EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes, réunie le mardi 17 décembre 2024, a engagé le débat suivant :

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Mes chers collègues, nous passons maintenant de la Terre au ciel !

J'ai mené, avec Gisèle Jourda, les travaux sur la proposition de résolution n° 158 sur la gestion du trafic spatial et le développement d'un espace « vert » déposée par notre collègue Ludovic Haye. Notre collègue étant en déplacement à l'étranger, je présenterai le rapport dans son ensemble.

L'Union européenne a officiellement lancé hier son projet Iris² de constellations de satellites de communications sécurisées. Ce projet phare de l'Europe spatiale prévoit le déploiement d'un réseau de 290 satellites, permettant d'établir, à compter de 2030, des communications sécurisées dans des domaines stratégiques comme la défense, la gestion des crises ou la surveillance. Alors que l'américain SpaceX d'Elon Musk est devenu, avec Starlink, l'un des principaux fournisseurs mondiaux d'internet par satellite, il s'agit, pour l'Union européenne, de se positionner sur le marché ultraconcurrentiel de la connectivité spatiale à haut débit, tout en renforçant son autonomie stratégique.

Le hasard du calendrier fait parfois bien les choses, puisque cette actualité fait directement écho à la PPRE qui est soumise aujourd'hui à l'examen de notre commission. Déposée il y a un mois par notre collègue Ludovic Haye, co-auteur d'une note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les débris spatiaux, cette PPRE se focalise en effet sur les conséquences de la prolifération des satellites dans l'espace.

De fait, l'avènement de l'ère du « New Space » a contribué à faire chuter les coûts associés à l'envoi de satellites dans l'espace et a entraîné une hausse exponentielle du nombre de satellites en orbite. Selon la start-up française Look Up Space, la barre des 10 000 satellites actifs en orbite a été franchie en juin dernier, la constellation Starlink comptant à elle seule plus de 6 600 satellites. Or ce mouvement n'en est qu'à ses débuts : selon les estimations actuelles, le nombre vertigineux de 100 000 satellites en orbite pourrait être atteint à l'horizon de 2030...

Comme le rappelle la note scientifique de l'Opecst, l'augmentation du trafic dans l'espace s'accompagne de celle des débris spatiaux, qu'il s'agisse de vaisseaux spatiaux hors service, d'étages hors d'usage des fusées utilisées pour les lancer, d'objets lâchés dans l'espace au cours des missions, de détritus rejetés par les navettes spatiales ou encore de morceaux de satellites.

Près d'un million de débris compris entre 1 et 10 centimètres graviteraient ainsi autour de la Terre, à une vitesse de l'ordre de 30 000 kilomètres par heure en orbite basse. Or, comme nous l'a rappelé l'Agence spatiale européenne (ESA) lors de son audition, à cette vitesse, un débris de 1 centimètre possède la même énergie à l'impact qu'une grenade militaire... La hausse du nombre de débris augmente le risque d'incidents potentiels à l'avenir et menace donc directement la sécurité du trafic spatial.

Plus généralement, l'encombrement spatial génère des risques à moyen et long terme. L'orbite terrestre basse - située à moins de 2 000 kilomètres - concentre la plupart des constellations de satellites commerciaux, mais également plus de la moitié des 36 000 « gros débris » de plus de 10 centimètres, et sa saturation progressive menace d'entraver, à terme, le lancement de nouvelles missions. Le trafic spatial s'y révèle d'ores et déjà particulièrement complexe : à titre d'exemple, Starlink y effectue plus de 100 000 manoeuvres d'évitement par an.

Cette situation a également des conséquences négatives sur l'observation astronomique et la recherche, en raison de la pollution lumineuse et des interférences électromagnétiques.

Enfin, dans la mesure où la grande majorité des satellites lancés au cours des dernières années ont vocation à chuter vers la Terre à l'issue de leur mission, l'encombrement spatial pose des risques pour l'aviation, les populations et les infrastructures au sol, liés à la rentrée atmosphérique souvent incontrôlée des objets spatiaux.

In fine, ces phénomènes concomitants pourraient rendre certaines orbites inutilisables dans les décennies à venir, alors même que nous dépendons plus que jamais des technologies spatiales dans des domaines essentiels, qu'il s'agisse des communications, de la prévention des catastrophes naturelles, du fonctionnement des marchés financiers ou encore de la protection civile.

Pour le dire clairement, il y a fort à craindre que, dans les années à venir, une collision satellitaire ne se produise, entraînant une interruption brutale des données ou services spatiaux. Je vous laisse imaginer les conséquences d'un tel scénario pour les citoyens européens...

