DEUXIÈME PARTIE -

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE II -

DE L'ACCÈS À LA RESSOURCE

Article 4 bis -

Application de l'accord franco-espagnol de 1992

Cet article permet de donner une base légale aux dispositions d'application de l'accord franco-espagnol relatif à la pêche à l'anchois.

L'article 4 bis, adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, complète la rédaction du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime. En effet, il est précisé que des mesures d'aide et de précaution peuvent concerner " l'interdiction de la pêche de certaines espèces ou avec certains engins. "

Actuellement, l'accord franco-espagnol de 1992 sur la pêche de l'anchois, prolongé dans un cadre communautaire à la fin de 1994 et pérennisé jusqu'en 2002, assure à la France un quota de plus de 17.000 tonnes -dont l'essentiel par transfert de quota espagnol à notre bénéfice- en contrepartie de l'interdiction de pêcher au chalut pélagique du 1er avril au 31 mai.

Or, cette période a la préférence des pêcheurs basques, car des bancs d'anchois se trouvent devant leurs ports.

Saisi par les pêcheurs basques, le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêté qui introduisait cette interdiction dans le droit français, au motif que les textes actuels n'autorisent que des mesures relatives aux modalités d'utilisation des engins de pêche, et non une interdiction générale de pêche.

Cette décision compromet le dispositif franco-espagnol. Or, celui-ci conditionne le maintien de l'activité de nombreux ports du littoral atlantique qui, à défaut, se verraient privés de quotas de pêche par un retour aux seules 3.000 tonnes du quota français.

Votre rapporteur est favorable à cette disposition qui donne une base légale à une interdiction permettant d'assurer la pérennité de l'accord franco-espagnol et, au-delà, de la pêche française de l'anchois. Votre rapporteur rappelle que cette interdiction s'applique à l'ensemble de la flotte pélagique française et que le quota permet à l'ensemble des flottilles françaises concernées de pêcher tout au long de l'année.

Néanmoins , conscient de ce que 80 % des activités des pêcheurs basques s'effectuent en faisant appel à la technique du chalutage pélagique, votre rapporteur souhaite ardemment que soient recherchées, dans le cadre d'un dialogue avec l'Espagne, des mesures permettant, autant que possible, d'alléger les conséquences de cet accord.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 4 ter -

Captation des quotas

Cet article vise à mettre un frein à la pratique de la captation des quotas en liant l'accès aux quotas et aux licences de pêche à la vérification de l'existence d'un lien économique réel entre le navire et le territoire français. Le navire devra également être dirigé et contrôlé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français.

L'article 4 ter, adopté par l'Assemblée nationale à l'instigation du Gouvernement, tend à insérer un nouvel article 3-2 dans le décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime.

Le texte proposé par cet article est composé de deux paragraphes .

Le premier paragraphe (I) précise qu'un navire de pêche battant pavillon français n'est autorisé à pêcher les quotas nationaux ou ne peut se voir délivrer une licence de pêche que si deux conditions sont remplies :

- il doit exister un lien économique réel entre le navire de pêche battant pavillon français et le territoire de la République française ;

- le navire de pêche doit être dirigé et contrôlé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français.

Le second paragraphe (II) ajoute que ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 1999.

Votre rapporteur se félicite d'une telle mesure, qui répond au souci exprimé par la Commission des Affaires économiques du Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi.

En effet, lors des auditions auxquelles a procédé votre rapporteur au mois d'octobre 1996, le problème des " quotas hopping " a été évoqué à maintes reprises. En effet, certains navires battant pavillon français sont rachetés par des ressortissants communautaires non français : ceux-ci, tout en conservant le pavillon d'origine afin de bénéficier des quotas français, emploient une très faible part de main d'oeuvre française, et débarquent leur poisson dans des ports voisins, alimentant toute une activité d'aval. Compte tenu des règles communautaires, il est excessivement difficile de se prémunir contre de telles pratiques, qui ont fait des ravages sur la flotte de certains États, notamment celle du Royaume-Uni dont 25 % sont détenus par des sociétés néerlandaises et espagnoles (soit environ 150 navires).

