B. LE RENOUVEAU DES MISSIONS ASSUMÉES PAR LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

1. Des nouvelles méthodes de travail plus transparentes et enrichies par la participation citoyenne

Depuis janvier 2023, la Cour des comptes publie l'ensemble de ses productions sur son site internet conformément à sa démarche 100 % publication. Si le rapporteur spécial salue cette démarche de transparence et d'ouverture aux citoyens, il s'inquiète toutefois des effets que cette publicité complète pourrait avoir sur le contenu même des rapports.

S'agissant de la mission de contrôle, la Cour a lancé en 2022 une plateforme citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles de citoyens, qui a, au vu du nombre de participants et du nombre de thèmes recueillis, rencontré un certain succès. En 2023, la campagne a réuni près de 20 000 participants, qui ont déposé 622 propositions de thèmes de contrôle, dont 10 ont été finalement été retenus par les juridictions financières. D'après les informations transmises par la Cour des comptes au rapporteur spécial, la campagne 2024 aurait connu une attractivité encore plus forte, comme le montre notamment la participation en hausse, avec 942 contributions, soit 320 de plus que l'année précédente.

Par ailleurs, la Cour des comptes a également lancé fin 2022 une plateforme de signalement, qui permet aux citoyens de signaler, en ligne, des irrégularités ou dysfonctionnements constatés dans le bon emploi de l'argent public. Au 1er janvier 2024, 1 200 signalements ont été déposés sur la plateforme.

2. La mission d'évaluation des politiques publiques confiée aux cours régionales des comptes a vocation à prendre de l'ampleur en 2025

À l'échelle de toutes les juridictions financières, le projet stratégique de réforme des juridictions financières, dit « JF 2025 », prévoit le développement d'une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques pour les CRTC.

Ainsi, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a reconnu aux CRTC une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales. Ainsi, l'article L. 211-15 du code des juridictions financières dispose désormais que la « chambre régionale des comptes contribue, dans son ressort, à l'évaluation des politiques publiques ». Les CRTC ne pouvaient auparavant prendre part à de telles évaluations que dans le cadre d'enquêtes menées conjointement avec la Cour.

Ainsi, les exécutifs locaux peuvent saisir, de leur propre initiative ou de celle de l'organe délibérant, la CRTC régionalement compétente aux fins de réaliser l'évaluation d'une politique publique relevant de la compétence des collectivités territoriales ou établissements publics auteurs de la saisine12(*). Un décret du 8 décembre 202213(*) précise les modalités de cette saisine et instaure également une faculté d'autosaisine pour les CRTC.

De plus, les exécutifs locaux peuvent saisir la CRTC pour avis « sur les conséquences de tout projet d'investissement exceptionnel dont la maîtrise d'ouvrage est directement assurée par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre »14(*).

En ce qui concerne le pouvoir de saisine par les exécutifs locaux, quatre saisines ont depuis été faites. La chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes a été saisie deux fois, en 2022 par la région pour évaluer la politique du matériel roulant ferroviaire, et en 2024 par le département de l'Ain pour évaluer sa politique culturelle. La première saisine a abouti en juin 2024, avec la mise en ligne d'un rapport d'évaluation. La CRC Hauts-de-France a également été saisie en 2023 par la région pour évaluer un fonds régional d'aide aux entreprises, ainsi que la CRC Grand Est en 2024 pour évaluer la politique de soutien aux aéroports régionaux. Si le nombre de saisine est encore limité, il n'est pas exclu que celui-ci augmente lorsque les collectivités se seront acculturées à l'évaluation et se saisiront pleinement de cette faculté.

La Cour des comptes a pour objectif de consacrer 20 % de ses ressources à l'évaluation des politiques publiques dès 2025. En revanche les CRTC fixent de façon autonome leurs objectifs la montée en puissance de leur nouvelle compétence évaluative.

3. La montée en puissance de la chambre du contentieux créée à la suite de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics

L'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 a créé un régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics, qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable, à partir du 1er janvier 2023.

En conséquence, le schéma contentieux de la responsabilité des gestionnaires publics a été unifié au profit de la 7ème chambre de la Cour des comptes. Cette chambre juridictionnelle a été créée par le décret n° 2021-604 du 18 mai 2021 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions administratives, à partir du 1er septembre 2021. À partir du 1er janvier 2023, une chambre du contentieux a succédé à la 7ème chambre, et exerce dès lors l'ensemble des compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes. Dans le même temps, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a été supprimée et les CRTC ont perdu leurs compétences juridictionnelles. La Cour d'appel financière complète la mise en oeuvre du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics. Elle a été installée le 17 juillet 2023.

Au cours de ses 18 premiers mois d'existence, la chambre du contentieux a instruit 83 affaires relevant du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP), dont 63 sur la base de réquisitoires du procureur général pris en 2023 ou 2024 et les autres sur la base de dossiers transmis par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) au titre des dispositions transitoires de l'ordonnance précitée. Sur la base de ces mêmes dispositions transitoires, elle a aussi instruit 16 affaires relevant de l'ancien régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.

Pendant la même période, la chambre du contentieux a rendu 27 arrêts : 14 au titre du jugement des comptes et 13 au titre de la RFGP qui ont permis d'apporter des premiers éléments de réponse aux principales questions juridiques nouvelles que soulève ce régime récemment institué.

L'activité de la Cour d'appel financière, qui dépend mécaniquement de celle de la chambre du contentieux et du taux d'appel, est en revanche toujours encore en phase de démarrage. Depuis son installation en juillet 2023, elle a été saisie de trois requêtes, dont deux sont encore en cours d'instruction. En régime de croisière, l'activité attendue est de l'ordre de 15 à 20 appels par an.


* 12 Article L. 235-1 du code des juridictions financières.

* 13 Décret n° 2022-1549 du 8 décembre 2022 relatif à l'évaluation des politiques publiques territoriales par les chambres régionales des comptes.

* 14 Article L. 235-2 du code des juridictions financières.

Partager cette page