EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 29 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une hausse de 1,8 % des crédits de paiement de cette petite mission régalienne, pour atteindre 899,7 millions d'euros.
Je le précise d'emblée, la mission ne devrait être que marginalement concernée par les mesures d'économies que le Gouvernement présentera par voie d'amendement en cours de discussion. D'après les informations qu'il a communiquées à notre commission, il devrait proposer une minoration des crédits de la mission à hauteur de 2 millions d'euros, qui se traduira probablement par une diminution de la réserve de précaution.
Le budget du Conseil d'État et des juridictions administratives concentre à lui seul les deux tiers des crédits de la mission, et s'élève à 516,2 millions d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à l'année 2024.
Cette augmentation des crédits s'explique tout d'abord par une progression de près de 5 % des dépenses de personnel, en grande partie imputable à la poursuite du mouvement de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour laquelle une enveloppe de 8,8 millions d'euros est prévue. Cette mesure me semble nécessaire pour rapprocher les rémunérations des magistrats administratifs de celles du nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la fonction publique, dans un souci de préservation de l'attractivité des juridictions administratives.
Malgré la hausse des dépenses de personnel, l'année 2025 devrait être marquée par un gel des effectifs des juridictions administratives, et s'inscrira donc en rupture avec les exercices précédents. Les juridictions administratives ont pourtant bénéficié ces dernières années d'un renforcement substantiel de leurs moyens humains qui a porté ses fruits, puisqu'il a permis aux magistrats de stabiliser les délais de jugement malgré une pression contentieuse toujours plus forte.
J'attire votre attention sur le fait que le gel des effectifs des juridictions administratives en 2025 risque de les mettre sous tension, et pourrait conduire à un allongement des délais de jugement. Je conçois que cette stabilisation des effectifs puisse se justifier cette année par la nécessité de redresser nos comptes publics. Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion sur les moyens accordés aux juridictions administratives, dont les missions régaliennes me semblent devoir être préservées malgré le contexte budgétaire contraint. On ne pourra pas tout à la fois réduire les effectifs et les délais de jugement ; il faudra faire un choix.
La hausse des crédits du programme 165 s'explique également, dans une moindre mesure, par la poursuite en 2025 de projets immobiliers de grande ampleur, qui se traduit par une hausse de 5 % des dépenses d'investissement. Plus particulièrement, les travaux de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à Montreuil se poursuivront, et se traduiront par le décaissement de 38,7 millions d'euros de crédits de paiement.
Je souhaite par ailleurs saluer les efforts consentis par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Celles-ci connaissent une baisse notable de près de 7 % par rapport à 2024. La dématérialisation des procédures y est pour beaucoup : par exemple, l'application Télérecours, déployée en 2014, aurait permis de réaliser près de 5,3 millions d'euros d'économies en 2023. Je tiens également à saluer la décision du Conseil d'État et de la CNDA d'utiliser, dans le cadre de la territorialisation des procédures, les locaux des cours administratives d'appel, plutôt que de louer des bureaux.
J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève dans ce PLF à près de 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 % par rapport à 2024. Cette diminution des crédits, très importante en apparence, doit être nuancée, dans la mesure où elle résulte principalement d'une mesure de périmètre portant sur des dépenses de titre 2. En effet, la réforme des retraites de 2023 a abouti à la fin du régime spécial du Cese, ce qui implique qu'à compter de 2025, la dotation permettant d'équilibrer le financement de la caisse de retraite du Cese, structurellement déficitaire, ne sera plus supporté par le programme 126, mais par le budget de la sécurité sociale. En faisant abstraction de cette mesure de périmètre, la baisse des crédits du Cese est plutôt de l'ordre de 4 %.
