II. ...A SUSCITÉ LA MISE EN PLACE D'UNE LÉGISLATION QUI APPARAÎT AUJOURD'HUI LACUNAIRE
S'il n'est pas devenu un sujet de droit à part
entière, l'animal n'en est pas moins l'objet d'une importante
législation.
Celle-ci, au regard du projet de loi qui
est soumis à votre Haute Assemblée, peut être
appréhendée sous deux angles : celui de la
sûreté des personnes qui peuvent être les victimes de
certains animaux dans des circonstances particulières et celui de la
protection des animaux. Ces deux volets constituent un seul et même
domaine, celui de la relation entre l'homme et l'animal.
A. L'ANIMAL ET LA SÛRETÉ DES PERSONNES
L'animal cause parfois des dommages à l'homme.
Le
droit et la jurisprudence ont réussi à répondre, dans
l'ensemble, à ces problèmes.
Un examen approfondi du
dispositif législatif en vigueur au sujet des chiens démontre
ainsi qu'il existe de nombreux éléments de protection des
personnes dans le droit.
Les mesures sont toutes fondées sur la
responsabilité individuelle
. Elles permettent tout autant une
action préventive que répressive.
Or, la
prolifération du phénomène des " chiens
dangereux " qui se développe depuis le début des
années 1990 met en question de façon brutale la
sécurité des Français et frappe souvent les plus fragiles
de nos concitoyens.
Cette forme de violence, dont l'animal est
l'instrument, nécessite de la part des pouvoirs publics une
réponse urgente et rigoureuse.
1. Les mesures de droit commun
De nombreuses dispositions générales sont applicables au propriétaire ou gardien dont la responsabilité peut être engagée consécutivement aux faits de l'animal dont il a la garde. Ces textes permettent d'intervenir aussi bien à titre répressif que préventif.
a) La répression des crimes et des délits
Il s'agit des crimes et délits que l'homme peut commettre
de n'importe quelle manière, et notamment avec son chien. Effectivement,
les animaux ne pouvant être poursuivis devant les tribunaux depuis la fin
du Moyen-Age, c'est le propriétaire, ou du moins la personne qui a la
garde de l'animal, qui est considéré comme responsable direct du
dommage et par la suite incriminée aux lieu et place de son
animal
5(
*
)
.
Les textes d'application générale
Nous ne citerons que quelques-uns de ces textes du Nouveau Code
Pénal (N.C.P), car leur objectif étant de couvrir toutes les
atteintes possibles, ils sont extrêmement nombreux. (Article 221-1
sur les atteintes involontaires à la vie, Article 222-7 et
Article 222-8 sur les violences, Article 222-17 et article
222-18 sur les menaces).
Ces textes sont tout à fait
efficaces dans la sanction des infractions commises en utilisant un chien.
Le cas particulier de l'usage de l'animal comme d'une
arme
Il est prévu par l'alinéa 4 de
l'article 132-75 du Nouveau Code Pénal, issu de l'article 19
de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996, dite loi Toubon que :
"
L'utilisation d'un animal pour tuer, blesser ou menacer est
assimilée à l'usage d'une arme.
En cas de condamnation du
propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le
tribunal peut remettre l'animal à une oeuvre de protection animale
reconnue d'utilité publique ou déclarée, laquelle pourra
librement en disposer. "
Ce texte n'est pas une incrimination
autonome, mais entraîne une aggravation de la responsabilité du
maître ou du gardien lorsqu'il s'est servi de l'animal aux fins de
menaces, blessures ou homicides, ce délinquant étant
considéré comme armé au moment de ces délits ou
crimes.
L'article 19 de la loi précitée est
intervenu de façon tout à fait opportune en aménageant une
place spéciale à l'animal dans l'article 132-75 du Nouveau
Code Pénal qui définissait préalablement les armes en se
référant exclusivement au terme " objet ".
La loi n'assimile pas néanmoins les chiens dangereux
à des armes. Elle considère la personne responsable du fait de
l'animal comme ayant utilisé une arme au moment des faits.
Ainsi, cette loi rend, par exemple, inapplicable
l'article 131-14-3° du Nouveau Code Pénal. Il est possible en
effet de confisquer une ou plusieurs armes d'un condamné, mais pas de
faire saisir un chien qui appartiendrait à une personne condamnée
notamment sur le fondement de son usage comme d'une arme.
