N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 7

CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Christian BILHAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits de trois programmes propres à des institutions : le Conseil d'État ainsi que les juridictions administratives, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour des comptes ainsi que les juridictions financières et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

I. LE BUDGET DE LA MISSION EST MAITRISÉ AU NIVEAU DE L'INFLATION

La mission bénéficierait en 2025 de 899,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Les dépenses de personnel représentent plus de 80 % des crédits demandés pour la mission.

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représente 67,1 % des dépenses de la mission, contre 29 % pour les juridictions financières et seulement 3,9 % pour le CESE.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé des programmes et titres de la dépense

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025/LFI 2024 (volume)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

583,4

604

+ 3,5 %

126 - Conseil économique, social et environnemental

44,9

34,9

- 22,4 %

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

255,2

260,9

+ 2,2 %

Mission « Conseil et contrôle de l'État »

883,6

899,7

+ 1,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La progression des crédits de la mission est portée par les dépenses de personnel, qui représentent près de 80 % des crédits, et qui augmentent de 3 % en 2025. Cette hausse résulte principalement des mesures d'alignement du régime indemnitaire des magistrats administratifs et financiers sur celui des administrateurs de l'État. Ces mesures représentent un montant de 8,8 millions d'euros pour le programme 165 et 5 millions d'euros pour le programme 164.

Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de 7 % en CP à l'échelle de la mission, ce qui traduit la contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, mais aussi, les efforts de rationalisation de la dépenses engagés depuis plusieurs années par les juridictions administratives et financières.

Les dépenses d'investissement sont portées quasi exclusivement par le programme 165, qui concentre 99,5 % des CP de titre 5. Elles sont en hausse de près de 8,3 % en 2025. La baisse des AE, de l'ordre de 58 %, résulte principalement de la budgétisation sur les exercices précédents des AE dédiées aux renouvellements de baux et de la revalorisation des opérations de relogement de la CNDA, des tribunaux administratifs de Montreuil et de Guyane.

II. UNE HAUSSE DU BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, QUI MASQUE UNE STABILISATION DES EFFECTIFS DANS UN CONTEXTE DE PRESSION CONTENTIEUSE CROISSANTE

Rassemblant deux-tiers des crédits de la mission, le budget des juridictions administratives est fixé à 604 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 3,5 % des CP par rapport à 2024.

Cette hausse s'explique par l'augmentation des crédits de titre 2, qui progressent de 4,9 % par rapport à 2024, sous l'effet d'une mesure de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour un montant de 8,8 millions d'euros. Il s'agit d'une conséquence de la réforme de la haute fonction publique de l'État, afin de résorber en partie l'écart de rémunération entre les magistrats administratifs et les administrateurs de l'État. Le rapporteur spécial salue cette mesure qui apparait justifiée pour préserver l'attractivité des juridictions administratives au sein de la fonction publique.

Toutefois, le schéma d'emplois du programme 165 est neutre en 2025. S'il prend acte de la stabilisation des effectifs, justifiée à court terme par le nécessaire redressement des finances publiques de la France, le rapporteur spécial estime toutefois ce gel préoccupant compte tenu de l'augmentation de la pression contentieuse pesant sur les juridictions administratives depuis plusieurs années.

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2015

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans ce contexte, la stabilisation des effectifs fait peser un risque d'allongement des délais de jugement, ce qui n'est évidemment pas satisfaisant. La représentation nationale ne pourra en tout état de cause pas faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion approfondie sur la mise en adéquation des moyens humains des juridictions administratives avec les objectifs de réduction des délais de jugement qui leur sont imposés.

III. LE CESE : UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE EXPLIQUE TRÈS LARGEMENT L'APPARENTE BAISSE DES CRÉDITS

Les crédits demandés pour le CESE en 2025 s'élèvent à 34,9 millions en AE et en CP, en baisse de 22,4 %.

Cette diminution doit toutefois être nuancée dans la mesure où elle résulte en grande partie d'une mesure de périmètre, pour un montant de 8,2 millions d'euros environ. En effet, à compter de 2025, le financement de la caisse de retraite du CESE n'est plus supportée par le programme 126, en raison de la mise en extinction du régime spécial du CESE par la réforme des retraites de 2023. En neutralisant les effets de cette mesure de périmètre, la baisse des CP du programme serait plutôt de l'ordre de 4 % (- 1,8 million d'euros par rapport à 2024).

Les crédits de titre 3 diminuent également de 2 millions d'euros par rapport à 2024 (- 2 %), mais les informations contenues dans les documents budgétaires ne permettent pas d'identifier avec précision les différents postes de dépenses du programme sur lesquels porteront ces mesures d'économies.

Plus particulièrement, le montant des crédits dédiés à la participation citoyenne ne sont pas clairement détaillés. La création d'une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, l'isolement des crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne, participerait, du point de vue du rapporteur spécial, de la sincérisation de ce budget.

La sous-consommation du plafond d'emplois est récurrente. Malgré un plafond d'emplois passant de 154 ETP à 155 ETP, la prévision de consommation pour 2024 est inférieure de 4 ETP au plafond.

IV. DES MOYENS NÉCESSAIRES POUR GARANTIR LA REVALORISATION INDEMNITAIRE DES MAGISTRATS FINANCIERS

Les crédits des juridictions financières pour 2025 s'élèvent à 260,9 millions d'euros en CP dont 227,9 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 2,2 % par rapport à 2024.

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de 6,9 millions d'euros pour 2024, soit une hausse de 3 % par rapport à 2024. Comme les magistrats administratifs, les magistrats financiers ont bénéficié d'une revalorisation indemnitaire visant à combler en partie les écarts de rémunération avec les administrateurs de l'État, dans le contexte de la réforme de de l'encadrement supérieur de l'État engagée depuis plusieurs années. Le montant de cette enveloppe pour l'année 2025 est estimé à 5 millions d'euros.

Cette revalorisation est pleinement justifiée, afin d'éviter un décrochage des rémunérations des magistrats financiers avec le nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la haute fonction publique. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences d'une réforme résultant d'une décision gouvernementale.

Les dépenses hors titre 2 sont, au niveau agrégé, en baisse de 5 % en CP, traduisant les efforts menés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) pour rationaliser leurs dépenses de fonctionnement.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, les juridictions financières développent de nouvelles méthodes de travail, et assument de nouvelles missions, dont les premiers résultats apparaissent dans l'ensemble satisfaisants.

En premier lieu, la Cour des comptes a développé à partir de 2022 une plateforme de participation citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles. En 2023, la campagne a réuni près de 20 000 participants, qui ont déposé 622 propositions de thèmes de contrôle et d'enquête, dont 10 ont été finalement retenus par les juridictions financières. D'après la Cour des comptes, la campagne 2024 connaitrait actuellement une attractivité encore plus forte, avec une hausse des participations et des échos médiatiques plus importants.

En deuxième lieu, la mission d'évaluation des politiques publiques confiée aux CRTC est encore en devenir, mais a vocation à prendre de l'ampleur, puisque le projet stratégique de réforme des juridictions financières, dit « JF 2025 », prévoit que cette mission représentera 20 % de leur activité à horizon 2025. Si le nombre de saisine des CRTC au titre de cette nouvelle mission est encore limité, il n'est pas exclu que celui-ci augmente lorsque les collectivités se seront acculturées à l'évaluation et se saisiront pleinement de cette faculté.

En dernier lieu, la nouvelle chambre du contentieux, dont la création résulte de la centralisation des missions juridictionnelles au profit de la Cour des comptes depuis janvier 2023, a vu son activité monter en puissance en 2024. Depuis sa création il y a 18 mois, la chambre du contentieux a instruit 83 affaires relevant du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) et rendu 27 arrêts.

Réunie le mardi 29 octobre 2024, sous la présidence M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires concernant la présente mission, 56 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION : LE BUDGET DE LA MISSION EST MAITRISÉ AU NIVEAU DE L'INFLATION

La mission « Conseil et contrôle de l'État » a pour particularité de rassembler les crédits de trois programmes propres à différentes institutions :

- le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ». Il regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux cours administratives d'appel, aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d'asile ;

- le programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ;

- le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Il regroupe les moyens affectés aux juridictions financières, c'est-à-dire la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, ainsi qu'aux autres institutions associées que sont le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins. Les crédits affectés au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ont été intégrés en 2023 au programme 164, et ne font plus l'objet d'un programme propre (ancien programme 340).