La PPRE de notre collègue Ludovic Haye rappelle utilement ces enjeux, en détaillant les différents risques auxquels nous expose l'accroissement des objets en orbite. Elle souligne ensuite que les récentes avancées technologiques permettent désormais d'apporter certaines réponses à cette situation d'un point de vue opérationnel, avec le développement de techniques de pointe en matière d'identification et de suivi des débris, de prévention des collisions, mais également de réduction et d'élimination active des débris spatiaux.

Néanmoins, et c'est un paradoxe que relève notre collègue, alors que la congestion spatiale soulève des risques d'ampleur planétaire, il n'existe pas de cadre juridique international pour préserver la durabilité des activités spatiales. En effet, le droit spatial international, qui a essentiellement été élaboré au cours des années 1970, est demeuré relativement figé au cours des dernières années. Certes, à défaut de véritables normes juridiques, des lignes directrices ont été élaborées en matière de gestion du trafic spatial ; ces dernières demeurent néanmoins non contraignantes, et leur mise en oeuvre dépend uniquement de la bonne volonté des parties prenantes.

Dans ce contexte, aux yeux de nombreux observateurs, il est désormais impératif de se doter d'un texte international contraignant, qui imposerait des pratiques respectueuses en matière de non-production des débris et de limitation des risques de collisions. Mais les discussions multilatérales actuelles ne permettent pas d'envisager l'adoption de tels instruments contraignants à court terme.

En parallèle, face à l'augmentation du nombre d'entreprises spatiales commerciales, et au regard de l'obligation qui est faite aux États de superviser les activités de leurs acteurs privés, nous assistons à une véritable prolifération des réglementations nationales : à l'échelle de l'Union européenne, 12 États membres se sont d'ores et déjà dotés d'une loi spatiale, tandis que 5 autres travaillent à l'élaboration d'un tel texte.

Or cette fragmentation normative présente de nombreux inconvénients, puisque les opérateurs et fabricants du secteur spatial doivent se conformer à une multitude d'exigences divergentes. Les récents rapports d'Enrico Letta sur le marché unique et de Mario Draghi sur la compétitivité européenne ont ainsi relevé que le manque de règles communes freinait la croissance et la compétitivité, notamment dans le secteur spatial. Nous proposons donc d'amender la PPRE pour rappeler que, « à l'échelle de l'Union européenne, la coexistence de législations nationales hétérogènes nuit à la compétitivité des acteurs spatiaux ».

La France elle-même a adopté, en 2008, une législation pionnière en matière de pollution spatiale : la loi relative aux opérations spatiales, dite « LOS », impose aux opérateurs français ou étrangers qui souhaitent procéder au lancement d'un satellite depuis le territoire national de respecter un ensemble de règles pour limiter leur impact environnemental - je rappelle que le pas de tir européen se situe en France. Cette loi constitue désormais un cadre de référence aux niveaux européen et international, que nous proposons de rappeler explicitement dans le dispositif de la PPRE.

Au regard des difficultés posées par cette fragmentation réglementaire et des défis soulevés par la congestion spatiale, la PPRE plaide pour une approche européenne de la gestion du trafic spatial, incluant une dimension opérationnelle, diplomatique, mais également réglementaire.

En pratique, je veux, pour vous donner quelques éléments de contexte, évoquer la communication intitulée « Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial », que la Commission européenne a présentée en 2022. Celle-ci y soutient le lancement d'une initiative spatiale européenne reposant sur trois piliers distincts : le renforcement des capacités de surveillance de l'espace ; le développement de règles communes ; le renforcement de la voix de l'Union sur la scène internationale. Les États membres ont accueilli positivement cette communication et adopté, en juin 2022, des conclusions du Conseil appuyant cette initiative. La PPRE salue l'adoption de ces conclusions.

S'agissant du deuxième pilier, relatif au développement de règles communes, la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, a fait de l'élaboration d'une loi spatiale européenne l'une des priorités de l'Union européenne pour la nouvelle législature. Initialement prévue pour le premier semestre 2024, la présentation de cette proposition avait été reportée une première fois par le commissaire Thierry Breton, puis a été retardée en raison du contexte du renouvellement institutionnel ; selon les informations qui nous ont été transmises par la Commission européenne elle-même, la présentation de ce texte est désormais prévue pour le premier semestre 2025. Il comporterait trois piliers : la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales.

La présente PPRE s'inscrit dans le soutien à cette initiative et plaide pour une telle proposition législative. Celle-ci étant visiblement plébiscitée par les acteurs du secteur spatial, nous partageons cette position.

Nous proposons néanmoins de compléter le dispositif sur sept points.

