- AVANT-PROPOS
- I. L'ENCOMBREMENT SPATIAL MENACE LA
SÉCURITÉ ET LA PÉRENNITÉ DES ACTIVITÉS
SPATIALES
- A. L'AVÈNEMENT DE L'ÈRE DU
« NOUVEL ESPACE » S'EST TRADUIT PAR UNE HAUSSE
EXPONENTIELLE DU NOMBRE DE SATELLITES EN ORBITE
- B. L'AUGMENTATION DU TRAFIC DANS L'ESPACE
S'ACCOMPAGNE DE CELLE DES DÉBRIS SPATIAUX
- C. LA PROLIFÉRATION DES OBJETS SPATIAUX
EMPORTE DES RISQUES DE COLLISION ET DE CONGESTION QUI MENACENT LA
SÉCURITÉ ET LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
- A. L'AVÈNEMENT DE L'ÈRE DU
« NOUVEL ESPACE » S'EST TRADUIT PAR UNE HAUSSE
EXPONENTIELLE DU NOMBRE DE SATELLITES EN ORBITE
- II. UNE CONGESTION SPATIALE PLANÉTAIRE, MAIS
PAS DE CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL SUSCEPTIBLE DE PRÉSERVER LA
DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
- A. FAUTE DE RÈGLEMENTATION INTERNATIONALE
HARMONISÉE, DES LIGNES DIRECTRICES NON CONTRAIGNANTES
- B. UN ESSOR DES RÈGLEMENTATIONS NATIONALES
POUR RÉGULER LES ACTEURS PRIVÉS
- C. SUR LE PLAN OPÉRATIONNEL, DES INITIATIVES
PUBLIC/ PRIVÉ POUR PRÉSERVER LA DURABILITÉ DES
ACTIVITÉS SPATIALES
- 1. La Charte Zéro débris et la
coalition « Net Zero Space » : des engagements
unilatéraux des acteurs spatiaux pour réduire les débris
spatiaux
- 2. La mise au point de techniques de pointe en
matière de réduction et d'élimination active des
débris spatiaux, un axe de développement prometteur pour
l'écosystème spatial
- 1. La Charte Zéro débris et la
coalition « Net Zero Space » : des engagements
unilatéraux des acteurs spatiaux pour réduire les débris
spatiaux
- A. FAUTE DE RÈGLEMENTATION INTERNATIONALE
HARMONISÉE, DES LIGNES DIRECTRICES NON CONTRAIGNANTES
- III. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLAIDANT
OPPORTUNÉMENT POUR UNE APPROCHE EUROPÉENNE DE LA GESTION DU
TRAFIC SPATIAL AUX PLANS OPÉRATIONNEL, RÈGLEMENTAIRE ET
DIPLOMATIQUE
- A. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES
CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE SURVEILLANCE ET DE SUIVI DES
ACTIVITÉS SPATIALES
- B. L'ADOPTION SOUHAITABLE D'UNE LOI SPATIALE
EUROPÉENNE POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ, LA
RÉSILIENCE ET LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
- 1. Une proposition législative dont la
présentation a été retardée de plusieurs
mois
- 2. Un texte qui devrait comporter trois piliers,
à savoir la sécurité, la résilience et la
durabilité
- 3. Deux enjeux principaux : renforcer la
compétitivité de l'industrie spatiale européenne et
mesurer de manière plus systématique l'impact environnemental des
activités spatiales
- 4. A quelques mois de la présentation de
cette initiative législative, des points de vigilance d'ores et
déjà identifiés
- a) Garantir une bonne articulation avec les lois
spatiales nationales et respecter le principe de subsidiarité
- b) Préserver les prérogatives des
États membres en matière de sécurité et de
défense
- c) Favoriser l'émergence d'un texte
européen s'inspirant de la législation française pour
mettre un terme aux distorsions de concurrence intracommunautaires
- d) Éviter la création de charges
administratives disproportionnées qui grèveraient la
compétitivité des entreprises spatiales
- a) Garantir une bonne articulation avec les lois
spatiales nationales et respecter le principe de subsidiarité
- 1. Une proposition législative dont la
présentation a été retardée de plusieurs
mois
- C. LA NÉCESSITÉ DE PROMOUVOIR UNE
VISION EUROPÉENNE DE LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL SUR LA SCÈNE
INTERNATIONALE
- A. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES
CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE SURVEILLANCE ET DE SUIVI DES
ACTIVITÉS SPATIALES
- I. L'ENCOMBREMENT SPATIAL MENACE LA
SÉCURITÉ ET LA PÉRENNITÉ DES ACTIVITÉS
SPATIALES
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE RELATIVE À L'ADOPTION D'UNE RÉGLEMENTATION
EUROPÉENNE SUR LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL ET AU DÉVELOPPEMENT
D'UN ESPACE « VERT » ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES
AFFAIRES EUROPÉENNES
- LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 212
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 décembre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires
européennes (1) sur la proposition de résolution
européenne en application de l'article 73 quinquies du
Règlement, relative à l'adoption
d'une réglementation européenne sur
la gestion du trafic
spatial et
au développement
d'un espace « vert
»,
Par M. Jean-François RAPIN et Mme Gisèle JOURDA,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mmes Valérie Boyer, Sophie Briante Guillemont, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.
Voir les numéros :
Sénat : |
158 et 213 rect. (2024-2025) |
AVANT-PROPOS
Co-auteur, avec M. le député Jean-Luc Fugit, d'une note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les débris spatiaux1(*), M. le Sénateur Ludovic Haye a déposé le 20 novembre 2024 une proposition de résolution européenne (PPRE) n° 158 relative à l'adoption d'une règlementation européenne sur la gestion du trafic spatial et au développement d'un espace vert, soumise à l'examen de la commission des affaires européennes.
I. L'ENCOMBREMENT SPATIAL MENACE LA SÉCURITÉ ET LA PÉRENNITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
A. L'AVÈNEMENT DE L'ÈRE DU « NOUVEL ESPACE » S'EST TRADUIT PAR UNE HAUSSE EXPONENTIELLE DU NOMBRE DE SATELLITES EN ORBITE
Le “Nouvel Espace” (ou « New Space ») désigne les évolutions qui ont transformé l'industrie spatiale au cours de la dernière décennie : multiplication des acteurs spatiaux (en particulier des entreprises, des PME et des start-up), innovations technologiques de rupture comme les lanceurs réutilisables ou les micro-lanceurs, extension du champ d'application des technologies spatiales.
En contribuant à faire chuter les coûts associés à l'envoi de satellites dans l'espace, l'émergence du New Space a entraîné une augmentation rapide du nombre de satellites en orbite. Le développement des constellations de satellites, ainsi que des projets de méga-constellations de petits satellites en orbite basse ont joué un rôle majeur dans cette évolution. Ainsi, selon la start-up française Look Up Space, spécialisée dans la surveillance de l'espace, la barre des 10 000 satellites actifs en orbite a été franchie en juin dernier, la constellation Starlink comptant à elle seule plus de 6 600 satellites. À horizon 2030, le nombre de satellites actifs pourrait atteindre 100 000, selon les estimations de l'université des Nations unies2(*).
Principaux projets en cours de déploiement dans le monde, selon le nombre de satellites actifs prévus en orbite
Source : Statista.
B. L'AUGMENTATION DU TRAFIC DANS L'ESPACE S'ACCOMPAGNE DE CELLE DES DÉBRIS SPATIAUX
En droit français, un débris spatial est défini comme « tout objet spatial non fonctionnel d'origine humaine, y compris des fragments et des éléments de celui-ci, en orbite terrestre ou rentrant dans l'atmosphère terrestre »3(*). En pratique, il peut s'agir de vaisseaux spatiaux hors de service, d'étages hors d'usage des fusées utilisées pour les lancer, d'objet lâchés dans l'espace au cours des missions ou encore de détritus rejetés par les navettes spatiales.
Depuis le début de l'ère spatiale, le nombre de débris, leur masse combinée et la surface totale qu'ils occupent sont en augmentation constante ; les explosions en orbite, causées par des restes d'énergie (carburant ou batteries) à bord des satellites ou des lanceurs, jouent un rôle majeur dans cette évolution, tout comme les tests de destruction de satellites par explosion (ou tirs antisatellites, ASAT), menés par certains pays (Chine en 2007, États-Unis en 2008, Inde en 2019 et Russie en 2021) au cours des dernières années et responsables de la création de milliers de nouveaux débris.
Tout laisse à croire que cette tendance s'accentuera à l'avenir : le maintien des constellations orbitales génèrera toujours plus de lancements de fusées, avec pour corolaire une hausse mécanique de la quantité de débris dérivant en orbite.
Selon la note scientifique de l'OPECST4(*), graviteraient actuellement autour de la Terre :
- environ 150 millions de débris inférieurs à 1 cm ;
- plus d'un million de débris compris entre 1 et 10 cm, trop petits pour être surveillés mais capables d'importants dommages ;
- près de 36 000 « gros objets » de plus de 10 cm, faisant l'objet d'une surveillance en orbite basse (et en orbite géostationnaire pour les débris de plus de 1 mètre) afin d'éviter les collisions.
C. LA PROLIFÉRATION DES OBJETS SPATIAUX EMPORTE DES RISQUES DE COLLISION ET DE CONGESTION QUI MENACENT LA SÉCURITÉ ET LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
1. La hausse du nombre de débris augmente le risque d'incidents potentiels à l'avenir
Les analyses conduites par les principaux acteurs spatiaux institutionnels soulignent que la prolifération du nombre de débris spatiaux augmente la probabilité de collisions dans l'espace.
Évolution historique du nombre d'évènements détectés par le système européen de surveillance EU SST
Source : Commission européenne.
Or, quelle que soit leur taille, les débris spatiaux, dans la mesure où ils se déplacent à 30 000 km/ heure en orbite basse, peuvent causer des dommages irréversibles aux satellites ou aux stations qu'ils percutent. Selon la note de l'OPECST, si les débris de plus de 10 cm, qui font l'objet d'une surveillance en orbite basse, peuvent détruire complètement un satellite en cas de collision, les débris compris entre 1 et 10 cm, trop petits pour être surveillés, peuvent également endommager sérieusement les objets spatiaux qu'ils percutent.
En outre, les collisions peuvent entraîner une augmentation exponentielle des débris spatiaux, avec de possibles réactions en chaîne (la multiplication du nombre de débris spatiaux ne faisant qu'accroître la probabilité des collisions, selon un scénario de collisions en cascade appelé « syndrome de Kessler »). Alors que les débris proviennent essentiellement, à l'heure actuelle, de la fragmentation des satellites obsolètes, la note de l'OPECST relève qu'en l'absence de mesures concrètes, les collisions pourraient devenir la principale source de débris.
2. L'encombrement spatial génère également des risques à moyen et long terme
Comme le relève l'Agence spatiale européenne, la plupart des nouveaux satellites ont vocation à intégrer ou étendre des constellations de satellites commerciaux en orbite terrestre basse (moins de 2 000 km), et se dirigent donc vers des orbites similaires. Or, ces orbites sont les plus dangereuses : plus de la moitié des près de 36 000 débris spatiaux de plus de 10 cm actuellement identifiés jonchent l'orbite terrestre basse.
La saturation progressive de ces orbites menace de mettre fin de manière prématurée à des missions en cours de réalisation, et d'entraver, à terme, le lancement de nouvelles missions. L'accumulation de satellites en orbite basse entraîne, en outre, une hausse substantielle des manoeuvres d'évitement - Starlink en effectuant d'ores et déjà plus de 100 000 par an.
Cette situation a également des conséquences négatives sur l'observation astronomique et la recherche, en raison de la pollution lumineuse (réflexion de la lumière du Soleil par les satellites) et des interférences électromagnétiques (émissions radio des satellites) qui en découlent.
