C. LES ENJEUX DE DÉVELOPPEMENT DURABLE AU CENTRE DU PROJET

1. Un lien exemplaire avec les populations locales

Contrairement au projet américain du Thirty Meter Telescope (TMT), qui a déclenché une violente opposition de la part des autochtones hawaïens18(*) qui n'avaient à aucun moment été consultés, le projet SKAO a été conçu depuis son origine en concertation et en association avec les populations locales, en Australie comme en Afrique du Sud.

Ø L'Observatoire est implanté en Australie sur le territoire des Wajarri, population aborigène représentant 3% de la population australienne. Une attention toute particulière a été portée à la prise en compte et au respect de la culture Wajarri, et les membres du Conseil ont été formés à la culture et à l'histoire de ce peuple. Un comité de protection du patrimoine s'occupe des questions relatives au patrimoine culturel. Dans ce cadre, certains sites d'implantation de stations ont été modifiés pour préserver le patrimoine Wajarri.

Des aborigènes Wajarri participent à tous les Conseils se déroulant en Australie et viennent également assister à des séances du Conseil en Europe ou en Afrique du Sud.

Le projet SKA-Low est par ailleurs soumis à l'accord d'utilisation des terres autochtones (ILUA) de l'observatoire radio-astronomique Inyarrimanha Ilgari Bundara Murchison.

Ø Dans le cas de l'Afrique du Sud, le projet SKA a notamment été porté par des scientifiques compagnons de route de Nelson Mandela qui ont lutté contre l'apartheid et qui y voient un moyen d'éducation de la société sud-africaine, en particulier noire, et un vecteur de progrès technologique pour l'industrie locale. Ainsi, SKAO mène des actions de formation dans le désert du Karoo, et parvient à embaucher des techniciens autochtones issus de ces formations, notamment des femmes qui, sinon, n'auraient pas eu accès à ce type de formation et d'emploi.

Un archéologue et un paléontologue ont été nommés pour le site SKA-Mid afin de veiller à la conservation et à la préservation des ressources patrimoniales, qui sont particulièrement importantes pour l'histoire de la communauté du Karoo et de l'Afrique du Sud dans son ensemble.

Sur les deux sites, SKAO a su forger des liens avec les populations autochtones, mettant en valeur leurs cultures et participant au développement local, de sorte que le projet est, dans les deux cas, accueilli très favorablement.

(c) CNRS

Exposition Shared sky (2014) : en Afrique du Sud (haut) et en Australie (bas), en présence d'aborigènes australiens et d'artistes africains

2. Une démarche volontariste en matière de protection de l'environnement

Le projet SKAO, dès sa conception, a clairement intégré les problématiques de développement durable, mettant notamment en place un Sustainability Action Group supervisé par un comité de pilotage. L'entreprise Think Sustainability a été engagée pour assister SKAO dans sa stratégie de durabilité19(*).

SKAO a par ailleurs développé un plan pour le suivi et la minimisation de l'impact environnemental de l'Observatoire sur chacun des deux sites :

Ø S'agissant de SKA-Low (Australie), un plan de gestion environnementale a été élaboré en 2023-2024. Il repose sur les principes clés de la norme ISO 14001:2004, relative à la gestion de l'environnement (EnvMS). Il définit les objectifs environnementaux du projet, les responsabilités de SKAO et des entreprises sous contrat en matière de gestion environnementale. Il a également pour objectif une approche cohérente des aspects et des impacts environnementaux, sociaux et culturels.

Ø S'agissant de SKA-Mid (Afrique du Sud), le plan de gestion environnementale définit les exigences et les mesures d'atténuation relatives au projet. SKA-Mid travaille en étroite collaboration avec SARAO (South African Radio Astronomy Observatory) et les entreprises sous contrat pour le respect de ce plan. Avant le début des travaux, des visites écologiques et patrimoniales du site ont été effectuées par des spécialistes afin de définir l'empreinte finale du projet et d'exclure d'éventuelles zones. Il a été décidé que l'organisme national SANParks serait désigné comme autorité de gestion des terres de la zone centrale où SKA-Mid est construit. La zone centrale du site a par ailleurs été déclarée parc national, ce qui lui confère une protection supplémentaire. SKA-Mid fait l'objet d'audits qui ont conclu à un score de conformité de plus de 93% en 2024.

3. L'attention prêtée à la préservation de la biodiversité

La préservation de la biodiversité constitue un point de vigilance majeur du projet SKA et fait l'objet d'actions sur les sites australien comme sud-africain.

Ø SKA-Low est construit sur le territoire relativement vierge du désert de Murchison. Le permis obtenu pour son installation couvre la biosécurité (gestion des végétaux endémiques et exotiques), l'empreinte environnementale et la biodiversité. Les animaux domestiques (bovins et ovins) présents sur site ont été retirés et SKAO travaille à la réhabilitation de la terre ; le retour de la flore et de la faune endémiques est un enjeu majeur, qui est encadré dans le cadre dudit permis. Un plan particulier pour la protection de l'Egernia stokesii, une espèce de saurien endémique, a par ailleurs été mis en place.