Premièrement, puisque la future loi spatiale a vocation à renforcer la compétitivité de l'industrie spatiale européenne, il paraît indispensable que les nouvelles exigences s'imposent à tous les opérateurs de satellites, européens ou non, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen, c'est-à-dire sur le sol européen ou pour des utilisateurs européens. Il s'agit là d'une condition indispensable pour préserver la compétitivité des entreprises européennes et nous proposons de le souligner.

Deuxièmement, dans le prolongement de l'objectif de soutien à la compétitivité, alors que la proposition de résolution européenne appelle l'Union européenne à accroître ses investissements dans les programmes spatiaux et à soutenir le développement de lanceurs européens, il nous a paru indispensable de rappeler que le maintien d'un accès souverain à l'espace constitue une condition essentielle de la préservation de notre autonomie stratégique.

Troisièmement, la future loi spatiale a également vocation à soutenir les applications et entreprises spatiales oeuvrant en faveur de la préservation de l'environnement spatial ; au-delà des aspects réglementaires, le déploiement de ce volet « durabilité » implique de consentir des investissements significatifs en matière d'innovation et de recherche et développement (R&D), afin notamment d'identifier plus précisément les matériaux et processus spatiaux « durables », puisque, comme l'ont souligné plusieurs personnes auditionnées, l'état des connaissances dans ce domaine demeure encore embryonnaire. Si la PPRE invite d'ores et déjà à soutenir la recherche dans les technologies d'assainissement des débris, nous proposons de compléter le dispositif, en plaidant pour que ces recherches englobent également les activités relatives à la connaissance et la caractérisation des débris ainsi qu'à l'écoconception et au cycle de vie des systèmes spatiaux.

Quatrièmement, il importe de garantir une bonne articulation avec les lois spatiales nationales, a fortiori dans le cas de la France, qui dispose d'une législation particulièrement ambitieuse et complète en la matière. Il est donc primordial, en application des traités, que la future loi spatiale européenne ne conduise pas à remettre en cause les dispositions de la LOS ; nous proposons par conséquent de rappeler le nécessaire respect du principe de subsidiarité.

Cinquièmement, nous avons intérêt à favoriser l'émergence d'un texte européen s'inspirant de notre législation nationale, pour mettre un terme aux distorsions de concurrence intracommunautaires. En effet, les acteurs européens non français ne sont pas soumis à la LOS et à ses exigences techniques ; une approche européenne alignée sur la LOS permettrait dès lors d'améliorer la compétitivité des opérateurs et industriels français, qui sont parmi les plus contraints en Europe. Nous préconisons donc de compléter la proposition de résolution européenne par un alinéa plaidant en faveur d'un cadre réglementaire européen ambitieux.

Sixièmement, la gestion du trafic spatial se révélant intrinsèquement duale, il est capital que les opérateurs et activités de défense, qui relèvent par nature de la souveraineté nationale, soient explicitement exclus du champ d'application de la réglementation ; nous proposons de rappeler ce point important dans le dispositif de la PPRE.

Septièmement, les parties prenantes auditionnées ont insisté sur la nécessité de ne pas alourdir la charge administrative pesant sur les opérateurs, pour ne pas nuire à la compétitivité des PME et des start-up. Nous recommandons donc de mentionner ce point de vigilance.

Je souhaite conclure en soulignant que, à terme, seule une réponse internationale sera en mesure de promouvoir une approche efficace en matière de gestion du trafic spatial. Dans cette perspective, il est dans l'intérêt de l'Union européenne de pouvoir s'appuyer sur une réglementation régionale partagée par les Vingt-Sept, afin d'influencer efficacement les discussions multilatérales et de promouvoir une vision européenne en matière de durabilité des activités spatiales.

Mme Marta de Cidrac. - Vous rappelez que l'espace appartient à ceux qui s'y trouvent et vous insistez sur la nécessité d'avoir des accords à l'échelon international. Or la proposition de résolution européenne ne vise que le cadre européen. Selon moi, il faut surtout que cette réglementation soit commune à l'ensemble des pays, afin de nous prémunir contre les pratiques des États-Unis ou de la Chine. Aux termes de l'alinéa 44 du texte, le Sénat plaiderait « en faveur d'un cadre réglementaire européen ambitieux, introduisant des normes communes exigeantes et des standards élevés, pour limiter autant que possible la production de nouveaux débris spatiaux » ; cela ne s'appliquerait qu'aux entreprises européennes et non aux autres. Peut-être qu'une industrie européenne peut émerger, mais elle sera cantonnée au contexte européen. Cela me fait penser aux propos d'un intervenant italien sur le numérique, qui disait qu'en la matière, l'Amérique innove, la Chine copie et l'Europe réglemente... Ne faut-il pas au contraire encourager l'Europe à définir une approche commune à porter à l'échelon international ?

