b) L'ambition ancienne du désarmement chimique
Comme l'avait noté le rapport précité de
notre collègue Guy Penne
4(
*
)
, la
première guerre mondiale a
exercé une influence décisive sur
l'évolution de la
perception des armes chimiques
par la communauté internationale. En
effet, à la conférence internationale de 1899 sur la limitation
des armements, qui avait évoqué l'interdiction des projectiles
contenant des gaz asphyxiants, les Etats-Unis s'étaient opposés
à cette interdiction, "
convaincus que le gaz était une
arme de guerre plus " humaine " que les balles et les
obus
"
5(
*
)
.
Ce n'est qu'avec
l'émotion suscitée par les souffrances
atroces des soldats des tranchées de la grande guerre
que les armes
chimiques devinrent un objet de répulsion, que la communauté
internationale a souhaité interdire, par la signature,
le 17 juin
1925, du " Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre
de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens
bactériologiques
", dit Protocole de Genève
6(
*
)
.
Toutefois, cette première tentative d'interdiction des armes chimiques
souffrait de lacunes qui expliquent qu'elle n'ait pas produit tout l'effet
attendu : s'il s'interdisait l'emploi en premier des gaz, le Protocole
n'interdisait en effet ni leur production, ni leur stockage.
En outre, de nombreux Etats signataires ne s'étaient engagés que
sous réserve qu'ils puissent riposter, par une agression chimique,
à une éventuelle attaque chimique de la part d'un autre Etat.
c) Le renouvellement de la menace chimique
L'emploi de gaz pendant la guerre Iran-Irak, de même
que la menace
7(
*
)
, lors de la
guerre du Golfe, de l'emploi d'armes chimiques par l'Irak, ont rappelé
leur caractère déstabilisateur pour les relations
internationales. En effet, les armes chimiques sont caractérisées
par un
faible
coût de mise au point
et une proximité
avec les produits chimiques -inoffensifs- utilisées dans l'industrie
(pesticides, certains produits pharmaceutiques), qui les rendent relativement
faciles d'accès pour un grand nombre d'Etats, y compris certains pays
peu industrialisés. Leur production est donc particulièrement
difficile à contrôler. Elles sont ainsi communément
appelées "
l'arme nucléaire des pauvres
".
Un rapport de la Commission scientifique et technique de l'Assemblée de
l'Atlantique Nord
8(
*
)
estimait, en
1991, à 25 le nombre d'Etats participant à la
prolifération chimique, parmi lesquels les Etats-Unis et la Russie,
ainsi que les pays du Moyen Orient et les puissances régionales d'Asie,
d'Amérique du Sud et d'Afrique.
L'adoption d'un traité multilatéral interdisant les armes
chimiques est donc apparu d'autant plus urgent que la stabilité de
l'ordre mondial ancien, dominé par l'opposition Est/Ouest, disparaissait
avec la chute de l'empire soviétique
.