Les crédits de fonctionnement du Cese sont également en baisse de 2 millions d'euros, mais les informations contenues dans les documents budgétaires, particulièrement lacunaires, ne permettent pas d'identifier avec précision les postes de dépenses sur lesquels portera cette économie. Lors de la présentation de mon rapport sur le PLF 2024, j'avais plus particulièrement fait part de mon scepticisme sur la budgétisation de l'enveloppe consacrée à la participation citoyenne. En l'absence de convention citoyenne en 2024, cette enveloppe n'a été exécutée qu'à hauteur de 1,3 million d'euros, contre 4,2 millions d'euros initialement ouverts. Pour l'année 2025, la justification au premier euro est muette sur le budget effectivement consacré aux dispositifs de participation citoyenne, ce qui n'est pas satisfaisant du point de vue de la bonne information du Parlement.
Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 2,2 % en crédits de paiement. Cette hausse résulte principalement de l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme. Les magistrats financiers bénéficieront cette année, comme leurs collègues des juridictions administratives, d'une mesure de revalorisation indemnitaire, pour laquelle une enveloppe de 5 millions d'euros est prévue. Ma position sera la même que celle que j'ai exprimée à l'égard de la revalorisation des magistrats administratifs : cette mesure est bienvenue, car elle permet d'éviter un décrochage de leur rémunération par rapport à celle des administrateurs de l'État. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences de la réforme de la fonction publique, qui résulte exclusivement d'une décision gouvernementale.
Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières connaissent une baisse de 5 %, que je salue particulièrement dans la mesure où il s'agit essentiellement de dépenses contraintes et quasiment incompressibles. Cette baisse traduit donc les efforts de la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, en optimisant par exemple ses procédures d'achats ou en limitant ses dépenses énergétiques.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission, dont la progression apparaît raisonnable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Cette présentation est sincère et objective. Un travail devra être mené pour analyser les évolutions constatées dans les juridictions administratives, et regarder notamment si l'augmentation du nombre de saisines n'est pas due à la systématisation, par certains, des recours.
Il faudra étudier également les moyens mobilisés en interne par le Conseil d'État pour traiter davantage de dossiers et voir si le travail est optimisé afin de consacrer le plus de temps possible aux dossiers les plus complexes. Je souscris à cet égard aux remarques du rapporteur spécial.
J'ai bien compris par ailleurs qu'une diminution du nombre de concertations citoyennes engendrait des économies. Je laisse la paternité de cette observation avisée à notre rapporteur spécial...
Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur spécial de ses commentaires pertinents. Sur le dernier point évoqué par le rapporteur général, j'aurais peut-être des nuances à apporter. Je partage néanmoins plusieurs des commentaires qui ont été faits.
De nombreuses difficultés tiennent à l'augmentation des délais de jugement. Le nombre de procédures est en hausse, notamment pour les contentieux. Or ces derniers doivent être jugés rapidement, particulièrement en droit des étrangers. Le traitement des dossiers en attente prend donc du retard et le stock des dossiers en souffrance augmente, alors qu'il avait tendance à diminuer. N'est-il pas risqué de laisser ainsi s'accumuler ce stock ?
La Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui deviendra le tribunal du stationnement payant en janvier 2025, est également en difficulté. Censée traiter 120 000 affaires par an, elle reçoit près de 180 000 requêtes et affiche des délais de jugement de deux ans et un stock d'environ 225 000 demandes.
Dans un tel contexte de hausse du nombre de contentieux, on voit mal comment les objectifs de délai pourraient être tenus à moyens constants. Je partage à ce sujet la remarque du rapporteur spécial. La poursuite cette année de la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers est en revanche à saluer compte tenu de l'importance du travail à mener.
M. Marc Laménie. - La répartition des effectifs entre le Conseil d'État et les tribunaux administratifs est-elle connue, ainsi que leur répartition entre la métropole et les outre-mer ? De même, connaît-on la répartition des effectifs entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ? Qu'en est-il par ailleurs de leur progression ?