Elle pose, enfin, des risques pour l'aviation, les populations et les infrastructures au sol, liés à la rentrée atmosphérique d'objets spatiaux - qu'il s'agisse de vecteurs utilisés pour lancer des satellites, de satellites en fin de vie projetés hors de leur orbite ou encore de débris spatiaux. En effet, la grande majorité des satellites lancés au cours des dernières années sont insérés sur des orbites à partir desquelles ils chuteront vers la Terre en moins de deux ans à l'issue de leur mission ; le nombre de satellites rentrant dans l'atmosphère terrestre devrait donc croître dans les années à venir. Or, la plupart de ces rentrées se font de manière incontrôlée, puisque les satellites sont tout simplement désactivés, avant de chuter et se consumer (souvent partiellement) dans l'atmosphère terrestre, de potentiels fragments pouvant atterrir sur Terre.
In fine, ces phénomènes concomitants pourraient rendre certaines orbites inutilisables dans les décennies à venir, et constituent ainsi une menace majeure à la liberté d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique.
La dépendance croissante de l'Union européenne à l'égard des données et services spatiaux dans des domaines essentiels (communications, protection civile, interventions d'urgence, prévention des catastrophes naturelles, fonctionnement des marchés financiers) rend les citoyens européens particulièrement vulnérables face à ces différents risques.
Les technologies spatiales sont par ailleurs essentielles à la réalisation des objectifs du Pacte vert pour l'Europe, puisque les informations spatiales produites par Copernicus (programme européen d'observation de la Terre) ou Galileo (système de positionnement par satellite de l'Union) fournissent des données essentielles pour surveiller et atténuer les incidences environnementales voire améliorer les pratiques agricoles.
Par conséquent, toute interruption brutale de ces données ou services, résultant par exemple d'une collision satellitaire, pourrait être lourde de conséquences pour les citoyens européens et menacerait gravement l'autonomie stratégique de l'Union européenne.
II. UNE CONGESTION SPATIALE PLANÉTAIRE, MAIS PAS DE CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL SUSCEPTIBLE DE PRÉSERVER LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
A. FAUTE DE RÈGLEMENTATION INTERNATIONALE HARMONISÉE, DES LIGNES DIRECTRICES NON CONTRAIGNANTES
1. Le droit spatial demeure encore embryonnaire en matière de gestion du trafic spatial
Les traités internationaux ne sont plus adaptés aux risques liés à la prolifération des débris spatiaux. Élaboré essentiellement au cours des années 1970, le droit spatial international est demeuré relativement figé au cours des dernières années, tandis que le secteur spatial connaissait de véritables bouleversements. Ainsi, depuis 1979, aucun nouveau traité sur l'espace n'a été ni négocié ni ratifié par les États.
Postérieure à l'élaboration de ces traités, l'apparition de problématiques nouvelles telles que l'augmentation des débris spatiaux ou l'encombrement spatial n'a jusqu'à présent pas suscité l'adoption de nouvelles règlementations internationales.
Principaux traités internationaux en matière spatiale
Le cadre juridique international est principalement constitué de cinq grands traités et conventions adoptés sous l'égide des Nations Unies qui, s'ils traitent indirectement de la question du trafic spatial, n'abordent pas spécifiquement cette question sous une forme unifiée et globale :
- le Traité de l'Espace (1967), pierre angulaire du droit spatial international, établit les principes de base de la coopération internationale, de l'usage pacifique de l'espace et de la non-appropriation, prévoit que les États sont responsables des activités spatiales menées par leurs ressortissants, sans toutefois évoquer explicitement les enjeux de gestion du trafic spatial ;
- la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux (1972) précise la responsabilité des États en cas de dommages causés par des objets spatiaux à d'autres États et établit un mécanisme de réparation des préjudices ;
- la Convention sur l'enregistrement des objets lancés dans l'espace extra-atmosphérique (1976) oblige les États à enregistrer tout objet lancé dans l'espace auprès des Nations, pour garantir une meilleure traçabilité des objets spatiaux ;
- la Convention sur la Lune (1979) vise à garantir une exploitation des ressources lunaires conforme à l'intérêt collectif de l'humanité ;
- le Règlement des télécommunications spatiales (1992), initié par l'Organisation internationale des télécommunications, définit les règles applicables à l'attribution des fréquences radio et des orbites géostationnaires.
2. À défaut de véritables normes juridiques internationales, des lignes directrices ont été élaborées en matière de gestion du trafic spatial
L'échelon international demeure néanmoins le plus approprié en matière de gestion du trafic spatial, étant donné que les opérateurs spatiaux dans le monde entier sont interdépendants à des degrés divers, que les États pouvant désormais atteindre l'orbite terrestre sont de plus en plus nombreux et que les acteurs privés y jouent un rôle accru.
Dès 1959, les Nations Unies ont ainsi créé le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (CUPEEA), afin de promouvoir la coopération entre États en matière d'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique. Les travaux de ce Comité ont abouti à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies de Lignes directrices relatives à la réduction des débris spatiaux en 2009, puis de Lignes directrices en matière de soutenabilité à long terme des activités spatiales en 2019.
Lignes directrices relatives à la réduction des débris spatiaux
1. Limiter les débris produits au cours des opérations normales ;
2. Limiter les risques de désintégration au cours des phases opérationnelles ;
3. Limiter les risques de collision accidentelle en orbite ;
4. Éviter la destruction intentionnelle et les autres activités dommageables ;
5. Limiter les risques de désintégration provoquée à l'issue des missions par l'énergie stockée ;
6. Limiter la présence prolongée d'engins spatiaux et d'étages orbitaux de lanceurs dans la région de l'orbite terrestre basse après la fin de la mission ;
7. Limiter les perturbations prolongées provoquées par des engins spatiaux et des étages orbitaux de lanceurs dans la région de l'orbite géosynchrone après la fin de leur mission.
En parallèle, le Comité de coordination inter-agences sur les débris spatiaux (Inter-Agency Space Debris Coordination Commitee, IADC), qui rassemble plusieurs agences spatiales nationales afin de promouvoir une véritable coopération internationale en matière de débris spatiaux, a édicté plusieurs règles de bonne conduite et normes techniques, relatives à la conception des satellites, la gestion de leur fin de vie ou encore la promotion de technologies de nettoyage spatial pour récupérer les débris existants.
L'IADC a par ailleurs contribué aux travaux du CUPEEA ; les lignes directrices sur l'atténuation des débris spatiaux de l'IADC en 2002 ont ainsi servi de base à celles élaborées et adoptées par le CUPEEA en 2009.
Enfin, l'Union européenne, qui contribue aux travaux du CUPEEA et soutient la mise en oeuvre des lignes directrices, a également proposé, en 2008, un Code de conduite des activités spatiales, visant à promouvoir un comportement responsable dans l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique.
Si ces lignes directrices constituent indéniablement une avancée majeure dans la prise en compte des enjeux afférents à l'encombrement spatial, il n'existe actuellement aucune norme contraignante permettant d'encadrer la gestion des objets en orbite et de surveiller l'impact environnemental des activités spatiales.
De fait, en l'absence de sanctions à l'intention des acteurs qui ne s'y conforment pas, leur mise en oeuvre dépend uniquement de la bonne volonté des parties prenantes. Ainsi, selon un rapport de l'université des Nations Unies5(*), seuls 60 % des opérateurs de l'orbite terrestre basse respecteraient volontairement ces lignes directrices, cette proportion chutant à 20 % pour les autres orbites.
Il en est de même pour les États, qui ne partagent pas tous les mêmes priorités en matière spatiale. À titre d'exemple, la limitation des tirs antisatellites, responsables de la création de nombreux débris spatiaux, a fait l'objet d'une résolution spécifique de l'Assemblée générale des Nations-Unis du 7 décembre 20226(*) ; soumise par les États-Unis (qui ont mis un terme à leur programme antisatellite) et coparrainée par la France, cette dernière appelle tous les États à s'engager à ne pas conduire d'essais de missiles antisatellites destructifs. Si 155 membres de l'ONU ont voté en faveur de cette résolution, seuls 22 États7(*) se sont en réalité engagés à soutenir le moratoire sur les essais ASAT.
Dans ce contexte, l'Assemblée générale des Nations-Unies a appelé les États, dans une résolution du 7 décembre 20208(*), à développer des normes et règles internationales pour encadrer la gestion des objets en orbite et réduire les débris spatiaux. Dans une seconde résolution, du 24 décembre 20219(*), l'Assemblée générale des Nations-Unies a également reconnu l'importance du CUPEEA et de l'IADC dans la gestion des débris spatiaux et encouragé ces forums à continuer à jouer un rôle de coordination et de promotion de normes internationales.
In fine, aux yeux de nombreux observateurs, il est désormais impératif de se doter d'un texte international contraignant, qui imposerait des « pratiques respectueuses » en matière de non-production de débris et de limitation des risques de collisions. Néanmoins, il ressort des auditions menées par les rapporteurs que les discussions multilatérales actuelles ne permettent pas d'envisager l'adoption, à court terme, de nouveaux instruments contraignants au niveau international.
B. UN ESSOR DES RÈGLEMENTATIONS NATIONALES POUR RÉGULER LES ACTEURS PRIVÉS
1. À l'échelle de l'Union européenne, une fragmentation règlementaire préjudiciable en matière de gestion du trafic spatial
Le Traité sur l'espace extra-atmosphérique oblige les pays à autoriser et superviser leurs acteurs privés, afin de s'assurer que leurs activités sont conformes aux stipulations internationales ; dans ce contexte, et face à l'augmentation du nombre d'entreprises spatiales commerciales, plusieurs législations nationales dans le domaine spatial ont vu le jour au cours des dernières années. Ainsi, douze États membres10(*) de l'UE se sont dotés d'une loi spatiale, tandis que cinq autres11(*) travaillent actuellement à l'élaboration d'un tel texte.
Ces législations nationales présentent l'intérêt, pour les États concernés, de se conformer aux engagements internationaux, tout en adoptant un cadre juridique favorable au développement de leur industrie spatiale. En effet, l'édiction de normes donne un avantage concurrentiel aux acteurs des États dont elle est issue. À cet égard, il convient de relever que les gouvernements et les agences spatiales jouent un rôle clé de clients auprès des acteurs privés, et soutiennent de facto leur développement économique par le biais de contrats, de financements et de réglementation adaptée.
Cette prolifération de législations nationales présente néanmoins de nombreux inconvénients à l'échelle de l'Union, puisque les opérateurs et fabricants du secteur spatial doivent s'y conformer à une multitude exigences divergentes ; lors des auditions, il a ainsi été indiqué aux rapporteurs que le morcellement des législations nationales perturbait le marché spatial européen et risquait de nuire, à terme, à la compétitivité des opérateurs spatiaux de l'Union - notamment lorsqu'ils sont en concurrence avec des opérateurs de pays tiers.
Les récents rapports d'Enrico Letta sur le marché unique12(*), et de Mario Draghi sur la compétitivité européenne13(*) ont mis en exergue les écueils soulevés par cette fragmentation normative, relevant que le manque de règles communes freinait la croissance et la compétitivité, notamment dans le secteur spatial. Mario Draghi regrette ainsi la coexistence de « législations nationales multiples et hétérogènes, qui évoluent à des rythmes différents et empêchent l'UE d'exploiter les avantages d'un marché unique pour les acteurs commerciaux »14(*).
Les rapporteurs proposent en conséquence d'amender la PPRE pour rappeler qu'à l'échelle de l'Union européenne, « la coexistence de législations nationales hétérogènes nuit à la compétitivité des acteurs spatiaux ».
2. La législation française sur les débris spatiaux, démarche pionnière et cadre de référence au niveau européen et international
Puissance spatiale de premier plan, la France s'est dotée, en 2008, d'un cadre juridique destiné à régir les activités spatiales civiles en plein essor. Fruit de plusieurs années de réflexions, la loi du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales (dite « LOS »)15(*) poursuit deux finalités distinctes : mettre le droit interne en conformité avec le droit international et offrir un cadre juridique contribuant à la compétitivité globale des activités spatiales nationales.
Cette législation s'est révélée pionnière en matière de pollution spatiale, le texte imposant aux opérateurs français de respecter un ensemble de règles pour limiter leur impact environnemental.