45 sociétés franco-étrangères à capital majoritairement espagnol, néerlandais, belge ou irlandais détiennent aujourd'hui 52 navires correspondant à une puissance totale de 23.456 kw , soit 2,25 % de la puissance totale de la flotte française au 22 septembre 1997.

Comparativement, en avril 1996, on recensait 30 sociétés franco-étrangères détenant 34 navires pour une puissance de 15.937 kilowatts .

37 sociétés relèvent du quartier de Bayonne.

La majorité de ces sociétés et de ces navires ne présentent aucun lien économique réel avec l'Etat du pavillon.

Plus particulièrement, les armements franco-espagnols débarquent leur production en Espagne où se trouve leur port d'attache.

Seul, le siège social de la société, souvent une simple " boîte à lettres ", est en France et, dans la plupart des cas, le gérant est de nationalité française.

Du champ de cet exercice sont exclues 4 sociétés qui totalisent 41 navires pour une puissance de 69.666 kw et qui, bien qu'une part importante de leur capital provienne de capitaux étrangers, ne répondent pas aux critères du quota hopping.



SOUS-TOTAL
franco-espagnol

42 sociétés

49 navires

22 081 kw

SOUS-TOTAL
franco-étrangères
(hors espagnols)

3 sociétés

3 navires

1 375 kw

TOTAL
franco-espagnol

45 sociétés

52 navires

23 456 kw

Les professionnels français dénoncent cette situation et contestent que des navires sous contrôle d'un autre État membre puissent exploiter les quotas français.

Le phénomène de la captation des quotas trouve son origine dans la contradiction entre les principes du droit communautaire tendant à la liberté d'établissement et un système de quotas de pêche nationaux auquel les États restent attachés. Il s'avère ainsi nécessaire qu'un lien significatif soit maintenu entre la nationalité de l'entreprise qui arme le navire et le pavillon arboré par ce dernier afin de sauvegarder le système des quotas nationaux et le principe de la stabilité relative.

La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes -arrêts Agegate, Jaderow et Factortame- a dégagé les critères qui définissent l'existence d'un lien économique réel et d'un établissement stable.

Aux termes de cette jurisprudence communautaire , sont considérés comme ayant un lien économique réel avec le territoire français les navires qui :

- soit débarquent et mettent en vente au moins 50 % de leurs prises dans un port français ;

- soit emploient pour 50 % au moins de l'équipage des marins résidant dans une zone située en France à partir de laquelle s'exerce une activité de pêche,

- soit font partir la majorité de leurs expéditions de pêche d'un port français.

Votre rapporteur souligne que ces conditions sont alternatives et non cumulatives . Elles doivent également respecter un principe de proportionnalité. Ce lien pourra, en outre, également résulter d'autres éléments d'un poids économique ou structurel équivalent.

Selon les avis de la Commission européenne, le lien significatif suppose l'existence réelle et continue de la représentation à terme de l'entreprise, laquelle est attestée par un certain nombre de conditions, en particulier l'existence d'un service administratif et technique d'exploitation, la soumission des navires concernés aux contrôles administratifs de l'État du pavillon et aux contrôles touchant au droit social ou l'assujettissement à toutes les règles sociales dans le respect de la réglementation communautaire.

Il convient de rappeler que la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports a mis en place, dans son article premier, un système préservant le lien substantiel entre les navires et le territoire national. Ainsi, lorsqu'une société qui possède un navire portant pavillon français a son siège social situé sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne autre que la France, l'exploitation et l'utilisation du navire doivent être dirigées et contrôlées à partir d'un établissement stable du territoire français.

Votre rapporteur, tout en étant conscient que l'instauration d'un tel mécanisme pour la pêche maritime ne pourra pas suffire à empêcher le phénomène de " captation de quotas ", approuve cette disposition qui pourra néanmoins constitué un frein au développement d'un tel système.

Il vous propose néanmoins un amendement tendant à substituer à la notion de licence celle d'autorisation de pêche.

Votre commission vous propose l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 5 bis -

Sanctions administratives

Cet article prévoit l'insertion dans le décret du 9 janvier 1852 précité d'un article 13-1 prévoyant des sanctions administratives applicables au navire en infraction avec les conditions énoncées à l'article 4 ter et pratiquant une pêche soumise à licence.

Le texte proposé par l'article 5 bis pour ce nouvel article 13-1 est composé de cinq alinéas .

