagnement personnalisé vers l'emploi des jeunes en
difficulté, l'article 2 du projet de loi a pour objet de créer un
dispositif de " trajet d'accès à l'emploi " (TRACE)
dans le programme de prévention et de lutte contre les exclusions.
Le dispositif TRACE a pour objectif d'accompagner vers l'emploi les jeunes
confrontés à un risque d'exclusion professionnelle et devrait
concerner notamment les jeunes issus des quartiers sensibles ou sortis du
système scolaire sans diplôme ou qualification.
Ils se verront proposer un parcours d'insertion personnalisé articulant
des périodes de remobilisation, d'acquisition des savoirs de base, de
formation professionnelle et de mise en situation professionnelle (CES de
courte durée, contrats d'orientation, emploi dans une entreprise
d'insertion, contrat de travail temporaire), financé par le FNE dans le
cadre des dispositions du code du travail concernant la formation
professionnelle permanente.
A cet effet, l'Etat passera des conventions avec les régions qui sont
compétentes en matière de formation qualifiante et
préqualifiante des jeunes.
L'article 2 du projet de loi précise également que les conditions
de mise en oeuvre de ces actions d'accompagnement feront l'objet de conventions
conclues entre l'Etat, les missions locales et les agences locales pour
l'emploi.
Il prévoit en outre que des conventions pourront également
être conclues entre l'Etat et des établissements, organismes ou
associations d'enseignement général ou technologique assurant la
formation professionnelle des jeunes ou préparant leur insertion
professionnelle et sociale, dans les conditions fixées par l'article
L.982-2 du code du travail.
L'éducation nationale n'est donc pas absente de la mise en oeuvre du
programme TRACE et il convient de rappeler que celle-ci a mis en oeuvre depuis
1986 un dispositif d'insertion des jeunes, dit DIJEN, qui a été
fondu dans la mission d'insertion générale de l'éducation
nationale (MIGEN) après que la loi quinquennale pour l'emploi de 1993
ait stipulé dans son article 54 qu'aucun jeune ne devait sortir du
système scolaire sans formation.
L'animation de la mission d'insertion de l'éducation nationale est
actuellement assurée par quelque 700 personnels contractuels
recrutés et renouvelés chaque année par les recteurs en
fonction des besoins de leur académie ; il serait d'ailleurs souhaitable
que des possibilités de titularisation plus aisées que celles qui
sont offertes par les concours externes leur soient proposées puisque
certains d'entre eux sont en fonction depuis douze ans.
S'agissant de la mission générale d'insertion de
l'éducation nationale, votre commission tient à souligner que le
maintien au sein de l'institution scolaire, jusqu'au terme de la
scolarité obligatoire, de jeunes en situation d'échec scolaire
irrémédiable, ou qui rejettent manifestement le système
scolaire, est sans doute néfaste pour ces élèves ainsi que
pour les établissements qui les accueillent.
Sans revenir à des formules aujourd'hui considérées comme
des structures de relégation, telles les anciennes classes
préparatoires à l'apprentissage et les classes
préprofessionnelles de niveau, ni développer les classes
d'initiation préprofessionnelle d'apprentissage, prévues par
l'article 55 de la loi quinquennale sur l'emploi, qui n'ont pas connu le
succès escompté, il conviendrait sans doute qu'une
expérimentation puisse être engagée dans certains
établissements accueillant des élèves
particulièrement défavorisés afin de les autoriser
à suivre une formation en alternance avant le terme de l'obligation
scolaire.
L'éducation nationale est également présente dans le
domaine de la formation continue des adultes, à laquelle participent les
enseignants, conformément aux dispositions de l'article 14
précité, par le biais des groupements d'établissements
(GRETA) dont l'action s'inscrit dans le cadre de plans académiques de
développement élaborés et animés par les
délégués académiques à la formation continue.
Les GRETA participent, en liaison avec les entreprises, à des actions de
formation continue de leurs personnels et les 315 groupements offrent aux
stagiaires la possibilité de suivre un parcours individualisé :
ils délivrent chaque année quelque 15 000 diplômes
allant du CAP au BTS et plus de 520 000 stagiaires, salariés ou
demandeurs d'emploi, ont suivi des formations en 1995 ; les formations
générales à caractère professionnel regroupent
près de la moitié des stagiaires, tandis que les formations
administratives ou commerciales en regroupent près du quart, les
formations de niveau CAP et BEP constituant les plus gros effectifs.
Sous réserve d'une disponibilité des locaux et des personnels
nécessaires, les établissements scolaires participent donc
largement à la formation des adultes dans le cadre de l'éducation
permanente et à tous les niveaux (STS, formation complémentaire
post-CAP, BEP ou " bac pro "...).
Le recours aux structures de l'éducation nationale permet d'offrir des
solutions de proximité et d'individualiser les formations :
développement des connaissances de base notamment au sein d'ateliers
pédagogiques, formations qualifiantes très personnalisées
au sein de centres permanents, formation aux langues étrangères.
Ce dispositif a été complété depuis 1994 par la
mise en place de centres de bilan et de centres de validation, en application
du " nouveau contrat pour l'école ", qui ont pour fonction
d'aider les jeunes et les adultes à construire un projet personnel,
d'assurer une mission d'information et d'accompagner la validation des acquis
professionnels.