L'ampleur budgétaire de ces programmes est toujours plus inégale en faveur du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui concentre à lui seul plus de deux tiers des crédits de la mission. Les crédits demandés se répartissent comme suit :

Ventilation des crédits parmi les différents programmes de la mission
en PLF pour 2025

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025 courant

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (volume)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus

en 2025

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

AE

612,1

519,1

516,2

- 2,9

- 0,6 %

0,2

CP

501,3

583,4

604

+ 20,6

+ 3,5 %

0,2

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

AE

243,7

254,5

265,7

+ 11,2

+ 4,4 %

4,2

CP

245,9

255,3

260,9

+ 4,6

+ 2,2 %

4,2

126 - Conseil économique, social et environnemental

AE

46

44,9

34,9

- 10

- 22,4 %

1,7

CP

46

44,9

34,9

- 10

- 22,4 %

1,7

Total mission

AE

805,8

818,5

816,7

- 1,8

- 0,2 %

6,1

CP

793,3

883,5

899,7

+ 16,2

+ 1,8 %

6,1

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission bénéficierait en 2025 de 816,7 millions d'euros en AE et de 899,7 millions d'euros en CP. Les moyens alloués progressent cette année de 1,8 % s'agissant des CP. Les AE sont quant à elle stable à - 0,2 %.

Le Gouvernement a en outre annoncé qu'il déposerait, lors de l'examen de la seconde partie du PLF à l'Assemblée nationale, un amendement de minoration des crédits de la mission de 2 millions d'euros, qui devrait se traduire par une diminution de la réserve de précaution de chaque programme.

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les différents programmes ne contribuent pas à la hausse des crédits de manière identique. Tandis que les crédits des programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » sont en légère hausse (- 0,56 % en AE et + 3,53 % en CP pour le programme 165, + 4,4 % en AE et + 2,2 en CP pour le programme 164), les crédits du Conseil économique, social et environnemental connaissent une baisse substantielle de 22,4 %.

Les dépenses de personnel représentent 80,1 % des crédits de la mission. Elles feraient l'objet d'une hausse de près de 3 % en 2025. Cette hausse est portée par les programmes 165 (+ 4,9 %) et 164 (+ 3 %). Cette progression traduit les mesures de revalorisation indemnitaires des juridictions administratives et financières, ainsi que l'évolution tendancielle de leur masse salariale. En revanche, le CESE voit ses crédits de titre 2 baisser de 22 % en raison d'une mesure de périmètre (cf. infra).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) connaîtraient à l'échelle de la mission une baisse notable de près de 7,6 %, qui s'applique à l'ensemble des programmes. Le programme 165 voit ainsi ses crédits de fonctionnement baisser de près de 7 % en CP, contre 4,7 % pour le programme 164 et 22 % en ce qui concerne le CESE.

S'agissant des dépenses d'investissement, elles connaissent une hausse de 8,3 % en CP sur le programme 165, qui concentre la quasi-totalité des crédits de titre 5. En revanche, les crédits d'investissement du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » sont stables.

Évolution des dépenses de la mission entre 2022 et 2025

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi, comme l'illustre le graphique ci-dessus, les dépenses hors titre 2 sont en baisse de 2 % en 2025, traduisant ainsi la contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, mais aussi, les efforts de rationalisation de la dépenses engagés depuis plusieurs années, notamment par les juridictions administratives et financières (voir infra).

DEUXIÈME PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES » : UNE HAUSSE DU BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, QUI MASQUE UNE STABILISATION DES EFFECTIFS DANS UN CONTEXTE DE PRESSION CONTENTIEUSE CROISSANTE

Les crédits demandés pour les juridictions administratives en 2025 s'élèvent à 516,2 millions d'euros en AE et à 604 millions d'euros en CP, soit une baisse des AE de 0,6 % et une hausse des CP de 3,5 % par rapport à 2024. Cette augmentation est tirée par la progression des dépenses de personnel (+ 21,6 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, par la hausse des crédits d'investissement (+ 5 millions d'euros).

L'enjeu majeur de ce programme consiste en la mise en adéquation des crédits demandés avec la pression continue que connaissent les juridictions administratives compte tenu de la croissance du contentieux administratif et la volonté de rendre des décisions juridictionnelles dans des délais satisfaisants pour les justiciables, sans jamais nuire à la qualité des décisions rendues.

Le programme 165 concentre 67 % des crédits de la mission et est donc le plus important en volume.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (volume)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus en 2025

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

33,9

36

+ 2,1

+ 6,1 %

0,02

CP

33,9

36

+ 2,1

+ 6,1 %

0,02

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

62,8

66,8

+ 4

+ 6,4 %

0,0

CP

62,8

66,8

+ 4

+ 6,4 %

0,0

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

202,2

215,3

+ 13,1

+ 65, %

0,0

CP

202,2

215,3

+ 13,1

+ 6,5 %

0,0

04 - Fonction consultative

AE

17,5

18,1

+ 0,6

+ 3,1%

0,0

CP

17,5

18,1

+ 0,6

+ 3,1%

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

20,1

9,1

+ 11

- 54,8 %

0,0

CP

20,1

9,1

+ 11

- 58,2 %

0,0

06 - Soutien

AE

132,9

109,6

- 23,3

- 17,5 %

0,18

CP

197,2

197,3

+ 0,1

+ 0,1 %

0,18

07 - Cour nationale du droit d'asile

AE

49,6

52,1

+ 2,5

+ 5 %

0,0

CP

49,6

52,1

+ 2,5

+ 5 %

0,0

08 - Commission du contentieux du stationnement payant1(*)

AE

/

9,3

/

/

0,0

CP

/

9,3

/

/

0,0

Total programme 165

AE

519,1

516,2

- 2,9

- 0,6 %

0,2

CP

583,4

604

+ 20,6

+3,5 %

0,2

Dont hors CAS Pensions

 

470

483,3

+ 13,3

+ 2,9 %

 

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS LIÉE À LA RÉFORME INDEMNITAIRE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS, AINSI QU'À LA POURSUITE DE PLUSIEURS PROJETS IMMOBILIERS MAJEURS

Les crédits de paiement demandés pour 2025 sont en hausse de 3,5 millions d'euros par rapport à 2023.

1. La dynamique de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs engagée depuis 2023 se poursuit, dans une logique d'alignement de leur rémunération avec le corps des administrateurs de l'État

Les dépenses de personnel pèsent fortement dans les crédits du programme 165, à l'instar de tous les autres programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». La hausse de ces dépenses est constante sur les dernières années.

Dans le projet de loi de finances pour l'année 2025, les crédits demandés pour les dépenses de personnel s'élèvent à 458,3 millions d'euros dont 120,3 millions d'euros au titre du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Ces dépenses de titre 2 représentent 75,9 % des crédits du programme et sont en augmentation de 4,9 % par rapport à 2024, malgré un schéma d'emploi neutre.

Ventilation par titre des crédits de paiement

(en millions d'euros)

 

LFI 2023

LFI 2024

PLF 2025

Hors titre 2

118,3

146,7

145,7

Dont dépenses de fonctionnement

81,9

86,3

80,25

Dont dépenses d'investissement

36,4

60,4

65,4

Titre 2 

406,7

436,7

458,3

Total

525

583,4

604

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La revalorisation de la rémunération des magistrats administratifs constitue le principal facteur d'accroissement des dépenses de titre 2 sur les derniers exercices. Comme tous les fonctionnaires, les membres titulaires des juridictions administratives ont bénéficié de la revalorisation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2023, pour un montant 1,64 million d'euros en année pleine.

L'évolution tendancielle des dépenses de personnel s'explique également par des mesures catégorielles, et notamment les revalorisations indemnitaire et indiciaire des magistrats administratifs rendues nécessaires par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial par le Conseil d'État, une enveloppe de 8,8 millions est prévue en 2025 pour compléter ce mouvement de revalorisation et résorber en partie l'écart de rémunération entre les magistrats administratifs et les administrateurs de l'État. Cette mesure apparait justifiée pour préserver l'attractivité des juridictions administratives.

Un mouvement de revalorisation indemnitaire et indiciaire des magistrats
des juridictions administratives engagé dès 2022

L'arrêté du 22 avril 2022 a procédé à une revalorisation du traitement indemnitaire des magistrats administratifs, auparavant fixé par l'arrêté du 29 décembre 2009, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2022. Près de 8,3 millions d'euros2(*) ont ainsi été ouverts en AE et en CP dans la loi n° 2022-1157 de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 pour financer cette mesure.

Une refonte de la grille indiciaire est ensuite intervenue en 2023 avec le décret n° 2023-486 du 21 juin 2023 modifiant le statut des magistrats administratifs et le décret n° 2023-488 du même jour fixant le nouvel échelonnement indiciaire des trois grades de ce corps à compter du 1er juillet 2023.