Mme Mathilde Ollivier. - Les investissements dans le domaine spatial sont très lourds, ce qui exige de pouvoir viser un marché européen, d'où la nécessité d'un cadre réglementaire européen et non national.

À la lecture de la PPRE, on se rend compte de l'importance de l'échelle internationale dans ce domaine. Il faut un cadre international pour réguler non seulement les débris spatiaux, mais également les acteurs privés ; il y a bien sûr Starlink, mais il existe d'autres acteurs qui envoient des satellites, lesquels produiront tôt ou tard des débris spatiaux.

La régulation du trafic spatial présente un enjeu important du point de vue de la souveraineté nationale, mais aussi de la recherche : nombre de chercheurs en astrophysique ou en astronomie nous ont alertés, car l'observation de l'espace pâtira du nombre trop important de satellites. Il est indispensable de réguler ce domaine à l'échelon international. Peut-être faut-il prévoir un alinéa sur ce sujet...

En tout état de cause, nous soutenons cette proposition.

M. Didier Marie. - Je ne peux que souscrire à la volonté de définir une stratégie européenne et une réglementation commune en matière spatiale ; ce qui est valable dans ce domaine l'est d'ailleurs également dans d'autres. Cela permettra à l'Europe d'imposer ses normes à l'échelon international et de protéger son industrie, puisque les contraintes économiques s'imposeront à tous les opérateurs dès lors qu'ils agiront sur le territoire européen. Une réglementation européenne aura un poids beaucoup plus important que les diverses réglementations nationales. Je souscris donc à cette proposition de résolution européenne.

En revanche, j'ai quelques réserves sur l'alinéa 47. Je conçois que l'on produise des satellites de défense, mais je ne vois pas pourquoi ces derniers échapperaient aux règles de fabrication visant à limiter les débris spatiaux : un satellite, fût-il militaire, deviendra tôt ou tard un débris spatial. Pourquoi ne pas leur imposer ces règles ?

M. Pascal Allizard. - Ce travail est nécessaire et devra faire l'objet d'un suivi.

J'approuve la volonté d'être moteurs dans la création d'une réglementation européenne sur le sujet, tout en gardant en tête la nécessité de pousser ensuite celle-ci à l'international. On peut sans doute ajouter un alinéa en ce sens, mais cette proposition constitue déjà en soi un pas important.

En ce qui concerne la dimension militaire de cette question, il faut savoir que l'accès à l'espace a longtemps concerné seulement quelques satellites ; il n'y avait pas vraiment de règles, simplement un modus vivendi avait émergé, que l'on respectait. Ce n'est plus le cas, en raison de l'explosion du nombre d'acteurs et parce que l'espace est devenu un enjeu en tant que tel ; la France a elle-même créé une direction de l'espace au sein de l'armée de l'air. Pendant longtemps, hormis quelques modèles de calcul permettant de connaître la situation, notre information dépendait largement du bon vouloir des services américains. Que la France soit motrice sur ce sujet est une excellente chose, afin qu'un équilibre réglementaire soit trouvé à l'international. Cela dit, j'insiste à l'attention de notre collègue Didier Marie, en ce qui concerne les questions de défense, il s'agit d'un enjeu de souveraineté nationale, auquel il serait prématuré de toucher.

M. Dominique de Legge. - Je partage l'avis de Pascal Allizard sur la défense. J'ajoute que, au travers du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip), la Commission européenne exprime déjà une volonté de réguler la base industrielle et technologique de défense (BITD). Il me semble donc opportun de réaffirmer ce principe.

Je rejoins également les propos de Marta de Cidrac : l'espace n'est pas qu'européen. Comme pour l'agriculture, il ne faut pas oublier que ce domaine exige une coopération mondiale, afin de ne pas nuire à notre propre industrie au profit de celle d'autres pays. Je soutiens ce texte.