En pratique, la LOS instaure un régime d'autorisation et de surveillance des opérations spatiales susceptibles d'engager la responsabilité du Gouvernement français au titre des traités internationaux sur l'espace.
Champ d'application de la LOS
La LOS a vocation à s'appliquer uniquement dans les cas où une opération spatiale, conduite par une entité française ou un pays tiers, serait susceptible d'engager la responsabilité de la France au titre du droit international de l'espace. Dès lors, celle-ci s'applique à :
- tout opérateur, français ou non, qui lance un objet spatial depuis le territoire français ou une installation sous juridiction française (autorisation pour une opération de lancement) ;
- tout opérateur français qui entend assurer la maîtrise d'un objet spatial en orbite (autorisation pour une opération de maîtrise).
- toute entité française qui entend faire procéder au lancement d'un objet spatial (autorisation de faire procéder au lancement) ;
- tout transfert de maîtrise d'un objet spatial (d'un opérateur soumis à la LOS vers un tiers, ou d'un tiers vers un opérateur soumis à la LOS).
Source : CNES.
Ainsi, les opérateurs de satellites, quelle que soit leur nationalité, qui souhaitent procéder au lancement ou au retour d'un objet spatial à partir du territoire national ou de moyens ou installations placés sous juridiction française doivent solliciter du ministre en charge de l'Espace la délivrance d'une autorisation spatiale, conditionnée au strict respect de la LOS et de ses textes d'application.
Or, ces derniers comprennent des prescriptions spécifiques destinées à préserver la sécurité des personnes et des biens, à restreindre les impacts sur la santé et l'environnement et à limiter les risques liés aux débris spatiaux. L'arrêté du 31 mars 201116(*) prévoit ainsi des règles de contrôles contraignantes en matière de non-production de débris, en imposant que :
- les systèmes soient conçus et mis en oeuvre de manière à limiter au maximum la production de débris et les risques de collision accidentelle ;
- les lanceurs et les satellites en fin de vie soient « passivés » (ce qui implique de vider les réservoirs de carburant pour éviter les explosions et de désactiver les moyens de production d'énergie à bord) ;
- les missions terminées soient mises hors de portée des satellites opérationnels pour éviter les collisions, soit en envoyant les satellites vers une « orbite cimetière » (pour les satellites géostationnaires), soit en prévoyant une rentrée atmosphérique (contrôlée ou non) de ces éléments ;
- les lanceurs soient conçus, produits et mis en oeuvre de façon à ce qu'à l'issue de la phase de lancement, leurs éléments constitutifs mis en orbite basse soient désorbités en moins de 25 ans dans le cadre d'une rentrée contrôlée après la phase de lancement.
La LOS a été actualisée en 202417(*), avec notamment la mise en place de restrictions d'accès à certaines orbites pour les objets non-manoeuvrants, ou l'obligation pour les satellites français en orbite basse de rentrer dans l'atmosphère au bout de trois fois la durée de la mission, avec un plafond fixé à 25 ans, afin de limiter les risques de fragmentation.
Cette loi constitue désormais un cadre de référence au niveau européen et international, ce d'autant que de nombreux acteurs spatiaux européens doivent d'ores et déjà s'y conformer, eu égard au rôle central joué par le Centre spatial guyanais (CSG) : tous les opérateurs désireux d'accéder aux sites de lancement du CSG doivent obtenir une autorisation administrative des autorités françaises.
Les rapporteurs proposent de rappeler explicitement ce point dans le dispositif de la PPRE.
C. SUR LE PLAN OPÉRATIONNEL, DES INITIATIVES PUBLIC/ PRIVÉ POUR PRÉSERVER LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
1. La Charte Zéro débris et la coalition « Net Zero Space » : des engagements unilatéraux des acteurs spatiaux pour réduire les débris spatiaux
a) La Charte Zéro Débris de l'Agence spatiale européenne
Depuis le début des années 2000, l'Agence spatiale européenne a joué un rôle précurseur en matière de débris spatiaux ; le Bureau des débris spatiaux de l'Agence a ainsi élaboré dès 2008 des lignes directrices sur la réduction des déchets spatiaux et publie chaque année, depuis 2016, un rapport sur l'environnement spatial, qui compile des données sur les objets spatiaux en orbite et les risques associés.
Dans le cadre de son Agenda 2025, l'ESA a également mis en place son propre « agenda vert », afin que les programmes spatiaux européens soutiennent pleinement la mise en oeuvre de l'Accord de Paris et du Pacte vert pour l'Europe. En pratique, l'Agence s'est engagée à évaluer systématiquement les objectifs de durabilité dans la préparation et la mise en oeuvre des projets et activités spatiales, à réduire les répercussions environnementales de ses actifs dans le domaine des infrastructures ou encore, s'agissant des systèmes spatiaux, à réduire l'empreinte écologique tout au long du cycle de vie.
Enfin, l'Agence a lancé en 2023 l'initiative d'une Charte Zéro débris, ayant vocation à réunir le plus nombre et la plus grande variété d'acteurs du spatial dans le monde autour d'un objectif commun : ne plus créer de débris d'ici 2030. Dévoilée lors du Sommet de l'espace à Séville en novembre 2023, la Charte a d'ores et déjà été signée par 16 États18(*) et plus de 130 organisations (agences spatiales nationales, fabricants de satellites, start-up de l'espace, centres de recherche, sociétés d'astronomie), dont certains poids lourds du secteur spatial international, tels que Amazon et sa constellation Kuiper.
Néanmoins, l'Agence ne disposant pas de compétence en matière normative, cette initiative demeure non contraignante, ce qui en limite sa portée.
b) L'initiative « Net Zero Space » du Forum sur la Paix
L'initiative « Net Zero Space » a été lancée à l'occasion du 4ème Forum de Paris sur la Paix, les 11 et 12 novembre 2021, par plusieurs grands acteurs du secteur de l'aéronautique spatiale19(*), afin de sensibiliser les décideurs politiques et le grand public sur la nécessité de réduire la pollution de l'orbite terrestre. Dans une déclaration commune, les signataires ont appelé à prendre des mesures concrètes pour relever le défi de l'accroissement des débris spatiaux, afin de parvenir à une utilisation durable de l'espace extra-atmosphérique d'ici 2030.
Rassemblant désormais 64 membres issus de toute la chaîne de valeur de l'industrie et représentant 24 pays, la coalition « Net Zero Space » mène depuis son lancement un travail de fond pour élaborer des propositions politiques réalisables et a notamment publié plusieurs livres blancs.
2. La mise au point de techniques de pointe en matière de réduction et d'élimination active des débris spatiaux, un axe de développement prometteur pour l'écosystème spatial
Les opérations spatiales vertueuses et, à plus long terme, les services en orbite et l'économie circulaire dans l'espace sont des domaines à très fort potentiel de croissance. Si ce marché reste à l'heure actuelle encore peu mature, il est progressivement investi par des acteurs publics et privés, notamment européens, qui ambitionnent de devenir leaders dans ce segment.
a) Réduire les débris futurs par une écoconception des infrastructures existantes
Plusieurs acteurs privés, start-up et entreprises, ont entrepris de développer des technologies permettant de réduire à l'avenir les débris spatiaux. Le géant américain SpaceX a ainsi développé une gamme de propulseurs réutilisables, tandis qu'ArianeGroup travaille au développement, en collaboration avec l'ESA, d'un moteur réutilisable à bas coût, Prometheus, et d'un lanceur avec un premier étage réutilisable, dans le cadre du projet Thémis.
En parallèle, le 5 novembre dernier, des chercheurs de l'université de Kyoto au Japon ont élaboré et lancé avec succès, à bord d'une fusée SpaceX, le premier prototype de satellite entièrement biodégradable. Fabriqué en bois de magnolia et baptisé LignoSat, ce satellite présenterait l'avantage de se désintégrer intégralement, sans émission de résidus toxiques, lors de sa rentrée atmosphérique et contribuerait à réduire la pollution lumineuse dans le ciel - car contrairement aux satellites traditionnels en métal, il n'augmenterait pas la luminosité globale du ciel. La résistance et la durabilité de ce satellite dans l'espace seront évalués au cours des six premiers mois, afin de vérifier s'il possède le potentiel requis pour remplacer les satellites traditionnels.
À l'échelle européenne, les sujets technologiques d'éco-conception sont également au coeur des réflexions actuelles des principaux acteurs institutionnels ; les infrastructures spatiales de l'Union européennes (les satellites Copernicus et la constellation Galileo) ont ainsi vocation à intégrer progressivement des règles d'éco-conception et de maîtrise des cycles de vie. La future constellation IRIS² a par ailleurs été d'ores et déjà été conçue pour intégrer des obligations en termes de viabilité et de sûreté - l'Europe étant pionnière dans ce type de conception « secure by design ». Par conséquent, les rapporteurs proposent de supprimer, dans la PPRE, l'alinéa relatif au « développement d'une constellation de satellites dont la conception est écoresponsable », puisque tel est déjà le cas.
Les acteurs européens- publics ou privés - ont également pris à bras le corps la question de la fin de vie des satellites. La désorbitation assistée consiste ainsi à prévoir, dès la conception des satellites, qu'ils puissent être mis hors de portée des satellites opérationnels, une fois leur mission terminée ; cette pratique suppose l'ajout de propulseurs ou de systèmes à bord des satellites pour les faire descendre vers l'atmosphère terrestre, où ils brûleront lorsqu'ils rentreront dans l'atmosphère. Si elle est largement utilisée, cette solution demeure coûteuse, et son impact environnemental réel demeure incertain.
Ces problématiques sont au coeur du programme de sécurité spatiale de l'Agence spatiale européenne, qui mène aussi bien des travaux relatifs à la connaissance et la caractérisation des débris, aux mécanismes de création de débris et aux rentrées atmosphériques, que des études portant sur le cycle de vie et l'éco-conception des systèmes spatiaux ou encore l'identification des matériaux les plus respectueux de l'environnement.
La mission « Draco » (Destructive Reentry Assessment Container Object), menée par l'ESA et la start-up Deimos et dont le lancement est prévu pour 2027, ambitionne ainsi, précisément, de collecter des données sur les processus physiques impliqués dans la désintégration de satellites revenant en orbite, ainsi que leurs conséquences environnementales, dans le but d'améliorer la conception des satellites destinés à une rentrée contrôlée dans l'atmosphère.
En juin 2024, trois acteurs majeurs de l'industrie spatiale européenne (Airbus Defence and Space, OHB et Thales Alenia Space) ont par ailleurs signé des contrats avec l'Agence pour développer de grandes plateformes satellitaires en orbite basse conformes aux normes « zéro débris ».
b) Éliminer activement les débris existants en les désorbitant
S'il paraît illusoire de nettoyer l'espace des millions de débris qui gravitent en orbite, il paraît envisageable, à court terme, de retirer les plus gros d'entre eux, susceptibles d'entrer en collision avec un satellite ou une infrastructure spatiale. Ainsi, plusieurs entreprises oeuvrent à l'élaboration de projets permettant l'envoi d'un vaisseau ou d'un filet pour capturer mécaniquement les débris spatiaux, et les tirer vers des orbites de chute.
Au Japon, la start-up Astroscale-Japan a lancé une mission de type « Active Debris Removal », intitulée ELSA-d. L'entreprise japonaise a fait la démonstration en orbite, début 2024, d'un système de capture magnétique puis de désorbitation de débris spatiaux. Pour cela, la mission était composée de deux satellites lancés en même temps - un satellite pilote (175 kg), équipé de technologies de « rendez-vous » ainsi que d'un mécanisme d'amarrage magnétique et un plus petit satellite (17 kg) faisant office de « proie », équipée d'une plaque ferromagnétique qui permet l'amarrage.
Astroscale a également lancé en 2024 le satellite ADRAS-J, qui tente actuellement de s'approcher d'un fragment de fusée abandonné en orbite il y a quinze ans. L'équipe a pour objectif de photographier ce déchet spatial, d'analyser son état et ses mouvements, puis de synchroniser la rotation de la sonde avec celle du débris de façon à préparer son retrait de l'orbite.