A cet effet, les décrets réglementant les diplômes
professionnels prévoient leur découpage en unités
capitalisables.
En 1995, ces structures de bilan et de validation ont accueilli
62 000 personnes, dont 50 000 jeunes bénéficiant
d'un cours personnalisé de qualification et d'insertion professionnelle
et 12 000 adultes au titre de la validation des acquis professionnels.
Afin de consacrer sur le plan législatif, et de développer le
rôle important joué par l'éducation nationale en
matière d'insertion professionnelle des jeunes en situation difficile,
et celui des enseignants dans le domaine de la formation continue, votre
commission proposera de compléter l'article 14 de la loi d'orientation
sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui définit leur
mission.
L'article 14 devrait ainsi préciser que les enseignants participent aux
actions d'insertion professionnelle des jeunes à l'issue de la
scolarité obligatoire, aux actions de formation continue des adultes et
à une politique d'éducation permanente validant notamment les
acquis professionnels tout au long de la vie active.
Elle vous demande, en conséquence, d'adopter cet article
additionnel.
Article 75 bis
Comités d'éducation
à la santé et à la
citoyenneté
I.
Texte adopté par l'Assemblée nationale
A l'initiative de MM. Denis Jacquat et Jacques Barrot, l'Assemblée
nationale a examiné un amendement qui avait pour objet de créer
au sein de chaque académie un comité d'appui aux acteurs de la
lutte contre l'exclusion.
La création de cette structure spécifique aurait permis de
favoriser la diffusion des expériences innovantes engagées en ce
domaine, les contacts entre l'école et les parents de milieux
défavorisés ainsi que la formation des enseignants à la
connaissance de la vie des familles, comme cela avait déjà
été expérimenté avec succès notamment dans
l'académie de Lille.
Suivant les observations du gouvernement, l'Assemblée nationale a
préféré que l'appui apporté aux acteurs de la lutte
contre l'exclusion se fasse au niveau des établissements scolaires, et
non en créant une nouvelle structure au sein de chaque
académie ; elle a en conséquence renvoyé cette action
aux comités d'éducation à la santé et à la
citoyenneté qui devraient être créés dans les
établissements en application du plan pour la santé scolaire
annoncé en conseil des ministres le 11 mars 1998.
II. Position de la commission
Votre commission considère qu'il importe en effet de
décentraliser autant que possible l'appui apporté aux acteurs de
la lutte contre l'exclusion et le niveau choisi, celui de
l'établissement, lui paraît le mieux adapté à cette
action et évite de créer en outre un comité
supplémentaire au niveau académique.
Elle a émis, en conséquence, un avis favorable à
l'adoption de cet article.
Article 76
Suppression de l'aide à la
scolarité
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Cet article tend à supprimer l'actuel système d'aide à la
scolarité institué par la loi du 25 juillet 1994
relative à la famille et modifié par la loi du
4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social.
Il abroge en conséquence les paragraphes I à V et le paragraphe
VIII de l'article 23 de la loi de 1994, les articles 56 et 57 de la loi de
1995, ainsi que les dispositions correspondantes du code de la
sécurité sociale (1er et 6ème alinéas de l'article
L. 241-6).
Comme il a été indiqué dans l'exposé
général du présent avis, l'aide à la
scolarité a été substituée en 1994 au
système des bourses de collège qui était à la fois
trop complexe, peu avantageux pour les familles et dont la gestion était
trop coûteuse.
L'aide à la scolarité est versée par les caisses
d'allocations familiales et attribuée aux familles
bénéficiant d'une prestation familiale, de l'APL, de l'aide aux
adultes handicapés ou du RMI.
S'ajoutent à ce critère social la prise en compte d'un plafond de
ressources et une condition d'âge, c'est-à-dire que l'aide
à la scolarité n'est versée qu'aux familles des enfants
entre 11 et 16 ans.
Si cette réforme s'est traduite par certains avantages pour les familles
et les gestionnaires du système (enveloppe globale plus
élevée, coûts de gestion réduits, attribution
à un nombre plus important de familles), elle a été aussi
à l'origine de graves dysfonctionnements.
Les raisons de l'échec de la réforme qui ont été
développées précédemment peuvent être ainsi
résumées :
- les familles ont d'abord pâti d'un manque d'information sur la
réforme qui s'est traduite pour elles par un versement unique de l'aide
à la scolarité en même temps que l'allocation de
rentrée scolaire : il en est résulté une confusion pour
nombre de familles habituées à percevoir les bourses de
collège en trois versements étalés tout au long des
trimestres de l'année scolaire ;
- la modification des critères d'attribution de l'aide à la
scolarité, par rapport aux bourses de collège, a eu pour
conséquence d'exclure un certain nombre de bénéficiaires
potentiels :
• les élèves de moins de 11 ans ou de plus de 16 ans,
déjà ou encore inscrits en collèges, soit environ
90 000 élèves ;
• les enfants de familles ne percevant aucune prestation familiale, et
notamment les familles modestes ayant un seul enfant à charge, soit
40 000 élèves.
En revanche, les élèves de l'enseignement primaire de plus de 11
ans et les élèves de moins de 16 ans déjà
scolarisés au lycée, soit environ 80 000
élèves sont éligibles à l'aide à la
scolarité.
