II. UNE LOI DESTINÉE À LA PLEINE MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION
A. UN DISPOSITIF INTERNATIONAL POTENTIELLEMENT CONTRAIGNANT POUR L'INDUSTRIE CHIMIQUE
Un régime contraignant de déclarations,
d'autorisations et de vérifications
Le texte de la Convention comprend un préambule, 24 articles et
3 annexes techniques, réunis dans un document de près de
200 pages (46 pages en format " Journal
Officiel "). Ce
texte est annexé au présent rapport. Comme c'est le cas pour bon
nombre de traités multilatéraux qui résultent de
négociations longues et de compromis successifs,
la rédaction
de cette Convention n'est pas des plus synthétiques ni, parfois, des
plus claires
.
Ses principales dispositions sont les suivantes :
interdiction de l'emploi des armes chimiques
, mais aussi de leur
fabrication, stockage, transfert. Il est également interdit d'aider
quiconque ou de faire des préparatifs en vue de mener des
activités interdites par la Convention ;
obligation de
destruction de ces armes
et de leurs installations de
fabrication ;
obligation de
déclaration
par chaque Etat des activités
touchant de nombreux produits chimiques susceptibles d'être
utilisés pour faire les armes chimiques, ces derniers devant être
eux-mêmes autorisés, dans des quantités
limitées ;
vérification internationale
, par inspections sur place du
personnel de l'OIAC, y compris sur des sites privés, des informations
communiquées.
On distingue trois types d'inspections, comme le détaille
l'encadré ci-dessous :
LES INSPECTIONS INTERNATIONALES
-
Les inspections initiales
. Elles concernent
chaque installation déclarée qui sera soumise à inspection
sur place, qu'il s'agisse d'installations de stockage ou de fabrication d'armes
chimiques destinées à être détruites, ou
d'installations qui resteront autorisées par la Convention. Ces
inspections initiales consisteront à vérifier les
déclarations fournies et les accords d'installations passés entre
l'Etat concerné et l'organisme international.
-
Les mesures de vérification systématique
. Elles
concernent les installations de stockage et de fabrication des armes chimiques
ainsi que les installations de destruction. Elles auront pour but de
vérifier que les armes chimiques déclarées sont bien
détruites selon les plans agréés et de s'assurer que toute
reprise de fabrication est écartée. Le préavis
d'inspection est de quarante-huit heures. Outre l'inspection sur place, ces
installations pourront être soumises à une surveillance au moyen
d'instruments installés sur place. Ce moyen de vérification
s'appliquera également à l'installation unique de fabrication
à petite échelle de produits chimiques du tableau 1 (voir
commentaire de l'article 9) qui restera autorisée. Les installations de
fabrication de produits de la deuxième catégorie ne recevront pas
plus de deux inspections par an, les sites étant choisis par le
secrétariat technique qui prendra en considération le risque que
présente le produit fabriqué au regard de l'objectif de la
Convention.
La vérification par inspection sur place d'installations fabriquant des
produits de la troisième catégorie ne concernera que celles
dépassant une production annuelle de deux cents tonnes. Les sites
inspectés seront définis de manière aléatoire par
le secrétariat technique qui tiendra cependant compte d'une
répartition géographique équitable et des renseignements
à sa disposition. Les mêmes principes sont retenus en ce qui
concerne les installations fabriquant plus de deux cents tonnes par an de
produit contenant du phosphore et du soufre ou du fluor.
-
Les inspections par mise en demeure
.
Un Etat partie pourra
demander une inspection par mise en demeure de toute installation ou de tout
emplacement se trouvant dans un autre Etat partie pour élucider et
résoudre toute question liée au non-respect éventuel de la
Convention qu'il se poserait
. Cette demande est adressée
simultanément au Conseil exécutif de l'Organisation et au
Directeur général du secrétariat technique. Le conseil
exécutif peut, au plus tard douze heures après réception
de la demande d'inspection, se prononcer contre la réalisation de cette
inspection par mise en demeure à la majorité des trois quarts de
ses membres s'il estime que la demande sort des dispositions de la Convention.