En 2023, le coût sur six mois était estimé à 1,2 million d'euros et devrait ainsi s'élever à 2,4 millions d'euros en 2024 en année pleine. S'agissant des membres du Conseil d'État, leur revalorisation représente, en année pleine pour 2024, 0,63 million d'euros au titre de la revalorisation indiciaire et 0,42 million d'euros au titre de la revalorisation indemnitaire.

Le PLF pour 2025 prévoit une dotation de près de 8,8 millions d'euros au titre de la réforme indemnitaire des magistrats administratifs.

Source : commission des finances

2. Une baisse des dépenses hors titre 2, alors que l'année 2025 sera marquée par la poursuite de travaux immobiliers d'ampleur et d'investissements informatiques conséquents

Les crédits demandés pour couvrir les dépenses hors titre 2 s'élèvent à 145,7 millions d'euros en CP et 58 millions en AE, soit une baisse de 0,7 % des CP et une baisse de 29,6 % des AE.

L'action 06 Soutien comprend des dépenses de personnel du programme non affectées à d'autres actions et les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'ensemble du programme 165. Ainsi, tous les crédits de titre 3 et de titre 5 sont concentrés sur l'action 06.

a) Une hausse des dépenses d'investissement qui s'explique par la poursuite de plusieurs projets immobiliers majeurs en 2025

Les dépenses de titre 5 augmentent de 5 millions d'euros en CP par rapport à 2024, pour s'établir à 65,4 millions d'euros. Ces dépenses visent principalement à financer des travaux immobiliers liés aux opérations de relogement et des dépenses d'investissement informatique. À titre d'exemple, l'année 2025 sera marquée par le décaissement de 38,7 millions d'euros en CP pour le projet de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil engagé en 2018.

La baisse des AE, de l'ordre de 58 %, résulte principalement de la budgétisation sur les exercices précédents des AE dédiées aux renouvellements de baux (immeuble Richelieu des services du Conseil d'État, immeuble Arborial et de la CNDA, tribunal administratif de Toulouse), de la revalorisation des opérations de relogement de la CNDA, des tribunaux administratifs de Montreuil et de Guyane, et des renouvellements des marchés d'énergie et fluide pour la juridiction administrative. L'engagement de ces dépenses sur l'exercice 2023 a fait mécaniquement baisser les prévisions d'AE en 2024, puis en 2025.

b) La baisse des crédits de titre 3 traduit les efforts menés par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de près de 7 % en 2025. Les juridictions administratives ont en effet engagé depuis plusieurs années une démarche de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement grâce à la renégociation de certains baux, la professionnalisation de l'achat public et la dématérialisation des procédures avec la mise en oeuvre de Télérecours.

En effet, la généralisation des téléprocédures a permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais d'affranchissement. Ces économies sont apparues progressivement, tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, pour atteindre 5,3 millions d'euros en 2023.

Évolution des économies générées grâce aux téléprocédures
de 2018 à 2023

(en millions d'euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Économies générées

3,90

4,6

3,86

5,04

5,02

5,28

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, 203 766 requêtes ont été enregistrées via cette application devant les tribunaux administratifs, soit 78,8 % des entrées, ainsi que 29 519 requêtes devant les cours administratives d'appel, soit 92,7 % des entrées et 8 601 devant le Conseil d'État, soit 42 % des entrées.

B. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS DANS LE CONTEXTE DU NÉCESSAIRE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS, EN CONTRADICTION AVEC L'IMPÉRATIF DE RÉDUCTION DES DÉLAIS DE JUGEMENT

1. Les juridictions administratives sont confrontées à une pression contentieuse croissante, mais sont toutefois parvenues à stabiliser les délais de jugement depuis la crise sanitaire

Les juridictions administratives font face à une progression constante des recours contentieux, l'année 2020 faisant figure d'exception à raison de la crise sanitaire, de sorte que le fonctionnement des juridictions administratives est aujourd'hui à flux tendu. Par suite, la hausse des moyens des juridictions administratives chaque année a permis d'absorber le traitement du flux de requêtes sans dégrader les délais de jugement.

a) Une progression des volumes contentieux s'inscrivant dans la durée

Les juridictions administratives ont connu une hausse des recours portés devant elles, mais aussi une diversification des contentieux. De 2000 à 2019, les entrées contentieuses en données nettes ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel. Sur la période 2017-2021, l'évolution moyenne annuelle du contentieux est de 5,2 % pour les tribunaux administratifs, et de 7 % en excluant l'année 2020, caractérisée par un recul des entrées.

À partir de 2021, la baisse conjoncturelle des entrées liée à la crise sanitaire s'est progressivement résorbée. De 2020 à 2021, le nombre d'affaires enregistrées en cumulé devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel est en augmentation de 14,5 %, passant de 240 486 à 275 396 affaires.

Le dynamisme des recours contentieux est de nouveau observable en 2023. Les juridictions administratives ont été saisies de 298 489 affaires, dont 9 574 pour le Conseil d'État, 31 586 pour les cours administratives d'appel et 257 329 pour les tribunaux administratifs. Elles ont rendu 284 979 décisions dont 9 746 pour le Conseil d'État, 32 144 pour les cours administratives d'appel et 243 089 pour les tribunaux administratifs.

Évolution des recours devant les tribunaux administratifs
et les cours administratives d'appel entre 2019 et 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2015

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) Des délais moyens de jugement stables masquant toutefois un traitement plus long des affaires ordinaires et des disparités territoriales

Le délai moyen constaté de jugement des affaires constitue le principal indicateur de performance du programme.

Force est de constater que devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les délais moyens de jugement, qui s'étaient dégradés en 2020, se rapprochent progressivement de leur niveau de 2019.

Ainsi, devant les tribunaux administratifs, le délai moyen est de 9 mois et 20 jours en 2023, soit inférieur de 16 jours par rapport à la réalisation 2020. De même, au Conseil d'État, le délai moyen est de 7 mois et 8 jours, soit inférieur de 21 jours par rapport à la réalisation de 2020 et de 1 mois et 22 jours par rapport à la cible 2022.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction
y compris procédures d'urgence

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024
(cible)

2025
(cible)

Tribunaux administratifs

9 mois et 4 jours

10 mois

9 mois et 16 jours

9 mois et 20 jours

9 mois et 20 jours

9 mois et 15 jours

9 mois

Cours administratives d'appel

10 mois et 26 jours

1 an et 3 jours

11 mois et 15 jours

11 mois et 18 jours

11 mois et 16 jours

11 mois

11 mois

Conseil d'État

7 mois et 20 jours

7 mois et 29 jours

7 mois et 8 jours

7 mois et 14 jours

7 mois et 8 jours

9 mois

9 mois

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il convient toutefois de relever les limites de ce délai moyen. D'une part, la hausse des référés et des jugements d'affaires enserrées dans des délais contraints fait mécaniquement baisser les délais moyens. Devant le Conseil d'État, le délai pour les affaires ordinaires est de 11 mois et 12 jours, soit quatre mois de plus que le délai moyen toutes affaires confondues.

De plus, il existe des disparités territoriales entre juridictions. Pour l'année 2023, le délai de jugement pour les affaires ordinaires devant le tribunal administratif de Nice est de 1 an 10 mois et 21 jours quand il est seulement de 10 mois et 18 jours devant le tribunal administratif de Dijon. Il en va de même pour les cours administratives d'appel : le délai de jugement pour les affaires ordinaires est de 1 an 4 mois et 5 jours devant la cour administrative d'appel de Versailles, quand il est de 8 mois et 23 jours devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Les prévisions sont plus délicates pour la CNDA, et sont intrinsèquement liées aux capacités de traitement des demandes par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), alors même que les délais moyens prévus par le projet annuel de performances sont ambitieux. Le délai moyen constaté devant la CNDA pour les procédures ordinaires était de 6 mois et 26 jours en 2023, contre 7 mois et 5 jours en 2022. Malgré cette amélioration, il reste toujours au-dessus du délai cible de 6 mois.

En ce qui concerne le délai de 5 semaines pour les procédures accélérées, le rapporteur spécial rappelle qu'il lui paraît difficilement tenable et peu réaliste puisqu'en 2023, le délai constaté pour ce type de procédures s'est élevé à 4 mois et 29 jours.