On peut
relever dans les premières décisions de justice appliquant cette
loi, celle du Tribunal Correctionnel de Rouen du 24 juin 1997 qui a
condamné deux personnes qui dévalisaient les badauds sous la
menace d'un berger allemand, l'une à 3 ans et demi de prison ferme,
l'autre à 3 ans dont 1 avec sursis.
b) Les textes à visée préventive
Deux dispositions ont un volet préventif.
La mise en danger de la vie d'autrui
Cette nouvelle infraction est codifiée dans l'article 223-1
du Nouveau Code Pénal et applicable depuis le 1er mars 1994 :
"
Le fait d'exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une
mutilation ou une incapacité permanente par la violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F
d'amende ".
Il faut un risque d'une certaine intensité
pour enclencher valablement la mise en oeuvre de cet article. En novembre 1995,
le tribunal correctionnel d'Evry a condamné à huit mois de prison
un propriétaire de Rottweiler ayant attaqué des lycéens,
et la Cour d'Appel de Paris a condamné à huit mois de prison et
27 000 F d'amende une propriétaire de bergers allemands qui
divaguaient fréquemment et avaient mordu plusieurs personnes.
Or, ces condamnations pour mise en danger de la vie d'autrui
reposaient, sur la violation délibérée d'un
règlement (un arrêté du préfet de l'Essonne imposant
le port de la muselière), l'autre sur la violation d'une loi relative
à l'interdiction de la divagation des animaux.
Les
troubles à l'ordre public
Suivant leur nature, les
risques de troubles ou les troubles réels à l'ordre public
ouvrent au Maire et au Préfet la possibilité de prendre une
réglementation locale exorbitante du droit commun, mais dans un cadre
finalement limité, lequel peut poser parfois des problèmes de
base légale. Les dispositions sont précisées aux
articles L. 2122-2, L. 2122-24, L. 2212-1 du code
Général des Collectivités Territoriales et L. 131-1
du Code des Communes.
Enfin, les deux premiers alinéas de
l'article 213 du Code Rural prévoient que "
les maires
doivent prendre toutes les dispositions propres à empêcher la
divagation des chiens et des chats. Ils peuvent ordonner que ces animaux soient
tenus en laisse et que les chiens soient muselés ".
Un grand nombre de communes, et en particulier celles voisines
de Paris, ont pris des arrêtés " anti-pitbulls ". On
peut en distinguer trois catégories différentes :
- Certains interdisent simplement la détention. Ils sont
illégaux du fait que la gardien traditionnel de la
propriété privée est le juge judiciaire et non le maire.
C'est le cas, par exemple, des arrêtés de Montreuil et du
Plessis-Robinson.
- D'autres limitent ou interdisent la
circulation de ces chiens ; dans le second cas on peut penser qu'il y a
excès de pouvoir (arrêté d'Antony du
23 janvier 1996) mais les arrêtés ne faisant que limiter
la circulation, à l'exemple de ceux pris par Bucheley et les sept autres
communes du District urbain de Mantes-La-Jolie, semblent être tout
à fait conformes aux pouvoirs que le maire peut prétendre exercer
au titre des articles susvisés.
- Enfin une
catégorie particulière d'arrêtés dits
" arrêtés individuels " permet au maire de prendre des
mesures en visant précisément un contrevenant à l'ordre
public et son animal ; c'est sur cette base qu'ont été pris les
arrêtés d'enfermement de certains chiens. C'est une mesure
extrêmement dissuasive.
2. Les mesures particulières aux animaux
a) Les dispositions pénales
En matière de protection des personnes contre les dommages
que peut occasionner un animal, le droit pénal est très complet.
Certaines infractions sont néanmoins parfois difficiles à
distinguer entre elles.
L'excitation d'animaux dangereux et la
divagation sont les deux principales sources de dommages que peuvent causer les
chiens par la volonté délibérée ou la
négligence de leurs maîtres.
Il faut tout de suite
préciser que, suivant la nature du dommage, ces incriminations
spéciales sont complétées par d'autres dispositions de
droit pénal général (homicide, attaque à main
armée, coups et blessures...).
L'excitation
d'animaux dangereux
L'excitation d'animaux dangereux est
sanctionnée par l'article R 623-3 du Nouveau Code
Pénal.