- le versement unique de cette aide en début d'année scolaire,
qui est souvent intégralement dépensé, au même titre
que l'aide à la rentrée scolaire, a pu être à
l'origine de difficultés financières lors du paiement trimestriel
des frais de demi-pension, même s'il convient de rappeler que ces frais
sont sans commune mesure, avec le montant minimum ou même maximum de
l'aide à la scolarité.
Afin de remédier à certains de ces dysfonctionnements, une
allocation exceptionnelle, qui n'a pas été reconduite,
était prévue dans la loi de 1994 et le recours du fonds social
collégien, créé par le nouveau contrat pour
l'école, et géré par les établissements, a permis
de répondre aux situations les plus délicates.
Au-delà de ces expédients, qui ne constituent pas un droit pour
les familles, et qui nécessitent une démarche de leur part
auprès des établissements, il importait donc de revenir au
système des bourses de collège en le simplifiant.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 76 sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission, qui a été saisie à de multiples reprises
des difficultés de mise en oeuvre de la réforme de l'aide
à la scolarité, ne peut que se féliciter du
rétablissement d'un système de bourses de collège
aménagé et simplifié et donc de l'abrogation des
dispositions correspondantes de la loi de 1994.
Elle constate par ailleurs que le principe de ce rétablissement a fait
l'objet d'un avis favorable à la quasi-unanimité des membres du
Conseil supérieur de l'éducation le 5 mars 1998, seule l'UNAF
s'abstenant.
Toutes les autres organisations membres, tant syndicales que familiales, ou de
parents d'élèves, ont approuvé cette mesure.
Votre commission a, en conséquence, émis un avis favorable
à l'adoption de cet article.
Article 77
Rétablissement d'un
système de bourse de
collège
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Cet article introduit un nouvel article 21-1 dans la loi d'orientation du
10 juillet 1989 sur l'éducation afin de rétablir un
système de bourse de collège en remplacement de l'aide à
la scolarité qui a été supprimée par
l'article 76 sus-examiné.
Il tend ainsi à transposer l'article 23 de la loi du
25 juillet 1994 sur la famille, qui avait institué l'aide
à la scolarité, et maintient donc une distinction entre les
bourses nationales d'études versées aux familles des
élèves fréquentant les classes des lycées publics
et privés sous contrat ou des lycées privés
habilités à recevoir des boursiers nationaux, qui restent
régies par la loi du 21 septembre 1951 portant ouverture de
crédits sur l'exercice 1951, et les nouvelles bourses de collège.
- Le paragraphe I
du nouvel article 21-1 de la loi d'orientation
précise d'abord les conditions d'attribution des bourses de
collège : il remplace le critère d'âge requis pour
l'attribution de l'aide à la scolarité (11-16 ans) par une
condition d'inscription de l'élève, quel que soit son âge,
dans un collège public, un collège privé sous contrat ou
un collège privé habilité à recevoir des boursiers
nationaux.
Le critère des ressources des familles reste en revanche
apprécié, comme pour l'aide à la scolarité, selon
un plafond variant avec le nombre d'enfants à charge et
revalorisé comme le SMIC.
Il en est de même pour le calcul du montant de la bourse qui est
égal à un pourcentage de la base mensuelle de calcul des
prestations familiales.
D'après les indications fournies, les bourses de collège
devraient désormais comporter un troisième taux d'un montant de
1 800 F par an, pour les élèves des familles les plus
défavorisées, qui s'ajouterait aux deux taux existants de l'aide
à la scolarité (346 F et 1 108 F).
-
Le paragraphe II
du nouvel article 21-1 précise que les bourses
nationales de collège sont à la charge de l'Etat et
attribuées par le ministre chargé de l'éducation nationale.
Il convient de rappeler que la loi de finances pour 1998 prévoit
850 millions de francs pour l'aide à la scolarité qui seront
donc affectés au financement des bourses de collège, le
surcoût entraîné par les mesures nouvelles et le
troisième taux étant évalué à
150 millions de francs.
Son deuxième alinéa indique que les bourses sont servies aux
familles par les collèges publics ou par les services académiques
pour les élèves inscrits dans un collège privé.
Le remplacement des caisses d'allocations familiales, qui versaient l'aide
à la scolarité, par les établissements, devrait permettre
d'appréhender plus précisément les familles en
difficulté et, à ces dernières, de mieux distinguer la
bourse de l'allocation de rentrée scolaire.
D'après les indications fournies, les mesures réglementaires
d'application de cet alinéa devraient préciser que le versement
de bourse sera trimestriel pour les deux taux les plus élevés et
intervenir en une fois, au mois de décembre, pour le premier taux, cette
solution paraissant opportune compte tenu de la faiblesse du montant annuel
servi.
Ce deuxième alinéa précise enfin que la bourse sera servie
aux familles par les établissements, après déduction
éventuelle des frais de pension ou de demi-pension.
Ce dispositif de précompte automatique par l'établissement des
frais de demi-pension, qui ne vaut que pour les établissements publics,
apparaît plus satisfaisant que les systèmes qui prévalaient
antérieurement : en application de l'article L. 553-4 du code
de la sécurité sociale, la procédure de saisie-attribution
pouvait, en effet, être appliquée à l'aide à la
scolarité, tandis que l'article 57 de la loi du
4 février 1995 portant DDOS permettait, en cas de non-paiement
des frais de cantine, que l'aide à la scolarité soit
versée à l'établissement, sur sa demande, après
information et mise en demeure préalable de l'allocataire.