Le premier alinéa prévoit que les manquements aux dispositions relatives aux captations de quotas sont constatés par les agents mentionnés à l'article 16 du décret précité (administrateurs des affaires maritimes, officiers du corps technique et administratif, ...).

Les alinéas 2 à 4 indiquent que, indépendamment des actions pénales, ces infractions peuvent entraîner :

- une contravention maximum de cinquième classe (a)) ;

- une suspension ou retrait de licences (b)).

Le cinquième alinéa précise que les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre et qu'ils disposent d'un délai pour faire valoir leurs moyens de défense. Les contrevenants peuvent, en outre, demander à être reçus.

Votre rapporteur vous propose deux amendements sur cet article. Le premier subsitue, à l'instar de l'article précédent, le terme d'autorisation de pêche à celui de licence.

De plus, par coordination avec l'article 5 du projet de loi, votre rapporteur vous propose de compléter le dernier alinéa de cet article en précisant que les intéressés disposent d'un délai de trois mois . Ce second amendement permet ainsi de préciser les droits de la défense.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 6 bis -
(article 6 du décret du 9 janvier 1852)

Sanctions pénales

Cet article tend à modifier la rédaction de l'article 6 du décret du 9 janvier 1852 afin d'instaurer une sanction pénale réprimant le fait pour un navire dépourvu de lien économique réel avec le territoire français et qui n'est pas contrôlé et dirigé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français, de puiser dans les quotas de pêche nationaux.

L'article 6 bis, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, complète l'article 6 du décret précité par un nouvel alinéa (18°).

Cette nouvelle disposition instaure une sanction pénale réprimant le fait pour un navire dépourvu de lien économique réel avec le territoire français et qui n'est pas contrôlé et dirigé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français de puiser dans les quotas de pêche nationaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6 ter -
(articles 4 et 9 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966)

Renforcement des sanctions en cas de capture illégale dans les eaux territoriales australes et antarctiques françaises

Cet article modifie les articles 4 et 9 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 sur l'exercice de la pêche maritime et l'exploitation des produits de la mer dans les terres australes et antarctiques françaises en renforçant les sanctions en cas de capture illégale dans ces eaux.

Cet article est composé de deux paragraphes .

Le premier paragraphe (I) modifie l'article 4 de la loi précitée sur trois points :

- 1°) le montant des amendes s'élevant actuellement de 50.000 à 500.000 francs est porté à 1 million de francs et la durée de la peine d'emprisonnement prévue de deux mois à six mois est fixée à six mois ;

- 2°) un troisième alinéa proposé par l'article 6 ter du projet de loi prévoit la possibilité d'augmenter le montant maximum légal de l'amende de 500.000 francs par tonne pêchée au-delà de deux tonnes lorsque cette pêche a été effectuée en contravention des dispositifs légaux et réglementaires ;

- 3°) un quatrième alinéa proposé par l'article 6 ter du projet de loi punit des mêmes peines le recel des produits pêchés illégalement.

Le second paragraphe (II) modifie l'article 9 de la loi précitée sur deux points :

- 1°) le montant de l'amende est porté de 500.000 à 1 million de francs ;

- 2°) trois nouveaux alinéas sont proposés par l'article 6 ter du projet de loi pour compléter l'article 9 de la loi précitée :

les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions définies aux articles 4 à 8 de la loi précitée ;

les peines encourues par ces personnes morales sont de deux ordres :

. soit une amende, dont le montant peut être quintuplé pour une personne morale (article 131-38 du code pénal),

. soit une saisie.

Outre un amendement d'ordre rédactionnel, votre rapporteur approuve le renforcement de ce dispositif en espérant que l'augmentation des amendes permettra de mettre en place des moyens de contrôle plus importants.

En effet, la pêche illégale dans les terres australes et antarctiques françaises a pris des proportions considérables depuis deux ans. Ainsi, plusieurs navires pêchant sans autorisation et immatriculés dans différents pays de l'hémisphère sud ont été arraisonnés et condamnés au début de l'année 1997.