En 2025, la start-up suisse ClearSpace SA lancera quant à elle avec l'Agence spatiale européenne une mission d'enlèvement actif de débris, appelée ClearSpace-1, qui effectuera un rendez-vous avec « Vespa », la structure porteuse à double lancement pesant 112kg utilisée avec le lanceur européen Vega en 2013, en vue de la capturer avec des bras robotiques et de la désorbiter. Ces premiers tests visent également à étudier les perspectives d'un marché de l'élimination des débris.
De son côté, la NASA envisage l'idée d'un nouveau type de « velcro spatial » qui pourrait agripper les débris. En s'inspirant des pattes du reptile le gecko, les chercheurs ont imaginé une pince robotisée équipée d'un adhésif non collant (propriétés électrostatiques) qui permettrait de capturer de petits débris. Bien que testé avec succès en laboratoire, son application en orbite reste à démontrer.
Enfin, l'utilisation de lasers au sol ou en orbite pourrait permettre de désorbiter manuellement des débris spatiaux, en déviant légèrement leur trajectoire, voire même en les éjectant de l'orbite terrestre. Pour prometteuse qu'elle soit, cette technique n'est pas encore mature et suscite des craintes quant aux dangers qu'elle pourrait générer dans l'espace, par exemple en endommageant des satellites.
Si, à première vue, les solutions ne manquent pas, nombre d'entre elles sont encore dans leur phase de test. Leur déploiement se heurte en réalité à plusieurs obstacles majeurs : un coût très élevé, associé à une forte consommation énergétique et à une complexité technique indéniable, liée aux vitesses orbitales, de l'ordre de 28 000 km/ heure.
III. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLAIDANT OPPORTUNÉMENT POUR UNE APPROCHE EUROPÉENNE DE LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL AUX PLANS OPÉRATIONNEL, RÈGLEMENTAIRE ET DIPLOMATIQUE
Le 15 février 2022, la Commission européenne et le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont présenté une communication intitulée « Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial - Une contribution de l'UE pour faire face à un défi mondial »20(*) dans laquelle ils rappellent les risques posés par la prolifération des objets dans l'espace, soulignent en conséquence la nécessité de gérer le trafic spatial et avancent qu'en tant qu'acteur majeur dans le domaine spatial, l'Union a un intérêt et une obligation légitimes à « adopter sa propre position dans l'élaboration de mesures nécessaires à la gestion du trafic spatial ».
Alors qu'il n'existe pas encore de définition consensuelle du trafic spatial au niveau international, la Commission européenne a défini ce terme comme renvoyant aux moyens et aux règles permettant d'accéder à l'espace extra-atmosphérique, d'y mener des activités et d'en revenir de manière sûre, viable et sécurisée.
La gestion du trafic spatial telle que définie au niveau européen engloberait donc les activités de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite, la réduction des débris en orbite et l'assainissement de l'espace par le retrait de ces derniers, la gestion des orbites et du spectre des fréquences radioélectriques, le cycle de vie complet des opérations spatiales, y compris la phase de lancement, les opérations en orbite et les opérations de sortie d'orbite en fin de vie, et enfin la phase de rentrée dans l'espace aérien d'un véhicule spatial.
Dans ce contexte, l'approche commune proposée par la Commission en matière de gestion du trafic spatial repose sur trois piliers distincts :
- le renforcement des capacités de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite de l'Union ;
- le développement de règles, par la présentation d'une initiative législative ;
- le renforcement de la voix de l'Union sur la scène internationale afin d'y promouvoir cette approche commune.
Cette initiative a été bien accueillie par les États membres ; les ministres de l'Union chargés des questions spatiales ont ainsi adopté, dès le 10 juin 2022, sous présidence française du Conseil de l'UE, des conclusions sur une approche de l'UE pour la gestion du trafic spatial21(*), dans lesquelles ils soulignent l'importance des trois axes principaux retenus par la Commission européenne.
Depuis, le Conseil a adopté plusieurs textes destinés à appuyer cette position, notamment des conclusions sur une utilisation équitable et durable de l'espace le 23 mars 2023, des conclusions sur l'état d'avancement de la gestion du trafic spatial le 8 décembre 2023 et des conclusions sur la contribution de l'espace à la compétitivité de l'Europe le 23 mai 2024
A. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE SURVEILLANCE ET DE SUIVI DES ACTIVITÉS SPATIALES
Depuis 2014, l'Union européenne met en oeuvre un programme de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite afin de protéger notamment ses infrastructures spatiales. Fondé sur une mutualisation des moyens opérationnels européens, ce système de surveillance a été initialement créé sous la forme d'un « consortium EU-SST » (Space surveillance and tracking), rassemblant les agences spatiales de 7 États membres22(*).
Le règlement établissant le programme spatial de l'Union23(*) (« règlement espace ») a remplacé ce consortium par un « partenariat SST » comprenant les agences spatiales de 15 États membres24(*) afin de bénéficier de capacités supplémentaires pour surveiller et suivre les objets spatiaux en orbite.
En pratique, sous l'égide de l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial25(*), le partenariat EU-SST s'appuie sur 40 capteurs exploités par les États membres (radars, télescopes, stations de télémétrie laser) pour fournir des services de sécurité spatiale à plus de 200 organisations enregistrées, dont des opérateurs de satellites de pays tiers. Ces services relèvent de trois catégories distinctes :
- les services d'évitement des collisions, qui protègent plus de 550 satellites (dont 180 satellites étrangers) et impliquent une surveillance, le déclenchement d'alertes visant à éviter les collisions et le cas échéant, des propositions de manoeuvres d'évitement ;
- les services d'évaluation des risques de rentrée non contrôlée de débris spatiaux dans l'atmosphère terrestre ;
- les services d'analyse des fragmentations en orbite.
Cependant, ces prestations sont essentiellement basées sur l'inventaire d'objets spatiaux établi par les États-Unis, dont le catalogue européen dépend à hauteur de 92 %.
Si la Commission s'est attelée au développement d'un inventaire SST européen des objets spatiaux, en s'appuyant sur les données provenant du réseau des capteurs SST, force est de constater que le nombre limité de capteurs actuellement déployés freine ces travaux.
En tout état de cause, les lacunes de l'Union européenne en matière de collecte des données menacent la compétitivité de l'industrie européenne ; par ailleurs, à l'heure où les risquent pesant sur la sécurité des infrastructures spatiales s'intensifient, cette situation de dépendance stratégique n'est plus tenable : l'Union européenne doit pouvoir décider en parfaite autonomie et de manière réactive ce qu'elle souhaite détecter et identifier dans l'espace.
L'Union européenne doit donc impérativement mettre en place des capacités autonomes renforcées de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite. À cet égard, si l'exploitation des capteurs nationaux doit rester de la compétence des États membres, eu égard à la nature duale des activités de surveillance de l'espace, il incombe à l'Union de soutenir financièrement les initiatives publiques et privées tendant à développer des capacités de surveillance, notamment en orbite basse.
En parallèle, la PPRE souligne qu'il est crucial d'encourager la recherche et l'innovation dans ce secteur, afin de renforcer les services existants, mais également de concevoir de nouveaux services, permettant de déployer des projets européens de réduction des débris et d'assainissement de l'orbite terrestre. Les rapporteurs partagent pleinement cette recommandation.
B. L'ADOPTION SOUHAITABLE D'UNE LOI SPATIALE EUROPÉENNE POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ, LA RÉSILIENCE ET LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES
Parmi les mesures présentées dans le cadre de la communication conjointe de 2022 sur « une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial » figurait la « promotion des aspects législatifs et de normalisation au moyen d'une action règlementaire contraignante et non contraignante ».
Dans son discours sur l'état de l'Union prononcé en 2023, la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, a ainsi fait de l'élaboration d'une loi spatiale européenne l'une des principales priorités de l'UE pour 2024.
La PPRE soutient explicitement cette initiative, et appelle l'Union européenne à se doter d'une règlementation relative à la gestion du trafic spatial afin d'assurer la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales ; les rapporteurs appellent également de leurs voeux la présentation d'une telle proposition législative.
1. Une proposition législative dont la présentation a été retardée de plusieurs mois
Initialement prévue pour le premier semestre 2024, la présentation de la future loi spatiale européenne a finalement été reportée par le commissaire Thierry Breton.
Si la tenue des élections européennes en juin 2024, puis le renouvellement institutionnel ont ensuite retardé de facto sa publication, cette proposition figure néanmoins toujours parmi les priorités de la Commission, comme l'a rappelé Mme von den Leyen au nouveau commissaire lituanien à la Défense et à l'Espace, Andrius Kubilius, dans sa lettre de mission. Cette dernière précise que ce texte devra tenir compte des préconisations du rapport Draghi et définir des « normes et règles communes pour les activités spatiales », tout en harmonisant les exigences en matière d'autorisation.
Selon les informations transmises aux rapporteurs, la présentation de cette proposition législative est désormais prévue pour le premier semestre 2025.
2. Un texte qui devrait comporter trois piliers, à savoir la sécurité, la résilience et la durabilité
Dès 2023, la Commission européenne a mené plusieurs consultations destinées à nourrir l'étude d'impact de la proposition législative, initialement attendue pour le printemps 2024. Après plusieurs cycles d'échanges avec les acteurs publics et privés du secteur, elle a finalement envisagé trois volets dans la future loi spatiale :
- un volet sécurité : l'adoption de règles communes en la matière viserait à assurer un trafic satellitaire sûr, en luttant contre le risque de collisions et de dommages causés par les débris spatiaux ;
- un volet résilience : les nouvelles règles seraient destinées à protéger les infrastructures de l'Union européenne et des États contre les menaces, notamment les cyberattaques ;
- un volet durabilité : des normes communes seraient créées pour évaluer le cycle de vie des activités spatiales, prévenir la pollution lumineuse du ciel nocturne et in fine, garantir la soutenabilité à long terme des activités spatiales.
Selon les informations transmises par la Commission européenne, l'approche retenue serait celle de la combinaison de mesures contraignantes, relatives notamment à la réduction des débris spatiaux, et de mesures non contraignantes, tels que des labels ou des plateformes d'informations.
S'agissant de la nature de la proposition législative, la Commission privilégierait le recours à un règlement, dans la mesure où une directive ne pourrait pas s'appliquer aux infrastructures dont l'Union européenne est propriétaire, telles que les satellites Galileo ou la constellation IRIS².
3. Deux enjeux principaux : renforcer la compétitivité de l'industrie spatiale européenne et mesurer de manière plus systématique l'impact environnemental des activités spatiales
a) La future loi spatiale européenne a vocation à renforcer la compétitivité de l'industrie spatiale européenne
Dans la mesure où les différences dans le champ d'application, le degré d'approfondissement et la mise en oeuvre des législations spatiales nationales nuisent à la compétitivité des opérateurs spatiaux européens (voir supra), la proposition législative vise à définir des règles minimales communes dans les trois domaines clés que sont la sécurité, la résilience et la durabilité.
Une telle règlementation, en mettant fin à la fragmentation normative dénoncée dans les rapports d'Enrico Letta et Mario Draghi, présenterait l'avantage de répondre au besoin croissant des nouveaux acteurs spatiaux de bénéficier d'un cadre juridique unifié, stable et prévisible pour croître et se développer. Elle favoriserait ainsi l'essor d'un véritable marché unique des activités spatiales au sein de l'Union, augmentant la compétitivité des entreprises européennes face à leurs concurrents internationaux et permettant d'attirer davantage d'investissements privés. Une telle évolution permettrait de répondre, au moins partiellement, aux difficultés de financements auxquelles se trouve confronté le secteur spatial européen.