M. Didier Marie. - La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées débattra demain du règlement Edip.

De même que l'on ne peut pas plaider pour une industrie européenne de défense sans que soient mises en oeuvre des règles communes dans ce secteur, on ne peut pas plaider pour une industrie européenne de l'espace, destinée à concurrencer les autres grandes nations, sans instaurer un minimum de règles communes. Je comprends qu'il faille protéger notre souveraineté, je comprends que nous ne partagions pas les informations récupérées par nos satellites, mais je suis gêné que l'on ne partage pas les éléments permettant la gestion des déchets lors de leur disparition.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je vais répondre d'abord sur la dimension internationale de cette question, qui n'est d'ailleurs pas absente de la PPRE. Le dispositif mentionne en effet la nécessité de promouvoir l'élaboration de normes internationales exigeantes dans les enceintes multilatérales, et invite la Commission à continuer de promouvoir activement des comportements responsables dans l'espace extra-atmosphérique. Pour influencer efficacement les discussions internationales, l'Union européenne doit pouvoir s'appuyer sur un cadre règlementaire commun : telle est la finalité de la future loi spatiale européenne. À l'échelle nationale, la France dispose d'un cadre très performant mais très contraignant. Il faut essayer de constituer un cadre européen, pour ne pas créer de concurrence intra-européenne, car il y a beaucoup de nouveaux acteurs. Dans ce cadre, ce texte permet de montrer le chemin. Donc, vous avez raison, il faut réglementer à l'échelon international, mais crantons déjà les choses à l'échelon européen avec ce texte et en nous appuyant sur la LOS, qui présente l'avantage de l'ancienneté et de l'expérience.

S'agissant des questions relatives à la défense, je vous rappelle que les dispositions françaises prévoient la possibilité de déroger aux obligations posées par la LOS pour les opérations spatiales menées par l'État dans l'intérêt de la défense nationale ; la PPRE ne dit pas autre chose, et appelle uniquement à respecter les prérogatives des États membres en matière de sécurité et de défense.

La question du retour géographique n'a pas été évoquée. Dans nos travaux, nous mentionnons les rapports Letta et Draghi, selon lesquels le retour géographique nuit à la compétitivité européenne. Il faudra donc trancher, ce qui nous amène au problème de la gouvernance entre l'ESA, la Commission européenne et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA).

L'ESA est une organisation internationale qui se bat pour conserver un certain leadership, car son cadre est plus large que celui de l'Union européenne. La Commission européenne défend, elle, le fait que son autonomie stratégique dépend de sa capacité à développer des activités spatiales, ce qu'elle fait déjà et continuera de faire, notamment au travers du projet Iris². Enfin, l'EUSPA a vocation à mettre en oeuvre le programme spatial de l'Union européenne.

Nous avons donc, in fine, plus que jamais, besoin d'outils complémentaires à la LOS, dont ce futur texte européen fera partie. Ce sera une façon pour l'Union européenne d'imposer sa loi, demain, dans le domaine spatial.

Mme Marta de Cidrac. - Les alinéas 43 et 44 mentionnent la subsidiarité et le volet normatif. J'ai toujours une crainte sur ce dernier sujet, et préférerais, à l'alinéa 44, la mention d'un cadre commun plutôt que celle d'une norme européenne. Trop de normes pourraient faire fuir des acteurs du continent.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La norme, notamment entendue dans sa dimension technique, n'est pas forcément péjorative. Les acteurs français ne veulent pas d'une réglementation européenne moins disante que celle de notre pays, car ils seraient alors moins compétitifs. Le droit européen doit donc se rapprocher autant que possible de la LOS.

Mme Marta de Cidrac. - Sur le fond, je vous entends : il faut un cadre commun, et je souhaite que ce terme figure dans l'alinéa 44. Mais la formulation actuelle me gêne : nous risquons, en alourdissant trop la barque, de nous mettre à dos des acteurs européens.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Il n'y aura, en tout cas, pas plus de normes en France, le standard français étant déjà très élevé.

Cela étant, nous pourrions supprimer le mot « exigeantes ». Mais surtout, ne baissons pas le niveau global ! La thématique spatiale vit en France, même s'il nous manque un récit. Au niveau européen, des signaux sont également envoyés, avec un commissaire européen chargé de l'espace et de la défense, qui s'est engagé à une publication rapide de la proposition législative.

Notre PPRE arrive donc au bon moment pour rappeler le leadership de la France sur ce sujet au sein de l'Union européenne. Je propose donc de supprimer le mot « exigeantes » à l'alinéa 44.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La PPRE évoquait également de futurs satellites « biodégradables », même si la notion de biodégradation dans le vide pose question. Les Japonais ont en effet lancé un premier satellite en bois. De tels satellites se dégraderont intégralement à leur retour dans l'atmosphère.

Je note, à cet égard, que les conséquences de ces rentrées atmosphériques ont fait l'objet de peu d'études. L'ESA va travailler sur ce sujet dans les mois à venir. Si nous savons en effet que cette rentrée produit des effets sur l'atmosphère, mais aussi sur les sols, nous ne mesurons pas encore très bien l'impact environnemental de ce phénomène. .

La commission autorise la publication du rapport et adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

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