B. UN DÉFI TECHNOLOGIQUE INÉDIT
1. Un réseau d'antennes unique au monde...
L'Observatoire SKA est conçu selon le principe de l'interférométrie : un procédé de mesure qui utilise le phénomène d'interférence des ondes ; cette technique permet, en combinant les signaux de plusieurs antennes, d'obtenir une résolution équivalente à celle d'un miroir (ou radiotélescope) d'un diamètre équivalant à l'écart entre les instruments combinés, de sorte que plus l'espacement entre les antennes est grand, plus l'image finale est précise. Elle permet ainsi de construire progressivement une image de très haute qualité, même à partir d'une source très faible, si on lui laisse suffisamment de temps.
L'Observatoire est physiquement déployé sur trois sites, sur lesquels il emploie actuellement 224 personnes (dont 202 sur son siège anglais) :
Ø Son siège, à partir duquel sont pilotés les deux réseaux d'antennes collectrices, est implanté à Jodrell Bank, près de Manchester.
(c) University of Manchester
Ø Un premier réseau d'antennes dit « SKAO-Low », situé dans le désert de Murchison, en Australie occidentale, couvre les plus basses fréquences, comprises entre 50 et 350 Mhz. Il représentera, à l'issue de la phase dite « Deployment baseline » (AA*) estimée en 2030, 78 592 antennes phasées fixes dites « à dipôles log-périodiques11(*) » (en forme de « sapin de Noël ») :
(c) SKAO
(c) SKAO
À l'issue de la phase SKA1 (dite « Design baseline »), ce réseau « basses fréquences » devrait comporter 131 072 antennes. La distance inter-antennes maximale - ce qui constitue un facteur très important en interférométrie pour la qualité de la résolution obtenue - atteindra 150 km.
Ø Le second site, dit « SKAO-Mid », situé dans le désert de Karoo en Afrique du Sud, est dédié aux fréquences comprises entre 350 Mhz et 15 Ghz, captées au moyen de 144 antennes paraboliques12(*) orientables de 15m de diamètre13(*).
(c) SKAO
(c) SKAO
A l'issue de la phase SKA1 dite « Design baseline », ce site comptera 197 antennes de ce type, avec une distance inter-antennes maximale de 74 km.
Le réseau total de SKA1 représentera alors une surface collectrice14(*) représentant le dixième de la surface d'1 km2 prévue par la version ultime du projet.
SKAO représente, de l'avis des scientifiques, un saut qualitatif immense par rapport aux instruments existants. Dès la phase 1, SKA sera l'une des plus formidables machines jamais déployées par l'homme, et de loin la plus impressionnante en termes de débit de données et de puissance de calcul engagée. Comparé au Very Large Array15(*), le meilleur instrument actuel dans la gamme de fréquences dites « intermédiaires », SKA1-Mid aura une résolution 4 fois supérieure, sera 5 fois plus sensible, et 60 fois plus rapide pour couvrir de grands champs. De même, SKA1-Low sera 8 fois plus sensible et 125 fois plus rapide que LOFAR16(*), le meilleur instrument actuel dans la gamme des basses fréquences.
Dans sa configuration finale (non programmée à ce jour), SKA2 sera l'instrument ultime de la radioastronomie du XXIème siècle.
2. ... porteur de promesses exceptionnelles
SKAO permettra notamment une observation approfondie de l'hydrogène atomique (soit 75% de la masse de l'Univers hors matière sombre) depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui. L'observatoire sera également également en mesure de détecter une multitude d'autres espèces, que ce soit des espèces chimiques comme des molécules organiques, ou des radiations continues, sans signature spectrale spécifique. Il permettra par ailleurs de mesurer la polarisation des radiations et donc le champ magnétique de l'Univers.
Ainsi, SKAO devrait rendre possibles des avancées majeures sur les questionnements essentiels de l'astrophysique et de la physique modernes, notamment :
- la détection de la formation des premières étoiles par ionisation du gaz d'hydrogène atomique. L'observation de ces étoiles, qui remontent à une période située entre 100 et 280 millions d'années après le Big Bang, permettra de faire le lien avec les observations de la mission Planck de l' Agence spatiale européenne (ESA)17(*).
- la formation et l'évolution des galaxies des origines à nos jours, avec la transformation du gaz d'hydrogène en étoiles, l'alimentation du coeur des galaxies et le rôle des trous noirs supermassifs qu'ils abritent.
- l'étude des pulsars : Les pulsars correspondent à des étoiles à neutron résultant de l'effondrement d'étoiles massives et dotées d'un fort champ magnétique. Ils constituent de véritables laboratoires de physique qui dépassent ce que l'humain peut faire sur Terre du fait de leur extraordinaire densité et de leurs gigantesques champs magnétiques.
- la détection d'ondes gravitationnelles à la fois primordiales (remontant au Big Bang) et dues à la fusion de trous noirs supermassifs (résultant de la fusion et de la croissance des galaxies).
- la mesure des champs magnétiques dans l'Univers, depuis des échelles cosmologiques jusqu'à des échelles comparables à une fraction de la distance Terre-Soleil. Les champs magnétiques jouent un rôle majeur dans la structuration et l'évolution des objets du cosmos, et demeurent difficiles à mesurer sans un instrument comme SKA.
* 11 L'antenne « log-périodique » fonctionne en exploitant le principe des fréquences de résonance : Chaque élément dipôle résonne à une fréquence spécifique, et leurs longueurs sont calculées de manière à ce que les fréquences de résonance se chevauchent, permettant ainsi à l'antenne de fonctionner sur une large gamme de fréquences.
* 12 À l'issue de la phase dite « Deployment baseline » (AA*), estimée en 2030.
* 13 Les antennes paraboliques sont des dispositifs utilisés pour transmettre et recevoir des signaux électromagnétiques, caractérisés par leur forme circulaire réfléchissante qui concentre les signaux vers un point focal, maximisant ainsi leur réception.
* 14 La « surface collectrice » désigne la surface des collecteurs déployés (antennes) et non la surface au sol de l'installation.
* 15 Le Karl G. Jansky Very Large Array (le « Très grand réseau Karl-G.-Jansky ») est un radiotélescope situé dans la plaine de San Augustin au Nouveau-Mexique ( États-Unis). Rattaché au National Radio Astronomy Observatory, il est formé de 27 antennes paraboliques larges de 25 m, se déplaçant sur des rails disposés selon un tracé formant un immense Y (deux branches de 21 km et un pied de 19 km). Il couvre les longueurs d'onde intermédiaires entre l'Atacama Large Millimeter/Submillimiter Array (ALMA) (domaine du millimétrique) et SKAO (domaine du centimétrique et décamétrique.)
* 16 Le Low-Frequency Array (LOFAR) est un radiotélescope géant constitué d'un réseau d' interféromètres, répartis dans six pays européens dont la France, soit 20 000 antennes omnidirectionnelles. Il est le plus grand radiotélescope en réseau au monde, capable de couvrir une aire d'observation de plusieurs centaines de mètres carrés, et captant des fréquences très basses.
* 17 Planck est un observatoire spatial développé par l' Agence spatiale européenne (ESA) avec une participation de l'agence spatiale américaine, la NASA. Le satellite Planck observe deux types de rayonnement qui constituent les principales sources d'information sur la structure de l'Univers à ses débuts : le fond diffus cosmologique, dans le domaine spectral des micro-ondes, qui reflète la structure de l' Univers primordial, et le fond diffus infrarouge qui nous renseigne sur la formation des structures à grande échelle de l'Univers ( galaxies et amas de galaxies) les plus anciennes.