"
Le fait, par le gardien d'un animal
susceptible de présenter un danger pour les personnes, d'exciter ou de
ne pas retenir cet animal lorsqu'il attaque ou poursuit un passant, alors
même qu'il n'en est résulté aucun dommage, est puni de
l'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe.
En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le
propriétaire est inconnu, le tribunal peut remettre l'animal à
une oeuvre de protection animale reconnue d'utilité publique ou
déclarée, laquelle pourra librement en disposer ".
Le Nouveau Code Pénal a aggravé cette contravention qui
était auparavant de la 2ème classe.
Il faut noter que
l'excitation d'animaux dangereux peut être qualifiée
indépendamment du rôle actif du gardien de l'animal,
c'est-à-dire aussi par abstention.
Ce texte est
déjà très utile en réponse au comportement de
certains maîtres. Cependant il est limité par la
désignation restrictive de la victime qu'il protège : " un
passant " ; ainsi une personne connue du propriétaire ou encore une
personne qui entre dans une maison ou même un employé de maison ne
sont pas protégés par ce texte.
Le second alinéa
est malgré tout une innovation majeure du Nouveau Code Pénal, qui
ponctue pratiquement tous ses articles relatifs aux animaux. Il s'agit de
l'institutionnalisation du pouvoir du juge de dessaisir de son animal une
personne condamnée. L'avantage important qu'apporte cette nouvelle
disposition est d'empêcher que des animaux dangereux restent en
circulation. On peut regretter simplement, au sujet de ce second alinéa,
qu'il n'envisage pas de limites aux possibilités du condamné de
se retrouver de nouveau en possession d'un nouvel animal.
La
divagation
La divagation est sanctionnée par
l'article R 622-2 du Nouveau Code Pénal :
" Le fait par le gardien d'un animal susceptible de
présenter un danger pour les personnes, de laisser divaguer cet animal
est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2ème
classe.
En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si
le propriétaire est inconnu, le tribunal peut remettre l'animal à
une oeuvre de protection animal reconnue d'utilité publique ou
déclarée, laquelle pourra librement en disposer ".
Les critères permettant de qualifier la divagation des chiens
sont contenus dans l'alinéa 1 de l'article 213-1 du Code Rural,
issu de l'article 3 de la loi n° 89/412 du
22 juin 1989 :
" Est considéré comme
en état de divagation tout chien qui, en dehors d'une action de chasse
ou de la garde d'un troupeau, n'est plus sous la surveillance effective de son
maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout
instrument sonore permettant son rappel ou qui est éloigné de son
propriétaire ou de la personne qui en est responsable d'une distance
dépassant cent mètres.
Tout chien livré à
son seul instinct est en état de divagation ".
En
outre,
l'article 211 du Code Rural prescrit que
:
"
Les chiens dangereux doivent être tenus
enfermés, attachés, enchaînés de manière
qu'ils ne puissent causer aucun accident, soit aux personnes soit aux animaux
domestiques ".
Notons enfin que le Règlement Sanitaire
Départemental de Paris prévoit l'obligation du port de la laisse
pour tous les chiens, et que son inobservation est sanctionnée par une
contravention de la 3ème classe, c'est-à-dire 3 000 F au
plus.
b) La responsabilité civile des maîtres
Selon la loi n° 70-598 du 10 juillet 1976,
modifiant et complétant la loi du 1/09/1948 portant modification et
codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et
locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel,
tout individu a le droit de posséder un animal
, sous
réserve qu'il respecte les droits des tiers. Il est ainsi tenu de se
conformer aux exigences de la sécurité et de l'hygiène
publique.
En
matière d'hébergement
, la
jurisprudence a souvent à faire à connaître des
problèmes posés par les animaux bruyants. Les recours sont
possibles pour dénoncer d'éventuelles situations dommageables. Il
faut, dès lors, prouver que les animaux incommodent par leur bruit ou
leur odeur. Par ailleurs, les propriétaires d'un animal doivent
s'assurer de la vaccination de leur animal dans les territoires infestés
de la rage (article 232-5-1 du code rural).
De même,
le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, est responsable des
accidents de la circulation que celui-ci serait amené à causer.
Ainsi, les propriétaires sont responsables des actes de leur
animal et doivent par conséquent prendre les mesures nécessaires
pour éviter les dommages aux tiers ou à la
collectivité.