La réforme de la CNDA introduite par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration présente toutefois plusieurs mesures susceptibles de réduire les délais devant la Cour (cf. infra).

c) Une aggravation toujours préoccupante du stock en première instance

Le niveau du stock des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne cesse de progresser. Celui-ci est a en effet augmenté de 18,5 % entre 2019 et 2023. Par ailleurs, la proportion d'affaires en stock depuis plus de deux ans a nettement augmenté, et représente 12 % du stock global des tribunaux administratifs en 2025.

Le rapporteur spécial sera attentif aux efforts d'apurement des stocks, et en particulier les dossiers les plus anciens. Il note que la cible pour 2025 est de réduire le stock des affaires enregistrées depuis plus de deux ans à 8 % des dossiers, et de le stabiliser jusqu'en 2027.

2. Une stabilisation difficile des effectifs, qui se justifie par le nécessaire redressement des finances publiques à court terme

Le PLF 2025 prévoit un schéma d'emplois neutre pour le programme 165, après plusieurs années de hausse. En effet, entre 2020 et 2024, le schéma d'emplois du programme a été systématiquement fixé entre + 29 et + 41 ETP.

L'année 2025 marquera donc une réelle rupture avec cette dynamique de renforcement des effectifs des juridictions administratives.

Schéma d'emplois du programme 165 entre 2021 et 2024

(en ETP)

2021

2022

2023

2024

2025

+ 29

+ 41

+ 41

+ 41

0

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial prend acte de la stabilisation des effectifs du programme, dans un contexte marqué par le nécessaire redressement des finances publiques de la France. Ce gel des effectifs est toutefois préoccupant compte tenu de l'augmentation de la pression contentieuse pesant sur les juridictions administratives, et fait peser un risque d'allongement des délais de jugement en 2025. Les services du Conseil d'État se sont montrés particulièrement préoccupés par le sous-dimensionnement des effectifs de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). Cette juridiction spécialisée, dont la gestion a été transféré au programme 165 depuis 2024, a vu son activité presque tripler entre sa création en 2018 et 2023, mais n'a pas vu ses effectifs augmenter en conséquence sur cette période.

Le rattachement de la commission du contentieux du stationnement payant
au programme 165 depuis la LFI 2024

La LFI pour 2024 a acté le rattachement de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) au programme 165 à partir du 1er janvier 2024.

La CCSP, juridiction administrative spécialisée, a été mise en place en janvier 2018. Sa création intervient dans le contexte de la dépénalisation et de la décentralisation du stationnement payant par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi « MATPAM »), impliquant ainsi la perte de compétence des juridictions judiciaires, et afin d'éviter d'engorger les juridictions administratives de droit commun.

Jusqu'alors, le fonctionnement de la CCSP figurait sur les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « administration générale et territoriale de l'État », qui porte les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur et les crédits relatifs aux affaires juridiques et contentieuses du ministère. Les agents de greffe relevaient du programme 216, tandis que 15 magistrats, à partir de 2023, étaient mis à disposition de la CCSP par le programme 165.

En 2024, 11,4 millions d'euros et 143 emplois ont été transférés du programme 216 vers le programme 165 pour la gestion de ce contentieux. Ce rattachement implique aussi le transfert de la gestion de la CCSP au Conseil d'État, en lieu et place du ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Le transfert de la gestion du CCSP s'organise progressivement :

- la gestion du personnel des greffes, qui resteront des agents du ministère de l'intérieur et des outre-mer, est assurée par le secrétariat général du Conseil d'État depuis le 1er janvier 2024 ;

- la direction du numérique du ministère de l'intérieur et des outre-mer continuera à assurer la gestion du système d'information de la CCSP, qui migrera progressivement d'ici la fin 2025 dans le système d'information du Conseil d'État ;

- les moyens généraux et le budget de la CCSP seront intégrés dans le programme 165, qui remboursera le ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les prestations qu'il continuera à assurer pour la CCSP, essentiellement en matière d'informatique.

Source : Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 7, déposé le 23 novembre 2023 au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac

Le rapporteur spécial tient à souligner que la stabilisation voire l'amélioration des délais de jugement constatées ces dernières années malgré la pression contentieuse croissante doivent notamment être mises au crédit de l'augmentation des moyens humains affectés aux juridictions administratives. La représentation nationale ne pourra en tout état de cause pas faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion approfondie sur la mise en adéquation des moyens humains des juridictions administratives avec les objectifs de réduction des délais de jugement qui leur sont imposés.

C. LA POURSUITE DE LA TERRITORIALISATION DE LA CNDA

1. Un budget maîtrisé à l'aune d'une pression contentieuse toujours plus soutenue
a) Une dynamique d'augmentation du contentieux devant la CNDA, confirmée par l'année 2023

La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne dispose d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle, celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part, du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux, et, d'autre part du rythme d'activité et du taux d'admission de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort et pour lequel le taux de recours est élevé, puisque 81 % des décisions de l'OFPRA ont fait l'objet d'un recours en 2022.

L'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont crû de 115 %. En effet, la CNDA est confrontée année après année à une hausse soutenue du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %.

Après une année 2020 marquée par le confinement lié à la crise sanitaire et une évolution des entrées non significative (- 37 %), les entrées pour 2021 ont dépassé le niveau de 2019, année ayant enregistré un pic historique (+ 15,5 % par rapport à 2019).

Après une année 2022 marquée par une baisse du nombre d'entrées (- 10 %), l'année 2023 a fait l'objet d'un rebond du nombre de saisines (+ 5 %), qui s'est élevé à 64 685. Si le nombre d'affaires enregistrées n'a pas retrouvé son niveau de 2021, les entrées sont toujours dynamiques et supérieures de 9,5 % au niveau constaté en 2019.

Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Une hausse des dépenses de fonctionnement, mais un manque de lisibilité sur le montant des crédits hors titre 2 affectés à la CNDA

L'action 07 « Cour nationale du droit d'asile » finance les dépenses de titre 2 de cette juridiction. Elles s'élèvent pour 2025 à 52 ,1 millions d'euros, soit une hausse de 5 % par rapport à 2024.

L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA. Celle-ci a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrats ou d'agents n'a été accordée depuis 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2025.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, qui sont imputées à l'action 06 Soutien, les moyens alloués à la Cour sont fixés dans le cadre de la gestion interne au Conseil d'État, et ne sont pas précisément détaillées dans les documents budgétaires. Cette situation est regrettable, compte tenu du poids que représente les dépenses de la CNDA dans les crédits du de la mission « Conseil et contrôle de l'État », à savoir plus de 10 % du budget total3(*).

D'après les informations transmises par la CNDA au questionnaire du rapporteur spécial, les crédits de fonctionnement affectés à la Cour devraient s'élever à 19,2 millions d'euros en 2024, d'après la dernière actualisation, contre 19 millions d'euros en 2023. Comme l'a souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur la CNDA présenté à la commission des finances le 15 mai 2024, il serait souhaitable « de détailler toutes les dépenses allouées à la CNDA dans le projet annuel de performances du programme 165 "Conseil d'État et autres juridictions administratives" »4(*), et d'envisager à terme la création d'une action spécifique.

Par ailleurs, aucun crédit de titre 5 n'est affecté à la CNDA, mais celle-ci bénéficie tout de même des prestations des services centraux du Conseil d'État (direction de l'équipement, informatique, paiement des indemnités des collaborateurs, des frais de déplacement et formation professionnelle).

2. Des délais moyens de jugement en baisse mais toujours en deçà des objectifs fixés par le Législateur

Les moyens accordés à la CNDA sur tout le quinquennat précédent ont permis de renforcer ses capacités de jugement, avec un nombre de décisions jugées par la Cour qui est passé de 42 045 en 2020 à 67 147 en 2022. Toutefois, les délais de jugement et les stocks demeurent importants.

a) La poursuite de la maîtrise des délais de jugement et d'assainissement des stocks

Le principal enjeu de la Cour réside toujours dans la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile résultant des lois n° 2015-925 du 29 juillet 20155(*) et n° 2018-778 du 10 septembre 20186(*). Celle-ci a instauré des délais de jugement selon le type de procédure, qui ne doivent pas dépasser cinq mois pour les procédures ordinaires et cinq semaines pour les procédures accélérées.

Si le délai moyen de jugement de la CNDA s'est amélioré, force est de constater que le délai pour les procédures accélérées, qui s'élève à 4 mois et 29 jours en 2023, est toujours bien loin de l'objectif de 5 semaines fixé par le législateur. La réduction de ce délai de l'ordre de 15 semaines à échéance 3 ans semble donc assez irréaliste, comme cela a déjà été relevé par le rapporteur spécial.

b) Certaines dispositions de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration devraient permettre de réduire les délais de jugement de la CNDA

La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, a introduit deux mesures qui pourraient être de nature à avoir des effets baissiers sur les délais de jugement.

