Article 1er
(art. 21-7 du code civil)
Acquisition de la
nationalité française à raison
de la naissance et de la
résidence en France
Cet article tend à supprimer l'exigence d'une manifestation de volonté souscrite entre 16 et 21 ans pour l'acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de parents étrangers et y résidant, qui constituait la principale innovation de la réforme de 1993, pour revenir au principe d'une acquisition automatique de la nationalité française par ces jeunes à l'âge de leur majorité.
*
Dans le droit actuel, le texte de l'article 21-7 du code
civil, issu de la loi du 22 juillet 1993 et entré en vigueur le
1er janvier 1994, prévoit la possibilité pour tout
étranger né en France de parents étrangers
d'acquérir la nationalité française entre 16 et
21 ans par une manifestation de volonté, sous la double
condition :
- de résider en France à la date de la manifestation de
volonté ;
- et de justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq
années qui la précèdent.
Toutefois, cette dernière condition de résidence habituelle n'est
pas exigée d'un étranger francophone au sens de
l'article 21-20 du code civil, c'est-à-dire d'une
"
personne qui appartient à l'entité culturelle et
linguistique française, lorsqu'elle est ressortissante des territoires
ou Etats dont la langue officielle ou l'une des langues officielles est le
français, soit lorsque le français est sa langue maternelle, soit
lorsqu'elle justifie d'une scolarisation minimale de cinq années
dans un établissement enseignant en langue française
".
L'article 21-7 du code civil renvoie en outre à un décret en
Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'information du public (en
particulier des jeunes concernés par la manifestation de volonté)
sur le droit de la nationalité, par les organismes et services publics,
notamment les établissements d'enseignement, les caisses de
sécurité sociale et les collectivités territoriales ;
ces conditions ont été précisées par le
décret n° 94-698 du 16 août 1994 relatif à
l'information du public en matière de droit de la nationalité.
Cet article instituant l'exigence d'une démarche volontaire pour
l'acquisition de la nationalité française à raison de la
naissance et de la résidence en France, tout en maintenant les
conditions traditionnellement requises pour cette acquisition, constituait la
principale innovation de la réforme du droit de la nationalité
mise en oeuvre par la loi du 22 juillet 1993. On ne reviendra pas ici sur
son application concrète, dont un premier bilan a été
dressé dans le cadre de l'exposé général du
présent rapport.
On rappellera seulement qu'ont été souscrites
40.915 manifestations de volonté en 1994, 32.222 en 1995 et 31.963
en 1996 ; le taux de refus d'acquisition de la nationalité
s'étant stabilisé à un peu plus de 2,5 % en 1995 et
1996. Au 31 décembre 1996, avaient acquis la nationalité
française par manifestation de volonté 15.512 jeunes
nés en 1976, 21.104 nés en 1977, 23.048 nés en
1978, 20.453 nés en 1979 et 13.508 nés en 1980.
*
L'article 1er du projet de loi tend à revenir,
dans son principe, au système d'acquisition automatique de la
nationalité française par les jeunes nés en France de
parents étrangers à l'âge de leur majorité
(18 ans), qui prévalait avant la réforme de 1993, en
application de l'ancien article 44 du code de la nationalité, sous
réserve d'une double condition de résidence en France à
cet âge et au cours d'une période préalable de
cinq années.
Il conserve l'exigence traditionnelle de la justification d'une
résidence habituelle de cinq années en France, requise avant
comme après la réforme de 1993 pour l'accès à la
nationalité française, mais il assouplit néanmoins cette
condition sur deux points :
- d'une part, la période de résidence de cinq ans serait
désormais appréciée à partir de l'âge de
11 ans, donc entre 11 et 18 ans (et non plus entre 13 et 18 ans
comme antérieurement à la réforme de 1993) ;
- d'autre part, cette période pourrait être continue ou
discontinue ; par conséquent, une brève absence du
territoire français au cours des cinq années
précédant la majorité ne constituerait plus un obstacle
à l'acquisition de la nationalité française.
Ainsi que le précise l'exposé des motifs du projet de loi, cet
assouplissement a notamment pour objet de remédier aux
difficultés pratiques qui sont parfois rencontrées par les jeunes
manifestant leur volonté de devenir Français pour apporter la
preuve de leur résidence en France au-delà de l'âge de
16 ans. En effet, la scolarité étant obligatoire
jusqu'à 16 ans, la preuve de la résidence en France entre 11
et 16 ans peut facilement être apportée par des certificats de
scolarité, alors que ce moyen de preuve ne peut plus être
utilisé par des jeunes ayant quitté le système scolaire
dès 16 ans pour justifier de leur résidence en France entre
cet âge et celui de leur majorité.
Cependant, si une période de résidence discontinue pouvait
être prise en compte, la condition traditionnelle de résidence
s'en trouverait affadie : en effet, si le jeune étranger retourne
fréquemment dans son pays d'origine, c'est la preuve qu'il n'est pas
réellement fixé en France.
Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 21-7 du code civil
proposée par le présent article prévoit l'obligation pour
les tribunaux d'instance, les collectivités territoriales, les
organismes et services publics et notamment les établissements
d'enseignement, d'informer le public et en particulier les jeunes
concernés par l'acquisition automatique de la nationalité, sur le
droit de la nationalité, les conditions de cette information
étant renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
Cette information serait notamment destinée à permettre aux
jeunes concernés de décliner la qualité de Français
en application de l'article 2 du projet de loi s'ils ne souhaitent pas
devenir Français ou encore d'acquérir par anticipation la
nationalité française en application de l'article 5 si telle
est leur volonté. Cependant, la nouvelle rédaction
proposée par le projet de loi au sujet de l'information ne modifie pas
substantiellement le droit actuel, une information du public en matière
de droit de la nationalité étant déjà prévue.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 1er du projet de
loi sous réserve d'un amendement rédactionnel.
*
Pour toutes les raisons qui ont été
présentées dans le cadre de l'exposé général
du présent rapport, votre commission des Lois estime qu'il n'est ni
nécessaire, ni opportun de supprimer l'exigence d'une manifestation de
volonté pour l'acquisition de la nationalité française par
les jeunes nés en France de parents étrangers.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de cet
article.