L'article 1385 du code civil indique que
"
le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant
qu'il est en son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé,
soit que l'animal fût sous sa garde, doit qu'il fût
égaré ou échappé
". Le
propriétaire ou le gardien ne peut s'exonérer de la
présomption de responsabilité qui pèse sur eux qu'en
apportant la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure, d'une cause
étrangère ou d'une faute de la victime ayant ce caractère.
Le régime de la responsabilité du fait de l'animal est
calqué sur celui de la responsabilité du fait des choses, une
présomption de faute reposant sur le propriétaire.
Il est
à noter que les contrats d'assurance responsabilité civile
" multirisque/habitation " couvrent en principe les dommages
causés aux tiers par les animaux domestiques.
3. Un dispositif lacunaire face à la prolifération des chiens dangereux
a) Un phénomène inquiétant : le développement des " chiens agressifs "
D'aucuns estiment que la France dispose d'une
" surpopulation canine et féline ", lourde
d'inconvénients. Il est vrai que, chaque année, plus de
17.000 chiens sont placés sous surveillance sanitaire après
avoir mordu une personne ou un autre animal.
Les statistiques du
ministère de l'agriculture recensent ainsi 16 329 accidents pour la
France en 1996.
L'INSEE ne dispose d'aucune statistique.
Cette
remarque de surpopulation canine trouve un écho d'autant plus favorable
chez bon nombre de nos concitoyens que
le début des
années 1990 a été marqué par le
développement d'un phénomène très
préoccupant
.
Des chiens dits d'attaque, dressés
pour être agressifs envers les individus, prolifèrent. Ces chiens
sont dangereux par leurs caractéristiques psychologiques et
physiques : les blessures qu'ils causent sont particulièrement
graves et peuvent entraîner la mort. On les qualifie de molossoïdes,
hybrides de terrier et de molosse.
Phénomène
essentiellement urbain, la possession de ces chiens d'attaque est assez
concentrée en région parisienne. Néanmoins, ils sont
apparus aussi dans le nord et l'est de la France ainsi que dans les grandes
villes.
Il est important de souligner que les agressions et les menaces
permanentes d'agression ont conduit à aggraver fortement le sentiment
d'insécurité qui règne dans les cités.
Le plus connu et le plus répandu des chiens agressifs est sans
conteste le pitbull (entre 20.000 et 40.000 pitbulls seraient aujourd'hui
présents sur le territoire national), mais d'autres espèces sont
également concernées : rottweilers, dogues argentins, american
staffordshire terriers... De nombreuses caractéristiques morphologiques
et comportementales distinguent ces chiens de leurs congénères. A
titre d'exemple, le chien de type pitbull, issu de plusieurs croisements,
présente à la fois une puissance exceptionnelle à la
mâchoire (de 500 kilos), une grande résistance à la
douleur et une agressivité avérée à l'égard
des autres chiens. Il présente souvent la caractéristique de ne
pas répondre à l'ordre de lâcher sa proie, même
lorsque cet ordre est donné par son maître.
Ce chien est
en fait devenu une mode, une source de revenus faciles et importants, un moyen
d'intimidation et une arme par destination.
S'il n'existe pas
de moyen statistique fiable pour connaître le nombre exact de chiens
d'attaque présents en France, la préfecture de police de Paris
estime que, depuis 1994, le nombre de chiens dangereux a été
multiplié par 5.
Évolution des demandes de chiots entre 1990 et
1997
(échelle logarithmique)
Source :
Société Centrale Canine
Le Pitbull n'est pas reconnu
comme une race par la SCC
Plusieurs populations
s'intéressent à ces chiens
6(
*
)
.
La première population à s'être
intéressée à ces chiens sont incontestablement
les
délinquants, en particulier les trafiquants et revendeurs de
drogues
. Ils ont utilisé ces chiens pour se protéger
contre les " descentes " ainsi que pour agresser volontairement
d'autres personnes. Chez ces individus, le chien est exclusivement une arme
qu'il est possible de remplacer par une autre lorsque la situation l'exige.
Bien qu'en nombre, ces délinquants constituent le danger le plus
réel qu'il faut combattre sans aucune concession.