Le rétablissement du versement trimestriel de la bourse, accordé
au paiement trimestriel de la demi-pension, et ce dispositif de
précompte automatique par l'établissement devraient contribuer
à améliorer la fréquentation des cantines scolaires,
notamment dans les zones d'éducation prioritaires.
-
Le paragraphe III
du nouvel article 21-1 substitue le nouveau
dispositif du paragraphe I aux anciennes bourses nationales attribuées
aux élèves de collège en application de la loi du
21 septembre 1951.
Il a ainsi pour conséquence de créer deux types de bourses pour
l'enseignement secondaire, celles des collèges et celles des
lycées, alors que le système antérieur de l'aide à
la scolarité ne prévoyait qu'une seule catégorie de
bourses comportant des régimes différenciés.
-
Le paragraphe IV
du nouvel article 21-1 précise la
portée de l'article 1er de la loi du 21 septembre 1951 qui
continue de régir les bourses nationales d'études du second
degré pour les seuls élèves inscrits dans les classes des
lycées publics, des lycées privés sous contrat ou des
lycées privés habilités à recevoir des boursiers
nationaux.
Cet article 1er se borne à indiquer que des bourses sont
attribuées aux élèves sur un critère de ressources
des familles, qui a succédé à l'ancien critère de
mérite, que les parents peuvent inscrire leurs enfants dans un
établissement public ou privé et que les modalités
d'octroi de ces bourses sont fixées par décret.
Le paragraphe IV confère ensuite une base législative à
l'attribution des bourses nationales aux élèves des
établissements régionaux d'enseignement adapté qui sont
chargés d'accueillir des élèves souffrant d'une
déficience physique ou d'un trouble social associé.
En outre, il permet de pérenniser le système dérogatoire
dont bénéficie l'enseignement agricole.
Il convient à cet égard de rappeler qu'une initiative de votre
commission des affaires culturelles, dans la discussion de la loi du
4 février 1995 portant DDOS, a permis aux élèves
des établissements de l'enseignement agricole, de continuer à
percevoir leurs bourses après la création de l'aide à la
scolarité afin d'éviter des pertes de revenus pour les familles.
-
Le paragraphe V
prévoit enfin un décret pour
définir les modalités d'application du nouvel article 21-1 de la
loi d'orientation de 1989 sur l'éducation.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a d'abord modifié la place de cet article
dans la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation en insérant le
nouveau dispositif des bourses de collège non plus dans le titre III
relatif aux établissements d'enseignement mais dans le chapitre III
(droits et obligations) du titre premier relatif à la vie scolaire et
universitaire.
Au paragraphe II de l'article, elle a supprimé la précision aux
termes de laquelle ces bourses sont attribuées par le ministre
chargé de l'éducation nationale en estimant que celle-ci
était inutile et contraire à l'esprit de la réforme qui
vise à déconcentrer au plus près possible des
élèves et de leur famille, l'appréciation des situations.
Au paragraphe IV de l'article, elle a adopté un amendement
rédactionnel concernant les établissements régionaux
d'enseignement adapté.
Elle a enfin supprimé le paragraphe V qui prévoit que les
modalités d'application de l'article seront définies par un
décret simple, qu'elle a jugé inutile, le gouvernement disposant
d'un pouvoir réglementaire d'application des lois en vertu de l'article
21 de la Constitution.
III. Position de la commission
Si elle ne peut que se satisfaire d'un retour à un système de
bourses simplifié pour les familles, votre commission souhaiterait
cependant obtenir des assurances du gouvernement quant aux modalités
d'application de l'article 77 qui sont renvoyées pour l'essentiel au
règlement.
Elle souhaiterait notamment recevoir des précisions sur les conditions
d'attribution d'un troisième taux de bourse s'ajoutant aux deux taux
existants, et qui serait créé en faveur des familles les plus
défavorisées, ainsi que sur les modalités du versement des
bourses qui redeviendrait trimestriel, à l'exception du premier taux.
Elle voudrait surtout obtenir du gouvernement l'engagement que le montant des
bourses, notamment pour le premier taux, et les plafonds de ressources des
familles seront substantiellement revalorisés.
En effet, compte tenu des plafonds existants, les bourses de collège
resteront pour l'essentiel réservées aux familles
assistées subsistant grâce aux différents minima sociaux
alors que les salariés rémunérés au SMIC en seront
exclus.
A cet égard, elle ne peut que s'inquiéter des dérives d'un
système de bourse qui avait été créé
à l'origine pour les élèves méritants et qui
bénéficie aujourd'hui quasi exclusivement aux familles
bénéficiant de l'assistance.
Elle note enfin que les crédits affectés aux fonds sociaux
(120 millions de francs pour le fonds social collégien et
lycéen, 290 millions de francs pour le fonds social pour les
cantines) représentent aujourd'hui plus de la moitié des
crédits dévolus à l'aide à la scolarité
(850 millions de francs) et ne peut qu'exprimer son inquiétude
devant la montée en puissance d'aides sociales accordées aux
élèves les plus défavorisés, accordées au
cas par cas par les chefs d'établissement après une
démarche personnelle des familles, au détriment de l'exercice
d'un droit aux bourses subordonné à des conditions objectives de
ressources des familles.
