2. Les réacteurs hybrides
a) L'intérêt du concept de réacteur hybride
L'intérêt renouvelé, depuis la fin des
années 1980, pour le concept de réacteur hybride
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)
tient certes au rôle que ce
dernier pourrait jouer pour la production d'énergie, mais surtout
à la réflexion sur les concepts innovants concernant la
transmutation des déchets à vie longue.
Ce concept a été repris par une équipe américaine
de Los Alamos, avec comme objectif premier la destruction sous haut flux
neutronique des déchets radioactifs. Les Japonais ont suivi avec le
projet Omega mais le sujet a surtout été popularisé
à partir de 1993 par le professeur Carlo Rubbia, qui anime les travaux
d'une équipe du CERN. Les projets successifs du professeur Rubbia ont
balayé des concepts assez différents les uns des autres et leurs
objectifs ont un peu évolué. Ainsi qu'il a été dit
à votre commission d'enquête à l'occasion des contacts
qu'il a eu avec l'équipe du prix Nobel, après avoir surtout mis
en avant les qualités de sûreté, voire de
non-prolifération de son réacteur hybride (ou
" Amplificateur d'Energie ", dans sa version la plus récente),
le Pr Rubbia souligne aujourd'hui qu'il est particulièrement bien
adapté à la transmutation des déchets radioactifs à
vie longue.
S'agissant de l'aspect sûreté
de ce type de
réacteur, il n'est possible que de donner un avis à
caractère très général, car la sûreté
ne peut s'apprécier réellement qu'au stade d'un avant-projet
détaillé. Selon le CEA, le fait que le milieu multiplicateur soit
sous-critique, à condition qu'il le reste, localement, en toutes
circonstances,
éliminerait la classe d'accidents dits " de
réactivité ".
C'est un accident de ce type qui a
provoqué la catastrophe de Tchernobyl, mais il faut relever que cette
classe d'accident ne contribue que très faiblement au risque total dans
les réacteurs à eau (qui constituent l'essentiel des parcs
nucléaires occidentaux).
La contribution principale au risque serait
l'interruption de
refroidissement du coeur après arrêt du réacteur, alors que
subsiste une puissance résiduelle
dégagée par les
désintégrations radioactives des produits de fission.
Pour la
transmutation des déchets radioactifs
, il vaut mieux que
le coeur du réacteur hybride soit à neutrons rapides. Tel est le
cas de l'Amplificateur d'Énergie du Pr. Rubbia. Du bilan des
études réalisées, il résulte -selon EDF- que les
systèmes hybrides présentent a priori des avantages non
décisifs toutefois, pour l'incinération spécifique des
actinides mineurs.
Selon le CEA, on conçoit mal pourquoi on ferait l'effort
considérable de développer ces systèmes très
complexes, sans avoir clairement identifié un
" créneau " où ils auraient des chances de se
révéler significativement supérieurs aux réacteurs
" critiques " modernes, REP ou réacteurs à neutrons
rapides. Aujourd'hui, il ne semble pas que ce créneau puisse être
la production économique et sûre d'électricité.
En revanche, toujours selon le CEA, les réacteurs hybrides seraient
particulièrement bien adaptés, de par leurs
caractéristiques neutroniques, au créneau de la transmutation des
déchets radioactifs à vie longue, surtout dans les
scénarios où l'on choisirait de concentrer le maximum de
déchets dans un minimum de réacteurs
incinérateurs.
b) Vers une installation expérimentale
En
France, les études sur les réacteurs hybrides en sont
au stade
de la recherche " amont ".
Depuis le 1er janvier 1996, toutes les études engagées par
l'Institut de Physique Nucléaire de Grenoble, le CERN, le CEA, le CNRS
et EDF sont désormais coordonnées au sein du groupement de
recherches GEDEON, dont le sigle (Gestion des Déchets par des Options
Nouvelles) indique bien l'objectif directeur. Initialement créé
par le CEA, le CNRS et EDF, il a accueilli Framatome an début 1998 et
l'ANDRA est représentée au Conseil de Groupement.
Il semble que les résultats obtenus aujourd'hui soient suffisamment
encourageants et que le concept ait acquis aujourd'hui une certaine
crédibilité technologique pour que les études
correspondantes soient approfondies et que soit envisagée, si leurs
conclusions en confirmaient l'intérêt, la réalisation d'une
installation expérimentale.
Il apparaît cependant clairement que si une machine de
démonstration était construite, ce ne pourrait être que
dans un cadre plurinational européen et avec une contribution
financière de l'Union européenne.
On peut penser que la convergence plurinationale sur un démonstrateur
unique amènera à écarter beaucoup d'options dans le
très large éventail de ce qui apparaît conceptuellement
possible, ne serait-ce que pour des questions de calendrier.
Il sera donc
important de continuer à mener en parallèle des actions de
recherche et développement sur les plus prometteuses des options
écartées
.
La construction d'une installation de démonstrateur apparaît
comme une étape indispensable aux yeux de bien des experts.
Elle
permettrait notamment de qualifier les performances d'une telle machine
d'incinération pour des actinides mineurs, ce qui doit être
logiquement la finalité effective d'une telle installation pour
répondre à la loi du 31 décembre 1991,
même si on dépasse évidemment son horizon.
Ce n'est
,
en effet,
au plus tôt qu'en 2006
, c'est-à-dire à
l'échéance posée par la loi,
qu'il pourrait être
envisagé de commencer à construire un tel
" démonstrateur
"
.
Cet objectif, fondamental, s'inscrit alors dans une démarche de
recherche et développement à long terme, du ressort des
organismes de recherche. Dès lors, ne pourrait-on envisager que la
Commission européenne la cautionne et la finance pour partie ?
N'est-il pas, par ailleurs, nécessaire de passer de collaborations
bilatérales avec nos homologues européens, japonais,
américains et russes, sur le thème des réacteurs hybrides,
à une coopération réellement plurinationale ?
Celle-ci n'est-elle pas, en effet, un préalable à la mise en
place, le moment venu, d'une structure destinée à mener
l'avant-projet, le projet, puis la réalisation éventuelle d'un
" démonstrateur " ?
S'agissant du concept de réacteur hybride, votre commission
d'enquête estime nécessaire le lancement d'un démonstrateur
expérimental d'une taille significative
.
Il pourrait, par exemple, être monté sur une installation d'une
puissance thermique d'une centaine de mégawatts alimentée par une
accélération fournissant un faisceau de 3 à 5 MW.
L'installation pourrait servir d'outil d'irradiation de combustibles innovants
à base d'actinides mineurs et de cibles de produits de fission à
vie longue, qui pourraient dans une deuxième phase être
utilisés dans le coeur sous-critique.