D. IMPACTS ET ENJEUX POUR LA FRANCE
1. La contribution financière pour la phase « Deployment baseline » (2022-2030)
Dans les « Considérants » de l'Accord, la contribution financière de la France est fixée à 48 M € (2021) sur la période 2022-2030, correspondant à la phase dite « Deployment baseline », soit 2,86% d'un budget total estimé à 1,678 Md € (2021). Ce budget est honoré à partir de l'Action 18 du Programme 172 de la MIRES23(*).
Le budget global est réparti comme suit entre les différents pays membres - ces ratios étant susceptibles d'évoluer, notamment en fonction des potentielles décisions d'adhésion des deux derniers observateurs (Corée du Sud et Japon) :
Pays |
Ratios |
|
Afrique du Sud |
17,64% |
|
Allemagne |
1,30% |
|
Australie |
18,06% |
|
Canada |
7,42% |
|
Chine |
10,35% |
|
Espagne |
2,21% |
|
France |
2,86% |
|
Inde |
5,96% |
|
Italie |
6,63% |
|
Pays-Bas |
2,59% |
|
Portugal |
1,87% |
|
Royaume Uni |
19,97% |
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Suède |
1,49% |
|
Suisse |
1,65% |
|
Total |
100,00% |
L'article 3 de l'Accord programme les versements français comme suit : pour les exercices 2024 à 2027 : 6 M € (2021) ; pour les exercices 2028, 2029 et 2030 : 4 M € (2021).
Dans le détail, il est en outre précisé :
- Que pour les années 2022 et 2023, dans l'attente de la ratification du traité par la France, un accord signé en 2022 entre le CNRS et SKAO puis reconduit fin 2023, a fait du CNRS une collaborating organisation de SKAO (la France pouvant participer au Conseil de l'organisation en qualité d'observatrice), et a permis le versement des contributions annuelles françaises de 6 M € (2021) pour ces deux années.
- Que le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) a souhaité indexer le montant de sa participation à 4% depuis 2024 afin de compenser les déficits d'indexation des années précédentes24(*). Les montants suivants ont ainsi été versés pour la contribution française : 2022 : 6 000 000 €, 2023 : 6 379 800 €, 2024 : 6 985 362 €, 2025 : 7 198 610 €.
- Que le Conseil a par ailleurs décidé une contribution additionnelle des États membres, à partir de 2025, d'un montant total de 158 M € pour faire face aux surcoûts du Covid-19 et à ceux consécutifs à la guerre en Ukraine. La part française est estimée au minimum à 3,8 M € (avec un maximum de 4,6 M € pour conserver le ratio de contribution française dans l'hypothèse où ni le Japon ni la Corée du Sud ne deviendraient membres de l'organisation).
- Que l'exploitation des données de l'observatoire SKAO nécessite en outre des centres de données régionaux, les SKA Regional Centers (SRC), dont le financement est hors enveloppe SKAO, complétés par un réseau, le SRC Network (SRCNet)25(*). Chaque pays s'appuiera sur ses propres ressources et sur des ressources communes à obtenir via des appels d'offres européens. À terme, la France devrait contribuer pour environ 3% des besoins globaux du SRCNet, en dehors des besoins spécifiques de la communauté scientifique française pour l'exploitation des données SKA26(*).
Ainsi, au total, en intégrant ces paramètres, la participation française pour la phase de déploiement (2022-2030) pourrait s'établir entre 55 et 60 M €, sur un budget total estimé à 1,986 Md €.
2. L'application du principe de « Juste retour sur investissement »
La négociation de l'Accord a porté notamment sur le retour sur investissement (« fair work return »), garanti par son préambule qui stipule : « Considérant la décision des membres du Conseil de SKAO en date du 24 mai 2021, prise conformément au paragraphe 2 de l'article 6 de la Convention et recommandant à l'unanimité l'adhésion de la France au SKAO dans les conditions suivantes : [...]
- un niveau approprié de retour sur investissement industriel garanti à la France dans le cadre des activités d'approvisionnement liées à la construction de SKAO. »
La France ayant exprimé le souhait d'être le leader du volet « Centres de traitement de données », ce retour sur investissement industriel, estimé à environ 20 M €, devrait bénéficier pour l'essentiel au groupe Atos/Eviden, auquel incombera le défi majeur de concevoir et de réaliser, avec un impact environnemental minimum, des méga-centres de données dédiés à l'Observatoire, qui devront être en mesure de traiter un volume de données annuel équivalant au trafic internet mondial de 2015.