Tout d'abord, la généralisation du recours au juge unique, sauf lorsqu'une question justifie un renvoi en formation collégiale, afin de rapprocher le juge des demandeurs et de réduire les délais de jugement7(*).

Par ailleurs, la loi du 26 janvier 2024 a acté la création de chambres territoriales de la CNDA, engagée dès l'année 2024 avec la mise en service de 5 premières chambres à Bordeaux, Lyon8(*), Nancy et Toulouse. La territorialisation de la CNDA devrait permettre d'améliorer légèrement les délais de jugement de la Cour en limitant le nombre de renvois grâce à une plus grande proximité des demandeurs et de la juridiction. Elle permettra également de limiter la concentration d'un grand nombre d'affaires auprès d'un nombre limité d'avocats, ce qui allonge sensiblement les délais d'audiencement des dossiers devant la Cour.

Cette réforme implique un surcoût budgétaire qui, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, devrait toutefois avoir un impact limité sur le budget de la CNDA. La territorialisation implique tout d'abord un coût d'aménagement des locaux préexistants, estimé à 1 million d'euros environ. Par ailleurs, comme le rapporteur spécial l'avait identifié dans son rapport précité sur la CNDA de mai 2024, la mobilisation d'interprètes au niveau territorial implique un surcoût, qui avait été estimé par les services de la CNDA à 1 million d'euros. En effet, dans le marché actuel, les interprètes qui interviennent en région bénéficient, d'une part, d'une rémunération supérieure de 25 % à celle des interprètes qui interviennent à Montreuil, et, d'autre part, du remboursement de leurs frais de déplacement. Ainsi pour l'année 2025, les 17 % prévus de dossiers traités en région correspondent à 9 240 sorties audiencées, qui donneront lieu à 4 700 vacations d'interprétariat.

Il convient enfin de souligner que la création des chambres territoriales n'entraînera aucune création de postes, puisqu'elle s'effectuera uniquement par redéploiement des effectifs du siège de Montreuil vers les chambres territoriales.

II. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » (CESE) : UNE BAISSE DES CRÉDITS IMPORTANTE EN APPARENCE, MAIS QUI S'EXPLIQUE EN GRANDE PARTIE PAR UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE

Les crédits demandés pour le CESE en 2025 connaissent une baisse substantielle de 22,4 % avec 34,9 millions demandés en AE et en CP, contre 44,9 millions d'euros ouverts en LFI 2024.

Cette baisse des crédits doit toutefois être nuancée dans la mesure où elle résulte en grande partie d'une mesure de périmètre, pour un montant de 8,2 millions d'euros environ. En effet, à compter de 2025, la dotation permettant d'équilibrer le financement de la caisse de retraite du Cese, structurellement déficitaire, ne sera plus supporté par le programme 126, mais par le budget de la sécurité sociale, en raison de la mise en extinction de ce régime spécial par la réforme des retraites de 2023. En neutralisant les effets de cette mesure de périmètre, la baisse des CP du programme serait plutôt de l'ordre de 4 % (- 1,8 million d'euros par rapport à 2024).

Évolution des crédits par action du programme 126

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2025 (volume)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

04 - Travaux consultatifs

AE

32,1

17,3

- 14,8

- 46 %

CP

32,1

17,3

- 14,8

- 46 %

05 - Fonctions supports à l'institution

AE

12,8

17,6

+ 4,8

+ 36,7 %

CP

12,8

17,6

+ 4,8

+ 36,7 %

Total programme 126

AE

44,9

34,9

- 10

- 22,4 %

CP

44,9

34,9

- 10

- 22,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UN MANQUE DE LISIBILITÉ SUR LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PARTICIPATION CITOYENNE

Depuis la réforme du CESE par la loi organique du 15 janvier 2021, le CESE dispose d'une enveloppe dédiée à la participation citoyenne, qu'il gère aujourd'hui directement9(*).

Constatant que le budget de 4,2 millions d'euros n'a pas suffi à couvrir le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, le CESE avait engagé des négociations avec la direction du budget pour obtenir en 2024 un montant annuel de 6 millions d'euros pour la participation citoyenne. Dans son rapport d'information10(*) relatif à la participation citoyenne au CESE, le rapporteur spécial avait émis des réserves quant à cette demande, eu égard à la faible fréquence annoncée des conventions citoyennes, et compte tenu du fait qu'aucune convention citoyenne n'était annoncée pour l'année 2024. La faible consommation des crédits sur cette enveloppe à ce jour11(*), à hauteur de 0,9 million d'euros (soit environ 21 % des crédits budgétés), semble avoir donné raison au rapporteur spécial.

Le CESE a indiqué dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial avoir sollicité la reconduction de l'enveloppe de 4,2 millions allouée en 2025. Là encore, cette enveloppe semble trop élevée, compte tenu, d'une part, de l'absence d'annonce sur l'organisation d'une convention citoyenne en 2025, et d'autre part, de la sous-consommation de l'enveloppe en 2024, qui devrait donner lieu à un report de 3 millions d'euros sur l'exercice 2025.

La baisse de 2 millions d'euros (- 22 %) des crédits de fonctionnement du programme proposée dans le PLF 2025, semble indiquer que cette demande n'a pas été satisfaite par la direction du budget, mais les informations contenues dans le projet annuel de performances (PAP) sur la ventilation des crédits de fonctionnement entre les différents postes de dépenses du programme sont trop lacunaires pour le confirmer. En effet, comme le souligne le rapporteur spécial depuis plusieurs années, l'information concernant les crédits consacrés à la participation citoyenne ne ressort pas des documents budgétaires et n'est à aucun moment mentionnée dans le PAP. Celui-ci, très succinct, se contente de renseigner le montant alloué pour chacune des deux seules actions du programme (04 Travaux consultatifs et 05 Fonctions supports à l'institution). La justification des crédits par action prend la forme de quelques tableaux et n'est accompagnée d'aucun commentaire ni d'aucune explication. Les réponses au questionnaire budgétaire adressé au CESE ne permettent pas non plus d'identifier le montant alloué à cette enveloppe.

Par ailleurs, corollaire de l'absence d'information quant au montant de l'enveloppe accordée pour la participation citoyenne, il est impossible de savoir sur quelle action sont imputés les crédits pour la participation citoyenne.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial a recommandé la création d'une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, d'isoler les crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne. Les justifications au premier euro devraient inclure plus d'explications quant à cette enveloppe budgétaire dédiée à cette activité si particulière.

B. UNE BAISSE CONSÉQUENTE DES DÉPENSES DE PERSONNEL ENTIÈREMENT IMPUTABLE À UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE

Les dépenses de personnel du programme 126 s'élèvent à 27,8 millions d'euros en 2025, en baisse de 22,5 % par rapport à 2024. Elles représentent toutefois presque 80 % du budget total alloué au CESE.

La baisse des dépenses de titre 2 s'explique exclusivement par la mesure de périmètre de 8,2 millions d'euros liée à la mise en extinction du régime spécial du CESE par la réforme des retraites de 2023. En neutralisant cette mesure de périmètre, les dépenses de titre 2 sont quasiment stables.

Les difficultés de financement de la caisse des retraites des membres du CESE

Le rapporteur spécial avait attiré l'attention, dans son rapport sur le PLF 2024, sur l'équilibre financier délicat de la caisse des retraites des anciens membres du CESE, dans un contexte de baisse de ses ressources.

Plus particulièrement, la suppression du régime spécial de retraite des conseillers du CESE par la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de sécurité sociale (LFRSS) a eu un impact négatif sur les cotisations des membres au régime de retraite du CESE puisque les nouveaux membres qui ont été désignés à compter du 1er septembre 2023 relèvent désormais du régime général pour la retraite de base et l'Agirc Arrco pour la retraite complémentaire, auxquels ils cotisent au détriment du régime spécial. La fin de mandature de l'année 2026 impliquera par ailleurs un renouvellement des membres du CESE, et se traduira mécaniquement par une baisse drastique des ressources. À terme, cette réforme aura également pour conséquence une baisse progressive des dépenses, puisque seuls les membres ayant cotisé au régime spécial avant le 31 août 2023 pourront bénéficier d'une pension versée par ce régime en extinction. Cet impact est cependant lointain et dépend de la date à laquelle ces membres feront valoir leurs droits à retraite.

En 2025, l'estimation des pensions versées est de 9,85 millions d'euros. Selon les estimations du CESE, le déficit du régime pourrait s'établir à - 6,3 millions à horizon 2040 et représenterait un cumul de - 141,2 millions d'euros sur la période 2024-2040.

