Art. 34 bis (nouveau)
(Art L. 161-25-3 nouveau du code de la
sécurité sociale)
Ouverture des droits aux prestations en
nature de l'assurance maladie pour les titulaires de la carte de séjour
de retraité ayant cotisé au moins quinze ans, lors de leurs
séjours temporaires en France, et institution d'une cotisation
d'assurance maladie prélevée sur les pensions de ces personnes
I. Le dispositif proposé par l'Assemblée
nationale
Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale
résulte d'un amendement déposé par le rapporteur de la
commission des Lois, M. Gérard Gouzes, modifié par un
sous-amendement présenté par le Gouvernement.
L'article 34
bis
introduit dans le code de la sécurité
sociale un article L. 161-25-3 nouveau posant le principe du
bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie pour
les titulaires de la carte de séjour de retraité qui justifient
d'une durée d'assurance d'au moins quinze ans et dont l'état de
santé
" vient à nécessiter des soins
immédiats ".
Le bénéfice de ces prestations, qui seraient servies par
l'assurance maladie du régime de retraite dont l'intéressé
relevait au moment de son départ de France, serait également
ouvert aux conjoints des titulaires de la carte de séjour de
retraité.
L'Assemblée nationale a également créé une
cotisation d'assurance maladie prélevée sur les pensions de ces
personnes : le nouvel article L. 161-25-3 précise ainsi qu'une
" cotisation d'assurance maladie est prélevée sur les
pensions des personnes bénéficiaires de celles-ci ".
Cette rédaction est pour le moins imprécise et peut faire l'objet
de plusieurs interprétations : s'agit-il d'une cotisation
prélevée sur l'ensemble des pensions des étrangers
retraités résidant à l'étranger, seulement sur les
pensions des titulaires de la carte de séjour de retraité ou
seulement sur celles de ceux parmi ces derniers qui sont susceptibles de
bénéficier des prestations de l'assurance maladie ?
Même si la rédaction retenue semble inciter à une autre
interprétation, il semble que cela soit cette première solution
qu'il faille privilégier : le rapport de l'Assemblée
nationale précise que l'on a choisi une rédaction
" soumettant les pensions françaises des étrangers
résidant à l'étranger aux seules cotisations d'assurance
maladie "
2(
*
)
.
Pourtant, l'article 34
ter
nouveau vient semer le doute quant à
la pertinence cette interprétation. Cet article tire les
conséquences du vote de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 et complète l'article
L. 131-7-1 du code de la sécurité sociale introduit par
ladite loi.
L'article L. 131-7-1 prévoit dans son premier alinéa la
suppression des cotisations d'assurance maladie consécutive à
l'augmentation de la CSG. Le second alinéa de cet article précise
toutefois que
" des taux particuliers de cotisations d'assurance
maladie, maternité, invalidité et décès à la
charge des assurés sont applicables aux revenus d'activité et de
remplacement perçus par les personnes qui ne remplissent pas les
conditions de résidence définies à l'article L. 136-1
et qui relèvent à titre obligatoire d'un régime
français d'assurance maladie "
.
L'article 34
ter
du présent projet de loi complète ce
second alinéa par les mots :
" ou qui remplissent les
conditions pour bénéficier de l'article
L. 161-25-3 ".
Dans ces conditions, il semble que la cotisation serait prélevée
sur les personnes remplissant les conditions pour bénéficier de
l'article L. 161-25-3, c'est-à-dire sur les retraités
étrangers ayant cotisé au moins quinze ans et titulaires de la
carte de séjour de retraité.
Force est de constater qu'il semble y avoir une incohérence sur le champ
d'application de cette cotisation entre les articles 34
bis
et 34
ter
ou entre ces articles et l'interprétation qui figure dans le
rapport de l'Assemblée nationale.
II. La position de votre commission
1.
L'accès aux prestations d'assurance maladie se fait selon un
mécanisme complexe et discriminatoire
Le texte proposé initialement par le Gouvernement à l'article 35
du projet de loi permettait au titulaire d'une carte de séjour
" retraité "
de bénéficier, lorsqu'il
séjourne en France, de l'assurance maladie pour le traitement des
pathologies graves.
Cette rédaction n'a pas paru satisfaisante à l'Assemblée
nationale qui a choisi de lui substituer ce nouveau dispositif.
La solution
retenue ne semble toutefois guère plus satisfaisante.
Du point de vue de l'accès aux droits aux prestations sociales, la carte
de séjour
" retraité "
pose, il est vrai, un
problème inédit
: elle autorise en effet le séjour des
intéressés sur le territoire français tout en
prévoyant explicitement la résidence à l'étranger
du bénéficiaire. Or, l'article L. 311-7 du code de la
sécurité sociale subordonne, pour les personnes de
nationalité étrangère, le bénéfice des
prestations sociales à la résidence en France.
Il apparaît donc qu'en l'état actuel du droit, les titulaires
de la carte de séjour de retraité ne pourraient
bénéficier des prestations sociales lors de leurs séjours
temporaires en France.
Consciente de cette difficulté, l'Assemblée nationale a introduit
un dispositif d'accès aux prestations en nature de l'assurance maladie
complexe, ambigu et source de contentieux. Elle a entendu réserver
l'accès aux prestations d'assurance maladie aux retraités ayant
cotisé au moins quinze ans et dont l'état vient à
nécessiter des soins immédiats.
Elle a, par conséquent,
créé deux catégories de bénéficiaires de la
carte de séjour de retraité : ceux qui auraient droit aux
prestations d'assurance maladie et qui se verraient dès lors
prélever une cotisation maladie et ceux qui n'y auraient pas droit et se
trouveraient exclus de toute couverture maladie lors de séjours qui
peuvent pourtant durer jusqu'à un an.