Votre commission considère ainsi qu'une revalorisation et une extension
du champ des bénéficiaires des bourses de collège sont
indispensables, sauf à développer encore davantage les formules
sociales d'assistance qui devraient être réservées aux cas
marginaux. Elle observe enfin que le coût d'une revalorisation et d'une
extension des bourses serait sans commune mesure avec les crédits
considérables dégagés par la seule éducation
nationale pour financer les emplois-jeunes (4,5 milliards de francs pour trois
ans).
Sous réserve de ces observations, elle a émis un avis favorable
à l'adoption de l'article 77.
Article 78
Modulation des tarifs des services
publics
administratifs à caractère
facultatif
I.
Commentaire du texte du projet de loi
L'article 78 ouvre la possibilité de fixer les tarifs des services
publics administratifs facultatifs en fonction du niveau de revenu des usagers
et du nombre de personnes vivant au foyer.
Il précise que les tarifs les plus élevés ne peuvent
être supérieurs au coût par usager de la prestation
concernée.
Cette disposition transcrit dans la loi une jurisprudence du Conseil d'Etat, en
l'étendant à l'ensemble des services publics administratifs
à caractère facultatif.
Elle répond en cela à une préoccupation exprimée
à de nombreuses reprises par les parlementaires et les élus
locaux à propos des écoles de musique pour lesquelles la
juridiction administrative refusait jusqu'à une date récente, au
nom du principe d'égalité, aux collectivités locales la
possibilité de fixer des tarifs différenciés selon les
revenus des usagers.
Ce n'est, en effet, que depuis un arrêt du 27 décembre 1997,
commune de Gennevilliers et commune de Nanterre, que le Conseil d'Etat a admis
cette possibilité pour les écoles de musique alors qu'il avait
d'ores et déjà admis cette dérogation au principe
d'égalité pour de nombreux services publics administratifs
facultatifs.
Selon la règle énoncée dans la célèbre
jurisprudence Denoyez et Chorques (Conseil d'Etat, Section, 10 mai 1974),
les discriminations tarifaires entre les usagers d'un même service public
ne sont possibles que si une loi l'y autorise, si existent entre les usagers
des différences de situation appréciables ou si elles
répondent à une nécessité d'intérêt
général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.
Appliquant ces critères, l'arrêt de section du Conseil d'Etat du
26 avril 1985, ville de Tarbes, avait considéré,
à propos d'une école de musique créée et
gérée par la commune, que " les différences de
revenus entre les familles des élèves n'étaient pas
constitutives, en ce qui concerne l'accès au service public, de
différences de situation justifiant des exceptions au principe
d'égalité qui régit cet accès (et) que, d'autre
part, compte tenu de l'objet du service et de son mode de financement, il
n'existait aucune nécessité d'intérêt
général justifiant, pour la fixation des droits d'inscription,
une discrimination fondée sur les seules différences de
ressources entre ces usagers ".
Il faut souligner que si des modulations tarifaires en fonction du revenu ne
pouvaient être admises pour les écoles de musique au regard du
principe d'égalité, des tarifs différents selon que les
usagers sont ou non domiciliés dans la commune pouvaient être
établis, le Conseil d'Etat considérant qu'il existe entre ces
catégories d'usagers des différences de situation qui justifient
cette discrimination (arrêt CE Sect. 5 octobre 1984,
commissaire de la République de l'Ariège). A travers cette
jurisprudence, s'exprime l'idée qu'il serait paradoxal de
déposséder de toute liberté de gestion les
collectivités qui ont pris l'initiative de créer ces services et
qu'il n'est pas possible de les contraindre à offrir sans contrepartie
leurs services publics aux autres collectivités. Cette dernière
considération a néanmoins été
atténuée, le Conseil d'Etat précisant, d'une part, dans
le même arrêt, que le tarif le plus élevé
demandé aux non-résidents ne devait pas excéder le prix de
revient du service rendu et, étendant, d'autre part, le
bénéfice de l'égalité de traitement,
(CE Sect. 13 mai 1994, commune de Dreux), aux personnes qui ne
résident pas dans la commune mais qui ont un lien suffisant avec cette
dernière.
En ce qui concerne les services publics administratifs facultatifs, il faut
également indiquer que dans des cas de plus en plus nombreux, le Conseil
d'Etat avait été amené à admettre qu'une modulation
des tarifs puisse être décidée en fonction des
différences de revenus des usagers, l'intérêt
général qui s'attache à ce que tous les usagers du service
public puissent quelque soit leur niveau de revenu y avoir accès
justifiant, dans ces cas, la dérogation au principe
d'égalité.
Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que les tarifs d'une crèche
pouvaient varier en fonction des ressources des familles " au nom de
l'intérêt général qui s'attache à ce qu'(une)
crèche puisse être utilisée par tous les parents qui
désirent y placer leurs enfants, sans distinction selon les
possibilités financières dont dispose chaque foyer "
(CE, 20 janvier 1989, CCAS de La Rochelle). Il en a
jugé de même pour les cantines scolaires (CE, 10 février
1993, Ville de La Rochelle) puis pour les centres de loisirs (CE, 18 mars 1993,
Mme Dejonckeere et autres).
Cette possibilité de modulation au nom de l'intérêt
général admise aisément par le Conseil d'Etat pour des
services publics administratifs facultatifs à vocation sociale ou
socio-éducative n'a donc été que récemment admise
pour les services publics culturels que sont les écoles de musique.
