INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions
s'inscrit, comme le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la
cohésion sociale dont la précédente majorité avait
commencé l'examen en mars 1997, dans la droite ligne des engagements du
président de la République s'agissant de la réduction de
la fracture sociale.
Ce projet de loi vise à garantir l'accès de tous aux droits
existants, à prévenir les expulsions et à rénover
les institutions sociales qui participent à ces actions.
Les dispositions du projet de loi s'agissant du logement sont importantes et
votre Commission des Affaires économiques compte tenu de la saisine au
fond de la commission des Affaires sociales et des saisines pour avis des
commissions des Lois et des Finances s'est plus particulièrement
intéressée :
- aux modifications apportées à la loi du
31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit s'agissant des
plans départementaux d'action pour le logement des personnes
défavorisées, du régime des fonds de solidarité
pour le logement, et de la reconnaissance du rôle des associations en
matière de médiation locative,
- à la création d'une taxe sur la vacance,
- aux mesures tendant à faciliter la construction de logements
sociaux,
- au régime des attributions qui est réformé afin de
renforcer la transparence et l'égalité des chances dans
l'accès au logement social,
- aux articles additionnels adoptés par l'Assemblée
nationale, relatifs au supplément de loyer de solidarité, au
champ d'application de la loi du 13 juillet 1991 d'orientation pour
la ville, et aux relations entre les bailleurs sociaux et leurs locataires,
s'agissant de la location d'une aire de stationnement et de la durée du
préavis en cas de congé.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA MONTÉE DE L'EXCLUSION PAR LE LOGEMENT
1. L'extension de la précarité en matière de logement
Le
phénomène de l'exclusion par le logement reste encore difficile
à appréhender de façon exacte, malgré les efforts
d'analyse et de définition réalisés par les pouvoirs
publics, les organismes bailleurs et les associations, notamment depuis la mise
en place de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au
logement.
Les méthodes statistiques traditionnelles sont plus adaptées au
dénombrement d'un stock de personnes dans une situation
déterminée qu'à l'évaluation de flux, avec des
mouvements d'aller-retour parfois fréquents.
Selon toutes les études réalisées et compte tenu de
l'expérience et de la connaissance des acteurs de terrain, l'exclusion
n'apparaît pas comme l'expression d'un système dual, mais
plutôt comme un ensemble de trajectoires " organisées "
en cercles concentriques qui peuvent s'interpénétrer. Il ne
s'agit plus d'une marge sociale mais d'une fraction de la population soumise
à un processus de fragilisation ou de
vulnérabilité
1(
*
)
.
Les critères les plus couramment admis pour identifier ce
phénomène sont de deux ordres :
- des critères liés aux conditions de ressources (niveau,
instabilité, précarité vis-à-vis de l'emploi) ;
- des critères liés aux conditions de logement ou à
la situation par rapport au logement (absence de domicile, insalubrité
du logement, menace d'expulsion, inadaptation à la famille).
Faute d'avoir été actualisées, les données
disponibles sont celles figurant dans le rapport du BIPE, établi en 1992
et peuvent être ainsi résumées.
200.000 personnes sont exclues du logement,
dont
- 98.000 SDF
- 45.000 en abris de fortune
- 59.000 en centres d'urgence (y compris des familles)
470.000 personnes sont logées en meublés ou en chambres
d'hôtels
1.576.000 sont mal logées,
dont :
- 147.000 en habitations mobiles (y compris les gens du voyage
semi-sédentarisés)
- 1.429.000 en logements hors normes
- 176.000 en foyers de travailleurs
2.800.000 personnes sont hébergées chez des parents ou des amis
De plus, des analyses convergentes témoignent de la
" banalisation " et de la " calcification " du
phénomène d'exclusion par le logement. On assiste à une
extension de la précarité vers de nouvelles catégories de
population qui jusque là n'étaient pas touchées, le
basculement vers l'exclusion étant dû à une rupture, soit
dans la vie familiale, soit dans le travail, soit dans le statut administratif.
On assiste à une diffusion des difficultés de logement dans de
nombreuses couches de la société et d'aggravation de la situation
de ceux qui sont exclus. Ainsi, selon le dernier rapport de la Fondation
Abbé Pierre, publié en mars 1997, parmi les personnes
confrontées à des difficultés de logement, on note une
augmentation du nombre des 25-35 ans, des familles avec enfants et
même des titulaires d'un emploi, mais le plus souvent à temps
partiel ou à durée déterminée.