En pratique, ce dispositif semblait difficilement applicable et a
suscité bien des interrogations de la part des responsables des
différentes caisses de sécurité sociale que votre
rapporteur a auditionnés.
Il n'apparaît pas raisonnable et responsable d'autoriser en vertu d'un
titre de séjour les séjours répétés en
France de personnes étrangères sans prévoir de
manière concomitante leur couverture par l'assurance maladie
.
Lorsqu'elles séjourneront en France, ces personnes, si elles sont
dépourvues de ressources, auront de toute façon la
possibilité de se faire soigner et la collectivité devra
- par le biais de l'aide médicale d'Etat ou des créances
hospitalières - en supporter le coût.
De même, prévoir que la prise en charge par l'assurance maladie
des titulaires de la carte de retraité justifiant de quinze
années de cotisations
" si leur état vient à
nécessiter des soins immédiats "
paraît inutile
et, là encore, source de contentieux multiples. Une rédaction
aussi imprécise est dénuée de toute portée
pratique : elle peut donner lieu à toutes les
interprétations. Pour une personne âgée, une simple grippe
peut nécessiter des soins immédiats.
Il ne paraît pas souhaitable que des personnes -
a
fortiori
âgées - soient placées dans une situation
de telle insécurité juridique quant à l'étendue
exacte de leurs droits à couverture maladie.
2. L'instauration d'une cotisation d'assurance maladie est inutile et
source de confusions
On peut également s'interroger sur le sens exact et la portée de
la cotisation d'assurance maladie introduite par le présent article et
par l'article 34
ter
. On a vu plus haut que le dispositif
adopté par l'Assemblée nationale paraissait bien
contradictoire ; votre rapporteur se demande à cet égard
comment les diverses caisses de retraite seraient en mesure de gérer un
dispositif qui peut prêter à toutes formes
d'interprétations.
Signalons de surcroît qu'une telle cotisation spécifique sur les
pensions des retraités étrangers vivant à
l'étranger soulèverait des problèmes pratiques de gestion
pour les caisses de retraite : la Caisse nationale d'assurance vieillesse
n'est pas en mesure aujourd'hui de distinguer les titulaires étrangers
des titulaires français de pensions de retraites ; la Commission
Nationale Informatique et Libertés interdit en effet que la mention de
la nationalité figure dans les fichiers des caisses de retraite.
La complexité serait plus grande encore pour les gestionnaires des
caisses s'il convenait de ne prélever la cotisation d'assurance maladie
que sur les titulaires de la carte de séjour de retraité. Cela
supposerait en effet que les caisses de retraite assurent le suivi du titre de
séjour dont bénéficie le retraité.
En réalité, quel que soit le sens que souhaitait donner
l'Assemblée nationale aux articles 34
bis
et 34
ter
,
la
cotisation d'assurance maladie sur les pensions françaises des
étrangers résidant à l'étranger existe
déjà et la disposition adoptée par l'Assemblée
nationale est parfaitement redondante
.
Qu'elles soient de
nationalité étrangère ou française, toutes les
personnes retraitées domiciliées fiscalement à
l'étranger voient en effet déjà leurs pensions faire
l'objet d'une cotisation d'assurance maladie : ce principe a été
réaffirmé dans la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 qui a maintenu cette cotisation.
En vertu de l'article L. 136-1 du code de la sécurité
sociale, les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France
ne sont pas assujetties à la CSG et à la CRDS. Dans la mesure
où la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
prévoit le remplacement des cotisations maladie des retraités par
la CSG, l'article 5 de cette loi confirme le maintien de la cotisation maladie
sur les pensions de retraite française dont bénéficient
les personnes vivant à l'étranger (hors Union européenne
et Espace économique européen).
Contrairement à ce que semble indiquer le rapporteur de
l'Assemblée nationale, les retraités étrangers titulaires
d'une pension française et résidant à l'étranger
sont considérés comme "
relevant à titre
obligatoire d'un régime français d'assurance maladie
"
et entrent dès lors dans le champ d'application de l'article
L. 131-7-1 du code de la sécurité sociale
3(
*
)
.
Le taux de cette cotisation d'assurance maladie a été fixé
à 2,8 % pour les avantages de retraite servis par les organismes du
régime général de sécurité sociale des
salariés par l'article 4 du décret n° 97-1252 du
29 décembre 1997 modifiant les taux de cotisations d'assurance
maladie et d'allocations familiales de certains assurés et modifiant le
code de la sécurité sociale (troisième partie :
Décrets).
La Caisse nationale d'assurance vieillesse a confirmé à votre
rapporteur qu'elle avait bien l'intention de procéder à un
prélèvement de 2,8 % sur toutes les pensions des personnes
domiciliées hors de l'Union européenne et de l'Espace
économique européen.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale semblait de
plus créer un lien entre cotisation et droit aux prestations qui
n'existe pas pour les cotisations prélevées sur les pensions car
ces cotisations ont le caractère de contribution de solidarité au
financement de l'assurance maladie. Les cotisations d'assurance maladie
prélevées sur les pensions n'ouvrent aucun droit particulier aux
prestations d'assurance maladie.
Pour toutes ces raisons,
votre commission vous propose un dispositif
simplifié et clarifié.
A l'article 8, elle a choisi de limiter l'accès à la carte de
séjour de retraité aux personnes de nationalité
étrangère ayant au moins quinze années de cotisations afin
de limiter les risques d'abus.
Par conséquent, elle vous propose de prévoir dans le
présent article que les titulaires de cette carte pourront
bénéficier de plein droit des prestations d'assurance maladie,
sans limitation aucune, et notamment sans référence à
" la nécessité de soins immédiats ".
Enfin, la cotisation d'assurance maladie instaurée par
l'Assemblée nationale serait supprimée car elle existe
déjà.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.