Les termes de l'arrêt du 27 décembre 1997 frappent par
leur symétrie avec ceux utilisés pour les services publics
" sociaux " : la modulation tarifaire est justifiée
" eu égard à l'intérêt général
qui s'attache à ce que le conservatoire de musique puisse être
fréquenté par tous les élèves qui le souhaitent,
sans distinction de leurs possibilités financières ",
opérant en ce domaine une évolution vers une conception
équitable de l'égalité.
Le principe d'égalité des usagers devant le service public qui
constitue traditionnellement en droit public français un principe de
non-discrimination garantissant l'égalité en droit devient donc
un levier permettant de garantir l'égalité réelle des
usagers.
Les conclusions du commissaire du gouvernement sont à cet égard
éclairantes. Elles relèvent, en effet, que les
considérations d'intérêt général en rapport
avec l'objet du service qui justifient que des tarifs
différenciés puissent être édictés " ne
procèdent pas d'un objectif de redistribution des revenus, lequel ne
serait pas en rapport avec l'objet du service des écoles de musique,
mais du souci de permettre réellement à tous les enfants, sans
distinction d'origine sociale, d'accéder à l'enseignement de la
musique. " Cette conception du principe d'égalité est
partagée par le Conseil constitutionnel qui autorise des
dérogations au principe d'égalité dès lors que
l'intérêt général résultant de l'objectif de
réduction des inégalités les rend possible.
Le Conseil d'Etat a précisé que cette dérogation
était compatible avec le principe d'égalité
" dès lors notamment que les droits les plus élevés
restent inférieurs au coût par élève du
fonctionnement ".
Cette condition, déjà posée par le juge en ce qui concerne
les différenciations tarifaires par rapport au critère de
résidence dans la commune est reprise par l'article 78. Elle implique
que la modulation tarifaire ne puisse avoir pour objet la redistribution des
revenus entre les usagers du service public.
Dans la pratique, cette condition limitative laisse une large marge de
manoeuvre aux collectivités locales pour fixer leurs tarifs, la
référence au quotient familial n'étant définie que
par le niveau du revenu et le nombre de personnes vivant au foyer et la
modulation demeurant en tout état de cause une simple faculté.
II. Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a complété l'article 78 afin de
préciser que les modulations tarifaires ne doivent pas faire obstacle
à l'égal accès de tous les usagers au service public, ceci
signifiant que les différences de traitement entre usagers doivent
rester compatibles avec le principe d'égalité. Cette
précision bienvenue a pour objet de préciser que ces
différenciations tarifaires ont pour seul objet d'assurer
l'égalité réelle de tous les usagers du service public et
ne doivent pas avoir d'autres motifs, notamment celui de refuser à une
catégorie d'usagers l'accès au service au motif que ses revenus
lui permettent de bénéficier d'une prestation équivalente
hors du service public en cause.
III. Position de la commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de
modifications rédactionnelles.
Article 78 bis
Lutte contre
l'illettrisme
I.
Texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article 12 du projet de loi d'orientation vise à inscrire la lutte
contre l'illettrisme dans le code du travail et institue à cette fin un
nouvel article L. 900-6.
L'article 12 dispose ainsi que la lutte contre l'illettrisme fait partie de
l'éducation permanente, que les actions de lutte contre l'illettrisme
sont des actions de formation au sens de l'article L. 900-2 du code du travail,
c'est-à-dire que l'ensemble de la réglementation relative
à la formation professionnelle continue (actions de préformation,
d'adaptation, de promotion, de prévention, de conversion, de
perfectionnement au bilan de compétences) sera donc applicable aux
actions de lutte contre l'illettrisme.
Il offre enfin la possibilité aux entreprises de plus de neuf
salariés d'imputer les dépenses consacrées aux actions de
lutte contre l'illettrisme sur le montant de leurs contributions obligatoires
au financement de la formation professionnelle.
L'Assemblée nationale a adopté un nouvel article 78 bis
définissant la lutte contre l'illettrisme comme une mission prioritaire
du service public de l'éducation et y associant les autres services
publics.
II. Position de la commission
Votre commission ne pouvait que regretter que le projet de loi initial consacre
à la lutte contre l'illettrisme une seule disposition se limitant
à la remise à niveau des adultes, alors que la prévention
dès l'enfance et la sensibilisation des familles doivent constituer,
à l'évidence, les priorités de la lutte contre
l'illettrisme.
Les estimations les plus crédibles évaluent entre 10 et 20 %
la proportion des élèves entrant en sixième qui
rencontrent des difficultés de compréhension devant la lecture et
une étude de 1997 de l'INSEE établit que 10 % des jeunes
hommes d'une classe d'âge ont des problèmes de base en ce domaine.
Selon une autre étude de 1996 fondée sur les tests de lecture du
service national, le bilan de l'illettrisme s'établirait ainsi :
18,5 % des appelés se situeraient en-deçà du seuil de
la lecture d'un texte approfondi et, parmi cette population non
diplômée, 6 % des jeunes n'auraient pas accès à
l'écrit, 8 % ne sauraient lire que des mots isolés,
14 % que des phrases isolées et 22 % ne seraient capables que
d'une lecture superficielle de textes.