En parallèle, l'objectif de cette législation serait de restaurer des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs européens et non-européens. La future loi spatiale européenne aurait ainsi vocation à soumettre tous les opérateurs de satellites à ces exigences, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen (c'est-à-dire sur le sol européen, ou pour des utilisateurs européens). À cet égard, il a été indiqué aux rapporteurs que l'équité de traitement entre les Européens et non-Européens constituait un enjeu clé de la future loi spatiale européenne : dans la mesure où les exigences supplémentaires auxquelles devront se conformer les opérateurs européens se traduiront nécessairement par une augmentation des coûts de conception et d'exploitation des satellites, il est absolument indispensable, pour ne pas grever la compétitivité des entreprises européennes, que les opérateurs extra-européens soient assujettis aux mêmes contraintes règlementaires. Les rapporteurs ont donc amendé la PPRE en ce sens, demandant que cette règlementation « s'applique à tous les opérateurs de satellites, européens ou non, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen ».
En pratique, selon les parties prenantes auditionnées par les rapporteurs, l'Union européenne devrait pouvoir se prévaloir de son marché de 300 millions de consommateurs pour contraindre les opérateurs non-européens à adopter les standards européens ; il s'agirait, in fine, de créer un marché global indexé sur les normes européennes, de telle sorte que l'industrie spatiale ne dépende pas de normes extérieures, qui la mettraient en situation de compétition extra-européenne défavorable.
Dans le prolongement de l'objectif de soutien à la compétitivité, l'auteur de la PPRE estime que la proposition législative pourrait être l'occasion d'insérer dans le droit communautaire des marchés ou financements publics des règles de préférence européenne, avec notamment le recours à des critères de pondération hors-prix, sur la base de la viabilité ou du caractère critique des technologies employées. Pour les rapporteurs, de telles dispositions permettraient en effet de soutenir la montée en puissance des entreprises spatiales européennes, et de favoriser celles qui développent des technologies souveraines.
Si de tels critères étaient instaurés, les effets de bord devraient néanmoins être analysés afin qu'ils n'aient pas un impact prohibitif sur les prix ou le recours à des solutions non-européennes en cas d'indisponibilité avérée.
En tout état de cause, les rapporteurs notent que, dans son rapport sur la compétitivité de l'Europe, Mario Draghi plaide en faveur de l'introduction de règles de préférence européennes ciblées pour le secteur spatial, « accompagnées de mécanismes d'incitation de nature financière et de critères d'éligibilité qui ne donneraient accès au financement qu'aux entreprises basées dans l'Union européenne ».
b) La proposition législative doit contribuer à l'essor de technologies et d'entreprises oeuvrant en faveur de la préservation de l'environnement spatial
Partant du constat qu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucun cadre ni aucune méthode pour surveiller et mesurer l'impact environnemental terrestre des activités spatiales, la future loi européenne ambitionne d'introduire les premières dispositions à ce sujet.
Sur le plan environnemental, la future loi spatiale européenne aurait ainsi vocation à soutenir les applications et entreprises spatiales oeuvrant en faveur de la préservation de l'environnement spatial.
En pratique, les activités spatiales seraient intégrées dans le champ de la taxonomie verte européenne, afin de permettre une meilleure appréciation de la contribution de ce secteur à la lutte contre le changement climatique. Ces activités pourraient, dès lors, être intégrées dans les reportings extra-financiers des entreprises, qui font l'objet d'une attention croissante de nombreux investisseurs.
En parallèle, la proposition législative pourrait comporter des dispositions relatives au développement d'un système de labélisation des acteurs européens - comparable à un éco label et permettant aux entreprises européennes de bénéficier d'une certification.
In fine, au-delà des aspects règlementaires, le déploiement de ce volet « durabilité » implique de consentir des investissements significatifs en matière d'innovation et de R&D, afin notamment d'identifier plus précisément les matériaux et processus spatiaux « durables » - puisque comme l'ont souligné plusieurs personnes auditionnées, l'état des connaissances dans ce domaine demeure encore embryonnaire - mais également les moyens techniques permettant d'éliminer activement les débris en orbite.
Si la proposition de résolution européenne invitait d'ores et déjà à soutenir la recherche dans les technologies d'assainissement des débris, les rapporteurs proposent de compléter le dispositif, en prévoyant que ces recherches englobent également les activités relatives à la connaissance et la caractérisation des débris ainsi qu'à l'écoconception et au cycle de vie des systèmes spatiaux.
Pour les rapporteurs, il est primordial que l'adoption de la future loi spatiale européenne permette de définir des priorités stratégiques communes en matière de R&D, qui feraient l'objet d'une agrégation des ressources aux niveaux national et européen.
4. A quelques mois de la présentation de cette initiative législative, des points de vigilance d'ores et déjà identifiés
a) Garantir une bonne articulation avec les lois spatiales nationales et respecter le principe de subsidiarité
L'article 189 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) stipule explicitement que les institutions européennes peuvent prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre une politique spatiale européenne, « à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des États membres ».
La Commission européenne entend fonder sa proposition législative sur l'article 114 du TFUE, relatif au bon fonctionnement du marché intérieur ; dès lors, pour rester dans le périmètre de cet article, les dispositions de la future loi spatiale européenne devront nécessairement se limiter à la protection des consommateurs européens au sein du marché intérieur, dans le respect de la répartition des compétences entre l'Union européenne et les États membres dans le domaine spatial fixée à l'article 189 du TFUE. .
La problématique de l'articulation de la future loi spatiale européenne avec les lois nationales revêt donc une importance cruciale, a fortiori dans le cas de la France qui possède une législation particulièrement ambitieuse et complète en la matière. Les rapporteurs rappellent, à cet égard, que dans le domaine de l'espace, au terme de l'article 4 du TFUE, l'Union « dispose d'une compétence pour mener des actions [...] sans que l'exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur ». Il est donc primordial, en application du principe de subsidiarité, que la loi spatiale européenne ne conduise pas à remettre en cause certaines dispositions de la LOS.
Interrogée sur ce point, la Commission européenne a indiqué qu'elle avait bien pris en compte cette problématique et harmoniserait les dispositions qui peuvent l'être, sans chercher à remplacer l'existant.
Les rapporteurs proposent toutefois de compléter la PPRE en mentionnant explicitement la nécessité de respecter le principe de subsidiarité lors de l'élaboration de ce texte.
b) Préserver les prérogatives des États membres en matière de sécurité et de défense
La gestion du trafic spatial se révèle intrinsèquement duale, les technologies développées pour la surveillance des objets en orbite pouvant être utilisées à des fins de sécurité et défense.
Dans ce contexte, il a été indiqué aux rapporteurs qu'il était capital que les opérateurs et activités de défense, qui relèvent par nature de la souveraineté nationale, soient explicitement exclus du champ d'application de la règlementation.
Sur ce point, la proposition législative de l'Union pourrait s'inspirer des dispositions françaises, qui prévoient la possibilité de déroger aux obligations posées par la LOS pour les opérations spatiales menées par l'État dans l'intérêt de la défense nationale.
En tout état de cause, selon les informations communiquées aux rapporteurs, le champ d'application de la proposition législative tel qu'envisagé par la Commission devrait, à ce stade des travaux préparatoires, se limiter aux volets civils, universitaires et commerciaux.
Néanmoins, dans l'attente de la présentation de la proposition législative, les rapporteurs proposent de rappeler, dans la PPRE, la nécessité d'exclure explicitement du champ d'application de la future loi spatiale européenne les opérateurs et activités de défense.
c) Favoriser l'émergence d'un texte européen s'inspirant de la législation française pour mettre un terme aux distorsions de concurrence intracommunautaires
Au sein de l'Union européenne, les acteurs européens non français ne sont pas soumis à la LOS et à ses exigences techniques, hormis dans le cas où ils souhaitent procéder à un lancement depuis le territoire français ou une installation sous juridiction française. Dès lors, une approche européenne d'harmonisation des exigences permettrait d'améliorer la compétitivité des opérateurs et industriels français, qui sont parmi les plus contraints en Europe.
Dans cette perspective, il serait opportun que la future loi spatiale européenne s'inspire des dispositions figurant dans la LOS et s'attache à garantir un haut niveau d'exigence, permettant une réelle mise à niveau entre tous les acteurs européens. Une telle démarche, utile à la sécurisation, à la résilience et à la durabilité du trafic spatial, participerait en outre au rayonnement de la France, en valorisant les travaux effectués dans le cadre de la LOS.
Les rapporteurs préconisent donc de compléter la PPRE par un alinéa plaidant en faveur d'un cadre règlementaire européen ambitieux, « introduisant des normes communes exigeantes et des standards élevés ».
d) Éviter la création de charges administratives disproportionnées qui grèveraient la compétitivité des entreprises spatiales
Le projet de loi spatiale européenne prévoit un pilier dédié à la résilience des activités spatiales. Élément clé de la protection des systèmes et infrastructures spatiales critiques, ce pilier devrait se focaliser sur les aspects de cybersécurité et de partage d'information quant aux incidents sur les systèmes spatiaux et s'inspirer, notamment, du guide d'hygiène du CNES en matière de cybersécurité des systèmes orbitaux, qui dresse de bonnes pratiques pour assurer une protection minimale et réduire le risque d'attaques. En pratique, ces mesures s'appliqueraient principalement aux manufacturiers de la chaîne de valeur du secteur spatial.
Si les auditions menées par les rapporteurs ont mis en exergue le caractère crucial de ce volet pour garantir la sécurité des opérations spatiales, elles ont aussi souligné la nécessité de ne pas alourdir la charge administrative pesant sur les opérateurs, en particulier les PME et start-up.
En effet, les problématiques de cybersécurité ont très récemment fait l'objet de deux règlementations européennes, à savoir le règlement européen sur la cyber-résilience26(*) de décembre 2023 et la directive NIS 2 sur la sécurité des réseaux et des systèmes d'information27(*) de décembre 2022, qui couvre le segment terrestre pour les biens spatiaux nationaux.
La future loi spatiale aurait vocation à transposer ces normes au segment spatial des infrastructures européennes, mais pourrait également aller au-delà des exigences génériques posées par ces textes. Le cas échéant, les entreprises du secteur se verraient assujetties au respect d'une nouvelle règlementation en matière de cybersécurité, faisant potentiellement doublon avec le droit existant et risquant d'entraîner une certaine confusion quant aux normes à appliquer.
Les rapporteurs appellent donc à la plus grande vigilance pour que l'extension aux infrastructures spatiales du cadre juridique européen en matière de cybersécurité ne se traduise pas par une recrudescence des obligations déclaratives et charges administratives pesant sur les acteurs européens, au risque de nuire à leur compétitivité. Ils proposent par conséquent d'amender la PPRE en ce sens.
C. LA NÉCESSITÉ DE PROMOUVOIR UNE VISION EUROPÉENNE DE LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
Le projet de loi spatiale européenne a enfin vocation à promouvoir, à l'échelle internationale, une vision européenne de la gestion du trafic spatial, et à constituer une alternative aux propositions américaines et sino-russes.
Les auditions menées par les rapporteurs ont ainsi mis en exergue l'intérêt, pour l'Union européenne, de pouvoir s'appuyer sur une règlementation régionale et parler d'une voix unique, au nom des 27 États membres, pour influencer les discussions multilatérales. En conséquence, les rapporteurs proposent d'amender le dispositif de la PPRE pour rappeler ce point essentiel.
En pratique, la future loi spatiale européenne pourrait être discutée dans les enceintes internationales - en particulier au CUPEEA -, servir de modèle et nourrir d'éventuels travaux visant à élaborer une règlementation internationale contraignante. En effet, à terme, seule une réponse internationale sera en mesure de promouvoir une approche efficace en matière de gestion du trafic spatial, reposant sur des instruments juridiquement contraignants et des bases normatives stables à l'échelle mondiale.
Dans l'attente d'une telle avancée sur le plan juridique, il importe de continuer le dialogue avec les organisations internationales d'une part, et développer des mécanismes opérationnels de coordination du trafic spatial entre les centres régionaux de surveillance de l'espace d'autre part, afin de fluidifier les échanges et prévenir plus efficacement les risques de collision.
