B. L'AUGMENTATION DU TRAFIC DANS L'ESPACE S'ACCOMPAGNE DE CELLE DES DÉBRIS SPATIAUX

En droit français, un débris spatial est défini comme « tout objet spatial non fonctionnel d'origine humaine, y compris des fragments et des éléments de celui-ci, en orbite terrestre ou rentrant dans l'atmosphère terrestre »3(*). En pratique, il peut s'agir de vaisseaux spatiaux hors de service, d'étages hors d'usage des fusées utilisées pour les lancer, d'objet lâchés dans l'espace au cours des missions ou encore de détritus rejetés par les navettes spatiales.

Depuis le début de l'ère spatiale, le nombre de débris, leur masse combinée et la surface totale qu'ils occupent sont en augmentation constante ; les explosions en orbite, causées par des restes d'énergie (carburant ou batteries) à bord des satellites ou des lanceurs, jouent un rôle majeur dans cette évolution, tout comme les tests de destruction de satellites par explosion (ou tirs antisatellites, ASAT), menés par certains pays (Chine en 2007, États-Unis en 2008, Inde en 2019 et Russie en 2021) au cours des dernières années et responsables de la création de milliers de nouveaux débris.

Tout laisse à croire que cette tendance s'accentuera à l'avenir : le maintien des constellations orbitales génèrera toujours plus de lancements de fusées, avec pour corolaire une hausse mécanique de la quantité de débris dérivant en orbite.

Selon la note scientifique de l'OPECST4(*), graviteraient actuellement autour de la Terre :

- environ 150 millions de débris inférieurs à 1 cm ;

- plus d'un million de débris compris entre 1 et 10 cm, trop petits pour être surveillés mais capables d'importants dommages ;

- près de 36 000 « gros objets » de plus de 10 cm, faisant l'objet d'une surveillance en orbite basse (et en orbite géostationnaire pour les débris de plus de 1 mètre) afin d'éviter les collisions.

C. LA PROLIFÉRATION DES OBJETS SPATIAUX EMPORTE DES RISQUES DE COLLISION ET DE CONGESTION QUI MENACENT LA SÉCURITÉ ET LA DURABILITÉ DES ACTIVITÉS SPATIALES

1. La hausse du nombre de débris augmente le risque d'incidents potentiels à l'avenir

Les analyses conduites par les principaux acteurs spatiaux institutionnels soulignent que la prolifération du nombre de débris spatiaux augmente la probabilité de collisions dans l'espace.

Évolution historique du nombre d'évènements détectés par le système européen de surveillance EU SST

Source : Commission européenne.

Or, quelle que soit leur taille, les débris spatiaux, dans la mesure où ils se déplacent à 30 000 km/ heure en orbite basse, peuvent causer des dommages irréversibles aux satellites ou aux stations qu'ils percutent. Selon la note de l'OPECST, si les débris de plus de 10 cm, qui font l'objet d'une surveillance en orbite basse, peuvent détruire complètement un satellite en cas de collision, les débris compris entre 1 et 10 cm, trop petits pour être surveillés, peuvent également endommager sérieusement les objets spatiaux qu'ils percutent.

En outre, les collisions peuvent entraîner une augmentation exponentielle des débris spatiaux, avec de possibles réactions en chaîne (la multiplication du nombre de débris spatiaux ne faisant qu'accroître la probabilité des collisions, selon un scénario de collisions en cascade appelé « syndrome de Kessler »). Alors que les débris proviennent essentiellement, à l'heure actuelle, de la fragmentation des satellites obsolètes, la note de l'OPECST relève qu'en l'absence de mesures concrètes, les collisions pourraient devenir la principale source de débris.

2. L'encombrement spatial génère également des risques à moyen et long terme

Comme le relève l'Agence spatiale européenne, la plupart des nouveaux satellites ont vocation à intégrer ou étendre des constellations de satellites commerciaux en orbite terrestre basse (moins de 2 000 km), et se dirigent donc vers des orbites similaires. Or, ces orbites sont les plus dangereuses : plus de la moitié des près de 36 000 débris spatiaux de plus de 10 cm actuellement identifiés jonchent l'orbite terrestre basse.

La saturation progressive de ces orbites menace de mettre fin de manière prématurée à des missions en cours de réalisation, et d'entraver, à terme, le lancement de nouvelles missions. L'accumulation de satellites en orbite basse entraîne, en outre, une hausse substantielle des manoeuvres d'évitement - Starlink en effectuant d'ores et déjà plus de 100 000 par an.

Cette situation a également des conséquences négatives sur l'observation astronomique et la recherche, en raison de la pollution lumineuse (réflexion de la lumière du Soleil par les satellites) et des interférences électromagnétiques (émissions radio des satellites) qui en découlent.

Elle pose, enfin, des risques pour l'aviation, les populations et les infrastructures au sol, liés à la rentrée atmosphérique d'objets spatiaux - qu'il s'agisse de vecteurs utilisés pour lancer des satellites, de satellites en fin de vie projetés hors de leur orbite ou encore de débris spatiaux. En effet, la grande majorité des satellites lancés au cours des dernières années sont insérés sur des orbites à partir desquelles ils chuteront vers la Terre en moins de deux ans à l'issue de leur mission ; le nombre de satellites rentrant dans l'atmosphère terrestre devrait donc croître dans les années à venir. Or, la plupart de ces rentrées se font de manière incontrôlée, puisque les satellites sont tout simplement désactivés, avant de chuter et se consumer (souvent partiellement) dans l'atmosphère terrestre, de potentiels fragments pouvant atterrir sur Terre.

In fine, ces phénomènes concomitants pourraient rendre certaines orbites inutilisables dans les décennies à venir, et constituent ainsi une menace majeure à la liberté d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique.

La dépendance croissante de l'Union européenne à l'égard des données et services spatiaux dans des domaines essentiels (communications, protection civile, interventions d'urgence, prévention des catastrophes naturelles, fonctionnement des marchés financiers) rend les citoyens européens particulièrement vulnérables face à ces différents risques.

Les technologies spatiales sont par ailleurs essentielles à la réalisation des objectifs du Pacte vert pour l'Europe, puisque les informations spatiales produites par Copernicus (programme européen d'observation de la Terre) ou Galileo (système de positionnement par satellite de l'Union) fournissent des données essentielles pour surveiller et atténuer les incidences environnementales voire améliorer les pratiques agricoles.

Par conséquent, toute interruption brutale de ces données ou services, résultant par exemple d'une collision satellitaire, pourrait être lourde de conséquences pour les citoyens européens et menacerait gravement l'autonomie stratégique de l'Union européenne.


* 3 Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la règlementation technique, en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.

* 4 M. Jean-Luc Fugit et M. Ludovic Haye, Note scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 510 sur les débris spatiaux, 4 avril 2024.

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