PREMIÈRE PARTIE -
UN TEXTE DESTINÉ À PERMETTRE
L'APPLICATION DE LA CONVENTION SUR L'INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES
La pleine mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques nécessite l'intervention de dispositions législatives en droit français, pour préciser les modalités de mise en oeuvre des obligations générales fixées par la Convention.
I. UNE CONVENTION ESSENTIELLE, DÉSORMAIS RATIFIÉE PAR UN GRAND NOMBRE D'ETATS
A. UN TEXTE MAJEUR, DONT L'ADOPTION A ÉTÉ FAVORISÉE PAR LA FRANCE
La France a joué un rôle important pour l'adoption, en 1993, d'un traité multilatéral qui fait date dans l'histoire du désarmement.
1. Une étape essentielle de la non-prolifération
a) L'effet dévastateur des armes chimiques
Des armes qui ont montré leur pouvoir destructeur
pendant la première guerre mondiale
L'utilisation des armes chimiques
remonte à l'antiquité
,
qu'il s'agisse des puits empoisonnés à l'ergot de seigle
utilisés par les Assyriens et les Perses au XIVe siècle avant
Jésus-Christ, ou des gaz sulfureux poussés par le vent sur des
cités assiégées pendant la guerre du
Péloponnèse (428-424 avant J.C.), ou encore du " feu
grégeois ", fumée toxique à base de pâte
incendiaire inventée par le grec Kallinikos, qui resta pendant cinq
siècles l'arme secrète de Byzance contre les Turcs.
Leur développement réel est toutefois concommittant à
celui de l'industrie chimique, au siècle dernier.
C'est avec
la première guerre mondiale
et l'apparition des
tranchées que l'Etat major allemand décida de leur premier emploi
massif, notamment lors de l'attaque du 22 avril 1915, près
d'Ypres, en Belgique.
Cent quatre-vingts tonnes
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de
chlore, contenues dans 6.000 bidons, furent ce jour là
déversées sur les troupes françaises, canadiennes et
britanniques dans les tranchées, entraînant la formation d'un
nuage toxique de plusieurs kilomètres de long, qui allait semer la
panique et la mort, faisant en quelques jours 5.000 morts et
15.000 blessés. La guerre chimique faisait ainsi brutalement son
apparition.
D'autres attaques allemandes suivirent en mai et juillet 1915 (Bsura -
Rumka et Argonne), suivies elles-mêmes de représailles : la France
a ainsi employé des obus à phosgène à Verdun en
mars 1916, puis des obus à l'acide cyanhydrique en juillet 1916.
A partir de juillet 1917, c'est l'ypérite (ou " gaz
moutarde ") qui fut utilisé : dispersé par explosion d'obus,
ce produit, dont l'action n'est pas que respiratoire, s'attaque à la
peau et provoque des brûlures intolérables.
Pendant l'année 1918, on estime que 25 % environ des
projectiles utilisés par les deux camps étaient des obus
chimiques.
C'est ainsi que l'utilisation des gaz toxiques pendant la première
guerre mondiale est à l'origine de plus de
100.000 morts au
combat
, le nombre total de victimes s'élevant à
plus d'un
million
.
En 1937, des épandages aériens d'ypérite furent
réalisés par les Italiens en Abyssinie, qui, touchant un
adversaire ne disposant d'aucune protection, firent 15.000 morts.
Entre 1935 et 1939, l'Allemagne mit au point des neurotoxiques comme le Tabun,
le Sarin, puis le Sorman (en 1943), qui bloquent la transmission de l'influx
nerveux. Les armes chimiques ne furent toutefois pas utilisées pendant
la seconde guerre mondiale sur le théâtre militaire
européen. Les Japonais en usèrent cependant contre les Chinois en
Mandchourie.
Depuis 1945, des armes chimiques ont été employées au
Vietnam, en Afghanistan par les Soviétiques, ainsi qu'en Irak contre les
populations kurdes d'Halabja.
La diversité des agents chimiques et de leur mode d'action
Les moyens de mise en oeuvre des armes chimiques sont les mêmes que pour
les armes classiques (bombes, missiles, ...). Il peut en outre s'agir d'un
épandage, sous forme de pluie, à partir d'un avion ou d'un
hélicoptère.
Les armes chimiques peuvent être utilisées
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soit pour mettre hors de combat les
adversaires (agents fugaces) ; soit pour créer des zones interdites en
les contaminant (agents persistants) ; soit pour détruire les
écosystèmes et raréfier les ressources naturelles
nécessaires à l'homme (on parle alors
" d'écocide ").
Les agents létaux pour l'homme sont de plusieurs sortes :
-
les suffocants
: ils provoquent une inflammation des voies
respiratoires et le blocage des poumons (le phosgène en est un
exemple) ;
-
les neurotoxiques
: ils pénètrent dans l'organisme
par inhalation, par contact ou par ingestion et agissent rapidement sur le
système nerveux (exemples : le Tabun, le Sorman, le Sarin, par voie
respiratoire, et les " agents V " par injection) ;
-
les agents sanguins
: ils sont absorbés par voie
respiratoire et perturbent le cycle énergétique des cellules
(exemple : le Zyklon B, de funeste mémoire) ;
-
les vésicants
: par contact avec la peau, ils provoquent
des brûlures étendues (exemple l'ypérite).