Dans ce contexte, la PPRE invite judicieusement l'Union européenne à accélérer la mise en oeuvre des lignes directrices du CUPEE en matière d'utilisation durable à long terme de l'espace extra-atmosphérique.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes, réunie le mardi 17 décembre 2024, a engagé le débat suivant :
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Mes chers collègues, nous passons maintenant de la Terre au ciel !
J'ai mené, avec Gisèle Jourda, les travaux sur la proposition de résolution n° 158 sur la gestion du trafic spatial et le développement d'un espace « vert » déposée par notre collègue Ludovic Haye. Notre collègue étant en déplacement à l'étranger, je présenterai le rapport dans son ensemble.
L'Union européenne a officiellement lancé hier son projet Iris² de constellations de satellites de communications sécurisées. Ce projet phare de l'Europe spatiale prévoit le déploiement d'un réseau de 290 satellites, permettant d'établir, à compter de 2030, des communications sécurisées dans des domaines stratégiques comme la défense, la gestion des crises ou la surveillance. Alors que l'américain SpaceX d'Elon Musk est devenu, avec Starlink, l'un des principaux fournisseurs mondiaux d'internet par satellite, il s'agit, pour l'Union européenne, de se positionner sur le marché ultraconcurrentiel de la connectivité spatiale à haut débit, tout en renforçant son autonomie stratégique.
Le hasard du calendrier fait parfois bien les choses, puisque cette actualité fait directement écho à la PPRE qui est soumise aujourd'hui à l'examen de notre commission. Déposée il y a un mois par notre collègue Ludovic Haye, co-auteur d'une note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les débris spatiaux, cette PPRE se focalise en effet sur les conséquences de la prolifération des satellites dans l'espace.
De fait, l'avènement de l'ère du « New Space » a contribué à faire chuter les coûts associés à l'envoi de satellites dans l'espace et a entraîné une hausse exponentielle du nombre de satellites en orbite. Selon la start-up française Look Up Space, la barre des 10 000 satellites actifs en orbite a été franchie en juin dernier, la constellation Starlink comptant à elle seule plus de 6 600 satellites. Or ce mouvement n'en est qu'à ses débuts : selon les estimations actuelles, le nombre vertigineux de 100 000 satellites en orbite pourrait être atteint à l'horizon de 2030...
Comme le rappelle la note scientifique de l'Opecst, l'augmentation du trafic dans l'espace s'accompagne de celle des débris spatiaux, qu'il s'agisse de vaisseaux spatiaux hors service, d'étages hors d'usage des fusées utilisées pour les lancer, d'objets lâchés dans l'espace au cours des missions, de détritus rejetés par les navettes spatiales ou encore de morceaux de satellites.
Près d'un million de débris compris entre 1 et 10 centimètres graviteraient ainsi autour de la Terre, à une vitesse de l'ordre de 30 000 kilomètres par heure en orbite basse. Or, comme nous l'a rappelé l'Agence spatiale européenne (ESA) lors de son audition, à cette vitesse, un débris de 1 centimètre possède la même énergie à l'impact qu'une grenade militaire... La hausse du nombre de débris augmente le risque d'incidents potentiels à l'avenir et menace donc directement la sécurité du trafic spatial.
Plus généralement, l'encombrement spatial génère des risques à moyen et long terme. L'orbite terrestre basse - située à moins de 2 000 kilomètres - concentre la plupart des constellations de satellites commerciaux, mais également plus de la moitié des 36 000 « gros débris » de plus de 10 centimètres, et sa saturation progressive menace d'entraver, à terme, le lancement de nouvelles missions. Le trafic spatial s'y révèle d'ores et déjà particulièrement complexe : à titre d'exemple, Starlink y effectue plus de 100 000 manoeuvres d'évitement par an.
Cette situation a également des conséquences négatives sur l'observation astronomique et la recherche, en raison de la pollution lumineuse et des interférences électromagnétiques.
Enfin, dans la mesure où la grande majorité des satellites lancés au cours des dernières années ont vocation à chuter vers la Terre à l'issue de leur mission, l'encombrement spatial pose des risques pour l'aviation, les populations et les infrastructures au sol, liés à la rentrée atmosphérique souvent incontrôlée des objets spatiaux.
In fine, ces phénomènes concomitants pourraient rendre certaines orbites inutilisables dans les décennies à venir, alors même que nous dépendons plus que jamais des technologies spatiales dans des domaines essentiels, qu'il s'agisse des communications, de la prévention des catastrophes naturelles, du fonctionnement des marchés financiers ou encore de la protection civile.
Pour le dire clairement, il y a fort à craindre que, dans les années à venir, une collision satellitaire ne se produise, entraînant une interruption brutale des données ou services spatiaux. Je vous laisse imaginer les conséquences d'un tel scénario pour les citoyens européens...
La PPRE de notre collègue Ludovic Haye rappelle utilement ces enjeux, en détaillant les différents risques auxquels nous expose l'accroissement des objets en orbite. Elle souligne ensuite que les récentes avancées technologiques permettent désormais d'apporter certaines réponses à cette situation d'un point de vue opérationnel, avec le développement de techniques de pointe en matière d'identification et de suivi des débris, de prévention des collisions, mais également de réduction et d'élimination active des débris spatiaux.
Néanmoins, et c'est un paradoxe que relève notre collègue, alors que la congestion spatiale soulève des risques d'ampleur planétaire, il n'existe pas de cadre juridique international pour préserver la durabilité des activités spatiales. En effet, le droit spatial international, qui a essentiellement été élaboré au cours des années 1970, est demeuré relativement figé au cours des dernières années. Certes, à défaut de véritables normes juridiques, des lignes directrices ont été élaborées en matière de gestion du trafic spatial ; ces dernières demeurent néanmoins non contraignantes, et leur mise en oeuvre dépend uniquement de la bonne volonté des parties prenantes.
Dans ce contexte, aux yeux de nombreux observateurs, il est désormais impératif de se doter d'un texte international contraignant, qui imposerait des pratiques respectueuses en matière de non-production des débris et de limitation des risques de collisions. Mais les discussions multilatérales actuelles ne permettent pas d'envisager l'adoption de tels instruments contraignants à court terme.
En parallèle, face à l'augmentation du nombre d'entreprises spatiales commerciales, et au regard de l'obligation qui est faite aux États de superviser les activités de leurs acteurs privés, nous assistons à une véritable prolifération des réglementations nationales : à l'échelle de l'Union européenne, 12 États membres se sont d'ores et déjà dotés d'une loi spatiale, tandis que 5 autres travaillent à l'élaboration d'un tel texte.
Or cette fragmentation normative présente de nombreux inconvénients, puisque les opérateurs et fabricants du secteur spatial doivent se conformer à une multitude d'exigences divergentes. Les récents rapports d'Enrico Letta sur le marché unique et de Mario Draghi sur la compétitivité européenne ont ainsi relevé que le manque de règles communes freinait la croissance et la compétitivité, notamment dans le secteur spatial. Nous proposons donc d'amender la PPRE pour rappeler que, « à l'échelle de l'Union européenne, la coexistence de législations nationales hétérogènes nuit à la compétitivité des acteurs spatiaux ».
La France elle-même a adopté, en 2008, une législation pionnière en matière de pollution spatiale : la loi relative aux opérations spatiales, dite « LOS », impose aux opérateurs français ou étrangers qui souhaitent procéder au lancement d'un satellite depuis le territoire national de respecter un ensemble de règles pour limiter leur impact environnemental - je rappelle que le pas de tir européen se situe en France. Cette loi constitue désormais un cadre de référence aux niveaux européen et international, que nous proposons de rappeler explicitement dans le dispositif de la PPRE.
Au regard des difficultés posées par cette fragmentation réglementaire et des défis soulevés par la congestion spatiale, la PPRE plaide pour une approche européenne de la gestion du trafic spatial, incluant une dimension opérationnelle, diplomatique, mais également réglementaire.
En pratique, je veux, pour vous donner quelques éléments de contexte, évoquer la communication intitulée « Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial », que la Commission européenne a présentée en 2022. Celle-ci y soutient le lancement d'une initiative spatiale européenne reposant sur trois piliers distincts : le renforcement des capacités de surveillance de l'espace ; le développement de règles communes ; le renforcement de la voix de l'Union sur la scène internationale. Les États membres ont accueilli positivement cette communication et adopté, en juin 2022, des conclusions du Conseil appuyant cette initiative. La PPRE salue l'adoption de ces conclusions.
S'agissant du deuxième pilier, relatif au développement de règles communes, la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, a fait de l'élaboration d'une loi spatiale européenne l'une des priorités de l'Union européenne pour la nouvelle législature. Initialement prévue pour le premier semestre 2024, la présentation de cette proposition avait été reportée une première fois par le commissaire Thierry Breton, puis a été retardée en raison du contexte du renouvellement institutionnel ; selon les informations qui nous ont été transmises par la Commission européenne elle-même, la présentation de ce texte est désormais prévue pour le premier semestre 2025. Il comporterait trois piliers : la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales.
La présente PPRE s'inscrit dans le soutien à cette initiative et plaide pour une telle proposition législative. Celle-ci étant visiblement plébiscitée par les acteurs du secteur spatial, nous partageons cette position.
Nous proposons néanmoins de compléter le dispositif sur sept points.
Premièrement, puisque la future loi spatiale a vocation à renforcer la compétitivité de l'industrie spatiale européenne, il paraît indispensable que les nouvelles exigences s'imposent à tous les opérateurs de satellites, européens ou non, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen, c'est-à-dire sur le sol européen ou pour des utilisateurs européens. Il s'agit là d'une condition indispensable pour préserver la compétitivité des entreprises européennes et nous proposons de le souligner.
Deuxièmement, dans le prolongement de l'objectif de soutien à la compétitivité, alors que la proposition de résolution européenne appelle l'Union européenne à accroître ses investissements dans les programmes spatiaux et à soutenir le développement de lanceurs européens, il nous a paru indispensable de rappeler que le maintien d'un accès souverain à l'espace constitue une condition essentielle de la préservation de notre autonomie stratégique.
Troisièmement, la future loi spatiale a également vocation à soutenir les applications et entreprises spatiales oeuvrant en faveur de la préservation de l'environnement spatial ; au-delà des aspects réglementaires, le déploiement de ce volet « durabilité » implique de consentir des investissements significatifs en matière d'innovation et de recherche et développement (R&D), afin notamment d'identifier plus précisément les matériaux et processus spatiaux « durables », puisque, comme l'ont souligné plusieurs personnes auditionnées, l'état des connaissances dans ce domaine demeure encore embryonnaire. Si la PPRE invite d'ores et déjà à soutenir la recherche dans les technologies d'assainissement des débris, nous proposons de compléter le dispositif, en plaidant pour que ces recherches englobent également les activités relatives à la connaissance et la caractérisation des débris ainsi qu'à l'écoconception et au cycle de vie des systèmes spatiaux.
Quatrièmement, il importe de garantir une bonne articulation avec les lois spatiales nationales, a fortiori dans le cas de la France, qui dispose d'une législation particulièrement ambitieuse et complète en la matière. Il est donc primordial, en application des traités, que la future loi spatiale européenne ne conduise pas à remettre en cause les dispositions de la LOS ; nous proposons par conséquent de rappeler le nécessaire respect du principe de subsidiarité.
Cinquièmement, nous avons intérêt à favoriser l'émergence d'un texte européen s'inspirant de notre législation nationale, pour mettre un terme aux distorsions de concurrence intracommunautaires. En effet, les acteurs européens non français ne sont pas soumis à la LOS et à ses exigences techniques ; une approche européenne alignée sur la LOS permettrait dès lors d'améliorer la compétitivité des opérateurs et industriels français, qui sont parmi les plus contraints en Europe. Nous préconisons donc de compléter la proposition de résolution européenne par un alinéa plaidant en faveur d'un cadre réglementaire européen ambitieux.