Ce contrat dit des Science Processing Centers (SPC) consiste concrètement en deux très grands centres de calcul, sur chacun des deux sites, chargés de la première étape de l'étalonnage et du traitement des données. Chacun d'eux redistribuera les 350 Po de données27(*) qu'il aura produites chaque année vers le réseau de centres de données et calcul continentaux (les SKA Regional Centers, SRCs) qui permettront l'exploitation scientifique de ces données dans chacune des cinq régions mondiales participant au projet.
La réalisation des SPC pourrait conduire à un partenariat avec l'entreprise DDN (Datadirect Network), qui a déjà remporté fin 2023 le contrat de co-design des SPC (250 k€/an), ou avec d'autres partenaires classiques d'ATOS comme NVIDIA et SiPearl, ATOS étant un intégrateur.
Il est précisé par ailleurs qu'un des contrats portés par l'Espagne ("Low & Mid Timing distribution Systems", pour environ 1.5 M €) a été attribué à une filiale espagnole du groupe français SAFRAN.
3. Un atout-clé en termes de diplomatie scientifique
Le bénéfice attendu pour la communauté scientifique française est considérable : la participation de la France à SKAO sera l'occasion de mettre en valeur l'excellence française au sein de ce projet-phare : Lors de son déploiement, elle participera aux différents défis technologiques (infrastructures de calcul, approvisionnement en énergie, logistique, cryogénie, etc.) et environnementaux soulevés par le projet ; à terme, la communauté scientifique française impliquée dans l'exploitation de SKA devrait dépasser 400 chercheurs et chercheuses une fois l'instrument opérationnel, avec un accès aux télescopes de l'Observatoire proportionnel à la participation française28(*). La France a par ailleurs négocié pour ses scientifiques le pilotage des questions relatives au « milieu interstellaire »29(*), qui constitue un volet-clé du projet, touchant aux molécules les plus complexes de l'univers.
Comme tout projet d'une telle ampleur, SKAO constituera également, pour les communautés scientifiques qui y participeront, un incubateur et un accélérateur de compétences dont bénéficieront pleinement les chercheurs français.
* 23 La Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur (MIRES) est chargée de rédiger le projet de budget des programmes et actions dans ce domaine.
Elle réunit des représentants de plusieurs ministères dans le but de permettre un arbitrage concerté en amont des débats sur le Projet de Loi de Finance (PLF). La MIRES regroupe ainsi, en 10 programmes, les crédits budgétaires de six départements ministériels et englobe la quasi-totalité de l'effort de recherche civile publique.
* 24 Les contributions sont indexées depuis 2022 par les pays qui en ont la possibilité. La France a quant à elle pour objectif d'indexer la sienne au taux réel.
* 25 Le budget du SRCNet (le réseau des SKA Regional Centers) n'est pas connu à ce jour. Le coût dépendra par ailleurs du modèle de gouvernance et économique adopté.
À l'horizon de la mise en opération de SKA1 - après 2030- il est estimé qu'un total d'environ 80 ETP (Équivalents Temps Pleins) devront être fournis par les participants au SRCNet, auxquels s'ajouteront les ETP nécessaires au fonctionnement des futurs noeuds.
* 26 Les ressources françaises potentielles sont multiples entre les infrastructures de recherche telles que le Grand Équipement national de calcul intensif (GENCI), la machine EuroHPC Jules Verne dont les Pays-Bas sont partenaires, auxquelles s'ajoutent les ressources européennes.
* 27 Un pétaoctet (Po) est une unité de mesure de la mémoire ou de la capacité de stockage de données qui équivaut à 2 octets à la puissance 50. Il y a 1024 téraoctets (To) dans un pétaoctet et environ 1024 Po dans un exaoctet (Eo).
* 28 L'article 13 de la Convention stipule en effet que l'allocation des créneaux horaires pour utiliser les infrastructures de SKA se fera « selon le principe d'un accès des membres et des membres associés proportionnel à leur prise de participation au sein du projet ».
* 29 Cette négociation fut complexe du fait du poids relativement modeste de la France au sein de SKAO (2,86% du budget) et de son intégration tardive parmi les membres.