Dans le même sens, chargé d'une mission sur ce thème par le
Président de la République, M. Alain Bentolila évalue
à 10 % les élèves de CM2 en profonde détresse
et dénonce l'absence de politique cohérente contre l'illettrisme,
en relevant l'incapacité du système scolaire à
récupérer les élèves en grande difficulté.
En dépit d'initiatives pédagogiques récentes prises depuis
1990, et réaffirmées dans les nouveaux programmes pour
l'école primaire en 1995, de la création d'un observatoire
national de la lecture, ce constat sévère reste fondé.
Estimant que l'école joue évidemment un rôle prioritaire
dans la lutte contre l'illettrisme, votre commission souhaiterait obtenir des
précisions du gouvernement sur les nouvelles orientations qui avaient
été annoncées l'an dernier en faveur de la lecture
(initiation en maternelle, dépistage des élèves à
partir d'évaluations périodiques, définition
d'itinéraires individualisés, approche plus ludique de
l'apprentissage de la lecture), et sur les résultats du colloque
consacré aux inégalités devant la lecture qui devait
être organisé au début de 1998.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis un avis
favorable à l'adoption de cet article.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Richert,
rapporteur, sur le projet de loi n° 445 (1997, 1998), adopté
par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation relatif à la
lutte contre les exclusions
au cours
d'une réunion tenue le 3 juin 1998 sous la présidence de
M.
Adrien Gouteyron
.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Franck Sérusclat
, approuvant les propos du rapporteur pour
avis, a partagé ses regrets concernant la modestie des dispositions
relatives à l'accès à la culture et à
l'éducation présentées dans le projet de loi. Il s'est,
par ailleurs, interrogé sur l'opportunité d'adopter un nouveau
dispositif d'attribution des bourses.
M. Lylian Payet
, considérant que l'exclusion culturelle est la
pire de toutes les exclusions, a déploré que le volet culture du
projet de loi soit réduit à la portion congrue.
Après avoir exprimé son accord avec l'exposé du
rapporteur,
M. Serge Lagauche
a relevé que le mouvement en
faveur de la démocratisation de la culture avait vu le jour sous le
Front populaire. A propos des problèmes posés par le
régime de l'aide aux familles et la baisse de fréquentation des
cantines scolaires, il a rappelé les efforts accomplis par les
départements dans le domaine de la restauration scolaire et qui se
traduisent aussi bien par une amélioration des conditions d'accueil des
élèves que par la modulation des tarifs de cantine.
M. Jean Bernadaux
, s'est inquiété de fermetures de classes
et de suppressions de postes dans certaines zones d'éducation
prioritaires, alors que les communes avaient créé des
emplois-jeunes. Il a fait observer que les emplois-jeunes devaient venir en
complément et non en compensation des moyens dégagés par
l'éducation nationale. Soulignant l'intérêt du fonds social
collégien, il a souhaité que la revalorisation des bourses de
collèges ne se traduise pas par une réduction des crédits
qui lui sont affectés.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les
précisions suivantes :
- l'institution de l'aide à la scolarité, en 1994, avait pour
objet de réduire le coût de gestion des bourses de collège
par l'éducation nationale, en confiant la gestion du nouveau
système aux caisses d'allocations familiales ;
- la substitution d'un critère d'âge à la condition
d'inscription en collège a eu pour effet d'écarter du
bénéfice de l'aide les collégiens de moins de onze ans en
avance dans leur scolarité et ceux de plus de 16 ans encore inscrits au
collège ;
- la mise en oeuvre de la réforme des bourses de collège a
révélé des inconvénients ultérieurs qui sont
nés notamment d'une confusion entre les deux aides versées en une
fois à la rentrée scolaire (allocation de rentrée scolaire
et aide à la scolarité) et qui résultent du fait que
certaines familles n'ont plus été en mesure de payer les frais de
demi-pension des trimestres ultérieurs et ainsi ont été
conduites à retirer leurs enfants des cantines scolaires ;
- le rétablissement du système des bourses de collège
s'accompagnerait d'une simplification des procédures pour les familles,
notamment quant à l'instruction des dossiers ;
- en dépit des améliorations proposées par la commission
des affaires sociales, pour étendre notamment le bénéfice
de l'aide à la scolarité aux collégiens de plus de 16 ans,
un retour à un système géré par l'éducation
nationale apparaît préférable à un
aménagement du système actuel qui resterait géré
par les CAF ;
- la politique culturelle a un rôle fondamental à jouer dans la
lutte contre les exclusions. Il ne doit pas être minoré.
Néanmoins, le projet de loi d'orientation ne constitue pas le cadre
adéquat pour refonder l'ensemble de la politique culturelle et de la
politique de l'éducation ;
- il est exact que la politique de développement de l'accès
à la culture et aux loisirs a débuté avant la
Libération, mais l'égal accès à la culture a
été inscrit pour la première fois dans les textes par le
préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- si des suppressions de postes ont pu intervenir dans les ZEP en raison
notamment de l'évolution démographique de ces zones, on y
constate cependant une amélioration globale de l'encadrement des
élèves ; en revanche, il ne semble pas qu'une
corrélation puisse être observée entre ces suppressions de
postes et le recours aux emplois-jeunes dont le rôle apparaît
complémentaire par rapport à celui des enseignants ;
- le projet de loi d'orientation ne porte pas atteinte aux possibilités
d'intervention du fonds social collégien mais il convient de souligner
que les crédits affectés aux fonds sociaux (fonds social
collégien et lycéen, fonds social pour les cantines)
représentent plus de la moitié des crédits des bourses de
collège ;
- si les bourses de collège sont attribuées automatiquement aux
familles sous réserve que celles-ci répondent aux conditions de
ressources posées, les fonds sociaux, gérés par les chefs
d'établissement, devraient être réservés aux besoins
d'urgence et ne pas être détournés de leur vocation , sauf
à encourager le développement de l'assistanat.