Sixièmement, la gestion du trafic spatial se révélant intrinsèquement duale, il est capital que les opérateurs et activités de défense, qui relèvent par nature de la souveraineté nationale, soient explicitement exclus du champ d'application de la réglementation ; nous proposons de rappeler ce point important dans le dispositif de la PPRE.
Septièmement, les parties prenantes auditionnées ont insisté sur la nécessité de ne pas alourdir la charge administrative pesant sur les opérateurs, pour ne pas nuire à la compétitivité des PME et des start-up. Nous recommandons donc de mentionner ce point de vigilance.
Je souhaite conclure en soulignant que, à terme, seule une réponse internationale sera en mesure de promouvoir une approche efficace en matière de gestion du trafic spatial. Dans cette perspective, il est dans l'intérêt de l'Union européenne de pouvoir s'appuyer sur une réglementation régionale partagée par les Vingt-Sept, afin d'influencer efficacement les discussions multilatérales et de promouvoir une vision européenne en matière de durabilité des activités spatiales.
Mme Marta de Cidrac. - Vous rappelez que l'espace appartient à ceux qui s'y trouvent et vous insistez sur la nécessité d'avoir des accords à l'échelon international. Or la proposition de résolution européenne ne vise que le cadre européen. Selon moi, il faut surtout que cette réglementation soit commune à l'ensemble des pays, afin de nous prémunir contre les pratiques des États-Unis ou de la Chine. Aux termes de l'alinéa 44 du texte, le Sénat plaiderait « en faveur d'un cadre réglementaire européen ambitieux, introduisant des normes communes exigeantes et des standards élevés, pour limiter autant que possible la production de nouveaux débris spatiaux » ; cela ne s'appliquerait qu'aux entreprises européennes et non aux autres. Peut-être qu'une industrie européenne peut émerger, mais elle sera cantonnée au contexte européen. Cela me fait penser aux propos d'un intervenant italien sur le numérique, qui disait qu'en la matière, l'Amérique innove, la Chine copie et l'Europe réglemente... Ne faut-il pas au contraire encourager l'Europe à définir une approche commune à porter à l'échelon international ?
Mme Mathilde Ollivier. - Les investissements dans le domaine spatial sont très lourds, ce qui exige de pouvoir viser un marché européen, d'où la nécessité d'un cadre réglementaire européen et non national.
À la lecture de la PPRE, on se rend compte de l'importance de l'échelle internationale dans ce domaine. Il faut un cadre international pour réguler non seulement les débris spatiaux, mais également les acteurs privés ; il y a bien sûr Starlink, mais il existe d'autres acteurs qui envoient des satellites, lesquels produiront tôt ou tard des débris spatiaux.
La régulation du trafic spatial présente un enjeu important du point de vue de la souveraineté nationale, mais aussi de la recherche : nombre de chercheurs en astrophysique ou en astronomie nous ont alertés, car l'observation de l'espace pâtira du nombre trop important de satellites. Il est indispensable de réguler ce domaine à l'échelon international. Peut-être faut-il prévoir un alinéa sur ce sujet...
En tout état de cause, nous soutenons cette proposition.
M. Didier Marie. - Je ne peux que souscrire à la volonté de définir une stratégie européenne et une réglementation commune en matière spatiale ; ce qui est valable dans ce domaine l'est d'ailleurs également dans d'autres. Cela permettra à l'Europe d'imposer ses normes à l'échelon international et de protéger son industrie, puisque les contraintes économiques s'imposeront à tous les opérateurs dès lors qu'ils agiront sur le territoire européen. Une réglementation européenne aura un poids beaucoup plus important que les diverses réglementations nationales. Je souscris donc à cette proposition de résolution européenne.
En revanche, j'ai quelques réserves sur l'alinéa 47. Je conçois que l'on produise des satellites de défense, mais je ne vois pas pourquoi ces derniers échapperaient aux règles de fabrication visant à limiter les débris spatiaux : un satellite, fût-il militaire, deviendra tôt ou tard un débris spatial. Pourquoi ne pas leur imposer ces règles ?
M. Pascal Allizard. - Ce travail est nécessaire et devra faire l'objet d'un suivi.
J'approuve la volonté d'être moteurs dans la création d'une réglementation européenne sur le sujet, tout en gardant en tête la nécessité de pousser ensuite celle-ci à l'international. On peut sans doute ajouter un alinéa en ce sens, mais cette proposition constitue déjà en soi un pas important.
En ce qui concerne la dimension militaire de cette question, il faut savoir que l'accès à l'espace a longtemps concerné seulement quelques satellites ; il n'y avait pas vraiment de règles, simplement un modus vivendi avait émergé, que l'on respectait. Ce n'est plus le cas, en raison de l'explosion du nombre d'acteurs et parce que l'espace est devenu un enjeu en tant que tel ; la France a elle-même créé une direction de l'espace au sein de l'armée de l'air. Pendant longtemps, hormis quelques modèles de calcul permettant de connaître la situation, notre information dépendait largement du bon vouloir des services américains. Que la France soit motrice sur ce sujet est une excellente chose, afin qu'un équilibre réglementaire soit trouvé à l'international. Cela dit, j'insiste à l'attention de notre collègue Didier Marie, en ce qui concerne les questions de défense, il s'agit d'un enjeu de souveraineté nationale, auquel il serait prématuré de toucher.
M. Dominique de Legge. - Je partage l'avis de Pascal Allizard sur la défense. J'ajoute que, au travers du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip), la Commission européenne exprime déjà une volonté de réguler la base industrielle et technologique de défense (BITD). Il me semble donc opportun de réaffirmer ce principe.
Je rejoins également les propos de Marta de Cidrac : l'espace n'est pas qu'européen. Comme pour l'agriculture, il ne faut pas oublier que ce domaine exige une coopération mondiale, afin de ne pas nuire à notre propre industrie au profit de celle d'autres pays. Je soutiens ce texte.
M. Didier Marie. - La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées débattra demain du règlement Edip.
De même que l'on ne peut pas plaider pour une industrie européenne de défense sans que soient mises en oeuvre des règles communes dans ce secteur, on ne peut pas plaider pour une industrie européenne de l'espace, destinée à concurrencer les autres grandes nations, sans instaurer un minimum de règles communes. Je comprends qu'il faille protéger notre souveraineté, je comprends que nous ne partagions pas les informations récupérées par nos satellites, mais je suis gêné que l'on ne partage pas les éléments permettant la gestion des déchets lors de leur disparition.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je vais répondre d'abord sur la dimension internationale de cette question, qui n'est d'ailleurs pas absente de la PPRE. Le dispositif mentionne en effet la nécessité de promouvoir l'élaboration de normes internationales exigeantes dans les enceintes multilatérales, et invite la Commission à continuer de promouvoir activement des comportements responsables dans l'espace extra-atmosphérique. Pour influencer efficacement les discussions internationales, l'Union européenne doit pouvoir s'appuyer sur un cadre règlementaire commun : telle est la finalité de la future loi spatiale européenne. À l'échelle nationale, la France dispose d'un cadre très performant mais très contraignant. Il faut essayer de constituer un cadre européen, pour ne pas créer de concurrence intra-européenne, car il y a beaucoup de nouveaux acteurs. Dans ce cadre, ce texte permet de montrer le chemin. Donc, vous avez raison, il faut réglementer à l'échelon international, mais crantons déjà les choses à l'échelon européen avec ce texte et en nous appuyant sur la LOS, qui présente l'avantage de l'ancienneté et de l'expérience.
S'agissant des questions relatives à la défense, je vous rappelle que les dispositions françaises prévoient la possibilité de déroger aux obligations posées par la LOS pour les opérations spatiales menées par l'État dans l'intérêt de la défense nationale ; la PPRE ne dit pas autre chose, et appelle uniquement à respecter les prérogatives des États membres en matière de sécurité et de défense.
La question du retour géographique n'a pas été évoquée. Dans nos travaux, nous mentionnons les rapports Letta et Draghi, selon lesquels le retour géographique nuit à la compétitivité européenne. Il faudra donc trancher, ce qui nous amène au problème de la gouvernance entre l'ESA, la Commission européenne et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA).
L'ESA est une organisation internationale qui se bat pour conserver un certain leadership, car son cadre est plus large que celui de l'Union européenne. La Commission européenne défend, elle, le fait que son autonomie stratégique dépend de sa capacité à développer des activités spatiales, ce qu'elle fait déjà et continuera de faire, notamment au travers du projet Iris². Enfin, l'EUSPA a vocation à mettre en oeuvre le programme spatial de l'Union européenne.
Nous avons donc, in fine, plus que jamais, besoin d'outils complémentaires à la LOS, dont ce futur texte européen fera partie. Ce sera une façon pour l'Union européenne d'imposer sa loi, demain, dans le domaine spatial.
Mme Marta de Cidrac. - Les alinéas 43 et 44 mentionnent la subsidiarité et le volet normatif. J'ai toujours une crainte sur ce dernier sujet, et préférerais, à l'alinéa 44, la mention d'un cadre commun plutôt que celle d'une norme européenne. Trop de normes pourraient faire fuir des acteurs du continent.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La norme, notamment entendue dans sa dimension technique, n'est pas forcément péjorative. Les acteurs français ne veulent pas d'une réglementation européenne moins disante que celle de notre pays, car ils seraient alors moins compétitifs. Le droit européen doit donc se rapprocher autant que possible de la LOS.
Mme Marta de Cidrac. - Sur le fond, je vous entends : il faut un cadre commun, et je souhaite que ce terme figure dans l'alinéa 44. Mais la formulation actuelle me gêne : nous risquons, en alourdissant trop la barque, de nous mettre à dos des acteurs européens.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Il n'y aura, en tout cas, pas plus de normes en France, le standard français étant déjà très élevé.
Cela étant, nous pourrions supprimer le mot « exigeantes ». Mais surtout, ne baissons pas le niveau global ! La thématique spatiale vit en France, même s'il nous manque un récit. Au niveau européen, des signaux sont également envoyés, avec un commissaire européen chargé de l'espace et de la défense, qui s'est engagé à une publication rapide de la proposition législative.
Notre PPRE arrive donc au bon moment pour rappeler le leadership de la France sur ce sujet au sein de l'Union européenne. Je propose donc de supprimer le mot « exigeantes » à l'alinéa 44.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La PPRE évoquait également de futurs satellites « biodégradables », même si la notion de biodégradation dans le vide pose question. Les Japonais ont en effet lancé un premier satellite en bois. De tels satellites se dégraderont intégralement à leur retour dans l'atmosphère.
Je note, à cet égard, que les conséquences de ces rentrées atmosphériques ont fait l'objet de peu d'études. L'ESA va travailler sur ce sujet dans les mois à venir. Si nous savons en effet que cette rentrée produit des effets sur l'atmosphère, mais aussi sur les sols, nous ne mesurons pas encore très bien l'impact environnemental de ce phénomène. .
