Art. 72
(Art. 43-5 et 43-6 de la
loi n° 88-1088 du
1er décembre 1988)
Fournitures minimum d'énergie,
d'eau et de téléphone
Cet article renforce et élargit le chapitre III de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion , portant sur l'accès à une fourniture minimum d'eau et d'énergie, afin de l'élargir à la fourniture de services téléphoniques et de garantir le maintien de la fourniture d'énergie et d'eau jusqu'à l'intervention du dispositif d'aide spécifique.
La loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle a imposé des obligations aux distributeurs d'eau et d'énergie à l'égard des plus démunis, afin de faciliter la conclusion de conventions entre l'Etat et les entreprises ou établissements publics intéressés.
L'article 43-5 de la loi du 1er décembre 1988 modifiée précitée prévoit que toute personne en situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou préserver son accès à une fourniture d'eau et d'énergie.
L'article 43-6 institue un dispositif conventionnel d'aide , à la fois sur le plan national et le plan départemental, avec les établissements publics chargés de la distribution d'électricité et de gaz ; les collectivités territoriales, les CCAS et les organismes de protection sociale sont invités à participer au mécanisme au niveau des conventions départementales.
Deux conventions ont été conclues sur le plan national depuis 1996 :
- une charte « solidarité-énergie » a été signée en 1996 entre l'Etat, d'une part, et Electricité de France et Gaz de France, d'autre part. Ce dispositif a permis d'aider 147.000 familles en 1996 : le coût total de l'engagement est de 150 millions de francs dont 42 millions de francs à la charge d'EDF et de GDF ;
- une charte « solidarité-eau » a été signée en novembre 1996 entre l'Etat et les distributeurs d'eau. Le dispositif concerne les consommateurs qui sont abonnés directement à ce service public ; les usagers qui n'ont pas de compteurs individuels et qui acquittent les frais de facture d'eau dans leurs charges locatives continuent à relever des Fonds de solidarité logement.
A travers la Charte Solidarité Eau, les distributeurs d'eau privés s'engagent pour les plus démunis :
- à prendre en charge à hauteur de 15 millions de francs, tout ou partie des factures d'eau des plus démunis,
- à maintenir la fourniture de l'eau pendant toute la durée d'étude du dossier par la commission solidarité eau créée au niveau départemental pour traiter les cas d'impayés,
- à ne pas couper l'eau après 12 heures, ni les vendredis, samedis, dimanches, jours de fête et veilles de jours de fêtes,
- à mener des actions préventives.
Les distributeurs d'eau ont désigné, dans chacune de leurs agences locales, un correspondant Solidarité eau, interlocuteur des plus démunis.
Dans le projet de loi initial, cet article apporte trois modifications par rapport au dispositif existant :
- tout d'abord, la garantie d'une aide de la collectivité, pour accéder ou préserver un accès à une fourniture minimum, est étendue aux services téléphoniques .
Sur ce point, il convient de rappeler, que l'article 8 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications prévoit la création d'un service universel fourni dans des conditions tarifaires et techniques « prenant en compte les difficultés spécifiques rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes en raison de leur niveau de revenus ou de leur handicap ».
Conformément aux directives européennes relatives au service universel du téléphone, ce « service universel » doit comporter la mise en place de tarifs sociaux pour les personnes handicapées ou démunies ainsi que la possibilité de conserver un service restreint (maintien de la réception des appels ; accès aux numéros verts ou aux numéros de secours d'urgence).
Le dispositif n'est pas réellement mis en oeuvre de manière systématique à ce jour ; le coût de la mise en oeuvre des tarifs sociaux a été évalué à 921 millions de francs pour 1998.
- Par ailleurs, cet article complète le principe de l'aide à l'accès ou à la préservation de l'accès aux services par celui du maintien de la fourniture d'eau et d'énergie en cas de non-paiement jusqu'à l'intervention du dispositif d'aide défini par voie conventionnelle.
Cette obligation de non-coupure concerne le maintien de la fourniture d'énergie (électricité et gaz) et d'eau, mais pas les services téléphoniques.
- Enfin, cet article étend aux distributeurs d'eau le dispositif national d'aide et prévention jusqu'alors réservé à la fourniture d'électricité et de gaz. Les « organisations professionnelles de distributeurs d'eaux » doivent conclure des conventions nationales. Ces distributeurs d'eau doivent s'associer aux conventions passées au plan départemental avec le préfet. Il est précisé que ces conventions « déterminent les conditions d'application des conventions nationales ».
S'agissant de la distribution d'eau, le financement est compliqué par le fait que le produit de la facture d'eau revient à différents intervenants : distributeur d'eau, organismes publics et collectivités locales.
La politique de recouvrement des factures d'eau pour les plus démunis est très ancrée localement au niveau de la commune. Elle a montré son efficacité quotidienne auprès des collectivités délégantes. Plusieurs dizaines de milliers de dossiers sont traités par les distributeurs d'eau avec les services sociaux des collectivités et les associations caritatives chaque année et trouvent ainsi une solution financière avec le plus souvent une participation de la collectivité et/ou du distributeur (souvent sous forme d'abandons de créances). Le traitement des situations des personnes démunies est extrêmement développé et affiché dans les chartes « service-client » qui prévoient des dispositifs spécifiques et en particulier un contact personnalisé.
S'agissant de l'examen de cet article à l'Assemblée nationale, on signalera, pour mémoire, que la commission spéciale avait adopté, malgré la position contraire de son rapporteur, un amendement prévoyant la fourniture gratuite d'un minimum d'eau et d'énergie aux usagers des services publics et qui n'a pas été discuté en séance en raison de l'application de l'article 40 de la Constitution.
Votre rapporteur souligne que les situations sont diverses et que la notion de fourniture minimale gratuite pourrait avantager le propriétaire d'une résidence secondaire qui ne l'occuperait que peu de temps dans l'année et ne répondrait pas à l'inquiétude de la famille nombreuse d'un titulaire d'un minimum social qui serait hors d'état de faire face à ses factures : une approche personnalisée, telle que celle conduite depuis la mise en place de la loi sur le RMI, semble donc préférable.
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Patrick Devedjian, avec avis favorable du Gouvernement, portant sur le dispositif des conventions nationales, pour que soient visés les « distributeurs d'eaux » et non plus seulement les « organisations professionnelles de distributeurs d'eau » : la formulation du projet de loi initial avait pour conséquence d'écarter du dispositif d'aide aux plus démunis, les services de distribution d'eau en régie.
Le présent article ainsi modifié a été adopté à l'unanimité.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.