2. Les articles rétablis par l'Assemblée nationale dans une rédaction différente de celle rejetée par le Sénat
a) L'article 10, créant un délit spécial de bizutage
Ce nouveau délit serait ainsi défini
" hors le cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le
fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par
contrainte ou pression de toute nature, à subir ou à commettre
des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou
de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif
ou associatif est puni de six mois d'emprisonnement et de 50.000 F
d'amende ".
Les peines seraient doublées lorsque la victime serait une personne
particulièrement vulnérable.
Par ailleurs, les personnes morales pourraient être
déclarées pénalement responsables de ce délit.
Votre commission des Lois partage pleinement le souci de nos collègues
députés de lutter contre les abus du bizutage.
Elle considère en revanche que ce problème ne saurait être
résolu par la création d'un nouveau délit. Comme l'a
déjà souligné votre rapporteur lors de la première
lecture, le dispositif répressif en vigueur permet de sanctionner les
excès en cette matière. Sans prétendre, loin de là,
à l'exhaustivité (tant les incriminations en cette matière
sont nombreuses) on citera :
- les violences qui, selon une précision apportée par la loi du
22 juillet 1996, sont passibles de trois ans d'emprisonnement quand bien
même elles n'auraient entraîné aucune incapacité de
travail dès lors qu'elles sont commises avec préméditation
ou par plusieurs personnes, ce qui est en pratique le cas du bizutage. Il
convient à cet égard de rappeler que, selon la jurisprudence,
constituent des violences des comportements qui, même sans atteindre
matériellement la personne, sont de nature à provoquer chez elle
une sérieuse émotion. Par ailleurs, comme le souligne
l'"
Instruction concernant le bizutage "
signée en
septembre dernier par M. Claude Allègre, ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie, et
Mme Ségolène Royal, ministre délégué
chargé de l'enseignement scolaire, "
l'instigateur des
violences, même s'il n'a pas pris directement part à leur
réalisation, encourt exactement la même peine que le ou les
auteurs des faits, en tant que complice. En clair, des individus qui se
réunissent pour mettre au point, plusieurs semaines à l'avance,
des pratiques de bizutage à caractère violent, peuvent être
poursuivis du chef de complicité de violences avec
préméditation
" ;
- les agressions sexuelles ;
- les menaces ;
- les blessures involontaires.
Certes, le texte adopté par l'Assemblée nationale prend soin
d'exclure de son champ d'application les violences, menaces et agressions
sexuelles. Mais votre commission des Lois ne trouve pas d'exemple
d'excès de bizutage hors de ces trois hypothèses qui ne tombe pas
d'ores et déjà sous le coup de la loi pénale, qu'il
s'agisse, entre autres, de l'administration de substances nuisibles ou de la
manifestation illicite sur la voie publique.
Dans ces conditions, la création d'un délit spécifique,
loin d'être une manifestation du souci des pouvoirs publics de vouloir
réprimer effectivement les abus de bizutage, pourrait être
interprété comme un aveu de faiblesse. Comment les auteurs de ces
actes condamnables pourraient-ils croire à l'application effective de la
loi future si les lois existantes ne sont pas appliquées ?
Votre commission des Lois considère donc que le défaut de
répression des abus du bizutage ne résulte pas des lacunes du
droit positif et que ceux-ci ne sauraient être évités par
une simple modification législative. Face aux réticences des
victimes pour porter plainte, il appartient aux pouvoirs publics d'agir pour
réprimer les excès, soit par la voie judiciaire, soit par la voie
disciplinaire. Aussi vous propose-t-elle de supprimer l'article 10.