Si la demande d'inspection est recevable, l'Etat inspecté est averti au
moins douze heures avant l'arrivée des inspecteurs au point
d'entrée convenu. Dans le cas d'inspections par mise en demeure sur des
sites déclarés, le délai entre l'entrée sur le
territoire de l'Etat inspecté de l'équipe d'inspecteurs et son
accès au périmètre final est de vingt-quatre heures ; il
ne peut en aucun cas être supérieur à trente six heures.
Lors d'inspections par mise en demeure de sites non déclarés, le
périmètre final d'inspection peut être
négocié par l'Etat inspecté et l'équipe
d'inspection. Le périmètre alternatif que peut proposer l'Etat
inspecté doit être étroitement lié au
périmètre initialement défini par l'Etat requérant.
Faute d'un accord dans les soixante douze heures suivant l'arrivée de
l'équipe d'inspecteurs sur les lieux, soit cent-huit heures après
l'arrivée au point d'entrée, le périmètre
alternatif est désigné comme périmètre final
d'inspection. L'inspection " doit être la moins intrusive
possible " et " ne doit établir que les faits pertinents
suffisants pour dissiper la préoccupation quant au non-respect des
dispositions de la Convention ". Un certain nombre de précautions
pourront être prises par l'Etat inspecté pour protéger des
installations sensibles et empêcher la divulgation d'informations et de
données confidentielles sans rapport avec les armes chimiques.
D'après Daniel Kiffer, " La Convention d'interdiction des armes
chimiques ", in Relations internationales et stratégiques,
n°8
Une première mise en oeuvre partielle en France des obligations
fixées par la Convention
Les déclarations initiales
Afin d'être en mesure de transmettre à l'OIAC les
déclarations initiales de la France, à l'entrée en vigueur
de la Convention, le ministère de l'Industrie a demandé à
l'institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) de
préparer des formulaires de déclaration à faire remplir
par les industriels. La collecte d'information auprès de l'industrie
chimique était en effet nécessaire pour que la France
dépose auprès de l'OIAC les données requises. Elle a pu
être réalisée grâce au concours de l'Union des
industries chimiques qui a répondu, sur la base du volontariat, à
ces formalités, mais sans base juridique nationale.
Le décret du 16 janvier 1998
La répartition des compétences entre les différentes
administrations pour l'application de la Convention a été
fixée récemment, par le décret
n° 98-36.
11(
*
)
Ce décret crée une structure interministérielle, le CICIAC
(Comité interministériel pour l'application de la Convention
interdisant les armes chimiques), à laquelle participent l'ensemble des
ministères concernés et dont les missions principales sont : le
suivi de l'application de la Convention et des difficultés qui en
résultent, notamment en matière de confidentialité ; la
proposition de modifications pour l'organisation des inspections
internationales; l'élaboration des positions françaises au sein
de l'OIAC.
Les inspections réalisées en 1997
Neuf inspections de l'OIAC ont déjà eu lieu en France en 1997.
Elles se sont déroulées dans le cadre d'un accord
spécifique entre les pouvoirs publics et l'OIAC.
- six inspections ont porté sur la vérification de la
destruction d'anciens sites ayant eu des activités en rapport avec la
fabrication d'armes chimiques. Trois se sont déroulées sur des
sites privés, pour lesquels l'IPSN a été chargé de
l'accompagnement des inspecteurs. Toutefois, il s'agissait de sites
liés à la sphère publique et parapublique
;
- deux inspections ont porté sur des sites de stockage d'armes
chimiques anciennes (première Guerre mondiale) qui ont été
retrouvées sur le territoire national ;
- la dernière inspection a concerné le site de fabrication
de produits du tableau 1, désigné comme étant
" l'installation unique à petite échelle " visée
à l'article 9.
En 1997,
aucune inspection n'a eu lieu en France pour des activités
civiles sans rapport avec les armes chimiques.
En janvier 1998
a eu lieu la première mission d'inspection de
l'OIAC dans une entreprise privée, fabriquant des produits du
tableau 2. Une PME de l'industrie chimique, employant 70 personnes
environ, située dans le Pas-de-Calais a ainsi reçu pendant
7 jours la visite de 6 inspecteurs de l'OIAC, d'un interprète
et de 7 accompagnateurs de l'administration française. Même
si cette inspection s'est, de l'avis des représentants de l'Union des
industries chimiques, déroulée dans des conditions
satisfaisantes, elle rappelle la nécessité de l'adoption d'un
texte de loi qui encadre et organise de telles opérations.