L'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a toutefois déterminé le schéma de financement des régimes spéciaux fermés, applicable au 1er janvier 2025, qui fonctionnera de la manière :

- par priorité, le financement reposera sur l'affectation des cotisations et contributions sociales. Tant que ces ressources sont suffisantes pour assurer ce financement, aucun mécanisme de solidarité n'est nécessaire ;

- à défaut de recettes propres suffisantes pour couvrir leurs dépenses, le financement de ces régimes reposera sur la mobilisation des réserves constituées le cas échéant par ces régimes ;

- à défaut de fonds propres suffisants pour couvrir les dépenses, les régimes intégrés bénéficieront d'une dotation d'équilibre de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Compte tenu de la situation structurellement déficitaire de la caisse de retraite des membres du régime spécial du CESE, une convention relative aux transferts financiers entre celle-ci et la CNAV serait en cours de négociation pour définir les modalités de versement de la dotation d'équilibre.

Source : commission des finances, d'après les réponses du CESE au questionnaire budgétaire

La sous-consommation récurrente du plafond d'emplois, en parallèle de la création d'emplois, est un autre élément caractéristique du programme 126.

Le plafond d'emplois a de nouveau été relevé d'un ETP cette année, passant de 154 ETP à 155 ETP. D'après les réponses du CESE au questionnaire budgétaire, ce nouvel emploi sera alloué « aux directions métiers concernées par les nouvelles missions du Conseil ».

Pour autant, le plafond d'emplois du CESE est chroniquement sous-exécuté. Le plafond d'emplois autorisé pour 2022 était de 152 ETP, pour une exécution à 146,7,4 ETP. En 2023, ce plafond, fixé à 153 ETP, n'a été exécuté qu'à hauteur de 148,3,6 ETP. Pour 2024, d'après les prévisions du CESE, le plafond d'emplois pourrait être exécuté à hauteur de 151 ETP.

Consommation du plafond d'emplois depuis 2019

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La consommation du plafond d'emplois demandé est indispensable à la sincérité du budget, et d'autant plus dans le contexte d'une création de poste chaque année jusqu'en 2027.

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES » : UNE HAUSSE MAITRISÉE DU BUDGET

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) - 13 en métropole et 10 en outre-mer - mais aussi le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont les crédits ont été intégrés au programme 164 depuis la LFI pour 2023.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (volume)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus en 2025

21 - Examen des comptes publics

AE

50,6

53,4

+ 2,8

+ 5,5 %

4,15

CP

50,6

53,4

+ 2,8

+ 5,5 %

4,15

22 - Contrôle des finances publiques

AE

19,3

20,1

+ 0,8

+ 4,2%

0,0

CP

19,3

20,1

+ 0,8

+ 4,2 %

0,0

23 - Contrôle des gestions publiques

AE

71,6

74,5

+ 2,9

+ 4 %

0,0

CP

71,6

74,5

+ 2,9

+ 4 %

0,0

24 - Évaluation des politiques publiques

AE

40,9

42,6

+ 1,7

+ 4 %

0,0

CP

40,9

42,6

+ 1,7

+ 4 %

0,0

25 - Information des citoyens

AE

8,6

9,1

+ 0,5

+ 5,3 %

0,0

CP

8,6

9,1

+ 0,5

+ 5,3 %

0,0

26 - Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

5,8

6,1

+ 0,3

+ 5,3 %

0,0

CP

5,8

6,1

+ 0,3

+ 5,3 %

0,0

27 - Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

56,0

58,2

+ 2,2

+ 3,8 %

0,05

CP

56,8

53,5

- 3,3

- 5,9 %

0,05

28 - Gouvernance des finances publiques

AE

1,4

1,5

+ 0,1

+ 11,4 %

0

CP

1,4

1,5

+ 0,1

+ 11,4 %

0

Total programme 164

AE

254,5

265,6

+ 11,1

+ 4,4 %

4,2

CP

255,3

260,9

+ 5,6

+ 2,2 %

4,2

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 260,9 millions d'euros en CP dont 234,7 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 2,2 % par rapport à 2024. Cette progression s'établit légèrement au-delà de l'inflation en 2025, les prévisions macro-économiques du PLF tablant en effet sur un taux de + 1,8 %.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE AUGMENTATION MESURÉE DES CRÉDITS, QUI TRADUIT DES EFFORTS DE RATIONALISATION SUR LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DU PROGRAMME

1. Une progression des dépenses de personnel en partie liée à la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de de près de 6,9 millions d'euros pour 2025, soit une hausse de 3 % par rapport à 2024. Hors CAS Pensions, ces dépenses connaissent une augmentation de 4,1 millions d'euros (+ 2), qui s'explique notamment par la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers dans le contexte de la réforme de la haute fonction publique. D'après la Cour des comptes, 5 millions d'euros seraient consacrés en 2025 à cette mesure.

Comme pour les magistrats administratifs, le rapporteur spécial estime cette revalorisation justifiée, afin d'éviter un décrochage des rémunérations des magistrats financiers avec le nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la haute fonction publique. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences d'une réforme résultant d'une décision gouvernementale.

S'agissant du plafond d'emplois, celui-ci est en baisse, passant de 1 830 à 1 825 ETPT. Cette baisse de 5 ETPT s'explique par une mesure de transfert liée au rattachement de la Commission d'évaluation de l'aide publique au développement au ministère en charge des affaires étrangères. En ce qui concerne le schéma d'emploi pour l'année 2025, celui-ci est neutre en 2025.

2. Une baisse des crédits hors titre 2 permise par des efforts de rationalisation des dépenses de fonctionnement

Hors titre 2, les dépenses sont, au niveau agrégé, en baisse de 5 % en CP, mais en hausse de 16 % en AE.

Comme le souligne la Cour des comptes dans ses réponses au questionnaire budgétaire, une grande partie des dépenses hors titre 2 sont des dépenses contraintes au titre du fonctionnement courant des juridictions financières et apparaissent quasiment incompressibles. Ce constat est illustré par exemple par l'occupation des bâtiments, pour lesquels les dépenses sont inévitables et soumises à des effets d'indexation. Des efforts sont toutefois menés par la Cour pour maitriser leurs dépenses de fonctionnement, grâce notamment à des initiatives visant à optimiser les procédures d'achats, à limiter les dépenses énergétiques, ou à renégocier systématiquement des baux externes lorsque ceux-ci arrivent à échéance.

B. LE RENOUVEAU DES MISSIONS ASSUMÉES PAR LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

1. Des nouvelles méthodes de travail plus transparentes et enrichies par la participation citoyenne

Depuis janvier 2023, la Cour des comptes publie l'ensemble de ses productions sur son site internet conformément à sa démarche 100 % publication. Si le rapporteur spécial salue cette démarche de transparence et d'ouverture aux citoyens, il s'inquiète toutefois des effets que cette publicité complète pourrait avoir sur le contenu même des rapports.

S'agissant de la mission de contrôle, la Cour a lancé en 2022 une plateforme citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles de citoyens, qui a, au vu du nombre de participants et du nombre de thèmes recueillis, rencontré un certain succès. En 2023, la campagne a réuni près de 20 000 participants, qui ont déposé 622 propositions de thèmes de contrôle, dont 10 ont été finalement été retenus par les juridictions financières. D'après les informations transmises par la Cour des comptes au rapporteur spécial, la campagne 2024 aurait connu une attractivité encore plus forte, comme le montre notamment la participation en hausse, avec 942 contributions, soit 320 de plus que l'année précédente.

Par ailleurs, la Cour des comptes a également lancé fin 2022 une plateforme de signalement, qui permet aux citoyens de signaler, en ligne, des irrégularités ou dysfonctionnements constatés dans le bon emploi de l'argent public. Au 1er janvier 2024, 1 200 signalements ont été déposés sur la plateforme.

2. La mission d'évaluation des politiques publiques confiée aux cours régionales des comptes a vocation à prendre de l'ampleur en 2025

À l'échelle de toutes les juridictions financières, le projet stratégique de réforme des juridictions financières, dit « JF 2025 », prévoit le développement d'une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques pour les CRTC.

Ainsi, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a reconnu aux CRTC une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales. Ainsi, l'article L. 211-15 du code des juridictions financières dispose désormais que la « chambre régionale des comptes contribue, dans son ressort, à l'évaluation des politiques publiques ». Les CRTC ne pouvaient auparavant prendre part à de telles évaluations que dans le cadre d'enquêtes menées conjointement avec la Cour.