Une
deuxième population est représentée par
les jeunes
des quartiers sensibles, eux-mêmes peu socialisés
,
risquant pour une bonne part de devenir délinquants si la situation des
cités ne s'améliore pas. Ces jeunes ont d'abord un chien par
effet de mode. L'acquisition d'un chien donne incontestablement à un
jeune une importance accrue dans le groupe dont il fait partie. Les risques
d'agression volontaire sont moins probables qu'avec les délinquants,
mais pas inexistants. Par contre, les menaces ou une attitude comprise comme
menaçante par les autres personnes sont fréquentes. Les risques
d'accidents sont plus probables parce qu'ils ont acquis le plus souvent un
chien dyssocialisé (élevé le plus fréquemment dans
les caves) et qu'ils n'ont pas de compétences pour élever
correctement leur chien. Ils sont souvent dominés par celui-ci.
La troisième population est caractérisée par des
familles ne présentant pas de dyssocialisation
, mais
vivant au contact de ces jeunes. L'effet de mode joue actuellement à
plein. Leur chien présente plus rarement une agressivité
anormale. Cependant, cela n'empêche pas que des accidents se produisent.
Ceux-ci sont mis en vedette par la presse en raison de leur gravité.
On oublie systématiquement d'indiquer que ce type d'accidents
est particulièrement fréquent avec tous les chiens (certainement
une dizaine chaque jour).
Un double constat doit être
fait :
- d'une part, nous sommes face à plusieurs
situations de risque très différentes les unes des autres. A
moins d'interdire la présence totale des chiens dans les quartiers
sensibles -et dans le reste de la France-, il n'y a pas de solution globale.
- d'autre part, par l'intermédiaire de ce fait de
société, l'opinion publique prend conscience des accidents
liés aux chiens. Progressivement, par la médiatisation, la mise
en cause des chiens agressifs dépasse largement les limites de certains
quartiers sensibles, d'autant plus que le nombre d'accidents
précités démontre l'existence d'un véritable
problème.
b) Des moyens juridiques insuffisants
Divers instruments juridiques ont été
utilisés pour répondre à ce phénomène des
chiens dangereux, phénomène qui met en question la
sécurité des Français.
Les réactions ont
été d'abord municipales : un arrêté du maire de
Gennevilliers intervenu dès le 11 février 1994 interdit
l'élevage, la détention et la circulation des pitbulls sur le
territoire de cette commune. Cet arrêté, suivi de nombreux autres
dans d'autres communes, a été annulé par le juge
administratif, en raison d'un manque de base légale.
Plusieurs
organismes publics de HLM, -les offices publics de Montrouge, de Nanterre, des
Hauts-de-Seine, l'office public d'aménagement et de construction (OPAC)
de Paris-, ont décidé d'interdire dans leur règlement la
détention dans les appartements par leurs locataires de chiens de type
pitbull et autres chiens dangereux, en se fondant sur les graves troubles de
voisinage occasionnés par ces chiens. Mais le juge, judiciaire cette
fois, a limité la marge d'action des bailleurs sociaux.
Certaines communes ont réagi peu à peu en adaptant leurs
arrêtés. C'est notamment le cas de Buchelay et des sept autres
communes du District urbain de Mantes-la-Jolie, qui ont interdit en 1997 la
fréquentation de certains lieux publics (abords des écoles,
jardins publics ...) aux propriétaires et gardiens accompagnés de
leurs chiens de type pitbull, american staffordshire terriers, bull terrier,
rottweilers, tosa, ... et leur ont fait obligation de les tenir en laisse et de
les museler sur l'ensemble de chacun de leurs territoires communaux.
Toutefois, ces communes se trouvent démunies sur le plan
de la sanction.
Mais, c'est essentiellement le comportement de
certains maîtres de ces chiens qui est à l'origine des
problèmes constatés. Trop souvent, dans le public jeune et urbain
en particulier, le pitbull et les autres chiens dangereux sont vus comme un
symbole de puissance et un reflet de l'agressivité du maître ; ils
sont utilisés pour établir un rapport de force, d'intimidation ou
de violence envers autrui. Ils peuvent menacer dès lors gravement les
enfants aussi bien que les contrôleurs et les voyageurs dans les
transports en commun ou les fonctionnaires chargés du maintien de
l'ordre.
Nombre de possesseurs de chiens dangereux -c'est le
coeur du problème- n'en font pas ainsi l'usage habituel d'un animal de
compagnie, le chien ne les intéressant pas comme compagnon, mais en tant
qu'arme ou moyen d'intimidation.
Ainsi, quelle que soit la race, le
chien mal traité et mal dressé est un risque potentiel de danger.
Le malfaiteur n'est donc pas le chien, mais le mauvais maître.