La commission autorise la publication du rapport et adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE À L'ADOPTION D'UNE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE SUR LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL ET AU DÉVELOPPEMENT D'UN ESPACE « VERT » ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 114 et 189 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
Vu l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat,
Vu le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes du 27 janvier 1967 (n° 8843),
Vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies sur les recommandations visant à renforcer la pratique des États et des organisations internationales intergouvernementales concernant l'immatriculation des objets spatiaux du 17 septembre 2007 (A/RES/62/101),
Vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies sur la réduction des menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable du 24 décembre 2021 (A/RES/76/231),
Vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies sur les essais de missile antisatellite à ascension directe et à visée destructrice du 7 décembre 2022 (A/RES/77/41),
Vu le règlement (UE) 2021/696 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 établissant le programme spatial de l'Union et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial et abrogeant les règlements (UE) n° 912/2010, (UE) n° 1285/2013 et (UE) n° 377/2014 et la décision 541/2014/UE,
Vu le règlement (UE) 2023/588 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 établissant le programme de l'Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027,
Vu la loi n° 2008-518 du 4 juin 2008 relative aux opérations spatiales,
Vu la résolution du Parlement européen du 6 octobre 2022 (2023/C 132/14) sur « une approche de l'Union européenne en matière de gestion du trafic spatial - une contribution de l'Union européenne pour faire face à un défi mondial » (2022/2641[RSP]),
Vu les conclusions du Conseil du 11 novembre 2020 (12851/20) sur les orientations relatives à la contribution européenne à la définition de principes clés pour l'économie spatiale mondiale,
Vu les conclusions du Conseil du 28 mai 2021 (9163/21) sur le nouvel espace au service des personnes,
Vu les conclusions du Conseil du 26 novembre 2021 (14307/21) sur l'espace pour tous,
Vu les conclusions du Conseil du 10 juin 2022 (10070/22) sur Copernicus à l'horizon 2035,
Vu les conclusions du Conseil du 10 juin 2022 (10071/22) sur une approche de l'Union européenne pour la gestion du trafic spatial,
Vu les conclusions du Conseil du 23 mai 2023 (9675/23) sur l'utilisation équitable et durable de l'espace,
Vu les conclusions du Conseil du 8 décembre 2023 (15231/23) sur la gestion du trafic spatial : état d'avancement,
Vu les conclusions du Conseil du 23 mai 2024 (10142/24) pour renforcer la compétitivité de l'Europe grâce à l'espace,
Vu les conclusions du Conseil du 29 novembre 2024 (16137/24) sur le renforcement des compétences européennes dans le secteur spatial,
Vu la déclaration trilatérale sur la politique spatiale européenne signée par la France, l'Italie et l'Allemagne à Séville le 6 novembre 2023 et la résolution du conseil de l'Agence spatiale européenne du même jour (ESA/C-M/CCCXX/Rés. 1) pour un accès indépendant et autonome de l'Europe à l'espace,
Vu la communication conjointe de la Commission et du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen et au Conseil du 15 février 2022, intitulée « Une approche de l'Union européenne en matière de gestion du trafic spatial. Une contribution de l'Union européenne pour faire face à un défi mondial » (JOIN [2022] 4 final),
Vu les lignes directrices publiées le 20 juin 2019 par le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique des Nations unies,
Vu la résolution européenne de l'Assemblée nationale n° 249 (16e législature) du 5 mars 2024 relative à l'adoption d'une loi européenne sur l'espace,
Vu la note scientifique du 4 avril 2024 (n° 44) de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les débris spatiaux,
Vu l'initiative « Net Zero Space », lancée à l'occasion du 4e Forum de Paris sur la Paix, les 11 et 12 novembre 2021,
Vu les conclusions de la Conférence européenne interparlementaire sur l'espace du 17 mars 2022, présidée par le Sénat,
Vu le rapport d'Enrico Letta sur le marché unique, « Bien plus qu'un marché », publié en avril 2024,
Vu le rapport de Mario Draghi, « Le futur de la compétitivité européenne », publié en septembre 2024,
Considérant que l'accroissement rapide du nombre de satellites et de débris en orbite augmente le risque de collisions et menace la sécurité et la durabilité des activités spatiales ;
Considérant le danger potentiel que représente la rentrée incontrôlée d'objets dans l'atmosphère pour l'aviation, les populations et les infrastructures au sol ;
Considérant le caractère stratégique des données, des technologies et des services qui dépendent des infrastructures et des activités spatiales ;
Considérant la contribution essentielle des technologies spatiales, notamment dans le domaine de l'observation de la Terre, à la réalisation du Pacte vert pour l'Europe et des objectifs de développement durable de l'ONU ;
Considérant l'absence de tout cadre règlementaire international relatif à la gestion du trafic spatial, en dépit de la dimension planétaire des défis soulevés par l'encombrement spatial ;
Considérant la nécessité, pour l'Union européenne, de pouvoir s'appuyer sur une approche européenne consolidée pour promouvoir l'élaboration de normes internationales exigeantes en matière de gestion du trafic spatial dans les enceintes multilatérales ;
Considérant le rôle précurseur joué par la France dans l'élaboration d'une législation relative aux débris spatiaux, qui constitue désormais un cadre de référence aux niveaux européen et international ;
Considérant qu'à l'échelle de l'Union européenne, la coexistence de législations nationales hétérogènes nuit à la compétitivité des acteurs spatiaux ;
Considérant la nature intrinsèquement duale des activités de surveillance de l'espace, ainsi que leur rôle crucial dans la prévention des collisions, la protection des infrastructures spatiales existantes et donc in fine le maintien d'un accès européen sûr et autonome à l'espace ;
Considérant que les récentes avancées dans les domaines de l'intelligence artificielle, du calcul à haute performance et de l'apprentissage automatique ont permis de mettre au point des techniques de pointe en matière d'identification et de suivi des débris, de prévention automatisée des collisions, ainsi que de réduction et d'élimination actives des débris spatiaux ;
Salue les conclusions du Conseil du 10 juin 2022 sur une approche de l'Union européenne pour la gestion du trafic spatial ;
Salue l'adoption du règlement (UE) 2023/588 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 établissant le programme de l'Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027 ;
Appelle l'Union européenne à se doter d'une réglementation relative à la gestion du trafic spatial, dans le respect des compétences respectives de l'Union et de ses États membres et du principe de subsidiarité, afin d'assurer la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales, tout en garantissant aux acteurs européens du secteur spatial des conditions de concurrence équitables dans toute l'Union ;
Plaide en faveur d'un cadre règlementaire européen ambitieux, introduisant des normes communes et des standards élevés, pour limiter autant que possible la production de nouveaux débris spatiaux ;
Demande notamment que la délivrance d'autorisations de lancement de nouveaux satellites soit conditionnée à l'existence de solutions durables pour la fin de mission ;
Juge indispensable, pour prévenir l'apparition de distorsions de concurrence qui grèveraient la compétitivité de l'industrie spatiale européenne, que cette règlementation ne crée pas de charges administratives disproportionnées pour les entreprises et s'applique à tous les opérateurs de satellites, européens ou non, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen ;
Souligne la nécessité d'exclure explicitement du champ d'application de la future loi spatiale européenne les opérateurs et activités de défense, qui relèvent par nature de la souveraineté nationale ;
Appelle l'Union européenne à renforcer ses capacités opérationnelles pour la surveillance de l'espace et le suivi des objets en orbite afin d'améliorer la performance des services fournis en matière de prévention des collisions, d'analyse de rentrée atmosphérique et d'analyse de fragmentation et de développer des services de soutien aux opérations de réduction des débris spatiaux et d'assainissement de l'espace ;
Préconise de davantage soutenir les activités de recherche et d'innovation relatives à la connaissance et la caractérisation des débris, aux technologies d'assainissement permettant l'élimination active de ces derniers ainsi qu'à l'éco-conception et au cycle de vie des systèmes spatiaux, afin de favoriser le développement d'infrastructures spatiales écoresponsables ;
Invite l'Union européenne à accroître ses investissements dans les programmes spatiaux et à soutenir le développement de capacités de lancement européennes autonomes, le maintien d'un accès souverain à l'espace constituant une condition essentielle de la préservation de l'autonomie stratégique européenne ;
Demande à l'Union européenne de consacrer un principe de « préférence européenne » dans le cadre des marchés institutionnels de lancement orbitaires ;
Invite l'Union européenne à accélérer la mise en oeuvre des lignes directrices du Comité sur l'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique des Nations unies en matière d'utilisation durable à long terme de l'espace extra-atmosphérique ;
Invite la Commission à continuer de promouvoir activement des comportements responsables dans l'espace extra-atmosphérique, notamment l'interdiction des tirs de destruction de satellites ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.
LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/tableau-historique/ppr24-158.html
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
· CNES
M. Charles Bouland, Conseiller « Espace » à la RPUE
Mme Pauline Pannier, Directrice Générale Adjointe en charge du Secrétariat Général
M. Pierre Trefouret, Directeur du cabinet du président du Cnes
· EUTELSAT
M. Etienne Lesoeur, Responsable Affaires institutionnelles
Mme Chehineze Bouafia, Chargée de mission législation spatiale européenne
· ESA
M. Eric Morel, Directeur de la stratégie, des affaires juridiques et extérieures
M. Quentin Verspieren, coordinateur du programme de sécurité spatiale
· Commission européenne, Direction générale de l'Industrie, de la Défense et de l'Espace
Mme Catherine Kavvada, Directrice du développement spatial et de l'innovation
M. Rodolphe Munoz, Conseiller juridique
Contribution écrite
· Association nationale recherche technologie (ANRT), Groupe de travail Objectif Lune.
Clarisse Angelier, Déléguée générale de l'ANRT
Alban Guyomarc'h, Coordinateur Objectif Lune pour l'ANRT
* 1 M. Jean-Luc Fugit et M. Ludovic Haye, Note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 510 sur les débris spatiaux, 4 avril 2024.
* 2 Université des Nations unies, Débris spatiaux, octobre 2023, https://s3.eu-central-1.amazonaws.com/interconnectedrisks/reports/2023/TR_231 115_Space_Debris.pdf
* 3 Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la règlementation technique, en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.
* 4 M. Jean-Luc Fugit et M. Ludovic Haye, Note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 510 sur les débris spatiaux, 4 avril 2024.
* 5 Université des Nations-Unies, Débris spatiaux, octobre 2023, https://s3.eu-central-1.amazonaws.com/interconnectedrisks/reports/2023/TR_231 115_Space_Debris.pdf
* 6 Assemblée générale des Nations-Unies, Résolution 77/41, « Essais de missile antisatellite à ascension directe et à visée destructrice », 7 décembre 2022.
* 7 États-Unis, Canada, France, Japon, Allemagne, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Corée du Sud, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche, Norvège, Suède, Suisse, Danemark, Irlande, Portugal, Grèce
* 8 Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 75/36, « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », 7 décembre 2020.
* 9 Assemblée Générale des Nations Unies, « Renforcer la coopération internationale pour la gestion des débris spatiaux » (A/RES/76/93), 24 décembre 2021.
* 10 Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Portugal et Suède.
* 11 Pologne, Espagne, Estonie.
* 12 Enrico Letta, « Bien plus qu'un marché », avril 2024.
* 13 Mario Draghi, « Le futur de la compétitivité européenne », septembre 2024.
* 14 Ibid, p. 180.
* 15 Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.
* 16 Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la réglementation technique en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales (articles 21 et 22).
* 17 Arrêté du 28 juin 2024 modifiant l'arrêté du 31 mars 2011 relatif à la réglementation technique en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi no 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales
* 18 L'Autriche, la Belgique, Chypre, l'Estonie, l'Allemagne, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Suède, le Royaume-Uni, le Mexique et la Nouvelle Zélande.
* 19 ArianeSpaceGroup, Eutelsat, CGSTL, Astroscale, ONU, CNES.
* 20 Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil, “Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial- Une contribution de l'UE pour faire face à un défi mondial”, 15 février 2022.
* 21 Conclusions du Conseil, « Approche de l'UE pour la gestion du trafic spatial », 10 juin 2022.
* 22 France, Allemagne, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Espagne.
* 23Règlement (UE) 2021/696 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 établissant le programme spatial de l'Union et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial et abrogeant les règlements (UE) nº 912/2010, (UE) nº 1285/2013 et (UE) nº 377/2014 et la décision nº 541/2014/UE.
* 24 France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Portugal, Roumanie, Autriche, République tchèque, Danemark, Finlande, Lettonie, Grèce, Pays-Bas et Suède.
* 25 Quelques mois après sa communication sur une approche commune de l'Union en matière de gestion du trafic spatial, la Commission a décidé de confier la responsabilité du guichet d'accueil SST à l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (créée par le règlement sur l'espace) ; cette dernière est donc désormais chargée d'assurer l'interface avec les utilisateurs des services SST (opérateurs d'engins spatiaux, institutions européennes, États membres) et de fournir des informations concernant les performances des services.
* 26 Règlement (UE) 2024/2847 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 concernant des exigences de cybersécurité horizontales pour les produits comportant des éléments numériques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013 et (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2020/1828 (règlement sur la cyberrésilience)
* 27 Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2)