M. Adrien Gouteyron, président
, a rappelé que la
réforme de 1994 instituant l'aide à la scolarité
était fondée sur d'excellents arguments mais a constaté
que sa mise en oeuvre, comme l'avaient souligné les rapports des
inspections générales de l'éducation nationale, avait eu
des effets sociaux néfastes pour les familles défavorisées.
La commission a procédé à l'examen des articles au cours
duquel sont intervenus, outre le
rapporteur
pour avis
et le
Président Adrien Gouteyron, Mme Danièle Pourtaud et MM. Jean
Bernadaux, Jean Bernard, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel
Eckenspieller, Serge Lagauche, André Maman, Pierre Martin, Lylian Payet
et
Franck Sérusclat.
Après avoir adopté les amendements proposés par son
rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption
des dispositions du chapitre V du titre II du projet de loi ainsi
modifiées.
AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
Article 74
Amendement
Rédiger comme suit le début du premier alinéa de cet
article :
L'égal accès de tous...
Article 74
Amendement
Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :
La réalisation de cet objectif passe notamment par le
développement des enseignements artistiques dispensés dans les
établissements scolaires, l'organisation d'activités sportives et
culturelles hors du temps scolaire, l'aide à la formation dans le
secteur de l'animation et des activités périscolaires ainsi que
des actions de sensibilisation des jeunes fréquentant les structures de
vacances et de loisirs collectifs. Elle passe également par le
développement des hébergements touristiques à
caractère social et familial et l'organisation du départ en
vacances des personnes en situation d'exclusion.
Article 74
Amendement
Remplacer la seconde phrase du dernier alinéa de cet article par un
alinéa ainsi rédigé :
Au titre de leur mission de service public, les établissements culturels
financés par l'Etat ont pour obligation de lutter contre les exclusions.
Article 75
Amendement
Rédiger ainsi le I de cet article :
I - Il est inséré, après le deuxième alinéa
de l'article premier de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation, deux alinéas ainsi
rédigés :
" Pour garantir ce droit, la répartition des moyens du service
public de l'éducation tient compte des différences de situations
objectives notamment en matière économique et sociale.
" Elle a pour objet de renforcer l'encadrement des élèves
dans les écoles et établissements d'enseignement situés
dans des zones d'environnement social défavorisé et des zones
d'habitat dispersé, et de permettre de façon
générale aux élèves en difficulté de
bénéficier d'actions de soutien individualisé.
Article additionnel après l'article 75
Amendement
Après l'article 75, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
Il est inséré après le deuxième alinéa de
l'article 14 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation deux alinéas ainsi
rédigés :
" Le service du personnel enseignant des établissements
d'enseignement du second degré comporte des activités
d'enseignement et des activités d'encadrement pédagogique
destinées notamment à apporter une aide personnalisée aux
élèves en difficulté.
" Une indemnité spécifique peut être accordée
à ces personnels acceptant une réduction des maxima de service
hebdomadaire d'enseignement et consacrant le nombre d'heures ainsi
dégagé, majoré d'une heure, à ces activités
de soutien individualisé. "
Article additionnel après l'article 75
Amendement
Après l'article 75, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 14 de
la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur
l'éducation est remplacée par un alinéa ainsi
rédigé :
" Ils participent aux actions d'insertion professionnelle des jeunes
à l'issue de la scolarité obligatoire, aux actions de formation
continue des adultes et à une politique d'éducation permanente
validant les acquis professionnels tout au long de la vie active ".
Article 75 bis
Amendement
A - Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :
Après l'article 21 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
précitée, il est inséré un article 21 bis ainsi
rédigé :
B - En conséquence, rédiger comme suit le début du premier
alinéa de cet article :
" Art. 21 bis - Le comité...
Article 78
Amendement
Rédiger comme suit les deux derniers alinéas de cet article :
Les tarifs ainsi fixés ne font pas obstacle à l'égal
accès de tous les usagers au service.
Les tarifs les plus élevés ne peuvent être
supérieurs au coût par usager de la prestation
concernée.
1
Rapport de la commission
d'enquête sur
l'état des droits de l'enfant en France, notamment au regard des
conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité
n° 871 AN, IIè législature.
2
L'école devant la grande pauvreté - 1998.
3
Rénovation du service public de l'éducation
nationale : responsabilité et démocratie - Février 1998
4
Source : Éducation et formation n° 41, 1995.
5
Les déterminants de la réussite scolaire en zone
d'éducation prioritaire - IGEN - IGAEN - Catherine Moisan et Jacky Simon
- Septembre 1997.
6
Les établissements sensibles dans leur environnement -
juin 1994.
7
Le fonctionnement des établissements sensibles, juillet
1994.
8
Note relative à la fréquentation des cantines
scolaires - Alain Dulot, Céline Wiener - IGAEN - IGEN - mars
1996