Cependant, le niveau actuel des amendes (jusqu'à 500.000 francs) apparaît trop peu élevé aujourd'hui pour dissuader des contrevenants de plus en plus nombreux, compte tenu de la valeur marchande considérable de la ressource, en particulier de la légine, dont le prix à la tonne dépasse 40.000 francs. Or, un navire peut détenir jusqu'à 500 tonnes à bord. A titre de comparaison, la Grande-Bretagne, en Géorgie du Sud, prévoit un niveau d'amendes pouvant atteindre 10 millions de francs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 7 ter-
(article L.237-1 du code rural)

Sanction en cas de braconnage d'espèces de poissons migrateurs - compétence des gardes-pêche

Cet article modifie l'avant-dernier alinéa de l'article L.237-1 du code rural relatif à la liste des agents compétents habilités à la recherche et à la constatation des infractions. Il permet ainsi de sanctionner le braconnage de poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

L'article L.237-1 du code rural est composé de huit alinéas. Il dresse la liste des agents habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du titre III -Pêche en eau douce et gestion des ressources piscicoles- du livre II -protection de la nature- du code rural.

Ces agents sont :

1° Les agents du Conseil supérieur de la pêche commissionnés à cet effet par décision ministérielle, et assermentés ;

2° Les ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts, les ingénieurs des travaux et les agents qualifiés chargés de la police de la pêche dans les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les ingénieurs et agents qualifiés des services chargés de la navigation commissionnés à cet effet par décision ministérielle et assermentés ;

3° Les ingénieurs en service à l'Office national des forêts et les agents assermentés de cet établissement visés à l'article L.122-7 du Code forestier ;

4° Les gardes champêtres ;

5° Les agents de l'Office national de la chasse commissionnés à cet effet par le ministre chargé de la protection de la nature et assermentés dans la circonscription à laquelle ils sont affectés.

L'avant dernier alinéa de l'article L.237-1 du code précité précise que " les agents commissionnés du Conseil supérieur de la pêche peuvent contrôler les conditions dans lesquelles, au-delà de la limite de salure des eaux, est pratiquée la pêche des espèces de poissons vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées ".

Le huitième et dernier alinéa indique que peuvent rechercher et constater ces infractions les agents des douanes ainsi que les agents autorisés par le décret du 9 janvier 1852.

Le texte proposé pour l'avant dernier alinéa de l'article L.237-1 du code rural par l'article 7 bis du projet de loi mentionne que " les agents du Conseil supérieur de la pêche et les agents de l'Office national de la chasse sont habilités à rechercher et à constater les infractions définies à l'article 6 du décret-loi du 9 janvier 1852 pour ce qui concerne celles relatives à la pêche des poissons vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées ", et ce sous l'autorité du directeur départemental des affaires maritimes.

Cette nouvelle disposition propose une solution à un problème qui n'est pas pris en compte actuellement par l'article L.237-1 du code rural. Elle concerne en effet les poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée comme les civelles . Ces juvéniles sont protégées, mais la réglementation actuelle ne permet pas de sanctionner les braconnages.

En effet, la réglementation en vigueur n'autorise pas les gardes-pêche à constater les infractions en aval de la limite de la salure des eaux, leur compétence étant limitée aux eaux douces.

Par ailleurs, les affaires maritimes, étant affectées à de multiples missions, éprouvent des difficultés à rechercher et à constater ces infractions. De plus, les services maritimes et les officiers de police judiciaire ne peuvent pas verbaliser les contrevenants faute d'avoir personnellement constaté les infractions lorsque les faits leurs sont rapportés par les gardes-pêche alors considérés comme de simples témoins.

Enfin, au plan de la gestion cohérente de la ressource, les conditions de pêche en eau douce et en eau salée étant fixées d'une manière uniforme par le préfet de région en application de l'article L.236-11 du code rural, cet article a aussi pour objectif de rendre les conditions de surveillance pertinentes et efficaces.

Votre rapporteur approuve cette mesure qui tend à permettre aux gardes-pêche et gardes-chasse d'exercer la surveillance de la pêche des poissons migrateurs, sous l'autorité du directeur départemental des affaires maritimes.

Il vous propose néanmoins un amendement tendant à modifier la rédaction de l'article 16 du décret-loi précité. En effet, cet article énumère de manière limitative les agents habilités à rechercher et à constater les infractions à ces dispositions et aux textes réglementaires pris pour son application.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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