III. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION PLAIDANT OPPORTUNÉMENT POUR UNE APPROCHE EUROPÉENNE DE LA GESTION DU TRAFIC SPATIAL AUX PLANS OPÉRATIONNEL, RÈGLEMENTAIRE ET DIPLOMATIQUE

Le 15 février 2022, la Commission européenne et le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont présenté une communication intitulée « Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial - Une contribution de l'UE pour faire face à un défi mondial »20(*) dans laquelle ils rappellent les risques posés par la prolifération des objets dans l'espace, soulignent en conséquence la nécessité de gérer le trafic spatial et avancent qu'en tant qu'acteur majeur dans le domaine spatial, l'Union a un intérêt et une obligation légitimes à « adopter sa propre position dans l'élaboration de mesures nécessaires à la gestion du trafic spatial ».

Alors qu'il n'existe pas encore de définition consensuelle du trafic spatial au niveau international, la Commission européenne a défini ce terme comme renvoyant aux moyens et aux règles permettant d'accéder à l'espace extra-atmosphérique, d'y mener des activités et d'en revenir de manière sûre, viable et sécurisée.

La gestion du trafic spatial telle que définie au niveau européen engloberait donc les activités de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite, la réduction des débris en orbite et l'assainissement de l'espace par le retrait de ces derniers, la gestion des orbites et du spectre des fréquences radioélectriques, le cycle de vie complet des opérations spatiales, y compris la phase de lancement, les opérations en orbite et les opérations de sortie d'orbite en fin de vie, et enfin la phase de rentrée dans l'espace aérien d'un véhicule spatial.

Dans ce contexte, l'approche commune proposée par la Commission en matière de gestion du trafic spatial repose sur trois piliers distincts :

- le renforcement des capacités de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite de l'Union ;

- le développement de règles, par la présentation d'une initiative législative ;

- le renforcement de la voix de l'Union sur la scène internationale afin d'y promouvoir cette approche commune.

Cette initiative a été bien accueillie par les États membres ; les ministres de l'Union chargés des questions spatiales ont ainsi adopté, dès le 10 juin 2022, sous présidence française du Conseil de l'UE, des conclusions sur une approche de l'UE pour la gestion du trafic spatial21(*), dans lesquelles ils soulignent l'importance des trois axes principaux retenus par la Commission européenne.

Depuis, le Conseil a adopté plusieurs textes destinés à appuyer cette position, notamment des conclusions sur une utilisation équitable et durable de l'espace le 23 mars 2023, des conclusions sur l'état d'avancement de la gestion du trafic spatial le 8 décembre 2023 et des conclusions sur la contribution de l'espace à la compétitivité de l'Europe le 23 mai 2024 

A. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DE SURVEILLANCE ET DE SUIVI DES ACTIVITÉS SPATIALES

Depuis 2014, l'Union européenne met en oeuvre un programme de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite afin de protéger notamment ses infrastructures spatiales. Fondé sur une mutualisation des moyens opérationnels européens, ce système de surveillance a été initialement créé sous la forme d'un « consortium EU-SST » (Space surveillance and tracking), rassemblant les agences spatiales de 7 États membres22(*).

Le règlement établissant le programme spatial de l'Union23(*) (« règlement espace ») a remplacé ce consortium par un « partenariat SST » comprenant les agences spatiales de 15 États membres24(*) afin de bénéficier de capacités supplémentaires pour surveiller et suivre les objets spatiaux en orbite.

En pratique, sous l'égide de l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial25(*), le partenariat EU-SST s'appuie sur 40 capteurs exploités par les États membres (radars, télescopes, stations de télémétrie laser) pour fournir des services de sécurité spatiale à plus de 200 organisations enregistrées, dont des opérateurs de satellites de pays tiers. Ces services relèvent de trois catégories distinctes :

- les services d'évitement des collisions, qui protègent plus de 550 satellites (dont 180 satellites étrangers) et impliquent une surveillance, le déclenchement d'alertes visant à éviter les collisions et le cas échéant, des propositions de manoeuvres d'évitement ;

- les services d'évaluation des risques de rentrée non contrôlée de débris spatiaux dans l'atmosphère terrestre ;

- les services d'analyse des fragmentations en orbite.

Cependant, ces prestations sont essentiellement basées sur l'inventaire d'objets spatiaux établi par les États-Unis, dont le catalogue européen dépend à hauteur de 92 %.

Si la Commission s'est attelée au développement d'un inventaire SST européen des objets spatiaux, en s'appuyant sur les données provenant du réseau des capteurs SST, force est de constater que le nombre limité de capteurs actuellement déployés freine ces travaux.

En tout état de cause, les lacunes de l'Union européenne en matière de collecte des données menacent la compétitivité de l'industrie européenne ; par ailleurs, à l'heure où les risquent pesant sur la sécurité des infrastructures spatiales s'intensifient, cette situation de dépendance stratégique n'est plus tenable : l'Union européenne doit pouvoir décider en parfaite autonomie et de manière réactive ce qu'elle souhaite détecter et identifier dans l'espace.

L'Union européenne doit donc impérativement mettre en place des capacités autonomes renforcées de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite. À cet égard, si l'exploitation des capteurs nationaux doit rester de la compétence des États membres, eu égard à la nature duale des activités de surveillance de l'espace, il incombe à l'Union de soutenir financièrement les initiatives publiques et privées tendant à développer des capacités de surveillance, notamment en orbite basse.

En parallèle, la PPRE souligne qu'il est crucial d'encourager la recherche et l'innovation dans ce secteur, afin de renforcer les services existants, mais également de concevoir de nouveaux services, permettant de déployer des projets européens de réduction des débris et d'assainissement de l'orbite terrestre. Les rapporteurs partagent pleinement cette recommandation.


* 20 Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil, “Une approche de l'UE en matière de gestion du trafic spatial- Une contribution de l'UE pour faire face à un défi mondial”, 15 février 2022.

* 21 Conclusions du Conseil, « Approche de l'UE pour la gestion du trafic spatial », 10 juin 2022.

* 22 France, Allemagne, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Espagne.

* 23Règlement (UE) 2021/696 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 établissant le programme spatial de l'Union et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial et abrogeant les règlements (UE) nº 912/2010, (UE) nº 1285/2013 et (UE) nº 377/2014 et la décision nº 541/2014/UE.

* 24 France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Portugal, Roumanie, Autriche, République tchèque, Danemark, Finlande, Lettonie, Grèce, Pays-Bas et Suède.

* 25 Quelques mois après sa communication sur une approche commune de l'Union en matière de gestion du trafic spatial, la Commission a décidé de confier la responsabilité du guichet d'accueil SST à l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (créée par le règlement sur l'espace) ; cette dernière est donc désormais chargée d'assurer l'interface avec les utilisateurs des services SST (opérateurs d'engins spatiaux, institutions européennes, États membres) et de fournir des informations concernant les performances des services.

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