M. Stéphane Sautarel. - Pourriez-vous nous éclairer sur l'activité du Cese, dont le coût, la pertinence et l'efficacité prêtent parfois à discussion ? Pourquoi n'avez-vous pas proposé d'amendement sur son plafond d'emplois, porté dans le PLF 2025 de 154 à 155 équivalents temps plein (ETP), alors que la consommation actuelle apparaît inférieure aux autorisations reçues ?
Mme Sylvie Vermeillet. - Le contexte budgétaire est tendu : on recherche des économies partout. En outre, la Cour des comptes n'est pas le dernier organisme à avoir pointé du doigt les dérapages budgétaires de l'État. Pourquoi voit-elle ses crédits augmenter de 2,2 %, quand ceux du Sénat, de l'Assemblée nationale et de l'Élysée sont maintenus à un niveau identique à celui de l'an passé ? Un amendement pourrait-il être présenté à ce sujet ?
M. Michel Canévet. - Je m'inquiète également de l'évolution des crédits de cette mission, alors que l'on peut douter de la qualité de gestion des comptes de l'État.
Je m'inquiète surtout de l'évolution à la hausse du stock d'affaires en attente dans les juridictions administratives, de 25 % depuis 2017. L'augmentation des effectifs est-elle la seule solution à y apporter ? D'autres pistes ne pourraient-elles pas être étudiées : imposer des droits à payer pour pouvoir déposer plainte, par exemple, ou simplifier certains documents administratifs afin d'éviter que la saisine du tribunal ne conduise automatiquement à des mises en cause ?
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - On constate une augmentation des contentieux dans tous les domaines. Le rapport présente des statistiques précises à ce sujet. Mon expérience de maire est à cet égard assez parlante : alors que je ne me suis jamais rendu au tribunal au cours de mes quatre premiers mandats, j'y suis allé trois fois durant le cinquième et sept fois durant le sixième ! Nous en sommes là.
Le nombre de recours en matière de stationnement payant explose également, malgré les efforts effectués pour faire face à cette nouvelle donne. La crise du covid-19 a notamment bouleversé les méthodes de travail des juridictions, en augmentant le télétravail et en affectant à d'autres tâches les personnels chargés de ranger des dossiers sur les étagères. Le télérecours rationalise en outre la gestion des tribunaux.
Le nombre de dossiers en attente à la CCSP ne cesse de croître. Les transferts d'effectifs réalisés se sont révélés insuffisants pour y faire face.
Pour répondre à Marc Laménie, on dénombre 649 personnels au Conseil d'État, 2 390 dans les tribunaux administratifs et 642 au sein des cours administratives d'appel.
L'évolution à la hausse des crédits de la Cour des comptes s'explique par la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers, qui est elle-même la conséquence directe de la réforme de la haute fonction publique décidée exclusivement par le Gouvernement. Sans cette revalorisation, nous risquions de nous retrouver avec des personnels de moindre qualité. Il est vrai néanmoins que cet alignement des rémunérations des magistrats financiers sur celles des administrateurs de l'État, bien que nécessaire, est coûteux. Pour autant, je préfère la Cour des comptes aux cabinets de conseil, elle coûte moins cher.
Pour répondre à Michel Canévet, les administrés attaquent désormais les communes, les intercommunalités, les départements ou les régions, pour un oui ou pour un non. Une personne qui se tord le pied dans un trou peut attaquer la mairie pour la mauvaise qualité du chemin. Une réflexion est nécessaire sur ce point.
La CNDA, qu'on désigne couramment comme la juridiction du « chaos du monde », fait également face à un afflux conséquent de dossiers.
Enfin, j'avais déposé un amendement au PLF 2024 visant à diminuer les crédits du Cese. Au vu du tsunami qu'il a provoqué, j'ai compris qu'il était préférable de le retirer. Il ne faut pas qu'une assemblée s'immisce dans la gestion d'une autre assemblée. Je n'en déposerai donc pas cette année, mais M. Sautarel peut le faire s'il le souhaite...
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.