Ainsi, les exécutifs locaux peuvent saisir, de leur propre initiative ou de celle de l'organe délibérant, la CRTC régionalement compétente aux fins de réaliser l'évaluation d'une politique publique relevant de la compétence des collectivités territoriales ou établissements publics auteurs de la saisine12(*). Un décret du 8 décembre 202213(*) précise les modalités de cette saisine et instaure également une faculté d'autosaisine pour les CRTC.

De plus, les exécutifs locaux peuvent saisir la CRTC pour avis « sur les conséquences de tout projet d'investissement exceptionnel dont la maîtrise d'ouvrage est directement assurée par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre »14(*).

En ce qui concerne le pouvoir de saisine par les exécutifs locaux, quatre saisines ont depuis été faites. La chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes a été saisie deux fois, en 2022 par la région pour évaluer la politique du matériel roulant ferroviaire, et en 2024 par le département de l'Ain pour évaluer sa politique culturelle. La première saisine a abouti en juin 2024, avec la mise en ligne d'un rapport d'évaluation. La CRC Hauts-de-France a également été saisie en 2023 par la région pour évaluer un fonds régional d'aide aux entreprises, ainsi que la CRC Grand Est en 2024 pour évaluer la politique de soutien aux aéroports régionaux. Si le nombre de saisine est encore limité, il n'est pas exclu que celui-ci augmente lorsque les collectivités se seront acculturées à l'évaluation et se saisiront pleinement de cette faculté.

La Cour des comptes a pour objectif de consacrer 20 % de ses ressources à l'évaluation des politiques publiques dès 2025. En revanche les CRTC fixent de façon autonome leurs objectifs la montée en puissance de leur nouvelle compétence évaluative.

3. La montée en puissance de la chambre du contentieux créée à la suite de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics

L'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 a créé un régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics, qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable, à partir du 1er janvier 2023.

En conséquence, le schéma contentieux de la responsabilité des gestionnaires publics a été unifié au profit de la 7ème chambre de la Cour des comptes. Cette chambre juridictionnelle a été créée par le décret n° 2021-604 du 18 mai 2021 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions administratives, à partir du 1er septembre 2021. À partir du 1er janvier 2023, une chambre du contentieux a succédé à la 7ème chambre, et exerce dès lors l'ensemble des compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes. Dans le même temps, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a été supprimée et les CRTC ont perdu leurs compétences juridictionnelles. La Cour d'appel financière complète la mise en oeuvre du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics. Elle a été installée le 17 juillet 2023.

Au cours de ses 18 premiers mois d'existence, la chambre du contentieux a instruit 83 affaires relevant du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP), dont 63 sur la base de réquisitoires du procureur général pris en 2023 ou 2024 et les autres sur la base de dossiers transmis par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) au titre des dispositions transitoires de l'ordonnance précitée. Sur la base de ces mêmes dispositions transitoires, elle a aussi instruit 16 affaires relevant de l'ancien régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.

Pendant la même période, la chambre du contentieux a rendu 27 arrêts : 14 au titre du jugement des comptes et 13 au titre de la RFGP qui ont permis d'apporter des premiers éléments de réponse aux principales questions juridiques nouvelles que soulève ce régime récemment institué.

L'activité de la Cour d'appel financière, qui dépend mécaniquement de celle de la chambre du contentieux et du taux d'appel, est en revanche toujours encore en phase de démarrage. Depuis son installation en juillet 2023, elle a été saisie de trois requêtes, dont deux sont encore en cours d'instruction. En régime de croisière, l'activité attendue est de l'ordre de 15 à 20 appels par an.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 29 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une hausse de 1,8 % des crédits de paiement de cette petite mission régalienne, pour atteindre 899,7 millions d'euros.

Je le précise d'emblée, la mission ne devrait être que marginalement concernée par les mesures d'économies que le Gouvernement présentera par voie d'amendement en cours de discussion. D'après les informations qu'il a communiquées à notre commission, il devrait proposer une minoration des crédits de la mission à hauteur de 2 millions d'euros, qui se traduira probablement par une diminution de la réserve de précaution.

Le budget du Conseil d'État et des juridictions administratives concentre à lui seul les deux tiers des crédits de la mission, et s'élève à 516,2 millions d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à l'année 2024.

Cette augmentation des crédits s'explique tout d'abord par une progression de près de 5 % des dépenses de personnel, en grande partie imputable à la poursuite du mouvement de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour laquelle une enveloppe de 8,8 millions d'euros est prévue. Cette mesure me semble nécessaire pour rapprocher les rémunérations des magistrats administratifs de celles du nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la fonction publique, dans un souci de préservation de l'attractivité des juridictions administratives.

Malgré la hausse des dépenses de personnel, l'année 2025 devrait être marquée par un gel des effectifs des juridictions administratives, et s'inscrira donc en rupture avec les exercices précédents. Les juridictions administratives ont pourtant bénéficié ces dernières années d'un renforcement substantiel de leurs moyens humains qui a porté ses fruits, puisqu'il a permis aux magistrats de stabiliser les délais de jugement malgré une pression contentieuse toujours plus forte.

J'attire votre attention sur le fait que le gel des effectifs des juridictions administratives en 2025 risque de les mettre sous tension, et pourrait conduire à un allongement des délais de jugement. Je conçois que cette stabilisation des effectifs puisse se justifier cette année par la nécessité de redresser nos comptes publics. Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion sur les moyens accordés aux juridictions administratives, dont les missions régaliennes me semblent devoir être préservées malgré le contexte budgétaire contraint. On ne pourra pas tout à la fois réduire les effectifs et les délais de jugement ; il faudra faire un choix.

La hausse des crédits du programme 165 s'explique également, dans une moindre mesure, par la poursuite en 2025 de projets immobiliers de grande ampleur, qui se traduit par une hausse de 5 % des dépenses d'investissement. Plus particulièrement, les travaux de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à Montreuil se poursuivront, et se traduiront par le décaissement de 38,7 millions d'euros de crédits de paiement.

Je souhaite par ailleurs saluer les efforts consentis par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Celles-ci connaissent une baisse notable de près de 7 % par rapport à 2024. La dématérialisation des procédures y est pour beaucoup : par exemple, l'application Télérecours, déployée en 2014, aurait permis de réaliser près de 5,3 millions d'euros d'économies en 2023. Je tiens également à saluer la décision du Conseil d'État et de la CNDA d'utiliser, dans le cadre de la territorialisation des procédures, les locaux des cours administratives d'appel, plutôt que de louer des bureaux.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève dans ce PLF à près de 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 % par rapport à 2024. Cette diminution des crédits, très importante en apparence, doit être nuancée, dans la mesure où elle résulte principalement d'une mesure de périmètre portant sur des dépenses de titre 2. En effet, la réforme des retraites de 2023 a abouti à la fin du régime spécial du Cese, ce qui implique qu'à compter de 2025, la dotation permettant d'équilibrer le financement de la caisse de retraite du Cese, structurellement déficitaire, ne sera plus supporté par le programme 126, mais par le budget de la sécurité sociale. En faisant abstraction de cette mesure de périmètre, la baisse des crédits du Cese est plutôt de l'ordre de 4 %.

Les crédits de fonctionnement du Cese sont également en baisse de 2 millions d'euros, mais les informations contenues dans les documents budgétaires, particulièrement lacunaires, ne permettent pas d'identifier avec précision les postes de dépenses sur lesquels portera cette économie. Lors de la présentation de mon rapport sur le PLF 2024, j'avais plus particulièrement fait part de mon scepticisme sur la budgétisation de l'enveloppe consacrée à la participation citoyenne. En l'absence de convention citoyenne en 2024, cette enveloppe n'a été exécutée qu'à hauteur de 1,3 million d'euros, contre 4,2 millions d'euros initialement ouverts. Pour l'année 2025, la justification au premier euro est muette sur le budget effectivement consacré aux dispositifs de participation citoyenne, ce qui n'est pas satisfaisant du point de vue de la bonne information du Parlement.

Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 2,2 % en crédits de paiement. Cette hausse résulte principalement de l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme. Les magistrats financiers bénéficieront cette année, comme leurs collègues des juridictions administratives, d'une mesure de revalorisation indemnitaire, pour laquelle une enveloppe de 5 millions d'euros est prévue. Ma position sera la même que celle que j'ai exprimée à l'égard de la revalorisation des magistrats administratifs : cette mesure est bienvenue, car elle permet d'éviter un décrochage de leur rémunération par rapport à celle des administrateurs de l'État. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences de la réforme de la fonction publique, qui résulte exclusivement d'une décision gouvernementale.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières connaissent une baisse de 5 %, que je salue particulièrement dans la mesure où il s'agit essentiellement de dépenses contraintes et quasiment incompressibles. Cette baisse traduit donc les efforts de la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, en optimisant par exemple ses procédures d'achats ou en limitant ses dépenses énergétiques.