Ø SKA-Mid est quant à lui implanté dans le désert du Karoo sur un territoire agricole. Le permis exige que les coordonnées GPS de l'emplacement original des espèces protégées, ainsi que celles de leurs nouveaux emplacements, accompagnées de photos, soient conservées. En outre, les espèces transplantées doivent faire l'objet d'un suivi afin de déterminer leur état de santé. Pour se conformer aux exigences du permis de récolte de la flore, des visites environnementales sont effectuées avant toute activité de défrichement, afin de s'assurer que les espèces végétales protégées - soit 29 espèces en 2024- sont identifiées et prises en compte.

Ø Enfin le démontage de l'Observatoire, en fin du projet, est lui aussi encadré.

4. L'élaboration de puissants centres de données décarbonés grâce à la compétence française

Avec un volume prévisible de données produites annuellement équivalant au trafic internet mondial en 2015, les problématiques liées à l'empreinte numérique constituent un enjeu majeur du projet.

Les acteurs français, coordonnés par le CNRS, se sont particulièrement impliqués sur cet aspect du projet, mettant ainsi en valeur l'excellence française : ils se sont notamment concentrés sur la conception de calculateurs performants à l'impact environnemental réduit. Côté industriel, la société Atos développe depuis plus de dix ans une approche globale de ce volet, depuis l'alimentation en énergie des supercalculateurs jusqu'au mode de traitement des données, avec pour objectif de développer des centres de calcul à bilan carbone nul20(*). Pour cela, l'entreprise entretient une collaboration active avec les scientifiques, les développeurs de composants et les développeurs d'applications.

Afin de minimiser la quantité d'informations en circulation, l'entreprise mise sur des mécanismes de traitement s'appuyant sur l'intelligence artificielle (IA).

5. Le double défi de la production électrique

La consommation d'électricité devrait être le poste budgétaire le plus coûteux du projet, après les salaires : l'objectif de consommation électrique de l'Observatoire est actuellement établi à 11 MW, ce qui fait de la production électrique une problématique majeure, faisant apparaître un double enjeu, quantitatif et qualitatif.

Le premier défi identifié, dès la phase de conception du projet, a en effet été la minimisation de la consommation électrique de l'Observatoire. Ainsi, le « budget énergétique » total de 11 MW adopté par SKAO21(*) représente environ la moitié de ce qu'il aurait été si aucune contrainte de ce type n'avait été imposée, ce qui induit une très importante économie au cours des 50 ans de durée de vie prévue pour l'Observatoire.

Le second enjeu concerne la qualité de l'énergie produite, avec l'objectif d'une fraction d'énergie renouvelable supérieure à 80%. Des compromis entre les coûts de construction, les coûts d'exploitation à long terme et la durabilité, ainsi qu'entre la capacité de production à partir de panneaux solaires photovoltaïques durables, le stockage sur batterie et la capacité de production à partir de combustibles fossiles seront cependant inévitables lorsque SKAO conclura ses contrats de fourniture énergétique pour les sites éloignés de SKA-Low et SKA-Mid.

6. L'engagement pour un ciel « sombre et calme »

Les deux sites du télescope SKA sont implantés dans des déserts, présentant un environnement presque vierge en termes de radiofréquences. Ce choix est motivé par le fait que les autres sources terrestres d'interférences sont susceptibles de perturber les observations astronomiques, ce qui implique une réglementation stricte relativement aux équipements utilisés à proximité des radiotélescopes : Ces sites spéciaux sont appelés zones de « silence radio ».

Cependant, satellites et avions survolent régulièrement les sites de l'Observatoire, produisant potentiellement des interférences dans les bandes de fréquences observées par les télescopes SKA. C'est pourquoi début 2022, suite aux appels de l'Union astronomique internationale face aux menaces présentées pour l'astronomie par les constellations de satellites en orbite terrestre basse, SKAO et le NOIRLab (de la National Science Foundation des États-Unis) ont décidé la création du Centre pour la protection du ciel sombre et calme contre les interférences des constellations de satellites (CPS).

Dans ce cadre, SKAO oeuvre à négocier des accords spéciaux en vue d'atténuer l'impact des constellations de satellites et faire du ciel nocturne une ressource durable pour tous ; des avancées significatives22(*) ont ainsi pu être obtenues.


* 18 Le choix autoritaire du site du volcan Maunakea, qui constitue un lieu sacré pour la culture hawaïenne, a été ressenti comme un héritage colonial et a fait l'objet de violentes manifestations en 2019, qui ont bloqué la réalisation du projet.

* 19 Voir notamment la présentation qui en est faite sur le site https://www.skao.int/en/explore/sustainability-skao.

* 20 Comme l'exprimait Jean-Marc Denis, Responsable de la Stratégie, des Big Data et de la Sécurité au sein du groupe Atos : « SKA représente une vitrine technologique unique qui va nous permettre d'appliquer notre expertise en matière d'optimisation et de décarbonation des supercalculateurs pour relever ce défi d'une envergure exceptionnelle. D'autre part, les innovations qui émergeront de ce projet pourront être mises à profit pour construire des centres de données décarbonés et plus puissants pour des clients plus classiques ».

* 21 SKAO attribue en effet un budget d'électricité maximal à chacun de ses sous-systèmes, afin de maîtriser sa consommation totale.

* 22 Space X et One Web ont notamment accepté de participer à ces discussions et envisagent de modifier le revêtement de leurs satellites pour en atténuer la luminosité.

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