En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission, dont la progression apparaît raisonnable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Cette présentation est sincère et objective. Un travail devra être mené pour analyser les évolutions constatées dans les juridictions administratives, et regarder notamment si l'augmentation du nombre de saisines n'est pas due à la systématisation, par certains, des recours.

Il faudra étudier également les moyens mobilisés en interne par le Conseil d'État pour traiter davantage de dossiers et voir si le travail est optimisé afin de consacrer le plus de temps possible aux dossiers les plus complexes. Je souscris à cet égard aux remarques du rapporteur spécial.

J'ai bien compris par ailleurs qu'une diminution du nombre de concertations citoyennes engendrait des économies. Je laisse la paternité de cette observation avisée à notre rapporteur spécial...

Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur spécial de ses commentaires pertinents. Sur le dernier point évoqué par le rapporteur général, j'aurais peut-être des nuances à apporter. Je partage néanmoins plusieurs des commentaires qui ont été faits.

De nombreuses difficultés tiennent à l'augmentation des délais de jugement. Le nombre de procédures est en hausse, notamment pour les contentieux. Or ces derniers doivent être jugés rapidement, particulièrement en droit des étrangers. Le traitement des dossiers en attente prend donc du retard et le stock des dossiers en souffrance augmente, alors qu'il avait tendance à diminuer. N'est-il pas risqué de laisser ainsi s'accumuler ce stock ?

La Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui deviendra le tribunal du stationnement payant en janvier 2025, est également en difficulté. Censée traiter 120 000 affaires par an, elle reçoit près de 180 000 requêtes et affiche des délais de jugement de deux ans et un stock d'environ 225 000 demandes.

Dans un tel contexte de hausse du nombre de contentieux, on voit mal comment les objectifs de délai pourraient être tenus à moyens constants. Je partage à ce sujet la remarque du rapporteur spécial. La poursuite cette année de la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers est en revanche à saluer compte tenu de l'importance du travail à mener.

M. Marc Laménie. - La répartition des effectifs entre le Conseil d'État et les tribunaux administratifs est-elle connue, ainsi que leur répartition entre la métropole et les outre-mer ? De même, connaît-on la répartition des effectifs entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ? Qu'en est-il par ailleurs de leur progression ?

M. Stéphane Sautarel. - Pourriez-vous nous éclairer sur l'activité du Cese, dont le coût, la pertinence et l'efficacité prêtent parfois à discussion ? Pourquoi n'avez-vous pas proposé d'amendement sur son plafond d'emplois, porté dans le PLF 2025 de 154 à 155 équivalents temps plein (ETP), alors que la consommation actuelle apparaît inférieure aux autorisations reçues ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Le contexte budgétaire est tendu : on recherche des économies partout. En outre, la Cour des comptes n'est pas le dernier organisme à avoir pointé du doigt les dérapages budgétaires de l'État. Pourquoi voit-elle ses crédits augmenter de 2,2 %, quand ceux du Sénat, de l'Assemblée nationale et de l'Élysée sont maintenus à un niveau identique à celui de l'an passé ? Un amendement pourrait-il être présenté à ce sujet ?

M. Michel Canévet. - Je m'inquiète également de l'évolution des crédits de cette mission, alors que l'on peut douter de la qualité de gestion des comptes de l'État.

Je m'inquiète surtout de l'évolution à la hausse du stock d'affaires en attente dans les juridictions administratives, de 25 % depuis 2017. L'augmentation des effectifs est-elle la seule solution à y apporter ? D'autres pistes ne pourraient-elles pas être étudiées : imposer des droits à payer pour pouvoir déposer plainte, par exemple, ou simplifier certains documents administratifs afin d'éviter que la saisine du tribunal ne conduise automatiquement à des mises en cause ?

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - On constate une augmentation des contentieux dans tous les domaines. Le rapport présente des statistiques précises à ce sujet. Mon expérience de maire est à cet égard assez parlante : alors que je ne me suis jamais rendu au tribunal au cours de mes quatre premiers mandats, j'y suis allé trois fois durant le cinquième et sept fois durant le sixième ! Nous en sommes là.

Le nombre de recours en matière de stationnement payant explose également, malgré les efforts effectués pour faire face à cette nouvelle donne. La crise du covid-19 a notamment bouleversé les méthodes de travail des juridictions, en augmentant le télétravail et en affectant à d'autres tâches les personnels chargés de ranger des dossiers sur les étagères. Le télérecours rationalise en outre la gestion des tribunaux.

Le nombre de dossiers en attente à la CCSP ne cesse de croître. Les transferts d'effectifs réalisés se sont révélés insuffisants pour y faire face.

Pour répondre à Marc Laménie, on dénombre 649 personnels au Conseil d'État, 2 390 dans les tribunaux administratifs et 642 au sein des cours administratives d'appel.

L'évolution à la hausse des crédits de la Cour des comptes s'explique par la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers, qui est elle-même la conséquence directe de la réforme de la haute fonction publique décidée exclusivement par le Gouvernement. Sans cette revalorisation, nous risquions de nous retrouver avec des personnels de moindre qualité. Il est vrai néanmoins que cet alignement des rémunérations des magistrats financiers sur celles des administrateurs de l'État, bien que nécessaire, est coûteux. Pour autant, je préfère la Cour des comptes aux cabinets de conseil, elle coûte moins cher.

Pour répondre à Michel Canévet, les administrés attaquent désormais les communes, les intercommunalités, les départements ou les régions, pour un oui ou pour un non. Une personne qui se tord le pied dans un trou peut attaquer la mairie pour la mauvaise qualité du chemin. Une réflexion est nécessaire sur ce point.

La CNDA, qu'on désigne couramment comme la juridiction du « chaos du monde », fait également face à un afflux conséquent de dossiers.

Enfin, j'avais déposé un amendement au PLF 2024 visant à diminuer les crédits du Cese. Au vu du tsunami qu'il a provoqué, j'ai compris qu'il était préférable de le retirer. Il ne faut pas qu'une assemblée s'immisce dans la gestion d'une autre assemblée. Je n'en déposerai donc pas cette année, mais M. Sautarel peut le faire s'il le souhaite...

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES ET DES DÉPLACEMENTS

Conseil d'État et juridiction administrative

- M. Thierry-Xavier GIRARDOT, secrétaire général ;

- Mme Cécile NISSEN, secrétaire générale adjointe ;

- M. Jean-Noël BRUSCHINI, directeur de la prospective et des finances ;

- M. Olivier MASSIN, secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile.

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- Déplacement à la Cour des comptes, 24 octobre 2024 -

Cour des comptes et Haut conseil des finances publiques

- M. Pierre MOSCOVICI, Premier président ;

- Mme Maïa WIRGNI, secrétaire générale ;

- M. Hakim KHELLAF, secrétaire général adjoint ;

- M. Richard CHREBOR, directeur des affaires financières et du contrôle de gestion.

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- Contributions écrites -

Conseil économique, social et environnemental

Syndicats des magistrats administratifs

- Union syndicale des magistrats administratifs ;

- Syndicat de la juridiction administrative.

Syndicat des juridictions financières

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Ces crédits étaient rattachés à l'action 5 « Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités » en LFI 2024.

* 2 Il s'agit du coût de la mesure en année pleine sur l'exercice 2022 et qui concerne 1 270 magistrats.

* 3 Rapport d'information n° 604 (2023-2024) du 15 mai 2024, déposé au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac.

* 4 Recommandation n° 8 du rapport d'information n° 604 (2023-2024) du 15 mai 2024, déposé au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac.

* 5 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 6 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 7 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 604 (2023-2024) du 15 mai 2024, déposé au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac.

* 8 Deux chambres territoriales ont été mises en service à Lyon.

* 9 Jusqu'en 2023, les crédits devaient être débloqués par le Gouvernement.

* 10 Rapport d'information n° 791 (2022-2023) de M. Christian BILHAC, fait au nom de la commission des finances sur l'activité du Conseil économique, social et environnemental consacrée à la participation citoyenne.

* 11 Au 10 octobre 2024.

* 12 Article L. 235-1 du code des juridictions financières.

* 13 Décret n° 2022-1549 du 8 décembre 2022 relatif à l'évaluation des politiques publiques territoriales par les chambres régionales des comptes.

* 14 Article L. 235-2 du code des juridictions financières.

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